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AMEPSY-1563; No. of Pages 6 Annales Me´dico-Psychologiques xxx (2012) xxx–xxx
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Me´moire
Les e´quipes mobiles d’urgence et de re´animation face aux interventions potentiellement traumatiques The mobile emergency medical staff and the traumatic experience Alexandra Laurent Laboratoire de psychologie, universite´ de Besanc¸on, 30-32, rue Me´gevand, 25000 Besanc¸on, France
I N F O A R T I C L E
R E´ S U M E´
Historique de l’article : Rec¸u le 22 juin 2011 Accepte´ le 8 mars 2012
Les me´decins, infirmiers et ambulanciers des services mobiles d’urgence et de re´animation (SMUR) sont confronte´s a` de nombreuses interventions a` caracte`re traumatique (morts violentes, blesse´s graves, catastrophes. . .). Cette e´tude vise a` identifier les interventions potentiellement traumatiques des intervenants et a` nous interroger sur le ve´cu et les re´percussions psychotraumatiques de ces interventions. L’e´tude porte sur 69 intervenants SMUR, tous les sujets ont re´pondu a` un entretien clinique semi-structure´ et a` un questionnaire mesurant les troubles psychotraumatiques (Posttraumatic stress disorder de Watson et al.). Sur l’ensemble de notre population, nous observons que 77 % des intervenants SMUR ont ve´cu une intervention a` caracte`re traumatique. A` long terme, l’intervention traumatique reste fixe´e en me´moire ; cependant, les re´percussions psychopathologiques sont relativement faibles. L’e´ve´nement traumatique n’est pas a` appre´hender dans une dimension psychopathologique, mais davantage dans le sens d’un rituel de passage permettant un re´ame´nagement de l’identite´ professionnelle afin de faire mieux face aux interventions suivantes. ß 2012 Publie´ par Elsevier Masson SAS.
Mots cle´s : E´tat de stress post-traumatique Intervention traumatique Re´ame´nagement de´fensif Service mobile d’urgences et de re´animation (SMUR) Traumatisme psychique
A B S T R A C T
Keywords: Emergency mobile Units Posttraumatic stress disorders Psychological adjustment Traumatic experiences
The doctors, nurses and ambulance drivers of the mobile emergency medical service (‘‘SMUR’’ in French) are confronted with the death of their patients in their daily occupation (Laborie et al., 2002). In this context, the patients’ death is often unforeseeable and brutal; the deaths result from forms of violence, accidents, suicides and aggressions. Thus, two dimensions emerge from the urgency department; on the one hand the unpredictability of the operations and on the other hand the confrontation with death. These two dimensions refer to the two principal psychopathological aspects concerned in the psychic traumatism: the brutality of the event and the meeting with death. Objective. – The goal of our study is to describe potentially traumatic intervention by the SMUR staff and to find out about their personal experiences and also to measure the psychotraumatic repercussions. All along this research, we will rely on a qualitative and quantitative methodology, in order to confront the subjective richness of the clinical interviews with the data resulting from the questionnaire. Methodology. – The study is based on 69 members of the mobile emergency medical service: doctors, nurses and ambulance drivers. Everybody has answered a semi-structured clinical interview and a questionnaire measuring the psychotraumatic disorder: posttraumatic stress disorder interview of Watson et al. (1996). From the clinical interview, we carried out a thematic analysis in order to identify the various topics emerging from each person’s personal experience. We observe that the most exceptional interventions, such as catastrophes for example, are not more upsetting for the members of the SMUR. In a way, these interventions are regarded as a springboard for any professional career, a feeling of valorization is associated with it. On the contrary, it is more during their ‘‘daily’’ interventions that professionals express their traumatic experience. In this case, the professional is suddenly confronted with the horror, and the lack of preparation makes him more vulnerable to the ‘‘traumatic break down’’.
Adresse e-mail :
[email protected] 0003-4487/$ – see front matter ß 2012 Publie´ par Elsevier Masson SAS. http://dx.doi.org/10.1016/j.amp.2012.03.015
Pour citer cet article : Laurent A. Les e´quipes mobiles d’urgence et de re´animation face aux interventions potentiellement traumatiques. Ann Med Psychol (Paris) (2012), http://dx.doi.org/10.1016/j.amp.2012.03.015
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Conclusions. – The traumatic event is not to be understood in a psychopathological dimension, but more like an ‘‘initiatic ritual’’ allowing reorganization of the professional identity to cope with the following interventions. Thus, we witness the appearance of new faculties: the members of SMUR change their values, they get new competences: from now on, they can apprehend their work in a new way. Thus, the professionals seem to escape from the ‘‘traumatic curse’’. However, time only reveals the true nature of the event, which has been experienced, since trauma is also what we do with it afterwards. ß 2012 Published by Elsevier Masson SAS.
1. Introduction Les me´decins, infirmiers et ambulanciers des services mobiles d’urgence et de re´animation (SMUR) sont confronte´s quotidiennement a` des situations impre´visibles et brutales [22] re´sultantes de violences, d’accidents, de suicides et d’agressions. Les interventions SMUR s’exercent souvent dans un climat d’horreur ou` le spectacle de cadavres mutile´s ou de´figure´s, la mort d’un enfant, ou la souffrance et la de´tresse des patients, participent au ve´cu dramatique des situations [23,25]. Cette re´alite´ professionnelle nous renvoie aux deux principaux aspects psychopathologiques en jeu dans le traumatisme psychique, d’une part, la brutalite´ de l’e´ve´nement, et, d’autre part, la rencontre avec la mort [5]. En effet, le traumatisme est de´crit comme un phe´nome`ne bref et soudain. Sans avoir eu le temps de se pre´munir du danger, l’homme est soudainement saisi par l’irruption de la violence, il est alors fascine´, side´re´. Freud [18] parle dans ce cas d’effroi. Pour comprendre le phe´nome`ne traumatique, Lebigot [26,28] a recours a` la me´taphore freudienne de l’appareil psychique : lorsqu’il y a trauma, l’image re´elle de la mort va faire effraction dans le psychisme et s’y incruster, telle quelle, ne trouvant dans l’inconscient aucune repre´sentation pour l’accueillir, la lier, la transformer afin qu’elle puisse prendre sens. Le psychisme se trouve alors envahi par un afflux d’excitations violentes et agressantes qui de´bordent sa capacite´ de de´fense, bouleversant ainsi fondamentalement son fonctionnement [8,11]. La perte d’illusion d’immortalite´ va eˆtre le corollaire de l’incrustation dans l’appareil psychique de l’image du re´el de la mort. Cliniquement, on l’observe par les re´actions de sursaut, les angoisses, les craintes du sommeil et certaines phobies [27]. La perte d’illusion d’immortalite´ va cre´er une ve´ritable rupture dans l’histoire de vie du sujet [4]. Elle brise la relative unite´ de l’individu, bouleverse les convictions narcissiques d’invulne´rabilite´, d’un environnement protecteur et d’un autrui secourable, et laisse le sujet dans le chaos [3]. Les conse´quences psychopathologiques d’un traumatisme psychique sont re´unies sous le nom de syndrome psychotraumatique. Dans la litte´rature figure e´galement le terme d’e´tat de stress post-traumatique (ESPT), ou posttraumatic stress disorder (PTSD), mais pour rejoindre l’approche psychodynamique du traumatisme psychique [3,4,9,28], nous pensons que ce terme cre´e une confusion entre la notion de stress et de trauma. En effet, lorsque l’on parle de stress post-traumatique, on laisse entendre que le stress est poste´rieur au trauma et que la symptomatologie est conse´cutive a` la re´activation du stress. Cependant, il existe une distinction radicale entre stress et trauma [8,28]. Le stress est une re´action physiologique, neurologique et hormonale de´clenche´e a` partir du moment ou` l’individu est expose´ a` un e´ve´nement potentiellement traumatique, il est e´phe´me`re et sans se´quelle psychologique [9]. Quant au trauma, c’est une re´action psychologique provoquant des manifestations cliniques caracte´ristiques du syndrome psychotraumatique. Le syndrome psychotraumatique est un e´tat psychique chronique organise´ et durable, il n’e´cloˆt qu’au terme d’un temps de latence, variable selon les individus. Il se caracte´rise par un syndrome pathognomonique de re´pe´tition, le trauma est reve´cu de manie`re constante sous forme de cauchemars, de souvenirs
re´pe´titifs ou de reviviscences visuelles hallucinatoires, d’e´tat d’alerte et de sursauts au bruit. Le syndrome de re´pe´tition participe a` la compre´hension du phe´nome`ne traumatique : l’image re´elle de la mort, n’ayant aucune repre´sentation pour l’accueillir dans l’appareil psychique, ne se comporte pas comme un souvenir, mais elle reste intacte, au de´tail pre`s. Lorsqu’elle surgit a` la conscience (cauchemars, reviviscences), c’est au temps pre´sent, comme si l’e´ve´nement e´tait en train de se produire, donnant lieu a` une de´tresse significative. On de´crit e´galement d’autres symptoˆmes dits « non spe´cifiques », car on peut les observer dans d’autres pathologies mentales. Ainsi, des manifestations ne´vrotiques peuvent venir se greffer sur le syndrome de re´pe´tition, soit dans un registre hyste´rique allant jusqu’a` la survenue de conversions somatiques, ou encore dans un registre obsessionnel lorsque l’ide´ation contraint le sujet a` de multiples rituels conjuratoires et ve´rificatoires. Des manifestations phobiques accompagnent tre`s fre´quemment la pathologie psychotraumatique, il s’agit par exemple d’e´viter tous les chemins qui se rapprochent du lieu de l’e´ve´nement ou qui rappellent sa survenue. Parmi les symptoˆmes non spe´cifiques, on observe e´galement une anxie´te´ permanente et des manifestations d’asthe´nie physique, psychique et sexuelle. Les manifestations psychosomatiques ont e´galement une grande fre´quence ainsi que des troubles de la conduite, en particulier l’installation de l’alcoolisme ou de la toxicomanie [6]. Le syndrome psychotraumatique se manifeste aussi par une re´organisation de la personnalite´. En effet, la perte d’illusion d’immortalite´ va avoir pour conse´quence un effondrement progressif des supports qui habituellement permettent au sujet d’e´prouver une se´re´nite´ face a` ce qui l’entoure. L’environnement devient alors menac¸ant, de´pourvu de se´curite´, source d’une inquie´tude nouvelle ou` tout peut arriver. Ainsi, le sujet traumatise´ n’est plus comme avant : il a de´sormais une nouvelle manie`re de percevoir le monde. Les intervenants ressentent une de´motivation et une perte de l’inte´reˆt pour le monde exte´rieur, ils ont l’impression de n’eˆtre ni compris ni soutenus, ils sont irritables et marquent une propension au retrait solitaire et amer [7,8]. L’efficacite´ sur le terrain est diminue´e, les professionnels doutent de leurs capacite´s et leur roˆle de « sauveur » est remis en question [7,29]. De Soir [13] de´crit e´galement des conse´quences plus pernicieuses du syndrome psychotraumatique comme l’absente´isme, le pre´sente´isme, la perte de rendement, ce qu’il nomme des « indicateurs de de´tresse sociale ». Ces derniers ne sont pas toujours imme´diatement visibles et le personnel « souffre pendant de longues pe´riodes avant de capituler, de ‘‘craquer’’, car e´puise´ psychiquement et/ou physiquement ». Des e´tudes mettent en e´vidence la pre´sence de troubles psychotraumatiques chez les intervenants en me´decine d’urgence. Jehel [20] en France indique que 11 % des personnels service d’aide me´dicale urgente (SAMU) manifestent des troubles psychotraumatiques. De Clercq et al. [12] constatent que 13,3 % des personnels SMUR pre´sentent un ESPT complet trois ans apre`s la prise en charge des victimes d’un attentat dans un auditoire d’e´tudiants de l’universite´ de Louvain. Aussi, l’e´tude de Epstein [16] montre que 18 mois apre`s la catastrophe du Ramsteinen en Allemagne, 7,3 % des personnels me´dicaux pre´sents manifestent un ESPT.
Pour citer cet article : Laurent A. Les e´quipes mobiles d’urgence et de re´animation face aux interventions potentiellement traumatiques. Ann Med Psychol (Paris) (2012), http://dx.doi.org/10.1016/j.amp.2012.03.015
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Au regard de ces donne´es, notre e´tude consiste a` identifier les interventions potentiellement traumatiques [32] des intervenants SMUR et a` nous interroger sur le ve´cu et les re´percussions psychotraumatiques de ces interventions. Au cours de cette recherche, nous nous attacherons a` confronter la richesse subjective des entretiens cliniques avec les donne´es quantitatives issues du questionnaire de stress post-traumatique (QSPT) de Watson et al. [34]. 2. Me´thodologie 2.1. Population Notre population est constitue´e d’intervenants d’un SMUR : 69 sujets (45 hommes et 24 femmes) ont accepte´ de participer a` cette recherche. Ce groupe comprend 22 me´decins, 16 infirmier(e)s anesthe´sistes, 20 conducteurs ambulanciers et 11 e´tudiants en me´decine. La moyenne d’aˆge des intervenants est de 39,41 ans (9,481) et leur anciennete´ dans le service est en moyenne de sept ans et 11 mois. Les permanenciers ne sont pas inclus dans cette e´tude. Le recueil de donne´es s’est de´roule´ sur l’anne´e 2005 au sein d’un SMUR de la re´gion parisienne. 2.2. Outils et mode d’analyse Tous les sujets ont re´pondu a` un entretien clinique semistructure´, un questionnaire sociode´mographique (aˆge, sexe, situation familiale, cate´gorie socioprofessionnelle. . .) et un QSPT. Le QSPT, re´alise´ d’apre`s le Posttraumatic stress disorder interview (PTSD-I) de Watson et al. [34], traduit par Brunet en 1995 et valide´ en autoquestionnaire par Jehel et al. [21] permet d’e´valuer la survenue d’un e´ve´nement traumatique et donne une approche diagnostique de l’ESPT actuel ou sur la vie entie`re. Le QSPT se partage selon les cinq axes d’e´valuation du DSM-III-R. Le diagnostic d’ESPT ne´cessite la validation de chacun des axes. Enfin, le QSPT propose un score de se´ve´rite´ de l’intensite´ des troubles avec une amplitude de 17 a` 119, calcule´ graˆce a` la somme des scores des 17 items ; le score seuil pathologique est fixe´ a` 51 [21]. L’entretien semi-structure´ a e´te´ mene´ par une psychologue clinicienne ; il a permis d’explorer trois the`mes principaux : le ve´cu de l’activite´ professionnelle ; le ve´cu et les re´percussions psychologiques d’une intervention e´motionnellement difficile ; les facteurs de vulne´rabilite´ et la strate´gie d’ajustement lors d’une intervention e´motionnellement difficile.
Nous avons proce´de´ a` une analyse de contenu des 69 entretiens. Cette analyse cherche a` fournir une interpre´tation qui rassemble deux poˆles, d’une part, la rigueur de l’objectivite´, et, d’autre part, la fe´condite´ de la subjectivite´ [2]. Cette me´thode s’organise autour de trois phases chronologiques [33,34] : la pre´-analyse : il s’agit ici de prendre connaissance de l’ensemble des entretiens et d’identifier les the`mes qui s’en de´gagent ; l’exploitation du mate´riel : cette phase consiste a` proce´der aux ope´rations de codage qui permettent l’e´laboration d’une grille de cate´gorie rassemblant des e´le´ments du discours ayant des caracte`res communs sous un titre ge´ne´rique. Ensuite, il s’agit de remplir la grille de cate´gories par une ope´ration de comptage (nombre de fois ou` le the`me est cite´ par l’ensemble du groupe) ; traitement et interpre´tation : les donne´es brutes sont traite´es par des ope´rations statistiques simples telles que des pourcentages qui permettent de mettre en relief les informations apporte´es par l’analyse [2]. L’interpre´tation des re´sultats consiste a` « prendre
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appui sur les e´le´ments mis au jour par la cate´gorisation pour fonder une lecture a` la fois originale et objective du corpus e´tudie´ » [30].
3. Re´sultats 3.1. Le questionnaire de stress post-traumatique L’un des objectifs de notre e´tude e´tait de mettre en e´vidence l’importance des situations a` caracte`re traumatique dans la me´decine d’urgence et d’en mesurer les conse´quences sur la sante´ mentale des intervenants. Au regard du QSPT, 77 % des intervenants SMUR ont ve´cu une intervention a` caracte`re traumatique associe´e a` une re´action de peur, d’horreur ou d’impuissance (Tableau 1). A` long terme, les re´percussions psychologiques des interventions a` caracte`re traumatique sont relativement faibles puisque nous ne retrouvons qu’un seul ESPT dans la population SMUR (Tableau 1). Nous observons toutefois que 3 % des intervenants re´pondent a` deux des trois crite`res diagnostiques d’ESPT, et 13 % re´pondent a` un seul des trois crite`res, principalement le crite`re B, c’est-a`-dire les symptoˆmes de re´pe´tition. Enfin, l’intensite´ moyenne des troubles psychotraumatiques manifeste´s par les intervenants est de 24,59 (e´cart type 9,424), ce qui reste faible au regard du score seuil pathologique estime´ a` 51 [21]. 3.2. Analyse de contenu des entretiens cliniques Chaque the`me est pre´sente´ en fonction de son nombre d’apparitions au sein des 69 entretiens. Ainsi, nous pre´sentons dans l’ordre de´croissant les situations e´voque´es par le plus grand nombre de sujets. Chacun des the`mes est illustre´ de vignettes cliniques afin de mettre en avant le ve´cu des intervenants. 3.2.1. The`me 1. Nature des interventions a` caracte`re traumatique chez le personnel des services mobiles d’urgences et de re´animation Les interventions juge´es choquantes e´motionnellement sont de quatre ordres. 3.2.1.1. Les interventions sur des e´ve´nements sanglants et violents de la vie courante. Les de´fenestrations, les suicides dans le me´tro, les accidents de la voie publique, l’immolation ou les meurtres sont des e´ve´nements qui confrontent le personnel SMUR a` des images sanglantes et violentes. Pour 41 % des sujets (28 sur 69 sujets), ils sont de´crits comme des interventions a` caracte`re traumatique provoquant des sentiments d’horreur et d’irre´alite´ : « Les me´tros, c’est violent, y a du sang. . . Y avait de la bidoche de partout. » Tableau 1 Nombre de sujets du groupe services mobiles d’urgences et de re´animation (SMUR) re´pondant aux crite`res de l’e´tat de stress post-traumatique (en %) selon le questionnaire de stress post-traumatique (QSPT). Crite`res du QSPT (fre´quence)
Groupe SMUR (n = 69)
Crite`re A1 : e´ve´nement a` caracte`re traumatiquea Crite`re A2 : re´action de peur, d’impuissance ou d’horreur Crite`re B : symptoˆmes de re´pe´tition Crite`re C : symptoˆmes d’e´vitement Crite`re D : symptoˆmes d’hypervigilance Pre´sence d’un seul syndrome du PTSD Pre´sence de deux syndromes du PTSD PTSD complet
97 77 16 4 3 13 3 1,5
% % % % % % % %
(67/69) (53/69) (11/69) (3/69) (2/69) (9/69) (2/69) (1/69)
PTSD : posttraumatic stress disorder. a Confrontation a` « un e´ve´nement durant lequel des individus ont pu mourir ou eˆtre gravement blesse´s ou bien eˆtre menace´s de mort ou de graves blessures ou bien durant lequel son inte´grite´ physique ou celle d’autrui a pu eˆtre menace´e ».
Pour citer cet article : Laurent A. Les e´quipes mobiles d’urgence et de re´animation face aux interventions potentiellement traumatiques. Ann Med Psychol (Paris) (2012), http://dx.doi.org/10.1016/j.amp.2012.03.015
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3.2.1.2. Les interventions pe´diatriques. Eˆtre confronte´ a` la mort ou a` la souffrance d’un enfant lors d’une intervention est ve´cu comme un e´ve´nement a` caracte`re traumatique pour 33 % (23 sur 69 sujets) des intervenants SMUR. Ces interventions donnent souvent lieu a` une forte identification a` la famille de l’enfant. 3.2.1.3. La mort pendant une intervention. Vingt-deux pour cent (15 sur 69) des personnels SMUR verbalisent que la mort d’un patient pendant l’intervention a eu un effet traumatique. Ce type d’intervention est souvent associe´ a` de forts sentiments de culpabilite´, d’e´chec et d’impuissance de la part du personnel SMUR. 3.2.1.4. Les attentats. La vague d’attentats parisiens en 1995 et 1996 a fortement mobilise´ l’aide me´dicale urgente. Les intervenants SMUR ont e´te´ confronte´s a` une organisation des secours d’une ampleur exceptionnelle et a` des images de chaos comme certains n’en avaient encore jamais ve´cu. Vingt-neuf intervenants sur 69 e´taient pre´sents dans le service a` cette e´poque. Sur ces 29 sujets, seuls trois intervenants e´voquent un des attentats comme l’e´ve´nement traumatique de leur carrie`re : « J’avais l’impression d’arriver a` la guerre. » 3.2.2. The`me 2. Les facteurs de vulne´rabilite´ du professionnel lors d’une intervention a` caracte`re traumatique De nombreux intervenants de´crivent lors des entretiens des facteurs qui ont participe´ au ve´cu traumatique des interventions cite´es ci-dessus. 3.2.2.1. Identification a` la souffrance de la famille ou du patient. Lors des interventions, la famille du patient est parfois pre´sente et exprime toute sa de´tresse face a` la situation. La charge e´motionnelle qu’engendre cette situation est souvent e´voque´e lors des entretiens ; 79 % des personnels SMUR expriment leur de´sarroi face a` la souffrance de la famille : « ce qui est extreˆmement dur, c’est de laisser la famille dans la de´tresse. . . On a l’impression que notre travail est inacheve´ », « les personnes qui nous sautent dessus et se mettent a` pleurer, c¸a demande un grand effort pour ne pas se laisser submerger ». Les intervenants (35 %, soit 24 sur 69) expliquent alors s’eˆtre mis a` la place du patient « il e´tait de la meˆme anne´e que moi. . . », « j’ai imagine´ son quotidien, elle et son mari, elle m’a touche´ », ou a` de la famille « c’e´tait un enfant, j’e´tais papa », et avoir ressenti une vive e´motion. L’identification au cours d’une intervention semble eˆtre le talon d’Achille du personnel SAMU « faut surtout pas s’identifier », « on n’est pas la` pour pleurer avec eux », « si on se met a` leur place on est foutu ». L’identification a` la souffrance du patient ou de la famille est d’autant plus importante lorsque l’intervenant a ve´cu un e´ve´nement de vie difficile qui va faire e´cho a` la situation. Pour 18 % des personnels SMUR, les interventions a` caracte`re traumatique sont apparues a` la meˆme pe´riode qu’un e´ve´nement de vie personnelle difficile. « Je n’ai toujours pas fait le deuil de mes parents, alors annoncer un de´ce`s a` quelqu’un c’est difficile, je revis ce sentiment d’abandon », « apre`s la mort de mon pe`re, j’e´tais plus capable d’assurer, j’e´tais toujours remise face a` ma situation personnelle », « par la me´decine, j’essaie de re´parer ce que je n’ai jamais pu re´parer dans ma famille. . . Avec cette intervention je me suis rendu compte que je ne pouvais pas tout re´parer. . . J’e´tais comme anesthe´sie´e ». 3.2.2.2. L’impre´visibilite´. Pour 41 % (28 sujets sur 69), l’impre´visibilite´ des interventions est source de charge e´motionnelle. Cette impre´visibilite´ domine le quotidien professionnel : le personnel SMUR peut intervenir a` tout moment et sur n’importe quelle pathologie, dans un contexte inconnu ou` le pronostic vital peut s’aggraver a` tout moment : « on sait pas ce qui va se passer, on sait
jamais quand on part au travail, on vit un peu des situations de guerre », « sur l’intervention tout est possible », « je suis parti sur quelque chose de soi-disant pas se´rieux, j’y suis alle´ les mains dans les poches. Je suis rentre´, le choc a e´te´ imme´diat. . . Je ne m’e´tais pas pre´pare´ a` voir c¸a ». Ces situations sont fre´quemment associe´es a` un sentiment d’e´chec, d’impuissance et de culpabilite´. 3.2.3. The`me 3. Les re´percussions psychologiques des interventions a` caracte`re traumatique 3.2.3.1. L’inscription dans la me´moire de l’intervention a` caracte`re traumatique. Dans les mois et meˆme les anne´es qui suivent l’intervention traumatique, 77 % (53 sur 69) du personnel SAMU s’en souviennent avec une pre´cision e´tonnante. Ils peuvent en donner des de´tails visuels, olfactifs ou se rappeler du pre´nom du patient, « Je me vois encore tenir ce nourrisson dans le creux de mes mains (larmes aux yeux) », « Je me souviens de tout, meˆme du papier peint de l’appartement », « Je la revois tre`s nettement », « Ils sont fige´s, enregistre´s. . . ». Dans la majorite´ des cas, le rappel de l’e´ve´nement marquant ne survient pas de manie`re spontane´e, mais en lien avec un stimulus e´vocateur : le professionnel repart sur le meˆme type d’intervention (lieu ou pathologie). Cette situation est parfois accompagne´e d’une tension interne, le sujet est tendu, a les mains moites : « Quand je repars sur le meˆme type d’intervention, j’y repense, je pre´fe´rerais ne pas eˆtre la`, j’ai peur que ce soit la meˆme », « A` chaque fois qu’on me dit douleur thoracique, je repense a` cette intervention, je revois ce monsieur. . . » ; le professionnel est confronte´ a` un de´tail e´vocateur sur les lieux d’une intervention ou dans la vie quotidienne « Quand je revois un motard avec le meˆme type de casque je repense a` ce patient », « Ce qui revient c’est la fume´e, l’odeur, c¸a revient quand je passe devant une station de me´tro », « A` chaque fois que j’arrive a` cet embranchement du pe´riphe´rique, je repense a` cet accident » ; le professionnel repart avec la meˆme e´quipe : « Quand je suis avec ce me´decin en intervention, j’ai une boule dans la gorge » ; le rappel peut survenir lors d’une discussion entre colle`gues a` propos d’interventions marquantes ou devant une e´mission de te´le´vision portant sur des e´ve´nements difficiles : « J’ai vu un ˆ le´s, j’ai e´te´ impressionne´, reportage sur un service de grands bru mon cœur s’est acce´le´re´, j’avais les mains moites. »
Ce rappel est la plupart du temps furtif, les intervenants expliquent qu’ils arrivent a` le maıˆtriser et a` passer a` autre chose rapidement : « C¸a dure pas longtemps, mais c’est toujours la` ». 3.2.4. Le re´ame´nagement de l’identite´ professionnelle 3.2.4.1. Acquisition de nouvelles compe´tences. Suite a` une intervention difficile, 54 % (37 sur 69) des professionnels de l’urgence essaient d’investir l’e´ve´nement de manie`re a` ce que celui-ci soit l’occasion de s’aguerrir professionnellement. Ils se sentent alors mieux pre´pare´s, plus arme´s psychologiquement pour affronter les interventions suivantes : « Je me suis endurci » « C¸a me rend plus forte. . . », « Graˆce a` cette intervention je fais mieux face aux situations dramatiques. . . », « Cette mission m’a permis de ressortir avec un esprit critique pour mieux faire. . . », « C¸a sert de lec¸on ». Dans d’autres cas, l’e´ve´nement a` caracte`re traumatique vient s’inscrire comme e´le´ment de´clencheur pour entamer une formation, se spe´cialiser ou reprendre les e´tudes : « Apre`s, je me suis rue´ sur les articles concernant ce domaine. . . Maintenant, je pourrai retourner sur cette meˆme intervention, je n’aurai pas cette te´tanie », « J’ai mis toute mon e´nergie pour me former. . . », « Cette intervention m’a e´te´ riche en expe´rience. . . Je suis devenu un
Pour citer cet article : Laurent A. Les e´quipes mobiles d’urgence et de re´animation face aux interventions potentiellement traumatiques. Ann Med Psychol (Paris) (2012), http://dx.doi.org/10.1016/j.amp.2012.03.015
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spe´cialiste de la mort subite », « J’e´tais ambulancier a` l’e´poque, et c¸a m’a pousse´ a` devenir infirmier. . . ». De manie`re ge´ne´rale, la spe´cialisation et la formation professionnelle prennent une valeur de re´assurance et permettent aux intervenants de donner du sens a` l’e´ve´nement : « Il faut une explication, une connaissance qui fait que l’extraordinaire devient explicable », « J’ai essaye´ de trouver des explications rationnelles. . . », « Je me suis renseigne´ sur les pratiques d’immolation dans certains pays. . . Savoir que ce n’e´tait pas quelque chose d’exceptionnel, que c¸a pouvait eˆtre bien re´el, c¸a m’a rassure´ ». L’acquisition de compe´tences permet e´galement de se libe´rer de la charge e´motionnelle ve´cue lors de l’e´ve´nement : « Je devais me former, j’en avais besoin, c’e´tait cathartique, quasi the´rapeutique. » 3.2.4.2. Le changement de valeur. L’e´ve´nement traumatique aboutit a` un changement de valeurs professionnelles ou personnelles pour 36 % (25 sur 69) des intervenants. Ainsi, l’e´ve´nement va de´clencher un changement de comportement dans le domaine professionnel : « Maintenant, je prends plus de temps pour calmer le patient et pour voir la situation dans son ensemble. . . » ; ou familial : « Cet e´ve´nement m’a remis en question, j’ai change´ mes priorite´s. . . Ma famille est plus importante que mon travail », « Cet e´ve´nement m’a permis de retrouver mes marques dans ma famille. . . » ; et enfin personnel : « Graˆce a` cet e´ve´nement, j’ai change´, ou plutoˆt je suis redevenu moi-meˆme », « De s’eˆtre trompe´, c¸a rend plus humble ». 3.2.4.3. Valorisation professionnelle. Enfin, l’intervention a permis a` certains sujets d’acce´der a` une notorie´te´, une assise et une cre´dibilite´ professionnelles. En effet, plus l’e´ve´nement est exceptionnel, plus celui-ci permet au professionnel de se valoriser : « J’y e´tais », « J’ai fait Saint-Michel », « C’e´tait l’e´ve´nement de ma vie », « Apre`s, quand on sort pour une douleur thoracique, c¸a fait un peu fade ». C’est le cas de cet intervenant qui, lorsque nous lui demandons de de´crire une intervention traumatique, se souvient de l’atrocite´ de l’attentat, tout en insistant sur le fait que cet e´ve´nement lui a permis de faire valoir ses compe´tences professionnelles.
4. Discussion 4.1. Interventions traumatiques et vulne´rabilite´ L’objectif de notre e´tude e´tait de mettre en e´vidence l’importance des situations a` caracte`re traumatique dans la me´decine d’urgence et de mesurer les conse´quences psychotraumatiques sur les intervenants. Au regard de nos re´sultats, 77 % du personnel SMUR a ve´cu une intervention a` caracte`re traumatique associe´e a` une re´action de peur, d’horreur ou d’impuissance. La coloration traumatique des interventions s’observe a` travers les entretiens, la rencontre avec l’image de la mort vient faire effraction dans le psychisme des intervenants, provoquant un e´tat de side´ration, « J’e´tais te´tanise´e. . . », « J’e´tais comme side´re´e pendant quelques secondes. . . », « On est blaste´ par la vision. . . », « C’e´tait irre´el ». On note e´galement un sentiment d’impuissance et d’horreur devant des corps abıˆme´s : « Y avait de la bidoche de partout, on savait pas par ou` commencer », « C’e´tait un pantin de´sarticule´. . . Cette femme sous le train, c’e´tait irre´el », « On est arrive´, c’e´tait un bain de sang, on est pas habitue´ a` voir c¸a ». La nature de ces interventions traumatiques semble spe´cifique ; comme Girault [19] et Dyregrov [15], nous observons que les interventions les plus exceptionnelles, telles que les attentats, les catastrophes ae´riennes, les missions du « SAMU mondial » (tremblements de terre, inondations. . .) ne sont pas les plus
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bouleversantes pour le personnel SMUR. Au contraire, ces interventions exceptionnelles sont conside´re´es comme un tremplin pour la carrie`re professionnelle, un sentiment de valorisation y est associe´. Ces e´ve´nements catastrophiques provoquent pour 25 % des intervenants une ve´ritable exaltation ou` l’attention, la concentration, les capacite´s mentales et d’actions sont de´cuple´es : « Il me faut de l’urgence », « J’aime les pe´riodes de crise », « Il me faut ma dose (de stress) ». Sous le stress, les intervenants mobilisent leur capacite´ d’action, d’attention, ils sont pre´pare´s a` affronter l’horreur et donc moins pris au de´pourvu. Le stress constitue alors, comme De Clercq [12] l’a e´voque´, un moyen de pre´venir le traumatisme psychique. A` l’inverse, c’est davantage lors des interventions « quotidiennes » que les professionnels expriment leur ve´cu traumatique. Dans ce cas, l’intervenant s’attend a` une situation habituelle et il est soudainement confronte´ a` l’horreur. L’impre´visibilite´ de la situation ne permet pas a` l’intervenant de se pre´parer, d’anticiper, le rendant ainsi plus vulne´rable a` l’effraction traumatique. Un autre facteur de vulne´rabilite´ se de´gage des entretiens en lien avec la souffrance du patient ou de la famille. Face a` la de´tresse, l’intervenant n’arrive plus a` trouver la distance e´motionnelle suffisante et il va s’identifier a` la situation. L’intervenant re´agit alors comme s’il e´tait intimement concerne´ par l’e´ve´nement, des re´sonances e´motionnelles [9,10] pe´nibles vont naıˆtre et s’incruster en me´moire. Ainsi, l’analyse qualitative du ve´cu des interventions d’urgences met en avant que la nature meˆme de l’intervention (violence, gravite´, menace vitale) ne de´termine pas a` elle seule la valeur traumatique d’un e´ve´nement. Peu importe le caracte`re exceptionnel de l’intervention, il suffit qu’elle entre en re´sonance avec la propre histoire de l’intervenant pour que celle-ci bouleverse son e´quilibre psychique. Chacune des interventions est ve´cue de manie`re singulie`re chez le professionnel, et c’est dans cette singularite´ que le ve´cu traumatique doit eˆtre appre´hende´. 4.2. L’intervention traumatique : un rituel de passage Si le ve´cu traumatique des interventions est pre´sent chez les intervenants, a` long terme nous n’observons qu’une faible intensite´ des troubles psychotraumatiques et seulement un ESPT dans la population SMUR. En revanche, 77 % des professionnels gardent en me´moire l’intervention qu’ils ont ve´cue comme traumatique. Dans les anne´es qui suivent, le professionnel se rappelle de l’e´ve´nement aux de´tails pre`s, l’oubli paraıˆt inaccessible. L’intervenant SMUR serait ainsi comme condamne´ a` porter une intervention traumatique, mais non au sens ou` le de´finit Barrois [3], comme un rite sacrificiel ou` la re´pe´tition ne fait qu’affirmer la puissance de l’effroi, mais davantage tel un rite de passage afin de mieux se prote´ger des interventions suivantes. En effet, la notion de rite de passage est de´finie par Van Gennep [31], comme une e´preuve permettant de lier l’individu au groupe, mais aussi de structurer sa vie en e´tapes pre´cises, lui apportant ainsi une perception apaisante de son rapport a` sa temporalite´ et a` sa mortalite´. Le rite de passage joue donc un roˆle important pour l’individu, dans sa relation au groupe, et pour la cohe´sion du groupe dans son ensemble. Duez [14] comprend le rite de passage comme un e´quivalent traumatique : il parle de re´pe´tition rituelle qui serait une tentative de controˆler, d’inte´grer le ve´cu traumatique dans la vie psychique. Les rites de passage signifieraient a` la fois l’abandon de l’ancienne identite´ et l’acquisition d’une nouvelle. L’analyse qualitative des entretiens nous laisse penser que certaines interventions prennent la forme d’un rituel de passage, permettant au personnel SMUR un re´ame´nagement de l’identite´ professionnelle que l’on observe sous forme de changement de valeurs, d’acquisition de nouvelles compe´tences et de l’e´mergence d’une vocation. Elle marque le passage entre un
Pour citer cet article : Laurent A. Les e´quipes mobiles d’urgence et de re´animation face aux interventions potentiellement traumatiques. Ann Med Psychol (Paris) (2012), http://dx.doi.org/10.1016/j.amp.2012.03.015
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avant et un apre`s qui structure et ordonne la carrie`re professionnelle. L’intervention traumatique comme rituelle relie les intervenants dans ce que Bacque´ [1] nomme le « partage d’une symbolique commune » ; c’est le signe indubitable qu’ils ont connu l’horreur et qu’ils en sont revenus plus forts et invulne´rables. Trace de leur compe´tence et d’une identite´ professionnelle, c’est ce qui va leur permettre de gagner la confiance du groupe et de se sentir appartenir et inte´gre´ au groupe. 4.3. L’apre`s traumatisme Ainsi, les intervenants semblent parvenir a` se de´gager de la « male´diction traumatique » [10]. Pourtant, seul le temps re´ve`le la ve´ritable nature du ve´cu de l’e´ve´nement, car le trauma c’est aussi ce que l’on en fait apre`s. Et c’est bien cet apre`s qui re´ve`lera si ce re´ame´nagement se situe du coˆte´ de l’e´laboration psychique ou du bordage de la souffrance [4]. Crocq [10] parle « d’e´laboration re´siliente » ; dans ce cas, l’expe´rience traumatique fait sens pour l’intervenant. Ce dernier est en mesure de re´inscrire l’e´ve´nement dans son histoire de vie, tel un souvenir construit et mentalise´. Les professionnels ne retrouvent pas leur e´tat psychique initial, ils reviennent de leur expe´rience traumatique change´s, mais dans le sens d’une « progression traumatique » [17] permettant l’e´closion de faculte´s nouvelles. Au contraire, le « bordage de la souffrance » signifie que la symptomatologie psychotraumatique se fait cliniquement silencieuse, mais que l’e´ve´nement traumatique est fixe´ en me´moire a` l’e´tat brut, restant une expe´rience de non-sens. On peut apparenter cet e´tat a` une pe´riode de latence, ou` l’activite´ professionnelle fait moratoire. C’est une fois l’intervenant en inactivite´ que son e´difice de´fensif s’e´croule et laisse place aux symptoˆmes psychotraumatiques. Hors de l’activite´ d’urgence, les intervenants devront alors faire face a` la souvenance de leur trauma : « Je me demande souvent, quand je vais arreˆter mon activite´, est-ce que tout c¸a va pas revenir en cauchemars » (infirmie`re, SMUR).
re´actions, et mettre en valeur les propres capacite´s d’adaptation des intervenants SMUR [24]. ˆ ts De´claration d’inte´re L’auteur de´clare ne pas avoir de conflits d’inte´reˆts en relation avec cet article. Re´fe´rences [1] [2] [3] [4]
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5. Conclusion Avant de conclure, soulignons que nous avons travaille´ a` partir de donne´es re´trospectives, et le discours des professionnels lie´s au ve´cu des interventions difficiles de´pend aussi de ce que le sujet a garde´ en me´moire de sa re´action, dans l’apre`s-coup. Ainsi, nous sommes confronte´s a` « l’illusion re´trospective » [9] ou` la re´action imme´diate de l’intervention a e´te´ remodele´e, la re´alite´ du passe´ parasite´e par le pre´sent. Cette e´tude aupre`s des intervenants SMUR nous montre que la confrontation avec l’adversite´ au quotidien ne signifie pas fatalement une rencontre traumatique. Le fait d’e´prouver des e´motions douloureuses ne signifie pas non plus une entre´e dans la psychopathologie. Les re´actions psychologiques et e´motionnelles des intervenants doivent eˆtre conside´re´es avant tout comme normales, en rapport avec ce qu’ils vivent. Nous l’avons vu, le ve´cu traumatique des interventions ne de´pend pas du caracte`re objectif de l’e´ve´nement, mais de la spe´cificite´ que l’e´ve´nement prend pour le professionnel. La clinique du trauma semble de´passer les crite`res du DSM-IV de reviviscence, d’e´vitement, d’activation neurove´ge´tative et de re´duction du fonctionnement social et occupationnel. Dans le ve´cu traumatique, on se retrouve face a` une rupture qui engendre un ve´ritable remaniement de l’identite´ professionnelle de l’intervenant. Si des mesures pre´ventives et the´rapeutiques sont a` proposer dans un service comme celui du SMUR, ce n’est pas pour pathologiser les re´actions des intervenants, mais au contraire pour pre´server l’importance de ce re´ame´nagement de´fensif, pour offrir une reconnaissance, un soutien et une le´gitimation des
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Pour citer cet article : Laurent A. Les e´quipes mobiles d’urgence et de re´animation face aux interventions potentiellement traumatiques. Ann Med Psychol (Paris) (2012), http://dx.doi.org/10.1016/j.amp.2012.03.015