Les dysthyroïdies périnatales : concepts actuels
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Dulanjalee Kariyawasam1, Athanasia Stoupa1, Aurore Carré, Michel Polak
37.1 Introduction La thyroïde est une glande endocrine composée de deux lobes et un isthme entre les deux lobes, en forme d’ailes de papillon. Elle comporte essentiellement des follicules contenant le colloïde entouré de cellules épithéliales polarisées, les cellules folliculaires. La thyroïde se développe au cours de la vie embryonnaire, dès le 24e jour de gestation. Ce développement peut se diviser en deux phases [1–3] : une première phase d’embryogenèse de la glande thyroïde et de l’axe hypothalamo-hypophyso-thyroïdien, et une deuxième phase permettant la poursuite du développement de l’axe et la production d’hormones thyroïdiennes.
37.2 Embryogenèse de la glande thyroïde La glande thyroïde a deux origines embryologiques : l’ébauche médiane qui provient de l’endoderme et les corps ultimobranchiaux latéraux (ébauches latérales) des arcs branchiaux. L’ébauche médiane apparaît au niveau de la plaque endodermique sur le plancher du pharynx à l’extrémité du foramen cæcum de la base de la langue. Elle se détache de la plaque endodermique et va migrer progressivement en suivant l’arc aortique le long du cou, tout en restant connecter au foramen cæcum par le tractus thyréoglosse. Les ébauches latérales dérivent de la partie postérieure des quatrièmes arcs branchiaux, migrent et fusionnent avec l’ébauche médiane. L’ébauche médiane va fournir la majorité des cellules folliculaires produisant la T4 et les ébauches latérales seront la source principale de cellules C ou parafolliculaires sécrétant la calcitonine [1–3]. La thyroïde atteint sa position finale pré-trachéale à sept semaines de gestation. Il s’opère ensuite la différenciation de la thyroïde primitive, en trois étapes : précolloïde, début de formation du colloïde et la croissance folliculaire [4,5]. Ces trois étapes ont lieu à partir de la septième semaine de gestation. Au cours de la phase pré-colloïde (de la 7e à la 10e semaine de gestation), les cellules sont organisées de manière compacte sans polarisation. Au début de la phase colloïdale apparaissent de petits follicules composés de thyrocytes polarisés, de la 10e à la 11e semaine. 1
DK et AS ont contribué également à la rédaction de ce chapitre.
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À partir de la 12e semaine de gestation, ces follicules augmentent de taille, permettant l’accumulation d’iode et la synthèse d’hormones thyroïdiennes à l’intérieur. La T4 fœtale est détectée dès la 11e semaine de gestation et son taux plasmatique fœtal augmente ensuite progressivement. Cette première phase de développement thyroïdien est régulée par différentes molécules dont les facteurs de transcription NKX2-1 (ou TITF1 ou thyroid transcription factor 1), FOXE1 (forkhead box 1, ou TTF2), PAX8 (paired box gene 8) et HHEX (hematopoietically expressed homeobox). Les facteurs de transcription NKX2-1, FOXE1 et PAX8 interagissent ensemble et activent également la transcription de la thyroglobuline et la thyroperoxydase (TPO), d’après les modèles murins. Le rôle de HHEX est encore mal défini. La TSH et son récepteur TSHR sont également importants dans le développement précoce de la thyroïde. L’expression de NKX2-1, FOXE1, PAX8, TSH, TSHR, Tg, TPO, NIS, PDS (pendrine) et DUOX2 a été détectée dès la septième semaine de gestation. Cependant les mécanismes moléculaires les reliant entre eux et au développement thyroïdien ne sont pas encore bien élucidés.
37.3 Développement de l’axe hypothalamo-hypophysaire et production d’hormones thyroïdiennes La TRH (thyrotropin-releasing hormone) est produite par le placenta et le pancréas dès le début de la gestation et par l’hypothalamus plus tard. La TRH est ensuite sécrétée par les noyaux supra-aortiques et paraventriculaires hypothalamiques jusqu’à l’antéhypophyse. La TRH se fixe alors à son récepteur et stimule la synthèse et la sécrétion de la sous-unité β de la TSH. La TSH se fixe alors sur son récepteur TSHR, permettant de stimuler la prolifération, la différenciation et la fonction des cellules folliculaires en activant le métabolisme hormonal thyroïdien (captation de l’iode, synthèse de iodotyrosine, de thyroglobuline et sécrétion d’hormones). La TSH fœtale s’élève progressivement à partir de la 18e semaine de gestation pour un maximum (environ 15 mUI/L) atteint à 25 semaines de gestation. Ce taux de TSH se stabilise voire diminue un peu (10 mUI/L à terme) au cours du troisième trimestre. Parallèlement, la T4 fœtale s’élève régulièrement jusqu’à la fin de la gestation. L’axe hypothalamo-hypophysaire fœtal est probablement alors activé pendant le troisième trimestre puisqu’il permet une élévation croissante de la T4 sans augmentation voire une diminution de la TSH fœtale par rétrocontrôle négatif. La synthèse d’hormones thyroïdiennes fœtales est régulée par la disponibilité d’iode dans l’environnement et par la sécrétion de TSH par l’hypothalamus. Il existe par ailleurs un passage placentaire de la TRH maternelle [6], ainsi que de l’iode absorbé par la mère, les anticorps antithyroïdiens et les hormones thyroïdiennes de manière limitée. Le transfert de la T4 maternelle, certes limité, survient très précocement dans la grossesse [7], avant même la formation du placenta et est crucial pour le développement neuropsychologique précoce normal du fœtus [8].
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La T4 est métabolisée en T3 active par la déiodinase de type I et II ou en rT3 inactive par la déiodinase de type III. Le placenta exprime des niveaux élevés de déiodinase de type III, expliquant le faible taux de circulation de T3 fœtale [9,10]. Par contre, le cerveau fœtal exprime des niveaux plus élevés de déiodinase de type II, permettant, en association avec le transfert transplacentaire de T4 maternelle, une protection cérébrale en cas de production déficiente de T4 fœtale. Le transporteur MCT8 (monocarboxylate transporter 8) est alors essentiel pour la captation de la T3 par les neurones et pour le transfert maternofœtal d’hormones thyroïdiennes.
37.4 Stratégies diagnostiques et thérapeutiques fœtales et néonatales 37.4.1 Hyperthyroïdie fœtale et néonatale L’hyperthyroïdie fœtale et néonatale est le plus souvent due à une maladie de Basedow chez la mère. Environ 0,2 % des femmes enceintes ont une maladie de Basedow, mais l’hyperthyroïdie néonatale transitoire est plutôt rare et concerne environ 1 sur 50 000 nouveau-nés. La forme permanente avec une transmission dominante peut s’expliquer par des anomalies du récepteur de la TSH (mutation activatrice de TSHR, syndrome de McCune-Albright) (Tableau 37.1).
Tableau 37.1 Causes
principales et épidémiologie de l’hyperthyroïdie fœtale et néonatale Causes Maladie de Basedow : la plus fréquente Autres causes rares : – syndrome de Mc Cune-Albright – mutation activatrice du récepteur de TSH
Épidémiologie Prévalence de la maladie de Basedow chez les femmes enceintes : 0,1–0,4 % Prévalence d’hyperthyroïdie chez les enfants de ces femmes : 0,6–1 % Définition des femmes à risque : – hyperthyroïdie diagnostiquée pendant la grossesse – femmes atteintes d’une maladie de Basedow sous traitement antithyroïdien pendant la grossesse – patiente en rémission après un traitement par antithyroïdiens – antécédents personnels de traitements ablatifs (chirurgie, iode radioactif)
Mécanisme Transfert d’anticorps stimulants du récepteur de TSH de la mère au fœtus
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37.4.1.1 Physiopathologie de l’hyperthyroïdie fœtale Transfert des anticorps maternels : hyperthyroïdie transitoire Dans la plupart des cas, la maladie est due aux immunoglobulines transférées de la mère au fœtus qui stimulent la thyroïde (thyroid-stimulating immunoglobulins, TSIs) et activent le récepteur de la TSH (TSHR). Par conséquent, la sécrétion des hormones thyroïdiennes augmente et une thyrotoxicose se développe d’abord in utero, puis en période postnatale jusqu’au moment de la disparition des anticorps maternels de la circulation sanguine du nourrisson, vers quatre mois de vie au plus tard. Il existe une corrélation imparfaite entre les taux élevés des anticorps transmis et la survenue de thyrotoxicose, et l’hyperthyroïdie fœtale se développe vers la deuxième partie de la grossesse, chez les fœtus des mères avec taux augmentés de TSIs. Des anticorps qui bloquent le TSHR ont aussi été retrouvés chez les femmes enceintes avec maladie de Basedow. Ils passent la barrière transplacentaire et les symptômes cliniques du fœtus vont dépendre de l’équilibre entre les anticorps stimulants et bloquants du TSHR. La concentration et la demi-vie plasmatique de ces deux types d’anticorps varient et par conséquent, certains enfants peuvent manifester une hyperthyroïdie de découverte décalée de quelques jours à quelques semaines après la naissance, quand les anticorps bloquants sont éliminés mais les stimulants persistent encore [1,11].
Activation du récepteur de la TSH : hyperthyroïdie permanente Les mutations activatrices germinales du gène TSHR sont responsables de la forme sporadique ou non auto-immune familiale d’hyperthyroïdie congénitale permanente [12]. Une autre cause rare est le syndrome de McCune-Albright, dû à une mutation activatrice du gène GNAS, qui code pour la sous-unité alpha des protéines G, qui jouent un rôle central dans la voie de transduction de TSHR. Des cas sporadiques d’hyperthyroïdie non auto-immune avec hyperplasie thyroïdienne à cause des mutations de novo du gène TSHR ont également été décrits. En tout cas, il faut noter que l’activation constitutive de la sécrétion de la TSH due aux mutations des gènes TSHR ou GNAS est une cause rare d’hyperthyroïdie congénitale persistante, qui peut se développer in utero et doit être suspectée en cas d’absence d’anticorps thyroïdiens maternels ou chez le nouveau-né.
37.4.1.2 Présentation clinique d’hyperthyroïdie fœtale Le retard de croissance intra-utérin et la tachycardie fœtale sont des signes qui doivent faire suspecter une hyperthyroïdie chez le fœtus. La naissance prématurée est fréquente. En contraste avec la maladie de Basedow chez les enfants plus grands, les deux sexes peuvent également être atteints. Les signes cliniques apparaissent en général quelques jours après la naissance. Ce décalage est dû au traitement maternel (antithyroïdiens de synthèse, ATS), qui traverse le placenta et contrôle l’hyperthyroïdie fœtale. Quand les ATS disparaissent progressivement de la circulation sanguine du nouveau-né pendant les premiers jours de vie, les anticorps maternels stimulants (TSIs), qui ont un temps de demi-vie plus long que les ATS, stimulent la sécrétion
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des hormones thyroïdiennes chez le nouveau-né, et l’hyperthyroïdie apparaît cliniquement. Il faut noter que le fœtus peut être euthyroïdien si les anticorps bloquants et stimulants du TSHR sont également présents pendant la vie fœtale. À la naissance, les fontanelles sont petites et la maturation osseuse souvent avancée, à cause de l’effet des hormones thyroïdiennes sur l’os. Cette avance de maturation osseuse peut se documenter à l’échographie prénatale. La tachypnée est un autre signe clinique présent dans le cas d’insuffisance cardiaque ou hypertension artérielle pulmonaire. La tachycardie sinusale est aussi fréquente et est parfois associée aux troubles de rythme et rarement à une hypertension. La défaillance cardiaque est un des risques majeurs chez le nouveau-né et une des causes de mort in utero. Il faut noter que le taux des hormones thyroïdiennes au sang de cordon reflète l’état thyroïdien du nouveau-né et que la présence des TSIs au sang du cordon peut prédire la survenue d’une thyrotoxicose néonatale [11].
37.4.1.3 Traitement d’hyperthyroïdie fœtale En absence du traitement maternel avec les ATS en cas de maladie de Basedow, l’hyperthyroïdie se développe chez le fœtus pendant la deuxième partie de la grossesse. La tachycardie fœtale est un signe d’alarme mais plus tardif, car elle survient après l’apparition du goitre. Le goitre à l’échographie fœtale est donc le signe le plus précoce d’une dysfonction thyroïdienne chez le fœtus. Comme déjà mentionné, l’avance de la maturation osseuse peut aussi être dépistée lors d’échographie prénatale. Il a été montré que le traitement du fœtus par l’administration des ATS à la mère améliore le pronostic fœtal et néonatal. Chez les femmes enceintes, le propylthiuracil (PTU) est le médicament de choix lors du premier trimestre et doit être privilégié en comparaison avec la methimazole, qui peut être responsable d’aplasia cutis congénital et d’autres malformations (atrésie des choanes et de l’œsophage, fistules œsophagiennes, anomalies du septum interventriculaire). Pour le deuxième et le troisième trimestres, un changement vers le methimazole est conseillé, pour éviter le risque d’hépatotoxicité liée au PTU. L’hypothyroïdie peut également survenir chez les fœtus des mères avec maladie de Basedow traitées par ATS, à cause de leur passage transplacentaire. Le diagnostic est suspecté devant un goitre fœtal à l’échographie et confirmé par la ponction du sang fœtal. Étant donné le rôle crucial des hormones thyroïdiennes au développement cérébral, l’hypothyroïdie fœtale peut altérer le développement intellectuel et cognitif. Dans ce cas, la diminution du dosage des ATS suffira pour restaurer la fonction thyroïdienne fœtale. Néanmoins, parfois les injections intra-amniotiques de thyroxine doivent être réalisées permettant au fœtus qui déglutit le liquide amniotique d’absorber de la thyroxine et ainsi d’être traité de son hypothyroïdie. La ponction du sang fœtal doit être réservée pour les cas où le traitement intra-amniotique est considéré ou quand le statut thyroïdien du fœtus, dont la mère a des anticorps positifs et est sous ATS, est incertain. Le diagnostic précoce et la prise en charge adéquate sont donc cruciaux pour prévenir une naissance prématurée, un mort in utero ou une altération neurodéveloppementale permanente.
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Chez les femmes enceintes avec maladie de Basedow, les TSIs doivent être dosés régulièrement à partir de la 20e semaine de la gestation. Point n’est besoin de déterminer l’activité thyréostimulante et en pratique un dosage des TRAK (anticorps antirécepteur de la TSH) convient. Si les TSIs sont positifs ou si la mère est sous ATS, une échographie fœtale mensuelle après la 20e semaine est conseillée afin de dépister la survenue d’un éventuel goitre et/ou d’autres signes de dysfonction thyroïdienne. Il est important aussi de savoir qu’une hyperthyroïdie peut survenir chez les fœtus des mères hyperthyroïdiennes, qui sont sous thyroxine après thyroïdectomie ou traitement ablatif par iode radioactif pour une maladie de Basedow. Des taux de TSIs élevés peuvent persister chez 10 % des femmes après thyroïdectomie et chez jusqu’à 40 % des femmes après traitement par iode radioactif, cinq ans après la fin du traitement définitif. Concernant les fœtus des mères avec antécédent de maladie de Basedow et absence de TSIs ou de traitement par ATS, une surveillance prénatale habituelle est proposée [11,13,14]. En conclusion, le traitement prénatal, qui consiste à l’administration des médicaments à la mère en visant le fœtus ou plus rarement aux injections intra-amniotiques de thyroxine, améliore la fonction thyroïdienne fœtale et néonatale et donc le pronostic de ces enfants. Le fœtus est donc devenu notre patient.
37.4.2 Dépistage néonatal, conduite à tenir en cas d’hypothyroïdie néonatale [15] Les programmes nationaux de dépistage néonatal existent dans certains pays industrialisés comme la France depuis une trentaine d’années. Ils ont permis le diagnostic et la mise en route d’un traitement précoce de nouveau-nés atteints d’hypothyroïdie congénitale, permettant d’éviter des déficits neurodéveloppementaux sévères liés à cette pathologie. La plupart des patients traités précocement ont un développement neurologique normal, ce qui justifie le dépistage à la naissance. La prévalence de l’hypothyroïdie congénitale avant le dépistage néonatal était de 1/6700 naissances. Il est actuellement de 1/2000 à 3000 naissances depuis la mise en place du dépistage organisé. Cette prévalence augmente dans certains pays par le diagnostic de formes d’hypothyroïdie congénitale moins sévères sur le plan fonctionnel avec des glandes thyroïdes en place. Le test de dépistage le plus sensible, utilisé en France, est la mesure de la concentration plasmatique de la TSH. Le sang est récupéré sur un papier buvard pouvant sécher et sera ensuite élué pour cette mesure. Celle-ci doit être réalisée à 48 à 72 heures de vie. Cette méthode permet de mieux détecter les hypothyroïdies congénitales primaires (anomalies thyroïdiennes) qu’une mesure de la concentration de T4 plasmatique associée secondairement à une mesure de la concentration de la TSH plasmatique. Cependant, elle ne permet pas de diagnostiquer toutes les hypothyroïdies centrales, qui sont beaucoup plus rares. Il est nécessaire de réaliser un deuxième test de dépistage chez certains nouveaunés : certains le proposent pour les prématurés de moins de 37 semaines d’aménorrhées mais cela n’est pas prévu dans le programme en France, ceux avec un petit poids de naissance, ceux admis aux soins intensifs ou en réanimation néonatale pour
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prématurité ou autre raison, ceux dont le sang a été récupéré sur papier buvard dans les premières 24 heures de vie et dans le cas de grossesse multiple. En effet, dans tous ces cas, la TSH plasmatique peut s’abaisser et ainsi masquer une hypothyroïdie congénitale par interaction avec des médicaments administrés, par immaturité hypothalamohypophysaire ou par contamination interfœtale du sang dans les grossesses multiples. Ce deuxième test doit être réalisé deux semaines après le premier test.
37.4.2.1 Critères de prise en charge d’une hypothyroïdie néonatale Critères pour débuter un traitement Dans les recommandations internationales, lorsque la TSH plasmatique est supérieure à 6 mU/L au test au buvard, il est nécessaire de convoquer le nouveau-né pour un examen clinique et un prélèvement sanguin de confirmation d’hypothyroïdie congénitale. Il est recommandé d’initier un traitement par L-T4 si : la TSH plasmatique au test au buvard est supérieure à 40 mU/L : le traitement doit être débuté immédiatement sans attendre la confirmation par un prélèvement sérique ; • la TSH plasmatique au test au buvard est entre 20 et 40 mU/L, quelle que soit la concentration plasmatique de T4, après confirmation par un prélèvement sérique en 24–48 heures ; • si la concentration plasmatique de T4 est inférieure aux normes liées à l’âge, immédiatement après obtention du résultat. •
Si la TSH plasmatique est entre 6 et 20 mU/L après confirmation sur un prélèvement sérique avec un dosage de T4 plasmatique normal, il est suggéré d’établir un diagnostic définitif à l’aide de l’imagerie et de recontrôler la TSH trois à quatre semaines plus tard. Si la concentration reste élevée, plusieurs attitudes sont possibles : soit de débuter un traitement par L-T4 et de refaire un dosage de T4 plasmatique plus tard en l’absence de traitement ; • soit de doser à nouveau les TSH et T4 plasmatiques à deux semaines. •
L’hypothyroïdie congénitale peut être transitoire ou permanente, motivant une réévaluation à distance. L’exemple d’une stratégie du dépistage appliquée dans le contexte de la Fédération parisienne pour le dépistage et la prévention des handicaps de l’enfant est synthétisé sur la Figure 37.1.
Critères de sévérité de l’hypothyroïdie congénitale L’hypothyroïdie congénitale est sévère initialement s’il existe des symptômes cliniques à la naissance : hypotonie néonatale, difficultés d’alimentation (petites quantités et durées longues), ictère néonatal prolongé, extrémités froides, macroglossie, hernie ombilicale, peau sèche, visage lunaire, persistance de la fontanelle postérieure, fontanelle antérieure large. Sur le plan biologique, la sévérité est fonction de la concentration plasmatique de T4 : l’hypothyroïdie est sévère si la T4L plasmatique est inférieure à 5 pmol/L (différence de 10 points du QI comparé à un enfant avec une T4L initiale normale), modérée si la T4L plasmatique est entre 5 et 10 pmol/L et légère si elle est supérieure à 15 pmol/L. Le dosage indétectable de la thyroglobuline plasmatique suggère fortement une athyréose ou un déficit complet de synthèse de thyroglobuline. Certaines étiologies comme l’athyréose et un déficit complet
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Figure 37.1 Arbre décisionnel du dépistage de l’hypothyroïdie. AR : association régionale.
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d’organification de l’iode avec goitre provoquent une hypothyroïdie congénitale plus sévère. Le retard de maturation de l’épiphyse du genou visible sur la radiographie est un critère de sévérité.
Imagerie initiale Il est recommandé de réaliser lorsque la TSH plasmatique est élevée une échographie thyroïdienne et une scintigraphie thyroïdienne à l’iode-123 (123I) ou au Technetium-99. L’imagerie ne doit pas retarder l’initiation du traitement. L’échographie thyroïdienne permet de mettre en évidence une absence de glande, d’évaluer la taille, l’échogénicité et la localisation de la glande. La scintigraphie doit être réalisée dans les sept jours après le début du traitement, pour permettre d’avoir un taux de TSH élevé, nécessaire à une meilleure captation d’iode. Elle permet d’identifier une athyréose, une hypoplasie de la glande thyroïde, une ectopie thyroïdienne. Lors du test au perchlorate ou utilisant de l’Irenat, si la scintigraphie montre une perte de plus de 10 % du signal de l’123I dans la glande, il existe alors un trouble de l’organification de l’iode. Ce test n’est réalisé que si la glande est en place pour mieux définir le trouble de l’organification. L’association de ces deux examens permet de confirmer la présence, la localisation et la taille de la glande, guidant ainsi le diagnostic étiologique et les études génétiques et permet de prévenir l’erreur diagnostique d’athyréose par la scintigraphie.
Recherche de pathologies associées Il faut particulièrement rechercher un syndrome dysmorphique, une cardiopathie congénitale ou une anomalie du développement neurologique. Il existe une prévalence plus élevée de malformations congénitales chez les nouveau-nés avec une hypothyroïdie congénitale, notamment les malformations cardiaques (jusqu’à 8 % dans certaines séries) et défauts septaux, anomalies rénales et le retard du développement psychomoteur. Il n’y a pas d’intérêt, selon les études, de réaliser systématiquement des examens complémentaires pour tout enfant naissant avec une hypothyroïdie congénitale. Ces examens doivent être guidés par l’examen clinique, cependant l’échographie rénale et des voies urinaires à la recherche d’une malformation ou d’un rein unique peut se justifier, compte tenu de l’absence de signe clinique parfois et de l’importance de connaître la présence de ces malformations.
Traitement de l’hypothyroïdie congénitale Le traitement par L-T4 (Levothyroxine) doit être débuté rapidement et au plus tard dans les deux premières semaines de vie. Il est en général débuté après confirmation sérique des résultats du test de dépistage au buvard, sauf cas précisé plus haut. La dose initiale de L-T4 doit être de 10 à 15 µg/kg/j. Lorsque le nouveau-né a une concentration de LT4 très abaissée, il doit être traité avec la dose la plus forte. Inversement, lorsque l’hypothyroïdie est modérée ou légère, le traitement peut être débuté à dose plus faible (10 µg/kg/j). L’administration orale est à favoriser. Si elle n’est pas possible, la dose intraveineuse doit être au maximum de 80 % de la dose orale initiale. La forme orale existe soit en comprimé, soit en sirop. Le comprimé doit être écrasé et administré avec une cuillère métallique, dilué dans un peu d’eau ou de lait, ce qui
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constitue un déconditionnement d’un médicament et est interdit dans notre contexte mais pratiqué dans d’autres pays, notamment en Amérique du Nord. La forme liquide est autorisée seulement si elle est de production pharmaceutique validée. En France, nous en bénéficions, il s’agit de la L-Thyroxine Serb qui permet des adaptations fines du traitement (1 goutte = 5 microgrammes). Ce traitement doit être administré tous les jours à la même heure le matin ou le soir, à jeun ou pas. Il faut préférer la forme non générique car elle a une meilleure biodisponibilité, éviter une administration associée de fer ou du calcium. La surveillance du traitement doit être régulière et rapprochée au début. Il est recommandé de revoir le nouveau-né avec un dosage de T4 et TSH plasmatiques deux semaines après l’initiation du traitement, puis toutes les deux semaines jusqu’à normalisation de la concentration plasmatique de TSH (qui doit survenir 15 jours après le début de l’administration du traitement), puis tous les mois à trois mois jusqu’à l’âge d’un an. Entre l’âge d’un et trois ans, un examen clinique et une surveillance biologique sont recommandés tous les deux à quatre mois. Ensuite, l’enfant peut être suivi cliniquement et biologiquement tous les trois à 12 mois jusqu’à la fin de la croissance, en fonction de l’observance et de l’équilibre thérapeutique. Le dosage de T4 et TSH plasmatiques doit être réalisé au moins quatre heures après la dernière prise de L-T4, ou plus souvent à distance de la prise, 24 heures après, permettant la détermination d’un taux résiduel. L’objectif biologique pour l’adaptation des doses est de maintenir : • •
le taux de TSH dans les normes pour l’âge en évitant un dosage indétectable ; le taux de T4 plasmatique dans les valeurs normales supérieures pour l’âge.
istinction entre la forme transitoire et permanente de l’hypothyroïdie D congénitale La réévaluation de l’axe thyroïdien est importante dans certains cas car il existe des formes transitoires. Cette réévaluation est recommandée lorsque : • • • • •
aucun diagnostic étiologique n’a été retrouvé ; la glande thyroïde est normalement localisée, avec ou sans goitre ; le nouveau-né présente des anticorps positifs ; le traitement n’a pas été augmenté au cours de l’évolution ; il n’existe pas de déficit enzymatique et qu’aucune mutation n’a été retrouvée.
Cette réévaluation est réalisée en général après l’âge de trois ans (fin de la myélinisation du système nerveux central). Elle peut être faite plus précocement s’il a été retrouvé chez le nouveau-né des anticorps anti-récepteur de TSH et/ou anti-thyroperoxidase ou lorsque le nouveau-né présente une thyroïde de taille et localisation normales. Pour cette réévaluation, le traitement par L-T4 doit être arrêté quatre à six semaines avant. La réévaluation doit être clinique et paraclinique (biologie et imagerie).
Conseil génétique et prise en charge anténatale La famille et l’enfant doivent être informés des différentes formes d’hypothyroïdie congénitale (dysgénésie ou dyshormonogenèse, transitoire ou permanente). Il est recommandé de faire des recherches génétiques ciblées en fonction de la clinique.
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La dysgénésie thyroïdienne est responsable de 70 % des hypothyroïdies congénitales primaires et la dyshormonogenèse de 30 %. Les mutations responsables de dyshormonogenèse sont liées à des gènes de la synthèse des hormones thyroïdiennes : NIS (transporteur d’iode), pendrine, thyroperoxidase (TPO), DUOX2, DUOXA2, DEHAL1. Ces mutations sont en général récessives autosomiques et ne sont pas associées à d’autres malformations sauf pour le syndrome de Pendred (mutation de la pendrine responsable de surdité). Les dysgénésies thyroïdiennes sont le plus souvent sporadiques. Cependant, les formes familiales sont 15 fois plus élevées. Des anomalies morphologiques thyroïdiennes mineures sont plus souvent retrouvées dans les apparentés au premier degré et il existe une plus grande incidence de malformations extrathyroïdiennes dans les dysgénésies thyroïdiennes. Plusieurs gènes sont désormais associés à la dysgénésie thyroïdienne et interviennent dans le développement de la thyroïde. Lorsqu’ils sont mutés, on retrouve une hypothyroïdie congénitale avec parfois des signes extrathyroïdiens : NKX2-1 (atteinte pulmonaire par déficit du surfactant, atteinte neurologique dont la choréoathétose), FOXE1 (syndrome de Bamfoth : fente palatine, cheveux en pics, retard du développement neurologique), PAX8 (agénésie rénale ou autre malformation du tractus génito-urinaire), NKX2-5 (cardiopathie congénitale). Un diagnostic anténatal est recommandé lorsqu’un goitre fœtal est retrouvé fortuitement au cours d’une échographie, lorsqu’il existe plusieurs cas familiaux d’hypothyroïdie congénitale secondaire à un trouble de l’organification de l’iode ou lorsqu’il existe une anomalie génétique connue. Pour cela, il faut une évaluation précise du volume de la thyroïde fœtale faite par échographie entre 20 et 22 semaines de gestation. Afin d’évaluer la fonction thyroïdienne fœtale, il est recommandé de réaliser une cordocentèse. Elle doit être réalisée après concertation multidisciplinaire d’équipes expérimentées et spécialisées, du fait de son risque, uniquement si une intervention anténatale est envisagée. Un traitement fœtal in utero est possible si la mère est euthyroïdienne, avec un fœtus présentant un goitre volumineux, un hydramnios s’aggravant et s’il existe un risque de prématurité ou un risque d’obstruction trachéale néonatale. Ce traitement consiste à injecter de la L-T4 par voie intra-amniotique, afin de diminuer le volume de la thyroïde fœtale. Ce type de traitement est encore peu expérimenté et peu d’études sont encore publiées pour valider complètement cette technique. En conclusion, le dépistage néonatal de l’hypothyroïdie congénitale a permis une prise en charge organisée de cette pathologie et ainsi d’améliorer largement le pronostic de ces enfants. Cependant, seuls 24 millions d’enfants sur les environ 124 millions de naissance dans le monde en bénéficient chaque année, montrant le chemin à parcourir pour réduire la fréquence de cette source de retard mental évitable.
37.5 Prématurité et thyroïde 37.5.1 Hypothyroxinémie transitoire des prématurés (HTTP) Des taux abaissés des hormones thyroïdiennes sont fréquents chez les prématurés (surtout ceux qui sont nés < 30 semaines d’aménorrhée) pendant les premières semaines de vie. L’hypothyroxinémie transitoire des prématurés (HTTP) est définie par les taux
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abaissés des hormones T4 et T3 (totale et libre), de la globuline qui lie la thyroxine (TBG, thyroxine-binding globulin), sans une élévation de la TSH (son taux reste normal ou abaissé) [16]. Cette hypothyroxinémie transitoire est d’origine multifactorielle.
37.5.1.1 Arrêt prématuré de transfert maternoplacentaire de thyroxine Pendant le premier trimestre, le fœtus est incapable de produire des hormones thyroïdiennes et dépend du passage transplacentaire de la thyroxine maternelle. L’axe hypothalamo-hypophyso-thyroïdien fœtal devient fonctionnel vers la moitié de la gestation mais le degré de la contribution maternelle reste inconnu, surtout entre 23 et 30 semaines de gestation où l’hypothyroxinémie transitoire est problématique.
37.5.1.2 Immaturité de l’axe hypothalamo-hypophyso-thyroïdien Immédiatement après la naissance, l’exposition à un environnement extra-utérin provoque une augmentation de la sécrétion de la TSH avec une concentration maximale pendant les premières 24 heures de vie. Cette sécrétion accrue de la TSH conduit à une élévation de la T4, qui atteint son taux maximal (pic) le deuxième jour de vie. Les taux de la TSH restent élevés pendant 3–5 jours après la naissance et les taux de T4 et T3 diminuent progressivement pendant les premières 4–5 semaines de vie. Cette augmentation de la sécrétion de la TSH et la T4 est également présente chez les nouveau-nés prématurés, mais son amplitude est moins importante en comparaison avec les nouveau-nés à terme et est liée à l’âge gestationnel. L’adaptation de l’axe hypothalamo-hypophyso-thyroïdien à la naissance est plus faible chez les nouveaunés prématurés de moins de 27 semaines, par rapport aux enfants nés plus tard.
37.5.1.3 Carence en iode Les besoins immédiats en iode et thyroxine sont importants pour la vie extra-utérine, car la réserve intrathyroïdienne en hormones thyroïdiennes est faible. Le renouvellement de la réserve en thyroxine nécessite des apports en iode. Les nouveau-nés prématurés ont un taux diminué d’iode et thyroglobuline intrathyroïdiennes, qui n’augmentent pas jusqu’à l’âge de 42 semaines. La teneur en iode et thyroglobuline dans la thyroïde peut être liée au statut maternel d’iode ; par conséquent les réserves potentielles d’iode chez certains prématurés peuvent être plus basses chez les mères déficientes en iode. Par ailleurs, le taux diminué d’iode intrathyroïdien chez les nouveau-nés prématurés peut expliquer en partie leur susceptibilité à un surdosage aigu d’iode, suite à l’exposition aux produits antiseptiques pour désinfection ou les produits radiographiques (produits de contraste) qui contiennent l’iode. Cela a comme conséquence l’inhibition de l’organification de l’iode et l’hypothyroïdie (effet Wolff-Chaikoff).
37.5.1.4 Maladies extra-thyroïdiennes La réponse de l’organisme à une maladie sévère est complexe et peut impliquer des modifications de l’axe hypothalamo-hypophysaire et du métabolisme périphérique
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des hormones thyroïdiennes, concernant aussi le transport membranaire et l’expression tissulaire de l’iodothyronine déiodinase. Chez les adultes, une diminution de la T3 sérique et une augmentation de la reverse T3 (rT3) sont les changements biologiques les plus fréquents en réponse à une maladie extrathyroïdienne, aiguë et/ou chronique. Avec la sévérité de la maladie, le taux sérique de la T4 augmente également. Chez les nouveau-nés prématurés, il est associé à une diminution de la thyroxine plasmatique.
37.5.2 Conséquences de la HTTP La HTTP est associée à une augmentation de la mortalité et morbidité périnatale, une prolongation de la ventilation mécanique et des besoins en oxygène, une augmentation de l’incidence d’hémorragie intraventriculaire et une détérioration du pronostic neurodéveloppementale à l’âge de deux à cinq ans avec présence des déficits cognitifs et moteurs. La question qui se pose est alors de savoir si l’hypothyroxinémie des enfants prématurés, surtout avec une maladie sévère, est responsable per se des déficits neurologiques tardifs ou seulement un épiphénomène de la maladie initiale. Plusieurs études ont étudié l’effet d’un traitement substitutif par thyroxine chez les prématurés avec hypothyroxinémie transitoire [17–21]. Elles démontrent un effet neutre du traitement (indépendamment de mode d’administration et de la dose utilisée) concernant la mortalité, la sévérité de la maladie respiratoire, l’incidence de la paralysie cérébrale. La supplémentation en thyroxine des prématurés n’est pas actuellement recommandée. Des études randomisées avec de plus grandes populations sont nécessaires afin d’établir un effet bénéfique ou non de l’administration de L-thyroxine chez les nouveau-nés prématurés avec HTTP [21].
37.6 Concepts et avancées actuelles 37.6.1 Évaluation de la fonction thyroïdienne fœtale Les avancées des techniques d’imagerie (échographie) et de l’hormonologie fœtales permettent d’évaluer la fonction thyroïdienne du fœtus et dépister les anomalies, qui pourraient nécessiter un traitement in utero, en administrant les médicaments à la mère. Plusieurs interventions ont été proposées pour prévenir les effets d’une hypothyroïdie fœtale en considérant le fœtus comme un patient, qui peut être traité, après avoir eu accès à la cavité amniotique. Ces approches varient entre l’augmentation de l’administration de l’iode chez les femmes enceintes et des techniques plus invasives, comme la cordocentèse et les injections intra-amniotiques répétées de thyroxine. Un diagnostic anténatal doit être proposé dans les indications suivantes : découverte fortuite d’un goitre lors les échographies prénatales, en relation avec une dyshormonogenèse thyroïdienne ; • récidive familiale d’hypothyroïdie congénitale due aux troubles d’hormonosynthèse (25 % taux de récidive) ; • anomalies génétiques connues impliquées dans la fonction thyroïdienne ou le développement avec transmission germinale ; • les cas syndromiques avec mortalité considérable et possible mosaïcisme germinal. •
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Le volume de la thyroïde fœtale peut être évalué de façon précise à l’échographie réalisée entre 20 et 22 semaines de gestation. Une hypertrophie thyroïdienne, la présence d’un goitre important ou l’absence de tissu thyroïdien peuvent être mises en évidence. Les mensurations (périmètre et diamètre de la thyroïde) doivent toujours être interprétées en fonction de l’âge gestationnel [22]. La cordocentèse est la méthode de référence pour l’évaluation de la fonction thyroïdienne du fœtus et l’interprétation des hormones thyroïdiennes se fait selon l’âge gestationnel et les normes établies. Cet examen doit être réalisé si une intervention prénatale est considérée. Néanmoins, il faut surligner que les données échographiques et le contexte clinique sont souvent suffisants pour déterminer la fonction thyroïdienne fœtale et que la ponction du sang fœtal reste exceptionnelle.
37.6.2 Traitement in utero Le traitement in utero peut être discuté dans certains cas. Ce traitement pourrait concerner par exemple la découverte chez un fœtus chez une femme enceinte euthyroïdienne la présence d’un large goitre fœtal. Chez une femme hypothyroïdienne, l’approche initiale sera de traiter la mère par thyroxine. Dans le cas d’une hypothyroïdie fœtale avec goitre, non auto-immune, qui s’associe à un hydramnios (suite à une occlusion trachéale par le goitre), les injections intra-amniotiques de thyroxine peuvent diminuer la taille de la glande. Néanmoins, aucun des différents protocoles d’administration de L-T4 peut assurer une euthyroïdie à la naissance et il est difficile d’établir des conduites à tenir basées sur les données actuelles. L’utilisation d’une dose de thyroxine de 10 µg/kg pour le poids fœtal estimé tous les 15 jours semble être une approche raisonnable [23]. Enfin, il faut noter que l’expérience avec cette procédure reste limitée et le risque de provoquer un travail prématuré ou des infections maternofœtales doit toujours être évalué.
37.6.3 Analyses génétiques : l’analyse exomique (Whole Exome Sequencing) et Next Generation Sequencing (NGS) Les dysgénésies thyroïdiennes qui constituent actuellement 70 % des hypothyroïdies congénitales ont certainement une base génétique. Elles sont plus souvent associées à des anomalies morphologiques (cardiaques, rénales) que dans la population générale. Or les mutations monogéniques (NKX2-1, FOXE1, PAX8, NKX2-5, TSHR) ne sont retrouvées que dans moins de 10 % des cas. De nouvelles stratégies diagnostiques doivent être envisagées [24]. Actuellement, les séquençages de gènes sont réalisés en fonction des signes associés à la dysgénésie thyroïdienne, pouvant faire évoquer un gène particulier. Des nouvelles approches génétiques sont disponibles : le NGS (Next Generation Sequencing) qui analyse tous les gènes connus pour une pathologie et l’analyse exomique (WES), qui identifie des nouveaux gènes. Le NGS permet le séquençage de plusieurs millions fragments de l’ADN d’un échantillon. Il est possible avec cette technique de réaliser des panels de séquençage des gènes impliqués dans les dysgénésies
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thyroïdiennes. L’analyse exomique est un séquençage de tous les exons d’un patient à partir d’un prélèvement, en utilisant la technique de NGS. Il permet de retrouver des mutations de gènes connues pour être responsables de dysgénésies thyroïdiennes, mais aussi de nouveaux gènes potentiels pas encore connus. La présence de nouvelles mutations doit être confirmée par des études fonctionnelles. L’analyse exomique permettrait ainsi d’augmenter le nombre de gènes connus responsables de dysgénésies thyroïdiennes. Ceci pourrait s’appliquer sur des cohortes de patients ayant une symptomatologie similaire sans gène muté retrouvé. Ces nouvelles techniques sont rapides à réaliser en comparaison avec les investigations génétiques classiques et sont désormais à un prix accessible pour une utilisation clinique. Elles permettront en association avec les études fonctionnelles de mieux comprendre la physiologie du développement de la thyroïde.
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