LES ANTICORPS ANTI-ESTOMAC
(*)
Par A. EYQUEM e t I. DE SAINT MARTIN
(Paris)
Depuis 15 ans, les preuves de l'intervention d'un processus immunologlque dans la pathog6nie de diff4rents syndromes se sont accumuldes. Les explorations cliniques et l'expdrimentation ont permis de mettre en 4vidence des signes d'auto-immunisation vis-?t-vis de diff&ents antighnes tissulaires sous la forme soit de r4actions d'hypersensibilit6 retardde, difficile ~ @aluer quantitativement, soit de signes de r6actions humorales. L'estomac s'est r4cemment r6v616 d'un intdr4t majeur du fair que le systhme des cellules immunocomp4tentes, contenues dans la muqueuse gastrique, s4crhte dans certains cas des anticorps actifs sur les constituants de cette muqueuse. Cette situation est analogue h celle qui a 6t6 observ4e dans la thyroide 06 les mononucl4aires qui l'infiltrent contiennent des antieorps anti-thyroglobuline. I1 en est de m4me de l'uv4e et de la synoviale rhumatoide.
Les anticorps anti-estomac comprennent principalement les anticorps anti-cellules bordantes et les anticorps anti-facteur intrins~que. Les ant/corps anti-muqueuse gastrique ont d'abord dt4 d4eelds h l'aide de fixation du compl4ment avec une fr4quence variable selon les eas, notamment au tours des an4mies pernieieuses : 4 z p. cent pour MARKSON et coil. (196z), 75 P" cent pour IRVINV. et DAvI~s [zz, z3] et 35 P. cent des gastrites atrophiques. Ces anticorps sont spdcifiques d'organe. Ils r4agissent avec la fraction des microsomes de la muqueuse fundique existant dans l'estomae d'animaux de diffdrentes esphces : homme, singe, lapin, cobaye, rat, bceuf, mouton et porc. Ainsi, ils diffhrent de l'anticorps anti-microsomes des cellules thyroidiennes qui, chez ]'homme, ne r6agit qu'avec la thyro/de humaine ou la thyroide de singe. (*) [Travail pr4sent6 auk ffourndes Nationales d'Allergologie de Clermont-Ferrand, 5 et 6 j u i n 1970].
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Rev. frat~e. Aller9ol., 1971, 11 (3), 239-248
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L'antighne n'existe pas dans le pylore ou les autres parties du tube digestif. L'antig~ne utilisable pour la fixation du complement peut 4tre obtenu h partir de muqueuse gastrique de fundus du sujet de groupe O, op4r6 d'ulcbre duod4nal ou gastrique. On r4alise une premiere eentrifugation h 800 g pendant lO minutes, la phase sup4rieure est ensuite centrifug4e h 40 ooo tours darts une Spinco L. Le s6diment est remis en suspension dans un tampon borate. L'antig4ne peut 4tre aussi extrait h partir d'estomac de singe, de lapin on de bceuf.
L'anticorps anti-cellules pari~tales. L'immunofluorescence a montr4 que l'anticorps anti-muqueuse gastrique se fixait sur le cytoplasme des eellules bordantes (ou pari4tales) de muqueuse gastrique provenant de rats, d'hommes [z2] on de singes. Le substrat le plus int4ressant est fourni par les pr41bvements de muqueuse gastrique obtenus aprbs gastrectomie pour ulcbre duod'nal. En ce qui nous concerne, nous avons utilis4 des pr61bvements provenant de singes sacrifi4s et pr6sentant done un 4tat de conservation optimale. L'antigbne correspondant est situ~ dans le cytoptasme des cellules bordantes ou pari6tales de la nluqueuse gastrique. Cet antighne est probablement une prot4ine insoluble qui est un eonstituant des membranes lisses intraeellulaires associ4es aux mierosomes (et non aux ribosomes) [5, 35]. La recherche des anticorps anti-eellules bordantes est r4alis6e ~t l'aide de coupes de fragments de muqueuse gastrique (conserv6s dans l'azote liquide) et obtenue sous une 4paisseur de 4 V au eryostat (PEARSE-~RIGHT,~/[ASSON,Bruxelles) On ddpose sur les coupes (s4ch4es au ventiIateur) o,1 ml de chaque s4rum dilu4 au 1/5, dans le tampon de Coons. Aprhs 30 minutes de contact, on r6alise 3 lavages au tampon de Coons. La fixation de l'antieorps est r4vd16e ~t l'aide de l'immun-s4rum fluorescent dilu~ au 1/6o ou 1/8o (immun-s4rum fluorescent de lapin antiglobulines humaines marqu6 h l'isothiocyanate de fluoresc4ine, Institut Pasteur). Apr~s 3 nouveaux lavages 4liminant l'immun-s4rum fluorescent non fix6, on monte sous lamelle avec 1 goutte de glyc6rine tamponn4e ~i pH 7,6. La lecture doit 4tre effectu4e dans les 3 heures qui suivent la prdparation. L'anticorps anti-cellules bordantes est facilement reconnu du fair de la disposition de ces eellules. I1 ne peut 4tre confondu avec l'anticorps anti-mitochondries qui se fixe sur la r4gion p&inucl4aire des eellules principales et bordantes. Il y a tout lieu de penser que c'est le m4me anticorps qui est d4cel6 soit par fixation du coinpl6ment soit par immunofluorescence. Cette technique 4tant plus sensible, il est normal qu'elle soit seule ~i donner un r4sultat positif dans environ 30 p. cent des cas. L'immunofluoreseence permet de le d4celer : dans 9o p. cent des cas d'andmie pernicieuse ~g6s de moins de 60 ans; -
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dans 75 P. cent des cas d'andmie pernicieuse figds de plus de 60 ans; chez 5o p. cent des femmes atteintes de gastrite atrophique sans trouble d'absorption de la vitamine B 12 (et seulement chez lo p. cent des hommes) [lO, z3, 36]. -
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I1 est aussi ddcelable chez : - - z 5 p. cent des parents de bierm&iens [31]; - - 33 P. cent des diffdrentes thyroidites et thyrotoxieoses [36]; 33 P. cent d'insuffisance surrdnale idiopathique; ao p. cent des diabdtes sucr4s; ao p. cent des andmies hypochromes essentielles; 15 p. cent des cancers de l'estomac, sans relation avec la localisation et l'extension de la tumeur. Les antieorps anti-cellules bordantes ne s'observent pas, en principe, ehez les adultes atteints d'an4mie par carence de B lz provoqude par : - - la sprue; le Diphyilobothrium latum ; un trouble de l'absorption de ]a vitamine B l z d'origine familiale. Ainsi, l'absence d'anticorps anti-cellules bordantes dolt inciter ~ rdviser le diagnostic d'andmie mdgaloblastique. Chez les sujets normaux, la frdquence de I'anticorps anti-cellules bordantes varie en fonction de l'flge, elle est de : z p. cent entre 1 et 30 ans; - - 8 p. cent entre 3o et 6o ans; 16 p. cent apr~s 60 ans [lo]. Cette frdquence n!est pas modifide dans le cas de gastrite aprhs gastrectomie ou associde au cancer de l'estomae. L'accroissement de la frdquence de l'anticorps en fonction de l'fige est lid au d~vetoppement des 14sions de la muqueuse gastrique; la prdsenee d'anticorps dans le sdrum s'aeeompagne presque 5 coup stir de gastrite avee disparition plus ou moins importante des cellules paridtales. L'anticorps est pr4sent essentiellement dans ]es IgG, mais il se retrouve aussi dans les IgA et les IgM. La rdpartition des anticorps anti-cellules bordantes, dans les 3 classes de globulines, a dt6 recherchde 5 la lois chez les biermdriens et au eonrs des affections thyroidiennes. Chez t o u s l e s malades, ils se retrouvent dans les IgG mais de plus dans les IgM chez certains biermdriens et thyro'/diens et dans les IgA chez des thyroidiens (CRucHAUD e t JUDITZ [91)" Mais chez io p. cent des bierm4riens, cet anticorps n'est pas ddeeld dans le sdrum en immunofluoreseenee. I1 est indiqu6 de ]e rechercher aussi dans le suc gastrique, surtout depuis que FISHER et REEs l'ont observd dans la classe des IgA clans le liquide gastrique [14]. -
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Les anticorps anti-facteur intrins~que. L'antig~ne correspondant au facteur intrins6que est present dans le sue gastrique et dans la muqueuse ; il peut ~tre isol6 par chromatographie sur D.E.A.E. et
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sur Sephadex. Lc P.M. de 54 ooo correspond h la forme monom~re; le P.M. de 85 ooo eorrespondrait ~ la forme dimhre en pr4sence de B 12. On estime qu'une mol4cule de facteur intrinshque se combine 5 une mol6cule de B 12 en 2o secondes. Le complexe I.F.-B 12 est absorb6 par l'interm4diaire de r&epteurs intestinaux, dans les cellules de la muqueuse il4ale. A ee niveau, il y a rupture du complexe et passage de la B 12 dans le courant circulatoire; celle-ci est cnsuite stock6e dans le foie. - - Chez l'homme, le facteur est loealis~ dans le corps et le fundus de l'estomac ; il est absent du pylore. I1 est s4cr4t4 dans les mitochondries des cellules pari4tales, situ~es au 2e tiers des colonnes des glandes fundiques. - - Chez le pore, il existe dans le pylore. - - Chez le rat et la souris, il esk s6cr&4 par les cellules principales [21]. On distingue en rdalit6, 3 types de fixateurs de B l a dans le sue gastrique : le facteur intrins6que; le facteur intrinshque altfr4 par la pepsine; les fixateurs diffdrents de I'I.F. (r4sistant 5 la pepsine). Les anticorps anti-I.F, ont d'abord 6t4 d6cel6s chez des biermdriens devenus r~sistants au traitement par des extraits de muqueuse gastrique de pore. On a constat4 que l'apparition d'anticorps anti-I.F, est d'autant plus importantc que I'[.F. est plus purifi& La raise en 6vidence d'anticorps anti-faeteur intrins~que a 4t4 effectu4e par TAYLOR [30] dhs 1959 et SCHWARTZ (1960) qui ont observ6 que lo ml de strum de bierm4riens non traitfs administr4s 5 un autre biermfrien, en m4me temps que du facteur intrinshque inhibaient l'absorption de la vitamine B 12. Ces anticorps sont de deux types suivant leur aptitude 5 : - - bloquer la combinaison de I'I.F. avec la B 12 ; - - se fixer sur le complexe I.F.-B 12 [a7, 28]. La recherche des anticorps bloquants est pratiqude selon la mfthode au charbon d'AxDEMAN et CItANA~IN [2, 3]" Le strum est mis en contact avee la quart2 tit4 de suc gastrique capable de fixer 5 ng de vitamine B 1~. Apr~s 3o minutes de contact, on ajoute la vitamine B 12 marqude, puis le eharbon. -
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Si le s~rum confient un anticorps de type bloquant, on retrouve une quantit6 importante de vitamine B 12 libre sur le eharbon, puisque l'antieorps a ~ bloqu4 ,, les sites de liaison de I'I.F. 5 la B ~2. L'4limination de la B ~2 non fixde peut aussi 4tre r6alisde par dialyse, adsorption sur gel de phosphate ou sur gel d'acrylamide. La pr&ence de cet anticorps a fit4 confirm6e par 4lectropbor&se sur papier ou sur gel d'amidon. L'anticorps fitait d4cel4 dans 33 P. cent des cas en utilisant un faeteur intrinshque de porc et dans 45 P. cent des cas avec un facteur intrinshque d'origine humaine. En utilisant une plus grande quantit4 de strum on peut obtenir une r6action positive dans 57 P. cent des cas (ROITT, 1964).
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L'anticorps de liaison se fixe sur un site diff4rent de celui qui est responsable de la combinaison ~ la vitamine B 1 z. Get anticorps est ddcel4 ~ l'aide du complexe I.F.-B 12 qui peut 4tre pr4cipit6 par le sulfate d'ammonium ou l'4thanol, par 41ectrophor~se sur gel d'amidon ou d'acrylamide, immunodiffusion et immuno-4Iectrophor6se avec autoradiographie. Pour eette dernihre technique, le s&um contenant l'antieorps est soumis h l'41ectrophorhse en g41ose; on d4pose dans la goutti&e le complexe I.F.-B 12 m61ang6 h un volume 4gal de s4rum antiglobulines humaines. L'arc de pr6cipitation apparait en quelques heures. On r6vhle la radioactivit4 par autoradiographie (film Kodirex, Kodak). L'anticorps de liaison s'observe dans 39 P. cent des cas de Biermer; il est presque toujours associ4 h l'anticorps bloquant, celui-ci peut s'observer seul darts 2o p. cent des cas environ. Les deux anticorps peuvent 4tre s4par4s par chromatographic, sur Sephadex. Au total, les anticorps anti-I.F, s'observent dans le s4rum de : - - 40 ~ 60 p. cent des bierm4riens et sont ~ peu prhs sp6cifiques de cette affection ; - - 3 P. cent des cas d'affection thyroidienne; - - 9 P- cent des cas de cancer de l'estomac avec un procesuss d'an6mie pernicieuse assoei4e [13] chez de rares malades ayant une absorption normale de B 12 avec une gastrite plus ou moins importante. On peut supposer que ces malades qui pr4sentent des anticorps s4riques, n'ont pas d'anticorps aetifs dans la muqueuse gastrique. Chez les bierm6riens on observe les anticorps bloquants, seuls, ou assoei4s aux anticorps de liaison. L'anticorps anti-I.F, est en g4n4ral une IgG. Darts certains cas, c'est une IgA qui peut 4tre d4cel4e h la fois dans le s&um et dans la salive I61. L'examen simultan4 du sue gastrique et du s4rum a montr4 que l'anticorps anti-I.F, s'observe chez 9o p. cent des malades. Chez 30 p. cent des individus environ, l'anticorps n'est d6cel4 que dans le suc gastrique; c'est une IgA. Sa production peut 4tre raise en 4vidence par immunofluorescence dans les mononucl4aires de la muqneuse gastrique. I1 n'y a pas de relation entre le titre de l'anticorps dans le suc gastrique et son titre dans le s&um. Chez certains malades (RosE, 1969) l'anticorps gastrique 6tait une IgA alors que l'anticorps s&ique 4tait une IgG. Les antieorps anti-I.F, sont en g6n4ral assoei4s ~ des 14sions graves de gastrite atrophique, avec achlorhydrie histamino-r4sistante. Chez les bierm4riens adultes, les antieorps anti-I.F, sont en principe associ4s l'anticorps anti-cellules pari4tales mais cette relation n'est pas constante [32, 33]. Chez les jeunes bierm6riens l'association est exceptionnelle. L'anticorps anticellules pari4tales est le plus souvent absent. La forme juv4nile d'an4mie pernicieuse est rare, elle peut s'accompagner d'auto-immunisation int4ressant h la lois la muqueuse gastrique, les surr4nales et les parathyroides, avec ~laboration d'anti-
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corps anti-I.F, alors que l'anticorps anti-cellules pari6tales n'existe que chez lo p. cent. Elle pr6sente probablement une constante gdn&ique [lo]. L'intervention des facteurs h&dditaires est aussi prouv4e par l'apparition simultan4e de l'an4mie de Biermer chez certains vrais jumeaux. La pathogdnie de l'andmie pernicieuse peut 4tre attribu6e h une auto-immunisation contre les cellules bordantes, entrainant une diminution de la production d'HC1 avec atrophic de la muqueuse et carence en facteur intrinshque. L'dtude de biopsies d'estomac, effectu4es chez des bierm&iens, a montr4 la prdsence de cellules mononuc144es contenant des anticorps contre les cellules bordantes et contre le facteur intrinshque (GoLDB~RC et SHYSTER [19]). A l'opposd du rein et du occur, le tractus digestif cornporte de nombreuses cellules immunocomp4tentes. La production d'IgA est sup6rieure h celle de l'IgG ou de l'IgM; le rapport des cellules productrices est de zo pour I. Le liquide gastrique contient souvent un anticorps de type IgA (lrS), antifacteur intrins6que. L'IgA (11S) s4cr4tde est constitude d'IgA (7S) et d'un constituant de transport, qui serait produit par les cellules glandulaires. Au tours des affections gastriques avec inflammation, l'auto-anticorps IgA (7S) est produit localement puis en pattie polym4ris4 pour former l!!gA (11S) (BAuR et coll. [4])I1 existe une relation entre la pr4sence des anticorps anti-estomac et l'aspect morphologique et fonctionnd des glandes gastriques; la fr4quence des anticorps augmente avec l'intensit4 des modifications histologiques et la diminution de la s6cr6tion [14]. L'anticorps anti-I.F, diminue l'absorption de la B lZ au cours de l'an6mie pernicieuse; cette absorption est meilleure avec du facteur de pore qu'avec du facteur humain, ce qui est contraire ~ l'observation faite chez les t4moins normaux. L'existence d'antig~nes communs entre les facteurs intrins~ques d'origine humaine et porcine a dt4 invoqu4e mais, chez les bierm6riens, les anticorps anti-facteur intrins~que ne sont pas cons6cutifs au traitement. Ils ont 6t6 aussi observ6s ehez des sujets non trait4s (TAYI~OR, 1959 et SCHWARTZ, x96o ) . L'observation d'enfants qui avaient 6t6 soumis, au cours de la vie intra-utdrine, l'action d'anticorps anti-I.F, d'origine maternelle, indique que cet anticorps peut inhiber la synth~se ou la lib6ration de I'I.F. gastrique, mais ce n'est pas une r~gle absolue [~6, r9]. Le pouvoir pathog~ne des anticorps anti-I.F, est encore discut6 : il pourrait neutraliser localement I'I.F. par trois m6canismes : l'exsudation plasmatique; la ddglutition de salive; la production locale, par les mononuc16aires de la muqueuse gastrique. I1 faut souligner l'importance des auto-anticorps de la classe des IgA d'origine gastrique ou salivaire qui sont plus r&istants ~ la protdolyse enzymatique que les anticorps de la classe des IgO. -
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A l'encontre de l'importance des anticorps sEriques on doit signaler que l'immunisation de volontaires atteints d'anEmie pernicieuse rEalis4e avec de I'I.F. de porc avec adjuvant de Freund est suivie de l'apparition d'anticorps homologues, mais sans modification de l'absorption de la vitamine B lz. Cette observation inclique que l'immunit6 tissulaire joue un rhle important dans l'inhibition. On ignore encore l'importance des processus d'hypersensibilit4 retard6e, au cours des gastrites atrophiques ou de l'anEmie pernicieuse. L'importance de cette hypersensibilit6 retardde peut 4tre soulign4e en tenant compte de l'apparition de l'anEmie pernicieuse chez des malades atteints d'hypogamma-globulin6mie, ne possEdant pas d'anticorps anti-cellules pariEtales s&iques, malgr~ l'existence d'infiltrats de mononuclEaires dans la muqueuse gastrique.
L'exp&imentation eonfirme l'intervention de proeessus immunologiques intSressant la muqueuse gastrique. L'action de sdrums eytotoxiques actifs sur la muqueuse gastrique ou (( gastrotoxiques ,, a 4t6 recherch4e d5s le ddbut du sihcle 5 la suite des travaux de METCtINIKOFF et de son Eeole (R. DUIARRm DE LA RIVI/~RE et A. EYQVE• [11]). Llmmun-serum de chevre anti-muqueuse gastrique de ehien, s'est revele actif au cours des exp&ienees de TH~OHARI et BABES (1903) , de m4me que l'immunsdrum de lapin (LION et FRANCAIS, 19o6, cit4s p. 30 in [rl]). Plus rEcemment, WALDm~ [34] a montr4 que l'injection de s6rum anti-muqueuse gastrique ehez des chiens, porteurs d'une poche de Heidenhain, provoque une hypoehlorhydrie permanente avec atrophic de la muqueuse gastrique d6celable en histologle. L'injeetion d'immun-sdrum de lapin anti-muqueuse gastrique de eobaye, provoque ehez cet animal des lesions de type Arthus avec dilatation des eapillaires et foyers de polynuclEaires neutrophiles (HAvSAMEN [ao]). Des isos&ums (( gastrotoxiques ~ ont 4t4 pr@ards et Etudi6s ehez le lapin dhs 1923 par MIYACAWA. Ce dernier auteur semb]e avoir Et6 le premier 5 r6aliser une auto-immunisation anti-gastrique ehez le lapin [11]. Les tentatives de production de gastrite, par immunisation de muqueuse gastrique, qui n'avaient pu 4tre r6alis4es avec suce6s par TAYLOR (1959) ehez le rat, ou COCHILL (x960) ehez le cobaye, ont 6t6 rdussies ehez le ehien par HENNES (196o) et FIXA (1964 [17]). Nous avons observe que les auto-antieorps anti-muqueuse gastrique peuvent aussi apparaltre aprhs immunisation de lapin avee des broyats d'estomae de singe, de eobaye, de rat ou de lapin. Ces antieorps sont d4celables par immunofluoreseence et fixation du complement [zS]. La constitution d'une gastrite allergique est difficile 5 affirmer dans ce cas, Ia paroi stomacale des animaux-tdmoins prEsentant aussi de nombreux infiltrats lymphocytaires (J. VE SAINT MARTIN et A. EYQUEM [25]. TO~E 11, No 3, 1971
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Les auto-anticorps anti-muqueuse gastrique peuvent aussi apparaitre chez le lapin aprhs immunisation vis-h-vis de suspension de bact&ies Gram negatives E. Coli ou Salmonella. Ces anticorps sont de sp6cificit4 multiple. Les anticorps correspondent surtout au mucus de l'6pith41ium fundique on des glandes pyloriques, mais l'antieorps anti-cellules bordantes n'est pas Evident (J. DE SAINT MARTIN et A. EYQUEM [z6]). Les auto-anticorps anti-pepsinog&nes ont aussi dtE observ6s chez des lapins immunis& contre les pepsinog&nes de porc. II s'agit bien d'auto-anticorps ear ils sont actifs sur les pepsinog&nes de la muqueuse gastrique de l'animal immunis~ comme le montre l'immuno-dectrophor4se (J. DE SAINT MARTIN [24] ) . Chez le Macacus rh&us, l'immunisation 5 l'aide de suspension de muqueuse gastrique de singe, avec adjuvant de FEcund entralne l'apparition d'anticorps contre les eellules bordantes d4celables par immunofluorescence, fixation du compl& mint et hEmagglutination passive. I1 s'agit bien d'auto-anticorps dont l'activit6 a dr4 v4rifiEe vis-5-vis de la muqueuse gastrique de l'animal; ils sont associ4s 5 une hypersensibilit6 retard& vis-5-vis des antig&nes de la muqueuse gastrique. L'histologic rEv61e une gastrite multi-focale chronique avee infiltrations monocytaires (A~rDRADA, R O S E e t coll. [1]). Le pouvoir pathog6ne de l'anticorps anti-cellules bordantes est d~montr4 par la diminution de la production d'HCI lorsqu'on injecte au rat la fraction extraite d'un s&um de bierm&ien, 5 forte concentration d'anticorps (GLASS [18]). La production d'anticorps anti-I.F, a ~t4 r&lisde ehez l'animal par TAYLOR et MORTON en 1958, qui ont obtenu un s&um de lapin anti-I.F, de porc et anti-I.F. humain. L'anticorps 4tait d&elable par pr6cipitation. Les anticorps anti-I.F, peuvent dtre produits par immunisation de lapin l'aide d'I.F, de porc purifi6 ou de broyat de muqueuse gastrique d'homme ou de singe. L'immunisation par voie parent6rale contre I'I.F. provoque l'apparition d'anticorps homologues, sans rdaction d'hypersensibilit6 retard6e et sans neutralisation de I'I.F. donn6 par voie orale (HEaB~RT). Ceei permit de penser que les anticorps anti-I.F, doivent &re pr&ents dans les s~cr&ions gastriques pour neutraliser le facteur intrins~que. Les anticorps anti-facteur intrins~que, ainsi que les auto-antieorps anti-muqueuse gastrique peuvent 4tre provoqu~s chez le porc, en m4me temps qu'une gastrite exp&imentale, par injection de broyat de muqueuse gastrique autologue ou homologue; l'histologie r6v~le une atteinte quasi sp&ifique de cellules bordantes (CRolv~, ~968) • CONCLUSIONS
Les Etudes poursuivies depuis lO ans ont apport6 la preuve de l'existence de signes d'auto-immunisation au cours des gastritis atrophiques et de l'anEmie pernicieuse. L'exp&imentation a permis de rEaliser un mod61e immnnopathologique de la gastrite, mais non de l'an@mie pernieieuse. II existe eertainement une eomposante g6nftique dans le d4elenehement de l'affection, mais Ie mfcanisme de e e -
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LES ANTICORPS ANTI-ESTOMAC lui-ci est e n c o r e ignord. L ' i m p o r t a n c e des processus d ' h y p e r s e n s i b i l i t 6 retard4e n ' e s t pas e n c o r e d d m o n t r 4 e . P a r m i les anticorps sdriques, o n d o l t accorder u n e place m a j e u r e h eeux qui s o n t sdcrdtds par la m u q u e u s e gastrique ; ainsi le processus d ' a u t o - i m m u n i s a t i o n fair i n t e r v e n i r u n conflit e n t r e d e u x groupes cellulafres situds dans ]e m 4 m e organe, fait assez rare en i m m u n o p a t h o l o g i e . [Institut P a s t e u r , 75-Paris],
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rue
du
D r Roux,
RI~SUMI~ Les antieorps anti-eellules pari4tales (OR bordantes) sont essentiellement d4celds par immunofluorescence indirecte el1 utilisant des coupes (non fix4es) de qumuquse gastrique (d'homme, de singe et de rat). IIs s'observent dans le s4rum chez : - - 75 a 9o p. cent des eas d'an4mie peruicieuse, - - 5 ° p. cent des gastrites atrophiques chez la femme, - - 3 ° p. cent des thyroidites ou thyrotoxieose et 16 p. cent des normaux ~g6s de plus de 6o ans. Les antieorps sont aussi produits loealement clans la muqueuse gastrique et exerdt6s dans le liquide gastrique. Los anticorps anti-faeteur intrins6que sont : soit capables de bloquer la eombinaison de I F avee B 12, soit aptes & se fixer sur le complexe IF-B 12. Ils s'observent darts le s6rum de 4o ~ 60 p. cent des bierm6riens mais sont parfois pr6sents dans le liquide gastrique et absents dans le sdrurn. L'exp6rimentation animale nons a confirm6 l'apparition possible d'auto-anticorps anticelinles paridtales, anti-faeteur intrins~que et anti-pepsinog6ne, notamment apr6s une immnnisation r6alisde avec des antig6nes d'origine hdt4ro-sF4eifique.
SUMMARY ANTI-GASTRIC ANTIBODIES The anti-parietal (or border) cell antibodies are mainly found by means of indirect immunofluorescence using (unfixed) sections of the gastric mucosa (of humans, monkeys and rats). They can be seen in the serum in 75 to 9o per cent of eases of pernicious anaemia, in 5o per cent of atrophic gastritis in women, in 3o per cent of thyroidites or thyrotoxicoses and in 16 per cent of normal subjects over sixty. Tile antibodies are also produced locally in the gastric mueosa and excreted in the gastric juice. The anti-intrinsic factor antibodies are able either to block the combination of the intrinsic factor with B 12 or to fasten on to the intrinsic factor-B 12 complex. They can be seen in the serum in 4 ° to 6o per cent of pernicious anaemia cases but they are sometimes present in the gastric juice and absent from the serum. Experiments on animals have confirmed the possible appearance of antiparietal cell, antiintrinsic factor and anti-pepsinogenous auto-antibodies, notably after immunization carried out with antigens of hetero-specific origin.
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A. EYQUIEM ET 1" DE SAINT MARTIN
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REVUE FRAN(~AISE D'ALLERGOLOGIE
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