Les infections des voies respiratoires 18 octobre 1991 — Lille

Les infections des voies respiratoires 18 octobre 1991 — Lille

LES INFECTIONS DES VOIES RESPIRATOIRES 18 octobre 1991 - Lille RESUME La prise en charge des infections des voles respiratolres impose la connaissanc...

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LES INFECTIONS DES VOIES RESPIRATOIRES 18 octobre 1991 - Lille

RESUME La prise en charge des infections des voles respiratolres impose la connaissance des agents responsables, l'~valuation des marqueurs du terrain sur lequel elles se d~veloppent, l'appr~ciation des moyens th~rapeutiques disponibles pour un risque ~cologique et un coQt raisonnables. L'~pid~miologie des bact~ries responsables des infections respiratoires ~volue, dans la r~partition des esp~ces incrimin~es, et surtout dans leur sensibilit~ aux agents anti-infectieux. Alors m0.me que la place reconnue aux Legionella d~cline, la reconnaissance d'autres agents passe ~ l'arri~re-plan en raison de rinqui~tante mutation du pneumocoque. Ce dernier, dont la r~sistance aux macrolides et aux t~tracyclines ~tait d~j~ pr~occupante en France, vient maintenant de perdre sa constante sensibilit~ ~ la p~nicilline. Les consequences imm~diates de cette multi-r~sistance du pneumocoque ne doivent probablement p a s s e traduire par un bouleversement des choix th~rapeutiques actuels. Cependant les ann~es 90 risquent d'etre marquees par l'~volution de cette r~sistance, d'o~ la possible invalidation de rindication de mol~cules parfaitement cibl~es dans les ann~es 80 sur Haemophilus influenzae et les producteurs de b~ta-lactamases. Face ~ un patient donn~, rinsuffisance des moyens de diagnostic ~tiologique imm~diat explique que, pour la prise en charge, l'~valuatlon du terrain doit 0~tre prioritaire : les facteurs de risque doivent 0~tre quantifies, ainsi que les facteurs imposant rhospitalisation. Le traitement est subordonn~ ~ l'age ou ~ ridentification de patients dont le pronostic vital ou fonctionnel est en jeu. Au total, rapproche du terrain est privil~gi~e par rapport ~ rapproche purement microbiologique. Un travail consid~rable de clinique et d'~pid~miologie microbiologique est souhaitable.

1 - QUELS SONT LES ARGUMENTS EPIDEMIOLOGIQUES, PHARMACOCINETIQUES ET CLINIQUES CONDUISANT A UN CHOIX RATIONNEL DE L'ANTIBIOTHERAPIE DE L'OTITE MOYENNE AIGUE DE L'ENFANT ? Uotite moyenne aigu~ de l'enfant (OMA) est une infection banale mais non b~nigne. La prescription raisonn~e d'un antibiotique est justifi~e par la possibilit~ de complications rares mais graves telles que les m~ningites. L'~volution de l'~pid~miologie bact~rienne impose un ajustement de l'antibioth~rapie en fonction de l'~mergence de nouvelles souches de pneurnocoques de sensibilit~ diminu~e ~ la p~nicilline et d'H. influenzae r~sistant aux p~nicillines.

Epid,~miologie Le traitement de premiere intention de I'OMA est probabiliste et doit 0Are sous-tendu par les donn~es ~pid~miologiques. UOMA est due ~ 5 esp~ces bact~riennes chez l'enfant de plus de 6 mois : Haemophllus Influenzae, Streptococcus pneumonlae, Moraxella catarrhalis, Streptococcus pyogenes et Staphylococcus aureus. Le pourcentage d'isolement d'H. influenzae est constant quel que soit rage entre 6 mois et 3 ans. S. pneumoniae est plus frequent entre 6 et 12 mois. Pseudomonas aeruglnosa et Staphylococcus aureus sont plus volontiers isol~s avant rage de 6 mois. • H. influenzae s~cr~te une b~ta-lactamase conf~rant la r~sistance aux aminop~ntcillines dans 20 a 30 % des souches isol~es dans les otites. • Les pneumocoques de sensibilit@ diminu~e repr~sentent 22 % des pneumocoques isol~ de pus d'oreille. En outre, 25 % des souches sont r~sistantes aux t~tracyclines, 40 % a l'~rythromycine et 30 % au cotrimoxazole. • Par ailleurs, 90 % des souches de M. catarrhalis et S. aureus s~cr~tent une b~ta-lactamase.

Arguments cliniques Bien que le traitement de I'OMA soit probabiliste, il existe des arguments cliniques qui peuvent moduler ou infl~chir la prescription d'un antibiotique tout en sachant qu'ils ne sauraient ~tre parfaitement pr~dictifs : • rassociation otite-conjonctivite ~voque l'infection ~ H. influenzae, • rotalgie avec fi~vre sup~rieure ~ 39°C ~voque rinfection ~ pneumocoque surtout entre 6 et 12 mois. 43

Antibioth,~rapie

La survenue rare mais possible de complications graves (otomastoYdites, m~ningites, cellulites) avec leurs s~quelles justifie pleinement le traitement syst&matique par antibiotique de toute OMA. II faut privil~gier la vole d'administration orale dans rOMA commune non compliqu~e. •

Uamoxicilline et les macrolides, en raison des r~sistances, ne doivent plus O.tre utilis~s en premi&re intention.

• Le traitement probabiliste dolt tenir compte de deux faits incontoumables : - la production de bO.ta-lactamases, - r4mergence de pneumocoques de sensibilit~ diminu~e ~ la p&nicilline vis-a-vis desquels les b0.ta-lactamines ont une activit~ variable : identique ;~ la p~nicilline (amoxicilline), inf~rieure (c4furoxime-ax~til, c~phalosporines de 10.re g~n&ration, c~fixime). • L'amoxicilline-acide-clavulanique reste un des traitements de choix sous r~serve d'augmenter la concentration d'amoxicilline (posologie doubl&e ~ 80 mg/kg/j) en raison d'une CMI 90 ~ 2 mg/l. •

Les c~phalosporines 2Ome et 3~me g4nOration ont des CMI 90 vis-a-vis des pneumocoques de sensibilit~ diminu&e la p~nicilline s'~chelonnant de 2 ~ 64 mg/l : raugmentation de la posologie n'est pas la garantie de leur efficacit~ clinique. Cependant, leur activit~ est bien cibl~e pour H. influenzae s~crdteur de b~ta-lactamases. • L'association ~rythromycine-sulfafurazole est active sur H. influenzae mais chacun des constituants est inactif sur environ 50 % des souches de pneumocoques de sensibilit& diminu~e ~ la p~nicilline. Uutilisation de cette association darts I'OMA dolt donc 0.ire appr~ciO.e par des 4tudes compl~mentaires. • Le c0.fotaxime et la ceftriaxone, actives aussi bien sur H. influenzae que sur les pneumocoques de sensibilit~ diminute 8 la p&nicilline, peuvent trouver leur indication dans les otites graves. • En cas d'allergie aux p~nicillines, il faut s'adresser/h rassociatlon ~rythromycine-sulfafurazole ou aux ~phalosporines oralizs (allergie crois&e peu fr~quente). • En cas de troubles digestifs, en partlculier de diarrh4e, on a recours aux c~phalosporines orales ou ~ rassociation ~rythromycine-sulfafurazole. Ces recommandations th~rapeutiques tiennent compte de la progression rapide de la r~sistance du pneumocoque. Le changement des habitudes th&rapeutiques dans le choix probabiliste du traitement des otites demande ~ 0.tre confront~ aux r~sultats cliniques et ;~ l'&tude plus approfondie d'~checs cliniques &ventuels.

II - FAUT-IL T R A I T E R PAR A N T I B I O T I Q U E S L E S B R O N C H I T E S A I G U E S DE L'ADULTE SAIN OU DU B R O N C H I T I Q U E C H R O N I Q U E N O N INSUFFISANT RESPIRATOIRE ? PAR QUELLES MOLI~CULES ? CHEZ QUELS TYPES DE PATIENTS ? B r o n c h i t e aigui~ d e r a d u l t e s a i n

La bronchite aigu~ est d~finie par une inflammation aigu~ des bronches et des bronchioles. Son origine virale appara[t tr~s largement pr~dominante. Les 4tudes comparatives contre placebo n'apportent aucun argument objectif en faveur du traitement antibiotique. L'abstention de route prescription antibiotique est une attitude acceptable. Cependant, la persistance d'une toux et de la purulence de rexpectoration au del~ de 7 jours, la pr0..sence de r~les bronchiques diffus ~ l'auscultation et la notion d'un tabagisme peuvent Justifier radministration d'une aminop~nlcilline, d'une t~tracycline ou d'un macrolide. II ne serait pas acceptable de recourir ~ des antibiotiques dont rutilisation abusive risquerait de modifier l'~cologie bact~rienne (fluoroquinolones, c~phalosporines de 2dme g~n~ration, c~phalosporines de 3&me g~n~ration,...) ni 8 des antibiotiques on~reux ou mal tol~r~s.

Bronchite aigu~ chez le bronchitique chronique (en dehors de l'insuffisance respiratoire) La bronchite chronique est d~finie par une toux et une expectoration 3 mois par an depuis au moins cleux ann~es cons~cutives. U~tiologie dune bronchite algu~ survenant sur un terrain de bronchite chronique est difficile ~ appr~cier. Cependant, l'analyse microbiologlque falt appara~tre le r01e pr~domlnant de deux bact~ries : S. pneurnoniae et H. influenzae, m~me si leur caract~re commensal rend al~atoire la distinction entre colonisation de la muqueuse et authentique infection. 44



Qui traiter ?

Parmi les 8 ~tudes r~alis~es clans des conditions m~thodologiques acceptables, comparant antibiotiques et placebo, 2 seulement d~montrent la sup~riorit~ du traltement ; ce b~n~fice est r~el si au moins 2 des 3 symptOmes de la pouss&e d'exacerbation (dyspn~e, augmentation du volume des s~cr~tions, caract~re purulent de rexpectoration) sont presents initialement. En pratique, la majorit~ des bronchitiques chroniques en pouss~e aigu~ pr~sente au moins deux de ces symptOmes. L'antibioth~rapie repr~sente donc la solution de prudence m~me s'il n'y a pas de preuve irrefutable de son bien-fond~ chez tousles patients. Deux arguments plaiclent en faveur de cette attitude active : la difficult~ de diff~rencier sur la seule clinique le caract~re bronchique exclusif ou r~ventuelle participation parenchymateuse de rinfection, le doute imposant le recours au clich~ thoracique ; la difficult~ d'appr~cier en pratique quotidienne rexistence ~ventuelle d'un retentissement respiratoire de la bronchopathie. •

Par quelle moh~cule ?

- Aucun travail r~cent ne d~montre la sup~riorit~ d'une mol~cule antibiotique par rapport ~ une autre. - II n'est clonc pas licite de recourir aux produits les plus r~cents ou les plus innovants dans robjectif de couvrir tousles germes potentiellement presents. - Un traitement raisonnable de premiere intention peut ~.tre une aminop~nicilline, une c~phalosporine de l~re g&n~ration ou un macrolide par vole orale. La persistance des sympt6mes au del~ de 7 jours, alors que le diagnostic est confirm~ (radiographie thoracique : absence de pneumonie) et que le traitement symptomatique (kin~sith~rapie) est correct, dolt amener ~ une prescription de deuxi~me intention : amoxicilline + acide clavulanique, c~phalosporine de 2~me g~n~ration orale, voire fluoroquinolone ou c~phalosporine de 3~me g~n~ration orale. •

Combien de temps ?

Aucune dur~e de traitement n'est valid&e scientifiquement. L'usage est de traiter pendant 8 ~ 10 jours.

1II - Q U E L L E

DOlT ETRE L'ANTIBIOTHI~/RAPIE DE PREMIERE INTENTION DES PNEUMONIES COMMUNAUTAIRES ? QUELLE DOIT ETRE SA RI~i~VALUATION EN CAS D'I~CHEC, COMPTE TENU DE L'I~VOLUTION DES AGENTS RESPONSABLES, EN PARTICULIER DE LA RI~SISTANCE DES PNEUMOCOQUES ET CELA JUSTIFIET-IL DES ASSOCIATIONS ? Dans tOLlSles cas, le traitement initial des pneumonies communautaires est probabiliste. II n'existe ~ ce jour aucun produit disponible incluant clans son spectre la totalit~ des bact~ries en cause. Les sch&mas d'antibioth~rapie de premiere intention ont ~t6 consacr~s par l'usage plus que par les essais th~rapeutiques. Les p~nicilllnes G et ramoxicilline pout le pneumocoque, les macrolides pour les bact~ries Intracellulaires et les mycoplasmes sont les produits de r~f~rence. L'association amoxicilline-acide clavulanique a acquis ~galement par rusage une situation de r~f~rence en premiere intention lorsqu'on suspecte ~ la lois pneumocoque, S. aureus, bacilles Gram n~gatif et ana~robies. II en est de m~me des c~phalosporines de l~re g~n~ration sauf sur les ana~robies. Certains produits anciens ne peuvent plus ~.tre indiqu~s en premiere intention : t~tracyclines, cotrimoxazole, chloramph~nicol. Les donn~es &pid~miologiques r~centes montrent que le pneumocoque est le plus fr~quemment en cause, en ville cornme ~ rh6pital et quel que soit le terrain. L'incidence de M. pneumoniae est plus Oev~e chez les sujets jeunes ; ceUe de G. pneumonlae doit ~tre pr~cis~e en France ; enfin celle de Leglonella pneumophila est probablement inf~rieure 5 %. S. aureus et les ent&robact~ries repr~sentent 10 ~ 20 % des cas de pneumonies des sujets de plus de 75 ans ou des patients d~bilit~s. Les ana~robies sont ~voqu~s en cas de trouble de la d~glutition. H. influenzae n'est qu'exceptionnellement en cause. Ni les ~l~ments cliniques, ni les ~l~ments radiologiques, ~ne permettent de pr~dire avec suffisamment de pertinence ragent infectieux responsable. Uantibioth~rapie empirique est donc fond~e sur les probabilit~s li~es ~ l'~pid~miologie et au terrain. C'est ~galement le cas ~ rh6pital, avant robtention de renseignements microbiologiques. La gravit~ am~ne en outre parfois ~ ~largir le spectre de l'antibioth~rapie de premiere intention. L'~volution des r~sistances acquises conceme principalement le pneumocoque : 20 % de r~sistance aLEXmacrolicles, 16 % de r~sistance ~ la p~nicilline sur 45

rensemble des souches test~es en 1991, mais moins de 3 % sur les souches isol~es de pneumonies avec h~moculture positive, inhib~es par moins de 4 mg/l de p~nicilline. Aucune des nouvelles molecules adminlstrables par vole orale n'apparait sup~rieure aux mol~cules de r~f~rence. Les fluoroquinolones sont aussi actives clue les macrolides sur les agents intracellulaires et M. pneumoniae. Vis-a-vis des pneumocoques r~sistants, seuls ramoxicilline, le c~fotaxime, la ceftriaxone et l'imil:~n~me conservent parmiles b~ta-lactamines des CMI 90 compatibles avec une activit~ clinique. Dans l'exp~rience clinique espagnole, les b~.ta-laclnmines cities n'ont jamais ~t~ prises en d~faut. Lensquinolones commercialis~s ne constituent pas un recours. Les glycopeptides, la rifampicine et la pristinamycine sont ~galement r~guli~rement actifs in vitro.

Quelle est la strat~gie propos~e ? • Adulte pr~sum& sain, sans signe de gravit~ L'attitude consacr~e par rusage n'a pas lieu d'etre modifi~e : le choix est ~ faire entre amoxicilline et macrolide. Ce serait une erreur de ne pas prescrire un antibiotique r~guli~rement actif sur le pneumocoque pour une pneumonie franche : ramoxicilline est darts ce cas rantibiotique de choix. Uusage en France est maintenant d'appliquer une posologie de 1 g 3 fois par jour. Chez radulte jeune avec une pneumonie b~nigne, d'aUure atypique, un macrolicle est recommand~. Dans tousles cas, la r~valuation est syst~matique entre 48 et 72 heures. Uabsence d'am~lioration clinique conduit ;~ inverser la prescription antibiotique initiale ou ;~ assocler les deux procluits. Toute forme tra~nante impose la radiographie pulmonaire. Toute aggravation rapide conduit ;~ rhospitalisation. •

Adulte "fragile"/~ risque

Le spectre vise par l'antibiothErapie dolt ~tre Elargi et inclure pneumocoque, bacilles ~ Gram nEgatif (Klebsiella pneumoniae, E. co/i), S. aureus, I1y a plusieurs chotx possibles, qu'il s'agisse de rassociation amoxicilline-acide clavulanique ou des c~phalosporines orales, mais aucun n'est exempt de faiblesses. Aucune donnEe de la littErature ne pertnet de privilEgier un produit par rapport aux autres. Lorsqu'une pneumonie de dEglutition est envisagEe, le recours ~ rassociation amoxicilline-acide clavulanique est justifiE (ana~robtes). Chez ce sujet a risque, un ~chec du traitement conventionnel en raison d'une infection a pneumocoque de sensibilit~ diminu~e ~ la p~nicilline dolt ~tre redout~. II faut alors envisager soit raugmentation de la posologie d'amoxiciUine, soit utiliser la ceftriaxone. Le risque d'une infection ~ L. pneurnophila peut inciter a associer un macrolide ou une fluoroquinolone, d'embl~e, ou en cas d'~chec du traitement de premiere intention. •

Patients hospltalis~s en raison de sympt6mes

graves

Les pr~l~vements microbiologiques sont obligatoires. L'antibioth~rapie dolt ~tre raise en route d'embl~e par vole parent~rale et couvrir toutes les ~ventualit~s dans rattente d'arguments ~tiologiques formels. Les associations sont alors indispensables : amoxicilline-acide clavulanique ou c~phalosporine de 3~me g~n~ration + macrolide ou fluoroquinolone. Devant la certitude d'une pneumococcie et clans l'~tat actuel de la r~sistance,il ne semble pas l~gitime de recourir ;~ un autre traitement clue la p~nicilline G (300 000 Ul/kg/j) ou ramoxicilline a forte dose (150 mg/kg/j). Dans tousles cas, le traitement dolt ~tre r~valu~ quotidiennement en fonction de l'~tat du malade et des informations microbiologiques recueillies. Celles-ci conduisent a un ajustement du traitement ciblant l'agent identifi~.

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