Les mélanocytes choroïdiens normaux et malins : de la cellule à la clinique

Les mélanocytes choroïdiens normaux et malins : de la cellule à la clinique

REVUE GÉNÉRALE J Fr. Ophtalmol., 2005; 28, 7, 781-793 O Masson, Paris, 2005. Les mélanocytes choroïdiens normaux et malins : de la cellule-à la clin...

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REVUE GÉNÉRALE

J Fr. Ophtalmol., 2005; 28, 7, 781-793 O Masson, Paris, 2005.

Les mélanocytes choroïdiens normaux et malins : de la cellule-à la clinique F. Mouriaux ( l f 2 ) , S. Saule (3), L. Desjardins (4), F. Mascarelli (2) (1) Service d'Ophtalmologie, CHU Côte de Nacre, Caen. (2)INSERM U598, lnstitut Biomédical des Cordeliers, Paris. (3) UMR 146, Institut Curie, Orsay. (4) Institut Curie, Paris. Correspondance : F. Mouriaux, Service d'Ophtalmologie, CHU Caen, 14033 Caen cedex.E-mail : mouriaux-fachu-caen.fr Reçu le 20 juillet 2004. Accepté le 9 mars 2005.

Normal and malignant choroidal melanocytes: from cell to clinical approach F. Mouriaux, S. Saule, L. Desjardins, F. Mascarelli

J. Fr. Ophtalmol., 2005; 28, 7: 781-793 The molecular and cellular basis of human choroidal malignant melanoma progression has remained largely unknown. However, choroidal melanoma is the most important primary intraocular tumor in adults. Developmentally, choroidal melanocytes are of neural crest origin similar t o cutaneous melanocytes. However, there are some significant differences between cutaneous and uveal melanocytes that have yet to be fully assessed. The purpose of this study is to describe choroidal melanocytes. We will describe the significant differences between cutaneous and uveal melanocytes as well as the congenital and acquired diseases of uveal melanocytes. We will then describe the cellular and molecular rnechanisms involved in melanoma progression.

Key-words: Cell biology, choroidal, rnelanocyte, melanoma, pathology, proliferation, protein.

Les mélanocytes choroïdiens normaux et malins : de la cellule à la clinique Bien que le mélanome cutané soit un modéle trés largement étudié, peu de travaux ont été effectués sur le mélanome de la choroïde. Pourtant, le melanome de la choroïde est la tumeur maligne primitive oculaire la plus fréquente chez l'adulte. Même si l'origine embryologique et les génes impliqués dans leur développement sont les memes, il s'agit de deux entités carcinologiques différentes. Nous centrerons notre discussion dans ceJte revue générale sur (( le rn4lanocyte choroïdien ».Nous préciserons quelles sont les spécificités des mélanocytes uvéaux qu'ils soient normaux ou malins. Nous décrirons les pathologiescongénitales et acquises impliquant les mélanocytes de la choroïde. Enfin, nous aborderons les mécanismes moléculaires et cellulaires qui regissent les phénomènes de prolifération cellulaire des melanocytes choro'idiens.

Mots-clés : Biologie cellulaire, choroïde, mélanocyte, mélanome, pathologie, prolifération, protéine.

INTRODUCTION Un mélanocyte est une cellule qui se caractérise par une production de mélanine. Les mélanocytes se différencient A partir de leurs précurseurs, les mélanoblastes, et doivent être différenciés des mélanophages qui sont des macrophages ayant phagocyté de la mélanine. II existe deux types de mélanocytes : les mélanocytes périphériques ou mélanocytes issus de la crête neurale et les mélanocytes centraux. Ces mélanocytes centraux sont également dénommés cellules épithéliales pigmentées de la rétine. Cependant, il existe une controverse sur cette terminologie puisque certains considPrent les cellules épithéliales pigmentées de la rétine comme des cellules épithéliales avant tout [ I l . En effet, leur origine embryologique différente, leurs multiples fonctions et leur production accessoire de mélanine confortent cette hypothése. Dans cette revue générale, la terminologie « mélanocytes » s'applique aux mélanocytes de la crête neurale. Ces mélanocytes se situent dans l'épiderme, le bulbe des cheveux, les méninges, l'oreille interne et l'œil. Les mélanocytes uvéaux se localisent dans le stroma de l'iris, du corps ciliaire et de la choro'ide, la choroïde représentant 80 % du tissu uvbal. L'épaisseur de la choro'ide est d'environ 0,2 mm et c'est dans le stroma choroïdien et dans la supra-choroïde que se situent les mélanocytes. Ils

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sont pigmentés, de forme étoilée, fusiformes, parfois arrondis ou ovalisés a noyau central. Dans la peau, le mélanocyte est en contact étroit avec une vingtaine de kératinocytes avoisinants par l'intermédiaire de ses prolongements dendritiques. La mélanine, produite par les mélanocytes cutanés tout au long de la vie, est transférée dans les kératinocytes. Le principal rôle de la mélanine est un rdle photo'récepteur puisqu'elle a la propriété essentielle d'absorber le rayonnement qui n'a pas été réfléchi à la surface de la peau [2]. A l'inverse des mélanocytes cutanés, les fonctions des mélanocytes choroÏdien restent mal connues. Les structures fibrillaires observées dans leur cytoplasme pourraient jouer un rôle dans le maintien d'un tonus capillaire ; il n'existe par ailleurs pas de contact fonctionnel entre les dendrites de mélanocytes choroïdiens et les autres types cellulaires du tissu uvéal ; les mélanocytes choroïdiens sont quiescents tout au long de la vie et n'ont plus la capacite de fabriquer de la mélanine ; enfin, il ne semble pas que les ultra-violets (UV) aient un impact sur la mélanogenèse uvéale au contraire des mélanocytes cutanés [3]. Bien que le mélanome cutané soit un modèle largement étudié, peu de travaux ont été effectués sur le II s'agit de mélanome de la chorcdie. la tumeur maligne primitive oculaire la plus fréquente chez l'adulte [4]. Même si l'origine embryologique et les gènes impliqués dans leur développement sont les mêmes, il s'agit de deux entités carcinologiques différentes. Cette revue a pour but de montrer les spécificités des mélanocytes choro'idiens qu'ils soient normaux ou malins et de mieux cerner les mécanismes moléculaires et cellulaires régissant les phenomènes de prolifération cellulaire.

EMBRYOGEN~SE DES M~LANOCYTES La crête neurale est une structure embryonnaire transitoire qui se

forme a partir de l'ébauche neurale primitive. Les crêtes neurales sont issues de la partie dorsale du tube neural et sont à I'origine de toutes les cellules pigmentées de l'organisme, à I'exception de cellules de l'épithélium rétinien, qui proviennent directement du neuroectoderme [5]. A l'aide de chimères caille/poulet, il a été démontré que la migration des mélanoblastes s'effectuait de façon très précise en migrant entre le dermomyotome et l'ectoderme selon un trajet dorso-latéral. Plusieurs jours après le début de la migration, les mélanoblastes qui parviennent dans leur site définitif entrent dans une phase de prolifération intense pour s'y diffkrencier en mélanocytes dendritiques et pigmentés. Chez l'homme, les méianoblastes colonisent le site définitif entre la 8eet la 14e semaine de vie intra-utérine et Y srolifèrent 161. ces cellules de 'la crête neurale sont pluripotentes et donnent naissance à d'autres types cellulaires tels que les ceitules gliales, adrénergiques, cartilagineuses et les neurones (fig. 1). Ceci permet de mieux

comprendre pourquoi certaines pathologies impliquant les mélanocytes sont associées à des désordres touchant d'autres organes ou tissus contenant également des cellules derivees de la crête neurale 151. Les anomalies du développement des mélanocytes se définissent cliniquement par une inhomogénéité de la pigmentation par modification de la distribution des mélanocytes pendant l'embryogenèse. Cette hétérogénéité de la pigmentation peut être soit le fait d'un défaut de différenciation des cellules de la crête neurale, soit d'un défaut de la migration des mélanoblastes ou encore d'un défaut de maturation des mélanocytes lorsqu'ils ont atteint leur cible.

LA M ~ L A N O G E ~ ~ ~ ~ ~ E La mélanogenèse est le terme désignant la synthPse des mPlanines et les mécanismes qui la contr6lent. La mélanogenèse est utilisee comme modèle d'étude de différenciation depuis longtemps, car la

LI Neuroblastes (gairglions spinaux. p0;1ph@rlquesei crdniens)

(ganglions sylnpalhiques. surrenales)

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(c)lémensdu système nerveux p8ripll6riques)

(elemenls parasym~illhlques du sysletne nerveux central

et peripliklque)

(os du crbne, rnbningcs, éIOmrnts oculaires, &rmo do la lace cl du cou, éI6rnonls (cellules.c. lypophyte, lobe frontal, CeIlliles en lla. cellules inlesliilales)

Figure f : Différenciationcellulaire à partir de la crête neurale. La crête neurale donne naissance à de nombreux types cellulaires dont les mklanocytes. Certaines pathologies des mélanocytes peuvent être associées à l'atteinte d'autres types cellulaires issus de la crête neurale. Ce sont les neuro-cristopathies (Adapté de Apple DJ and Naumann GOH. General anatomy and development of the eye. Ocular pathology. St Louis:Mosby;l998).

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différenciation cellulaire aboutit à une cellule au phénotype bien marqué, caractérisée par I'apparition de pigments, et donc facilement détectable en histologie. Ce modèle permet l'étude de I'influence de molécules comme des facteurs de croissance, des hormones, des seconds messagers ou encore des facteurs de transcription sur la différenciation cellulaire. La mélanogenèse s'effectue dans deux types de cellules : les mélanocytes et les cellules de I'épithélium pigmenté de la rétine. Chez l'homme, la mélanogenèse uvéale apparaît dès la 20' semaine de vie embryonnaire et se termine quelques semaines après la naissance [Il. En effet, les mélanocytes uvéaux peuvent produire de la mélanine encore quelques semaines ou quelques mois après la naissance : c'est pour cela que I'iris atteindra sa teinte définitive à I'2ge de 6 mois. Le rnélanosome est un organite cellulaire qui a comme fonction la production de la mélanine. Certains intermédiaires de réaction produits lors de la synthèse de la mélanine sont toxiques pour la cellule. En confinant la synthèse dans un organite tel le mélanosome, la cellule se trouve protégée. Dans le mélanome, on observe souvent des mélanosomes incomplets ainsi que de la mélanogenèse extramélanosomale. Ainsi la toxicité des précurseurs de la mélanine libérés dans le cytoplasme pourrait rendre compte au moins en partie de la nécrose cellulaire de certains mélanomes pigmentés. La toxicité des ces précurseurs libérés dans le cytoplasme pourrait constituer une approche thérapeutique des mélanomes pigmentés, basée sur la perméabilisation de la membrane des mélanosomes [7, 81. La pigmentation est le résultat d'un mélange de deux types de mélanines : I'eumélanine et la phaéomélanine 191. En général, on trouve chez l'homme un mélange des eumélanines et des phaéomélanines en différentes proportions. Ces mélanines sont le produit d'une série de réactions d'oxyda-

Métanocytes choroïdiens

tion, cyclisation puis polymérisation. Les eumélanines sont des mélanines de couleur brune ou noire, à haut poids moléculaire, insolubles dans la plupart des solvants. Les phaéomélanines sont caractérisées par leur couleur jaune orangée, elles sont solubles dans les bases. Les eumélanines sont surtout connues pour leur effet photoprotecteur en raison de leur large spectre d'absorption dans l'UV, le visible et l'infrarouge. Le degré de pigmentation de l'iris est la conséquence, d'une part, de la quantité de mélanine totale des cellules épithéliales et des mélanocytes du stroma et, d'autre part, de la proportion des deux différents types de mélanines. Cette pigmentation est essentielle dans le contrôle de l'ouverture de la pupille et, peut-être, dans la filtration des UV, comme pour la peau. En revanche, cette pigmentation pourrait être un facteur de risque dans le développement du mélanome choroïdien [ l O]. La mélanogenèse met en jeu une cascade d'enzymes qui catalysent les différentes étapes de la synthèse. La synthèse des mélanines consiste en une série de réactions spontanées enzymatiques dont le précurseur est la8 L-tyrosine, un acide aminé aromatique. Trois enzymes principales participent à la mélanogenèse. II s'agit de la tyrosinase, de la Trp-1 (tyrosinase related protein-1) ou gp75 et de la Trp-2 (tyrosinase relatedprotein-21, encore appelée DOPA-chrome tautomérase (DCT) [ I l , 121. Ces trois enzymes possèdent environ 40 % d'identité dans leur séquence en acides aminés [2]. De façon très récente, il a été montré que l'augmentation de Trp-2 était impliquée dans la radiorésistance du mélanome cutané [13]. Microphtalmia transcription factor (MITF) est un facteur de transcription essentiel dans la genèse des mélanocytes embryonnaires et de leur pigmentation. II intervient directement au niveau de la synthèse des mélanines en amont, en activant les gènes codant la tyrosinase,

Trpl et Trp2 [14]. Nous avons montré l'implication du facteur de transcription MITF dans la genèse de la pigmentation et dans la prolifération du mélanome choroïdien [I 51.

ANOMALIES CONGENITALES DE LA PIGMENTATION IMPLIQUANT LES MÉLANOCYTES DE LA CHOROIDE Une pigmentation correcte dépend non seulement de la migration des mélanoblastes, du développement des mélanocytes, mais aussi du bon fonctionnement de la cellule pigmentaire elle-même et de ses organites spécialisés, les mélanosomes. Le syndrome de Waardenburg (WS) et les mélanoses congénitales sont les manifestations cliniques d'anomalies de migration des mélanocytes ou de leurs précurseurs tandis que l'albinisme est la conséquence d'un trouble de la fonction de synthèse de la mélanine par les mélanocytes.

Albinisme L'albinisme représente un ensemble d'anomalies génétiques caractérisées par une diminution ou une absence de mélanine associée à un nombre de mélanocytes normaux [16, 171. La manifestation la plus caractéristique de I'albinisme est I'hypopigmentation de la peau, des cheveux, des poils et des yeux (fig. 2a). Cette absence ou diminution de la synthèse de mélanine est associée à une hypoplasie fovéolaire et une anomalie de routage des fibres optiques. L'importance de I'hypopigmentation est variable et dépend du type d'albinisme, de l'âge et de l'ethnie. Sept gènes ont été identifiés chez l'homme, dont les mutations sont responsables des différents types d'albinisme : les albinismes oculo-cutanés (AOC) de type 1, II et III, et l'albinisme oculaire (A01) lié à I'X sont dus à

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F. Mouriaux et coll.

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uvéaux. a) ~lbinismëoculaireavec atrophie idenne totale (photo Dr F Guilbert).b) Syndrome de Waardenburg de type I avec atrophie irienne sectorielle. c) Mélanose oculaire bénigne : atteinte pigment& congénitale de la sclère bénigne mais qui peut prédisposer au développement d'un mélanome de la choroïde, orbitaire ou méningé.

une anomalie de la mélanogenèse ; les syndromes de Griscelli (SG), d1Hermansky-Pudlak(SHP) et de Chediak-Higashi (SCH) sont secondaires a une anomalie de la formation et du mouvement des mélanosomes. Les mutations responsables de l'albinisme sont le plus souvent autosomiques récessives et leur incidence est inférieure à 1110 000. Pour plus de détails, le lecteur pourra consulter le rapport des bulletins des sociétés Française d'ophtalmologie 2003 sur la pathologie de l'iris.

Syndrome de Waardenburg La prévalence de cette affection a été estimée entre 1,44 et 2,0511 00 000 dans la population générale. Le syndrome de Waardenburg (WS) est la conséquence d'anomalies de migration des mélanocytes. La

fonction pigmentaire en est donc normale. II s'agit d'une malformation oculo-dermato-auditive autosomique dominante à expressivite variable, associant dans sa forme la plus typique une dystopie canthale interne avec un élargissement de la base du nez, des troubles de la pigmentation et parfois une surdité neurosensorielle. Cette surdité est le corollaire de l'absence de mélanocytes dans la strie vasculaire de la cochlée entraînant une absence de production de potentiels endocochléaires et une destruction de la membrane de Reissner avec désorganisation de l'organe de Corti. D'autres malformations ont ensuite été rapportées, permettant alors d'individualiser plusieurs soustypes de WS selon les anomalies rencontrées et leur expressivité clinique [18]. Les anomalies de la pigmentation oculaire se manifestent

par des iris bleus ou atrophiques et par un aspect albinoïde du fond d'œil par déficience du nombre de mélanocytes uvéaux (fig. 2b). Quatre sous-groupes de WS ont été identifiés : le syndrome de Waardenburg type 1 (WSI) se caractérise par la dystopie canthale interne qui n'existe pas dans le type 2 (WSZ) ; le type 3 ou syndrome de Klein-Waardenburg (WS3) est associé à des anomalies du système musculo-squelettal des membres tandis que le type 4, également identifié sous le terme syndrome de Shah-Waardenburg (WS4), est caractérisé par un mégacdlon tel qu'on le retrouve dans le syndrome de Hirschprung. Lors du développement embryonnaire, les cellules pluripotentes de la crête neurale sont à I'origine des mélanocytes, mais aussi à I'origine d'autres types cellulaires (fig. 1).

Mélanocytes choroïdiens Chez l'homme, un grand nombre de malformations faciales sont dues à des anomalies de la crête neurale que l'on peut regrouper sous le terme de neuro-cristopathies simples ou complexes [19].Ainsi les WS1, certains WS3 et le WS4 peuvent être considérés comme des neuro-cristopathies. En revanche, le WS2 semble être secondaire à une atteinte mélanocytique pure. Ces différents sous-types correspondent à des anomalies génétiques spécifiques des gènes qui contrôlent la survie, la différenciation, la prolifération et la migration des mélanocytes [20] : - le récepteur tyrosine kinase cKit (cellular-Kinase tyrosine) et de son ligand, le SCF (Stem Ce11 Factor) [2 11 ; - I'endothéline-3 (Edn3) et son récepteur de type B EdnBR (Endotheline-Breceptor P) [22] ; - les facteurs de transcription Pax3 (Paired box domain), MlTF (Microphtalmia transcription factor), SoxlO (Sex-determining Region y gene containing high mobility group box) [23]. Le facteur de transcription MlTF semble être la clé de voîite des différents types de syndrome de Waardenburg. Même s'il n'est retrouvé muté que dans 20 % des WS2, son expression sera affectée dans les mutations de Pax3, Edn3, EdnRB ou SoxlO puisqu'il est la cible de tous ces gènes.

Mélanoses oculaires congénitales

A l'état normal, il existe toujours des amas de mélanocytes accompagnant les vaisseaux ciliaires dans leur traversée sclérale et formant des taches pigmentées autour de l'orifice de ces vaisseaux (boucle dfAxenfeld).Cependant, la sclère peut être abondamment pigmentée congénitalement, cette pigmentation étant un élément du tableau de la mélanose oculaire congénitale bénigne de Bourquin ou melanosis oculi ou encore melanosis bulbi [24]. La mélanose oculaire congénitale est caractéri-

sée par une teinte sclérale et épisclérale ardoisée ou bleutée, le plus souvent répartie de f a ~ o nirréguIiPre. Par ailleurs, l'iris est de couleur brun foncé, presque noir, et le fond d'œil est plus sombre que du cdté opposé. Lorsque cette pigmentation bleutée s'étend aux paupières et aux plans cutanés du même côté, couvrant un territoire correspondant aux deux branches du trijumeau, il s'agit alors d'un naevus fusco-coeruleus ophtalmomaxillaris de Ota (fig. 2c). II est plus fréquent chez les Asiatiques et chez les sujets mélanodermes [25]. Qu'il s'agisse de la mélanose sclérale ou du naevus dlOta, ces mélanoses sont dues à la présence anormalement élevée de métanocytes normaux qui débordent leur territoire habituel. II s'agit donc d'une pathologie bénigne bien que ces mélanoses prédisposent au développement d'un mélanome de la chorcdie, orbitaire ou méningé [26].

PATHOLOGIES HUMAINES IMPLIQUANT LA PROLIFÉRATION DES M~LANOCYTES DE LA CHOROIDE Naevus choroïdien Le naevus choroidien est une tumeur bénigne qui modifie I'architecture du tissu choro'idien. II représente-unproblème diagnostic essentiel en raison d'une symptomatologie clinique parfois très proche du mélanome. La fréquence du naevus choroïdien est retrouvée dans 6,5 % des yeux normaux [27]. Le nzvus choroïdien est extrêmement rare chez l'enfant, mais semble plus fréquent autour de la puberté. Tous les intermédiaires de coloration existent, fonction des degrés de pigmentation mais, en général, les naevus sont pigmentés (fig. 3a). Les naevi se définissent par une colonisation focale de mélanocytes clonaux [28].11 semblerait que le risque de dégénérescence d'un naevus

choroïdien vrai soit de 115 000 [29, 301. En fait, nous ne savons donc pas si les naevi représentent une lésion pré-cancéreuse ou bien un facteur de risque indépendant. Des travaux récents ont montré qu'une lignée cellulaire de cellules nævoïdes cutanées pouvait se transformer en cellules de mélanome suite à une irradiation par des UVC [31]. De même, bien que les travaux menés à la fin des années quatrevingt n'aient trouvé aucune association entre le nombre des n ~ v i cutanés et le risque de mélanome, des études ultérieures ont bien montré une relation forte entre ce nombre et la survenue d'un mélanome de la peau. Des « Odds Ratios » de 10 étaient détectés chez ceux qui avaient le plus grand nombre de nævi, comparés a la catégorie de référence [32]. Le problkme est avant tout de tenter de saisir le caractère éventuellement évolutif d'un naevus choroïdien. On sait que les naevi peuvent augmenter de taille, mais cette évolution est lentement progressive [33]. Les nævi bénins lorsqu'ils sont typiques ne posent pas de problème diagnostique. Ils sont de petite taille (1 21 5 mm de diamètre), plans ou très peu saillants, asymptomatiques et souvent parsemés de drusens qui témoignent de l'ancienneté de leur présence [34]. Le problème est plus difficile avec les naevi suspects. On considère qu'un nævus est suspect lorsqu'on observe I'existence de troubles visuels récents, d'un décollement sbreux de la rétine, d'une épaisseur supérieure à 2 mm ou d'un diamètre supérieur à 7 mm. En cas de croissance documentée de ces nzvus suspects, on considère qu'il s'agit d'un mélanome [35].

Mélanocytome Le mélanocytome est une tumeur mélanocytaire de la papille, assimilée histologiquement à un nzvus. D'autres sites uvéaux ont été décrits, mais ils sont exceptionnels.

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Figure 3 : Pathologies impliquant la prolifération des mélanocytes choroïdiens. a) NEVUSpigmenté choro'idien. II correspond a une condensation de mélanocytes clonaux pigmentés. 6)Mélanocyîome de la papille. c) Multiples naevi dans la prolifération diffuse des mélanocytes (photo clinique ophtalmologique de Lille). d) Mélanome de la choroïde comprenant des zones non pigmentées et des zones pigmentées.

Les mélanocytomes sont de petite taille (inférieure en général au diamètre papillaire), de coloration très foncée (fig. Sb). Leur croissance est lente et leur pronostic bon. En microscopie, les cellules sont des mélanocytes sans mitose, ce qui est en accord avec le caractere bénin de cette malformation. Zimmerman et Mc Lean [36]considèrent qu'ils dérivent des mélanocytes uvéaux normaux, identiques à ceux retrouvés dans la mélanose oculaire. Le siege papillaire s'expliquerait par la persistance anormale de mélanocytes uvéaux dans le plan « choro'idien )) de la lame criblée, comme chez certains sauriens. La dégénérescence maligne est exceptionnelle [37].

Prolifération diffuse des mélanocytes uvéaux La prolifération bilatérale diffuse des mélanocytes uvéaux (PDBMU) a été décrite pour la première fois en 1982 [38].11 s'agit d'un syndrome paranéoplasique associant une prolifération mélanocytique bénigne et bilatérale uvéale - à prédominance chordidienne -dans le cadre d'une néoplasie connue ou occulte. Chez les hommes, le cancer primitif est le plus souvent bronchique anaplasique à petites cellules et chez les femmes il est essentiellement ovarien [39].La PDBMU peut précéder la découverte du cancer, et le diagnostic ophtalmologique permet alors un

dépistage et un traitement précoce du cancer incriminé. Le pronostic est sombre car la moyenne de survie est d'environ 16 mois après le diagnostic. L'évolution vers la cécité semble inéluctable en raison de l'évolution du néoplasme primitif. Cinq points cardinaux permettent d'évoquer le diagnostic : la présence d'une multitude de taches rouge-orangées au niveau de l'épithélium pigmentaire du pôle postérieur, une hyperfluorescence précoce à l'angiographie correspondant à ces taches, un épaississement choro'idien causé par une prolifération des mélanocytes choro'idiens pigmentés ou non pigmentés, un décollement rétinien

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exsudatif et une cataracte rapidement progressive [40]. Cette prolifération de mélanocytes est de type bénin car en histologie elle est faite de cellules mélanocytiques normales, fusiformes, sans ou avec d'exceptionnelles mitoses. Dans certaines zones, cet aspect d'épaississement s'accompagne de mélanocytes pigmentés, donnant alors l'aspect de nzvi multiples (fig. 3c). La pathogénie de ce syndrome n'est pas encore élucidée. L'hypothèse qu'un facteur oncogène ou hormonal sécrété par la tumeur primitive induise ce syndrome a été avancée (411. Récemment, nous avons montré que le récepteur c-Kit et son ligand SCF étaient impliqués dans ce syndrome paranéoplasique [42].

Mélanome de la choroïde Le mélanome de la choroïde est la tumeur maligne oculaire primitive la plus fréquente chez l'adulte. Son incidence est estimée à 0,7 cas pour 100 000 habitants et par an et il représente 5 % de tous les mélanomes [43]. En France, 400 nouveaux cas sont détectés chaque année [4]. Les sujets noirs en sont pratiquement exempts ainsi que les sujets fortement pigmentés de l'Asie et de l'Amérique latine [44, 451. 11 apparaît donc que les sujets à peau et yeux clairs sont plus susceptibles à développer un mélanome [43, 46, 471. Cependant, aucune étude n'a jusqu'à présent - à I'inverse du mélanome cutané pu mettre en évidence un rôle certain et univoque des rayonnements UV dans la transformation cellulaire des mélanocytes choroïdiens [48, 491. Pour conforter cette idée, il n'y a pas eu d'augmentation de I'incidence depuis ces 40 dernières années du mélanome de la choro'ide, à I'inverse du mélanome de la peau dont l'incidence augmente à chaque décade [50]. Des cas isolés de

Mélanocytes choroïdiens

mélanomes cutanés et choro'idiens familiaux semblent évoquer la possibilité d'un facteur génétique prédisposant. En faveur d'un facteur génétique également, il a été décrit des associations entre mélanome uvéal et neurofibromatose de type 1 (NF1) sans que la neurofibromatose soit un facteur de risque de mélanome [51]. De même, l'association de mélanomes oculaires et de cancers du sein etlou ovarien chez les mêmes patients conforte cette idée de « génétique prédisposant » [52, 531. Le développement plus fréquent d'un mélanome chez des travailleurs de certaines industries chimiques suggère la possibilité de facteurs exogènes prédisposants. La grossesse semble accélérer la croissance des mélanomes cutanés et de I'uvée, peut-être par stimulation des cellules par une hormone [54]. Enfin, la fréquence accrue de mélanomes de I'uvée chez des patients ayant une mélanocytose ou un syndrome du nacvus dysplasique souligne l'importance de lésions prédisposantes /55, 561. L'âge moyen de diagnostic du mélanome de la choroïde est de 55 ans contre 45 ans pour le mélanome de la peau. Le temps de doublement de la tumeur diffère considérablement selon les études puisque la vitesse d'évolution est extrêmement variable d'un sujet à l'autre ou au cours du temps chez un même sujet [57]. Tous les intermédiaires de coloration existent. En général, la pigmentation dans les mélanomes uvéaux est inhomogéne, avec des zones pigmentées et d'autres achromes (fig. 3d). Ceci pourrait s'expliquer par la présence de différents clones, certains pouvant induire de la mélanine, d'autres non 1581. Les mécanismes physiopathologiques conduisant à la transformation des mélanocytes ou des nsvocytes en cellules malignes sont mal connus

Pol.

L'évolution naturelle des mélanomes de la choroÏde est variable. Les seules données sur l'évolution

naturelle viennent de la surveillance de sujets ayant refusé I'énucléation, et surtout depuis quelques années de la surveillance de mélanomes choroïdiens de petite taille, attitude largement acceptée par de nombreux auteurs. Quoiqu'il en soit, il est actuellement admis que les mélanomes de la choroïde ont une croissance relativement lente. II faudrait environ 7 ans à une tumeur de petite taille (diamètre inférieur à 10 mm) pour passer au stade de tumeur de grande taille (diamètre superieur à 15 mm) [36, 591. Probablement du fait de sa taille, le pronostic du mélanome choroïdien est meilleur que celui du mélanome cutané. En effet, après un traitement radical ou conservateur, la survie est estim4e à 75 % à 5 ans et 50 % à 15 ans [60, 611. Les mélanomes choroïdiens métastasent par voie sanguine. Le site de prédilection des métastases est le foie qui est atteint dans plus de 90 % des cas avec ou sans autres métastases 1621. La recherche de facteurs pronostiques a été depuis des années la cible de recherches anatomocliniques [63, 641 (tableau 1). L'élément le plus déterminant pour le pronostic vital est le type cellulaire, à savoir fusiforme, épithélial ou mixte. Ces trois types cytologiques rendent compte d'une dédifférenciation cellulaire. Cependant, il a été démontré que dans une même tumeur, le phénotype cytologique pouvait varier considérablement même sur une courte période [65]. La taille de la tumeur, sa localisation, I'extension extra-sdérale sont les autres caractéristiques locales de la tumeur qui influencent le pronostic vital. Le pronostic s'aggrave également de façon linéairement proportionnelle à l'augmentation du nombre de mitoses. Ce nombre de mitoses ou index mitotique correspond au pourcentage de cellules en mitoses. De même, une vascularisation tumorale spécifique ou encore des anomalies chromosomiques sont des fac-

J. Fr. Ophtalmol.

Tableau I

Facteurs histopronostiquesdu mélanome de la

choroïde. Facteu~ pronostiques majeurs -Type. cellulaire - Extension extra-sclérale - Taille tumorale - Monosomie 3 -Anomalies vasculaires intra-tumorales - Index mitotique

Facteurs pronostiques mineurs* - Pigmentation - Infiltration sclerale - Invasion

du nerf optique - &ge . - Taille du nucléole - Nombre de lymphocytes - Localisation tumorale - Rupture de la membrane de Bruch - Couleur de l'iris - Ki-67

* Les travaux n'ont pas tous fait l'objet d'analyses multivariées. Ainsi certains facteurs pronostiques mineurs sont probablement liés A des facteurs pronostiques majeurs.

teurs pronostiques. Dans 50 % des cas, une perte d'un chromosome 3 (monosomie 3) est retrouvée. Dans certains cas, en association avec cette monosomie 3, il existe un gain sur le bras long du chromosome 8 (8q). Les modifications sur le chromosome 1 et 6 sont moins fréquentes. II s'agit d'altérations structurales qui produisent des délétions du bras court du chromosome 1 (1 p), des délétions du bras court du chromosome 6 (6p) ou des gains sur ce même chromosome [66]. Actuellement, on individualise deux types de sous-groupes : les patients porteurs d'une monosomie 3 détectée sur la tumeur gour lesquels la survie est de 30 % à 5 ans et les patients non porteurs d'une monosomie 3 pour lesquels la survie est de plus de 95 % à 5 ans [67]. 11 est donc souhaitable de demander une analyse cytogénétique de la tumeur en cas d'énucléation primitive ou secondaire.

FACTEURS CELLULAIRES ET MOLÉCULAIRES IMPLIQUÉS DANS LA PROLIFERATION ET LA TRANSFORMATION DES MELANOCYTES Historique L'étude des mécanismes de prolifération à l'échelle cellulaire et moléculaire fait appel à la notion de transmission du message débutant par un signal extracellulaire capté par un récepteur membranaire. Le récepteur activé transmet le signal extracellulaire à l'intérieur de la cellule et plus particuliPrement vers le noyau, conduisant à l'activation de facteurs de transcription qui régulent l'expression de gènes dont certains sont nécessaires à l'entrée de la cellule en mitose. Bien que de nombreux travaux aient été conduits sur les mélanocytes cutanés, peu de travaux l'ont été sur les mélanocytes choroïdiens. L'étude des mécanismes de prolifération des mélanocytes normaux s'est heurtée à la difficulté d'obtenir un modèle. Le développement et les techniques d'isolement de mélanocytes cutanés adultes ont été reproductibles dans les années 1980 et c'est grace à l'obtention de milieux de cultures sélectifs que de réels progrès ont été effectués

[68, 691. En 1993, Hu et al. [70] ont aussi réussi A isoler et à mettre en culture des mélanocytes de la chorolde. Nous mettons depuis 1996 des mélanocytes choro'idiens normaux en culture (fig.4). Disposant de lignées de mélanocytes malins, il a alors été possible pour la première fois de comparer les mécanismes de prolifération dans les mélanocytes normaux et malins. Cela nous permet d'étudier d'une façon dynamique les voies de signalisation et les facteurs impliqués spécifiquement dans la prolifération tumorale par rapport à la prolifération de cellules saines. Cependant, la culture cellulaire a de nombreux biais et notamment la sélection clonale des cellules. Ainsi, grâce à l'accès au matériel humain primaire notamment d'yeux énucléés, il a été possible d'analyser ces résultats ex vivo et de s'attacher à l'étude de facteurs histopronostiques. Une part importante de notre travail a kt4 I'analyse des interactions et des liens entre les molécules de la machinerie du cycle cellulaire et des cascades de signalisation intracellulaire. Les études de stimulation par des facteurs de croissance, les études pharmacologiques, les stratégies antisens et Si (Small interference)RNA nous ont permis d'analyser in vitro des voies d'activation etlou de production.

Figure 4 : Mélanocyies choroïdiens en culture. Après 3 semaines de culture, les cellules présentent une morphologie homogène dendritique, ne gardant qu'une forme bi ou tripolaire.

Mélanocytes choroïdiens

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Absence de mutation et sur-expression de protéines de transduction intracellulaire Des altérations génétiques touchant à la fois des molécules de transduction intracellulaires activées par les signaux extracellulaires impliqués dans le contrôle de la prolifération cellulaire et des régulateurs du cycle cellulaire, sont fréquentes dans le mélanome cutané. Les gènes les plus fréquemment mutés sont RAS, BRAF, p53, PTEN, /NK4a, CDK4 et ARF [71]. Au contraire, dans le mélanome choroïdien, aucune mutation n'a été retrouvée dans ces gènes de susceptibilité du mélanome cutané. Une des hypotheses serait donc une dérégulation spécifique, dans le mélanome choroïdien, du niveau d'expression de protéines de signalisation intracellulaire et de celles impliquées dans le contrôle de la prolifération et le cycle cellulaire. Une des stratégies de l'étude à grande Pchelle de l'expression de protéines est le protéome. La comparaison du profil d'expression de protéines de transduction intracellulaire et du cycle cellulaire, ainsi que de leurs niveaux d'expression entre des mélanocytes de la choroïde humaine saine et de lignées de mélanome

W.bM$nu

nm d c m

choro'idien a été réalisée par notre équipe. Cette étude montre que sur plus de 80 protéines de signalisation, du cycle et de l'adhésion cellulaire, de la dégradation et du transport intracellulaire des protéines, de la transcription et de la réparation de l'ADN, 20 sont surexprimées jusqu'à des niveaux 10 fois plus importants dans les cellules tumorales et 14 sont sousexprimées jusqu'à des niveaux 60 fois plus faibles dans les cellules tumorales par rapport aux mélanocytes sains (fig. 5). Parmi celles-ci, les protéines du module de transduction intracellulaire MEWERK qui contrôle I'expression de régulateurs positifs du cycle cellulaire (comme la cycline Dl), les régulateurs négatifs du cycle cellulaire (comme l'inhibiteur des Cdk-cyclines p27) et des facteurs de transcription impliqués dans la survie cellulaire (comme c-myc), sont sur-exprimées et également sur-activées montrant un lien direct entre niveaux d'expression et niveaux d'activation [72-751. L'inhibition pharmacologique ou génique de I'activation constitutive de ce module inhibe à la fois la prolifération cellulaire des cellules tumorales, mais pas celles des mélanocytes sains, démontrant le lien entre activation

Siadlr.tla> r p w r l o n rigmmntb (27%) Sb-

Figure 5 : Comparaison du profil d'expression de protéines de transduction intracellulaire et du cycle cellulaire. ainsi que de leurs niveaux d'expression entre des rnélanocytes de la choro'ide humaine saine et de lignées de mélanome choroïdien.

et effet tumoral. L'hypothése du rôle de I'activation du module MEKIERK dans la tumorigenèse de mélanome choroïdien vient d'être confirmée par la récente étude de Weber et al. [76]. Ces auteurs montrent que I'activation constitutive de ERKIR est observée dans les tumeurs primaires de mélanome choro'idien. Dans la mesure où I'activation constitutive de ERKlR est fortement liée 4 la résistance des cellules tumorales à la radiothérapie et la chimiothérapie [77], il nous semble intéressant d'envisager, dans le cadre de développement de nouvelles stratégies anti-tumorales dans le mélanome choroïdien, l'inhibition de I'activation de ERK112.

Rôle des facteurs de croissance Puisque les gains de fonction d'oncogènes ou de pertes de fonction de suppresseurs de tumeurs liées à des mutations ne semblent pas être impliqués dans la tumorigenèse du mélanome choroïdien, et que des dérégulations de la signalisation intracellulaire, contrôlant la prolifération cellulaire, puissent au contraire l'être, nous avons étudié le rôle des facteurs de croissance dans la tumorigenese du mélanome choroïdien. Les mélanocytes cutanés ont besoin pour survivre de facteurs de croissance produits par les kératinocytes qui sont en contact direct avec eux. Au cours de la transformation des mélanocytes de la peau, ces derniers acquièrent la capacité de synthétiser et de secréter des facteurs de croissance [78]. Ces facteurs de croissance modifient leurs effets biologiques - prolifération, survie, adhésion et différenciation cellulaire - via I'activation de la voie RadRafIMEKlERK, suggérant qu'une boucle autocrine de facteur de croissance participerait a I'activation de cette voie de signalisation dans le mélanome cutané. En ce qui concerne les mélanocytes choro'idiens, très peu de facteurs de croissance ont été étudiés. De façon récente, il a été démontré

F. Mouriaux et coll.

790

que l'Insuline Growth Factor (1GF) pouvait participer au développement des métastases hépatiques des mélanomes choro'idiens via son effet sur la survie des mélanocytes tumoraux [79]. En effet, I'inhibition du récepteur de I'IGF induit la mort cellulaire de nombreuses lignées établies A partir de tumeurs primaires de mélanome choro'idien. Mais, toutes les lignées de mélanome choroïdien ne sont sensibles 2 l'inhibition de I'IGF-1 R, suggérant que I'IGF ne serait pas le seul facteur de croissance impliqué dans la survie des mélanocytes tumoraux. Depuis quelques années, nous nous sommes intéressés au rôle du récepteur c-Kit dont le facteur de croissance est le Stem CeIl Factor. Nous avons d'abord montré que l'activation de c-Kit par le SCF participait à la stimulation des mélanocytes de la choroïde [42]. Deux ans plus tard, nous avons observé que 75 % des tumeurs primaires de mélanome choro'idien exprimaient c-Kit avec une forte corrélation positive entre son expression et I'activité mitotique détectée dans les tumeurs, suggérant un rôle important de c-Kit dans la tumorigenese du mélanome choroïdien [80]. 11 ne semble pas que l'activité tumorale de c-Kit soit due a un gain de fonction consécutivement A l'apparition de mutations activatrices, puisqu'il vient d'être montré l'absence de mutation dans les exons 2,8,9, 1 1, 13 et 17 de c-Kit [81]. Nos tous derniers travaux confirment l'absence de mutation dans les lignées de mélanome choroïdien. Ils montrent également que pour les cellules exprimant c-Kit, des stratégies de sous-expression à base de si-RNA dirigée contre c-Kit et pharmacologiques dirigées contre son activité tyrosine-kinase (ST1571 ou Glivec) inhibent la prolifération et la transformation des mélanocytes tumoraux de la choroïde in vitro [82]. Cela démontre que I'activation de la boucle autocrine c-KiVSCF est impliquée dans le contrôle de la progression tumorale du mélanome choro'idien. Mais, les lignées

J.

tumorales sont hétérogènes en ce qui concerne l'expression de c-Kit. Toutes n'expriment pas c-Kit, suggérant que le SCF pourrait ne pas être le seul facteur de croissance impliqué dans la tumorigenèse du mélanome choroïdien. Par ailleurs, nous avons également étudié un autre facteur de croissance, le FGF2. Celui-ci est nécessaire à la prolifération des mélanocytes choroïdiens normaux in vitro et il participe également a la prolifération et A la transformation cellulaire dans ces cellules. FGF2 semble également modifier son effet via l'activation de ERK112, suggérant une relation directe entre facteur de croissance et activation de la voie RaslRaflMEWERK. Puisque les mélanocytes tumoraux semblent montrer une certaine hétérogénéité dans I'expression de facteurs de croissance ou de leur récepteur, mais très peu dans I'activation de la voie ERK112, des stratégies anti-tumorales ciblant cette voie de signalisation pourraient être plus efficaces que celles visant les facteurs de croissance ou leur récepteur.

Nouvelles stratégies à envisager pour I'étude du mélanome choroïdien L'étude A moyenne échelle, comme nous l'avons réalisée, de I'expression des protéines différemment exprimées entre mélanocytes sains et tumoraux a démontré son utilité dans l'identification de certains facteurs impliqués dans le contrôle de la prolifération et la transformation des mélanocytes choroïdiens. II faut développer A plus grande échelle la protéomique afin de mettre en évidence non plus quelques éléments de transduction, mais tout le réseau de signalisation intracellulaire impliqué dans la tumorigenèse qui serait la signature protéomique spécifique de la progression tumorale du mélanome choroïdien. De plus, I'étude du profil d'expression de protéines différemment exprimées ou activées entre des cellules tumorales non traitées et celles

Fr. Ophtalmol.

traitées par différents agents pharmacologiques, montrant un effet certain sur la tumorigenèse, sera utile pour mettre en évidence de nouvelles cibles thérapeutiques. La génomique, et plus particulièrement I'étude du transcriptome, à l'aide de puces A ADN ou oligonucléotides, pour l'analyse des gènes différemment exprimés entre mélanocytes sains et tumoraux, est également une voie importante d'étude en cancérologie. Elle permet la mise en évidence de regroupements de gPnes dont les fonctions ne sont a priori pas communes et de sous-populations cellulaires qui ne sont pas distinguables par des analyses clinicopathologiques Dans ce cadre, I'étude récente de Zuidervaart et al. [83] a permis d'identifier 4 gènes d'intérêt, différemment exprimés entre mélanocytes sains et tumoraux de la choroïde, grâce a l'utilisation de puces possédant un registre de 1 176 gènes. Parmi ces gènes, I'endothéline-2 et le récepteur de type 1 de la laminine semblent être des gènes discriminant deux sous-populations de mélanomes choro'idiens. De même, I'étude comparative de gènes différemment exprimés entre des tumeurs primaires et des métastases hépatiques vient de mettre en évidence le rôle possible de TIMP3 dans la progression tumorale choro'idienne [84]. Enfin, I'étude comparative suivant l'expression différentielle de près de 300 gènes sur des tumeurs primaires a permis de classer les mélanomes choroïdiens en deux entités distinctes selon la présence ou non d'une monosomie 3 [85]. L'ensemble de ces études semble déjà montrer qu'il faille considérer non plus le mélanome choro'idien comme une entité bien homogène, mais plutôt comme une population hétérogène, constitué des sous-classes possédant des signatures protéomiques et géniques distinctes. Si ce fait est confirmé, les chercheurs et les thérapeutes devront dans le futur développer des stratégies anti-tumorales et

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mettre en place de nouveaux outils diagnostiques et pronostiques pour le mélanome choroidien.

CONCLUSION Les progrès réalisés au cours de la dernière décennie dans la connaissance des mécanismes régulateurs de la prolifération cellulaire ont permis une meilleure compréhension des processus de cancérogenPse. Même si l'avenir nous réserve encore bien des surprises, nous pouvons d'ores et déjà dégager cinq idées. Une connaissance approfondie des mécanismes de la prolifération et de transformation va de pair avec la découverte d'altérations de gènes impliqués dans ces mécanismes régulateurs. La compréhension des liens et des modules qui unissent ces différents acteurs de la régulation apparaîtra de façon de plus en plus claire au fur et à mesure que sera caractérisé le mode d'action de a gènes-pivots )) orientant vers telle ou telle voie. Toute approche raisonnée de nouvelles thérapeutiques anti-tumorales suppose une compréhension affinée de ces mécanismes. Les dysfonctionnements observés dans les différentes études pourraient eux aussi faire l'objet de nouvelles stratégies pharmacologiques du contrôle de la prolifération basées sur la rnodulation des facteurs anormalement exprimés. En effet, l'administration d'une thérapeutique anticancéreuse basée sur l'inhibition moléculaire de la prolifération ou le développement de thérapies géniques ne s'envisage que sur des cibles préalablement bien définies et anormales dans les cellules transformées par rapport aux cellules normales et cellules ou tissus spécifiques. Le développement des stratégies non invasives d'administration de composés actifs et ayant une biodisponibilité importante dans I'œil est indispensable. En effet par sa

Mélanocytes choroïd~ens

spécificité anatomique, l'accès direct à la tumeur est difficile et source de complications délét&res pour I'œil. Le développement de nouvelles stratégies non invasives doit prendre en compte cette spécificité. Nous avons focalisé nos travaux sur la prolifération des mélanocytes choroïdiens. Cependant, la prolifération cellulaire en cancérologie est indissociable de la survie, de la différentiation et de I'apoptose. L'analyse cellulaire et moléculaire doit donc prendre en compte ces trois autres notions et les integrer dans une analyse plurifactorielle. Le pronostic du mélanome choro'idien est plus aux métastases qu'à la tumeur primitive. II faut donc maintenant orienter la recherche du mélanome choro'idien sur les processus métastatiques.

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