Les attentes de l’entreprise

Les attentes de l’entreprise

© Masson, Paris, 2004 Arch. mal. prof., 2004, 65, n° 2-3, 87-123 Mercredi 9 juin matin Évaluation des risques : différentes approches de l’évaluati...

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© Masson, Paris, 2004

Arch. mal. prof., 2004, 65, n° 2-3, 87-123

Mercredi 9 juin matin

Évaluation des risques : différentes approches de l’évaluation des risques professionnels en entreprise Responsables : F. CONSO (Paris), C. VERDUN-ESQUER (Bordeaux)

TEXTES DES EXPERTS Les attentes de l’entreprise G. PAILLEREAU CISME, Paris.

C’est le décret no 2001-1016 du 5 novembre 2001 qui a institué le « document relatif à l’évaluation des risques pour la santé et la sécurité des travailleurs », plus connu sous le nom de « document unique », selon les termes de l’article R. 230-1 du code du travail, en vertu duquel « l’employeur transcrit et met à jour dans un document unique les résultats de l’évaluation des risques pour la sécurité et la santé des travailleurs à laquelle il doit procéder en application du paragraphe III (a) de l’article L. 230-2 ». Contrairement aux apparences, il ne s’agit pas d’une obligation « nouvelle » s’ajoutant à celles qui pèsent déjà sur l’employeur, puisqu’elle figure dans le code du travail depuis la loi du 31 décembre 1991, qui a transposé la directive-cadre du 16 juin 1989. Cela signifie que plus de 12 ans se sont écoulés avant qu’elle ne s’impose vraiment aux employeurs et professionnels de la Santé au travail, parmi lesquels les médecins du travail. L’interrogation qu’elle suscite n’est pas « quelles sont les attentes de l’entreprise ? » mais « la mise en œuvre de l’évaluation des risques professionnels répond-elle à un réel besoin et peut-elle être utile à l’employeur ? », qui en porte seul la responsabilité. Il est clair en effet que celui-ci, éprouvant souvent le sentiment d’être submergé par une réglementation foisonnante dont la justification lui échappe, peut n’y voir qu’une contrainte supplémentaire. Fondée ou non, cette appréciation péjorative ne peut être négligée et, puisque obligation il y a, obligation dont les professionnels de la santé au travail savent, eux, le bien-fondé et l’importance, il leur appartient d’informer et de conseiller l’employeur, en particulier dans les PME et les TPE, où il a de fortes chances d’être totalement démuni.

en matière de sécurité et de santé au travail et, par conséquent, la multiplicité des situations où sa responsabilité est susceptible d’être engagée. Le code du travail définit, à l’attention des chefs d’entreprise, un cadre juridique qui structure l’organisation des relations du travail. Le principe en est posé à l’article L. 230-2, I (1er paragraphe), qui met à la charge du chef d’entreprise une obligation générale de sécurité, ce qui n’était pas le cas avant la loi du 31 décembre 1991. Le même article énonce par ailleurs les principes de prévention (au nombre de 9) et le principe d’obligation générale d’évaluation des risques. Le contenu de l’obligation de sécurité à la charge du chef d’entreprise est donc défini, en ce sens qu’il est prévu qu’elle conduise à des actions de prévention des risques professionnels, d’information et de formation, ainsi qu’à la mise en place d’une organisation et de moyens adaptés. Il convient également de ne pas omettre l’article L. 231-2 (3), lequel dispose que des décrets déterminent les modalités de l’évaluation des risques pour la sécurité et la santé des salariés prévue à l’article L. 230-2. L’obligation d’évaluation des risques est ainsi énoncée clairement dans plusieurs textes réglementaires (articles R. 231-56-1, R. 231-62, R. 231-68, R. 237-7).

La responsabilité de l’employeur

Par ailleurs, une série d’arrêts rendus le 28 février et le 11 avril 2002 par la Chambre sociale de la Cour de Cassation vient renforcer l’obligation mise à la charge du chef d’entreprise, qui est désormais tenu « (...) d’une obligation de sécurité de résultat, notamment en ce qui concerne les maladies professionnelles et accidents du travail contractés par le salarié du fait des produits fabriqués ou utilisés dans l’entreprise ». Autrement dit, l’employeur ne peut s’exonérer de sa responsabilité en se contentant d’apporter la preuve qu’il a satisfait aux obligations légales en matière de sécurité et de santé. Selon la Cour de Cassation, il commet une faute inexcusable au sens de l’article L. 452-1 du code de la Sécurité sociale, lorsqu’il « (...) avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié et qu’il n’a pas pris les mesures nécessaires pour l’en préserver. »

Pour situer correctement les enjeux, pour l’employeur, de l’évaluation des risques professionnels, il convient d’avoir à l’esprit le cadre réglementaire dans lequel elle s’inscrit, la jurisprudence concernant « l’obligation de résultat » qui pèse depuis peu sur lui

Pour résumer, le chef d’entreprise, tenu de veiller constamment à la santé et à la sécurité des travailleurs, doit mettre en œuvre les principes généraux de prévention. Il est soumis non seulement à une obligation générale de sécurité mais, bien plus

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ÉVALUATION DES RISQUES

encore, à une obligation de sécurité de résultat. On comprend que, dans ces conditions, son intérêt soit de tout mettre en œuvre pour qu’on ne puisse lui reprocher aucun manquement à son obligation de sécurité, sous peine de voir sa responsabilité engagée, sur le plan pénal comme sur le plan civil. Le document unique, sur lequel sont consignés les risques professionnels, constitue de fait le support matériel et juridique de la politique de prévention de l’entreprise, ce qui lui confère une extrême importance. La prévention, une nécessité incontournable L’intérêt de l’évaluation des risques professionnels ne saurait évidemment se réduire, pour le chef d’entreprise, au respect d’une obligation réglementaire ou à la peur d’une mise en cause de sa responsabilité. Cela signifie qu’à ce qui précède, à la fois constat et justification indiscutable de l’évaluation des risques professionnels, s’ajoute une évidence, à savoir la nécessité d’une politique de prévention efficace. L’évaluation des risques professionnels doit être le point de départ d’actions concrètes de prévention au bénéfice des salariés et, même si sa justification est la même pour toutes les entreprises, elle ne peut y être envisagée de façon uniforme. Aussi, à la question sur les attentes de l’entreprise, petite ou grande, en ce qui concerne l’évaluation des risques professionnels, doit s’en substituer une autre sur ses attentes vis-à-vis de ses interlocuteurs en matière de santé et de sécurité au travail. C’est à ce niveau que les services de santé au travail ont un rôle essentiel à jouer, à travers le médecin du travail aujourd’hui, le médecin du travail et l’intervenant en prévention des risques professionnels (IPRP) demain. Le médecin du travail, partenaire privilégié des PME et TPE C’est avec le décret du 14 mars 1986 qu’est apparue l’obligation, pour le médecin du travail, « d’établir et mettre à jour, dans les entreprises et établissements de plus de 10 salariés, une fiche d’entreprise sur laquelle sont consignés notamment les risques professionnels et les effectifs de salariés exposés à ces risques » (article R. 241-41-3 du code du travail). Le modèle en a été fixé ultérieurement, par arrêté du 29 mai 1989, publié au J.O. du 8 juin. Les risques professionnels sont donc au cœur de l’activité du médecin du travail depuis plus de 15 ans, et plus de 18 ans si on remonte jusqu’au décret. Il n’est pas inintéressant de noter que la fiche d’entreprise, destinée à répertorier les risques professionnels et à procéder à leur « appréciation », selon les termes de l’arrêté, a été « modélisée » 8 jours seulement avant que la directive-cadre européenne ne crée l’obligation, pour les employeurs, de procéder à leur « évaluation », obligation formalisée, deux ans et demi plus tard, par la loi du 31 décembre 1991 citée précédemment. Peut-on soutenir sérieusement que l’évaluation des risques professionnels se situe hors du champ d’action du médecin du travail ? Peut-on mettre en doute la légitimité du recours, par l’employeur, au médecin du travail, pour qu’il l’aide à la réaliser ? La fiche d’entreprise, comme le plan d’activité (article R. 241-41-1 du code du travail), est une composante essentielle de l’action du médecin du travail en milieu de travail, laquelle est le symbole même de sa spécialité. Le médecin du travail est donc non seulement à sa place dans l’évaluation des risques professionnels mais encore à une place privilégiée, en sa qualité de

conseiller du chef d’entreprise et des salariés (article R. 241-41 du code du travail), particulièrement dans les PME et les TPE. La fiche d’entreprise, un outil à réhabiliter La fiche d’entreprise, qui n’est évidemment pas un document unique avant la lettre, se révèle extrêmement utile car, à travers l’appréciation des risques professionnels qu’elle contient, portant souvent sur de nombreuses années, elle est le « miroir du passé », le seul disponible dans bien des cas. Elle apporte ainsi une aide précieuse à l’employeur et place incontestablement le médecin du travail au premier rang de ses conseillers. Grâce à un outil existant, qui lui appartient en propre, le médecin du travail peut donc communiquer sa connaissance des lieux et des conditions de travail aux employeurs et contribuer ainsi de façon significative à l’évaluation des risques professionnels. Bien qu’imparfaite et trop souvent négligée, la fiche d’entreprise (rendue obligatoire pour toutes les entreprises par le décret portant réforme de l’organisation et du fonctionnement des Services de Santé au travail), constitue la base, familière et immédiatement accessible, d’une « appréciation-évaluation » des risques professionnels au plus près du vécu réel des entreprises. D’ailleurs, dans sa brochure intitulée « Évaluer pour prévenir – Comprendre pour agir » (page 15), le ministère des affaires sociales n’insiste-t-il pas à la fois sur le rôle essentiel des services de santé au travail et sur l’intérêt de la fiche d’entreprise ellemême ? Négliger cet outil, c’est prendre le risque d’un discrédit durable auprès de nombreux employeurs, qui pourraient être tentés de faire largement appel à des experts extérieurs aux Services interentreprises de Santé au travail. Les « attentes » de l’entreprise par rapport à l’évaluation des risques professionnels sont à la mesure des lourdes responsabilités qui pèsent sur l’employeur et, par conséquent, de besoins en termes de prévention dont il n’a pas toujours pleinement conscience. Cette carence est particulièrement flagrante dans les petites et moyennes entreprises, d’où la nécessité, pour les Services de Santé au travail, de développer formation et information afin que ces besoins s’expriment au grand jour, puis de contribuer à les satisfaire en développant la prévention en milieu de travail, grâce notamment à l’action des médecins du travail et des IPRP, partenaires d’autant plus précieux pour l’entreprise qu’ils seront, demain comme aujourd’hui, parmi les préventeurs les plus présents sur le terrain.

De l’évaluation des risques professionnels à la prévention primaire. Quelles attentes vis-à-vis des médecins du travail ? L. THERY CFDT, Paris.

Les attentes des salariés Les salariés attendent de la démarche d’évaluation a priori des risques qu’elle soit l’occasion d’une prise en compte de l’ensemble des composants de la santé dans la sphère professionnelle. La santé n’est alors pas définie comme une absence de maladie, mais