© Masson, Paris, 2004
Arch. mal. prof., 2004, 65, n° 6, 493-502
MÉMOIRE
Les pathologies invalidantes à EDF et Gaz de France : évolution et devenir médico-social des salariés en longue maladie A. VERRIER, A. CHEVALIER, J. THOMAS, G. LAHON Service général de médecine de contrôle, EDF-Gaz de France, 22-28, rue Joubert, 75009 Paris.
SUMMARY: Diseases leading to long-term disability among employees of Électricité de France-Gaz de France: trend and medical and administrative consequences. Aim of the study Workers of the French national electricity and gas company (EDF-GDF) with curable or incurable disabling diseases benefit from long term disability leave, covered by the EDF and GDF insurance health system. It lasts 5 years maximum and enables employees to maintain their salary. Our aim was to describe which kind of disabling diseases were implicated. It was also to find out if the time-evolution of workers’ socio-demographic profiles, therapeutic schemes, pathology incidences or mortality rates over the last twenty years had had effects on long term disability leave. Methods We analysed, separately among males and females, pathology rates between 1978 and 1997, using the Indirect Standardization Method. The rates of long term disability period per age-group from the first period were used as references. We studied the periods of sick leave previous to, but included in the long term disability leave, the long term disability, and the issues of the long term disability. Polytomic logistic regression was used to study the evolution of the issues of long term disability, taking into account the period, pathology and age. Results Among males, while the long term disability rate decreased for those suffering from circulatory disease or cancer, it increased for those suffering from low back pain and, to a lesser degree, psychiatric illnesses. Long term disability leave lasted longer among colorectal cancer sufferers in 1997-1993 than 1978-1982. Among females, the long term disability rate increased for those suffering from breast cancer or psychiatric illness. Females suffering from breast cancer spent less time on long term disability in 1993-1997 than in 1978-1982. While a quarter of the people with psychiatric illness return to work, almost half of them became registered disabled. Among osteoarthritis disease sufferers, a third of them return to work. Discussion The study highlighted substantial changes in the kind of pathologies concerned in long term sick leave: the lethal pathologies of yesterday are giving way to disabling pathologies such as pasychiatric illnesses or osteoarthritis diseases. The changes mean that we need to reconsider the conditions of sick leave in general, and the return to work policy. Preventive measures will be developed to avoid theses pathologies. Tirés à part : A. Verrier, à l’adresse ci-dessus. Mots clés : Pathologies invalidantes. Affections psychiatriques. Affections ostéo-articulaires. Cancer. Maladies coronaires.
RÉSUMÉ Objectif La longue maladie ou congé de longue durée est une mesure médicoadministrative dont peuvent bénéficier les salariés d’EDF et Gaz de France en cas de pathologies invalidantes, curables ou non. Elle dure au maximum 5 ans avec maintien intégral du salaire. L’objectif de ce travail était de décrire l’évolution dans le temps des pathologies à l’origine de cette mesure et de vérifier si l’évolution du profil socio-démographique des salariés, des protocoles thérapeutiques et celle de l’incidence et du pronostic des maladies depuis 1978 avaient un impact sur les caractéristiques de prise en charge au titre de cette mesure. Méthode L’évolution des pathologies de 1978 à 1997 a été étudiée séparément chez les hommes et chez les femmes, par le calcul de SIR, les taux d’entrée en longue maladie par âge de la première période servant de référence. Le délai de prise en charge, le temps passé en longue maladie et le motif de sortie de cette disposition ont été analysés. Une régression logistique polytomique a été réalisée pour étudier l’évolution des motifs de sortie, ajustés sur la cause médicale, la période et l’âge au moment de l’entrée en longue maladie. Résultats Chez les hommes, l’évolution de la longue maladie est marquée par une importante diminution de l’entrée en longue maladie pour pathologie coronaire et pour cancer, ainsi que par une augmentation des lombalgies et, dans une moindre mesure, des pathologies psychiatriques. Les salariés atteints d’un cancer colo-rectal ou des voies aéro-digestives supérieures restent en moyenne plus longtemps en longue maladie qu’en 1978-1982. À pathologie et âge constants, seul le risque de décès diminue au cours du temps (OR = 0,7 ; IC95 % [0,5-0,9]). Chez les femmes, l’évolution de la longue maladie est surtout marquée par l’augmentation de l’entrée en longue maladie pour cancer du sein et pour affections psychiatriques. Les femmes atteintes d’un cancer du sein restent moins longtemps en longue maladie en 1993-1997 qu’en 1978-1982. Si un quart des longs malades entrés en 1993-1997 pour une pathologie psychiatrique reprend le travail, la moitié d’entre eux passe en invalidité. En cas de pathologies ostéoarticulaires, la reprise du travail représente près du tiers des cas. Discussion L’analyse a mis en évidence un changement important de la nature des pathologies prises en charge en longue maladie : aux pathologies létales d’autrefois font place des pathologies invalidantes comme les troubles psychiatriques et les affections ostéo-articulaires. Ce changement a pour conséquence de repenser la prise en charge de ces personnes et leur réinsertion professionnelle et de développer des actions de prévention en amont.
494
A. VERRIER ET COLL.
La longue maladie est une disposition médicoadministrative spécifique au régime spécial de sécurité sociale des industries électriques et gazières. Elle est envisagée dès qu’une affection nécessite un arrêt maladie de plus d’un an. Elle dure au maximum 5 ans et permet au salarié de conserver l’intégralité de son salaire. Le Service général de médecine de contrôle, échelon médical national de ce régime spécial de Sécurité sociale, a constitué une base de données épidémiologiques depuis 1978. Deux études ont déjà porté sur la longue maladie : l’une s’est attachée à dégager les principales caractéristiques des bénéficiaires de la mesure entre 1986 et 1992 : taux de fréquence, pathologies à l’origine de l’entrée en longue maladie, caractéristiques socio-démographiques et professionnelles (1). La seconde s’est intéressée à la durée de l’arrêt prolongé et au devenir des longs malades, en particulier au retour au travail, et aux facteurs qui interviennent sur ce devenir (2). Le changement des profils socio-démographiques des salariés d’EDF et Gaz de France, l’évolution de l’incidence, la modification des protocoles thérapeutiques et l’amélioration du pronostic d’affections graves, comme certaines localisations de cancer ou les pathologies circulatoires, nous ont amenés à nous interroger sur d’éventuelles répercussions de ces changements sur les principales caractéristiques de la longue maladie. Bien que située dans un contexte particulier, l’observation de la longue maladie à EDF et Gaz de France nous semble présenter un intérêt plus large car elle reflète les caractéristiques sanitaires, les possibilités de traitement, l’attitude du corps médical et celle de la collectivité face à certaines pathologies. L’objectif de ce travail était de présenter l’évolution de la longue maladie depuis 1978, séparément chez les hommes et les femmes. L’étude a débuté par l’analyse du risque de mise en longue maladie au cours de 20 années, selon le profil socio-professionnel et par familles diagnostiques. Elle a été complétée par l’examen de l’évolution du délai de prise en charge, de la durée de la longue maladie et de son issue.
MATÉRIEL ET MÉTHODES Le contexte Le médecin-conseil du régime spécial initie une mise en longue maladie lorsqu’un salarié est atteint d’une maladie ou blessure non consécutive à un accident du travail dont la durée de l’arrêt de travail semble devoir dépasser ou dépasse un an. La notion de curabilité n’est pas retenue ; toute affection, qu’elle évolue vers l’amélioration ou l’aggravation, peut entrer dans le cadre de la longue maladie.
Arrêts de courte durée
arrêt prolongé d
C1
C2
< 1 an
< 1 an <1an < 1 an
POINT DE DÉPART
DERNIER ARRÊT
SORTIE
Fig. 1. — Les mouvements de la longue maladie. Remarques : d : durée de l’arrêt prolongé. C1 + C2 + d = durée de la longue maladie ; elle ne peut excéder 1 825 jours. Le point de départ peut être confondu avec le début de l’arrêt prolongé.
La plupart du temps, des épisodes d’arrêts de courte durée précèdent l’entrée en longue maladie. Le cadre réglementaire de cette mesure les prend en compte et définit plusieurs dates-clefs. La date de dernier arrêt correspond au début de l’arrêt prolongé (Fig. 1) au cours duquel le médecin-conseil prononce la longue maladie. Cette procédure s’accompagne de la fixation du point de départ. Il s’agit de la date du premier arrêt de courte durée pour l’affection à l’origine de la longue maladie : à partir du moment où les arrêts successifs, pour la même pathologie, sont séparés de moins d’un an, ils entrent dans le décompte des 1 825 jours de la longue maladie. Le médecin-conseil suit régulièrement le long malade et toute amélioration de l’état de santé peut conduire à une reprise du travail, avec possibilité de changement de poste ou d’aménagement du temps de travail. Il arrive aussi que le décès survienne alors que l’agent se trouve en longue maladie. Au terme de la longue maladie, si l’état de santé du salarié ne lui permet pas de recommencer le travail, une procédure de mise en invalidité est enclenchée. Des critères administratifs peuvent aussi influer sur l’issue de la longue maladie : l’inactivité est envisagée lorsque le salarié remplit les conditions de départ en retraite. La population D’après les statistiques du personnel d’EDF et Gaz de France, en décembre 1978, la population des entreprises (Tableau I) comptait 130 029 salariés. Par la suite, la politique d’embauche nationale s’est traduite au sein des entreprises par un accroissement de l’effectif jusqu’en 1983. Cette tendance s’est alors inversée et le nombre de salariés a diminué régulièrement. Dans le même temps, la structure socio-démographique de la population s’est transformée. Après une période de rajeunissement observée jusqu’en 1988, l’âge de la population a augmenté. En 1998, plus de la moitié des salariés avaient 40 ans et plus contre 39 % dix ans plus tôt. Les femmes, très minoritaires, ont vu leur part augmenter sensiblement. Le niveau socio-économique des salariés a progressé avec une baisse de la proportion des agents d’exécution au profit des agents de maîtrise et des cadres.
ÉVOLUTION DE LA LONGUE MALADIE À EDF-GDF
Les données Le régime spécial de Sécurité sociale a mis en place une base de données épidémiologiques informatisée à partir de 1978, portant sur l’absence au travail de courte durée, la longue maladie, l’invalidité, les décès, les accidents du travail et les maladies professionnelles (3). Un registre des cancers puis des cardiopathies ischémiques ont aussi été mis en place (4-6). Les informations relatives à chacun de ces risques ont été complétées de données démographiques et socioprofessionnelles. Pour les besoins de l’étude, seuls ont été retenus l’année et le mois de naissance, ainsi que le collège, variable interne, qui correspond à des catégories de rémunération et traduit des niveaux de responsabilité.
495
Le fichier longue maladie comprend à la fois des caractéristiques administratives et médicales. Les différentes dates-clefs permettent de calculer la durée des différentes étapes de la longue maladie. Le délai de prise en charge est défini comme le temps écoulé entre le premier arrêt en courte durée pour la pathologie en cause dans la longue maladie ou « point de départ » et le début de l’arrêt prolongé au cours duquel la longue maladie est prononcée ou « dernier arrêt » (Fig. 1). Il estime le temps nécessaire à la prise de décision de mise en longue maladie par le médecin-conseil. La durée de l’arrêt prolongé ou temps passé entre le dernier arrêt et la sortie de longue maladie, appréhende le caractère invalidant de la pathologie. Ces deux durées, complétées par le motif de sortie, apprécient l’itinérai-
TABLEAU I. — Évolution des principales caractéristiques démographiques et professionnelles de la population des salariés d’EDF-GDF. 1978
1983
1988
1993
1998
n
%
n
%
n
%
n
%
n
%
hommes
107 502
82,7
124 051
81,5
120 802
80,5
115 392
80,2
110 339
79,3
femmes
22 527
17,3
28 067
18,5
29 325
19,5
28 444
19,8
28 774
20,7
d 29 ans
27 486
25,6
38 021
30,7
24 919
20,6
13 357
11,6
9 522
8,6
30-39 ans
29 915
27,8
39 467
31,8
48 789
40,4
49 319
42,7
34 372
31,2
40-49 ans
30 898
28,7
28 340
22,8
31 285
25,9
39 881
34,6
48 814
44,2
t 50 ans
19 203
17,9
18 223
14,7
15 809
13,1
12 835
11,1
17 631
16,0
d 29 ans
6 725
29,9
9 267
33,0
7 161
24,4
3 417
12,0
3 125
10,9
30-39 ans
7 642
33,9
9 584
34,1
10 657
36,4
11 744
41,3
9 748
33,9
40-49 ans
4 763
21,1
5 810
20,7
8 101
27,6
9 717
34,2
10 647
37,0
t 50 ans
3 397
15,1
3 406
12,2
3 406
11,6
3 566
12,5
5 254
18,2
exécution
44 147
41,1
48 514
39,1
43 281
35,8
37 330
32,4
31 667
28,7
maîtrise
48 282
44,9
57 259
46,2
58 092
48,1
56 098
48,6
54 778
49,6
cadres
15 073
14,0
18 278
14,7
19 429
16,1
21 964
19,0
23 894
21,7
exécution
11 412
50,7
12 882
45,9
11 657
39,8
9 045
31,8
7 524
26,2
maîtrise
10 240
45,4
13 608
48,5
15 379
52,4
16 186
56,9
16 891
58,7
875
3,9
1 577
5,6
2 289
7,8
3 213
11,3
4 359
15,1
Sexe
Classe d’âge hommes
femmes
Collège hommes
femmes
cadres
496
A. VERRIER ET COLL.
re du salarié mis en longue maladie. Les pathologies responsables de l’entrée en longue maladie sont codées selon une classification réduite compatible avec la classification internationale des maladies (CIM9). Nous avons retenu cinq classes de pathologies. Les quatre premières correspondent aux pathologies psychiatriques, circulatoires, cancéreuses et ostéo-articulaires : elles représentent la majorité des diagnostics en longue maladie. La dernière classe, dénommée « autres », regroupe les maladies infectieuses, endocriniennes, métaboliques et immunitaires, les pathologies des organes des sens ou de l’appareil digestif, les maladies respiratoires ou cutanées, les affections urinaires, génitales masculines ou féminines, la traumatologie et les autres causes. Analyse statistique Étant donné la rareté du phénomène, les taux d’entrée en longue maladie ont été calculés par périodes de cinq ans à partir des données extraites du fichier du service du personnel : 1978-1982, 1983-1987, 1988-1992, 1993-1997. Des taux standardisés ont été calculés afin d’éliminer l’effet de l’âge en prenant 1978-1982 comme période de référence. Les proportions ont été comparées par un F2 de Pearson. Les comparaisons de moyennes ont été effectuées par une analyse de variance ou un test non paramétrique de Kruskall Wallis. Les variables significativement liées au mode de sortie de la longue maladie par l’analyse bivariée ont été introduites dans le modèle de régression logistique polytomique afin de déterminer les facteurs de risque du mode de sortie (7, 8). La régression a été conduite en pas à pas ascen-
dant et les coefficients E ont été estimés par la méthode du maximum de vraisemblance. L’adéquation du modèle a été évaluée par le test de vraisemblance. Les données ont été analysées avec le logiciel SAS (9).
RÉSULTATS Évolution de la longue maladie chez les hommes
Le risque selon les caractéristiques socio-démographiques Cinq mille huit cent quarante-deux longues maladies ont été initiées chez les hommes entre 1978 et 1997, soit un taux brut moyen annuel de 24,9 pour 10 000 salariés. Le risque d’entrée en longue maladie progresse jusqu’à 50-59 ans. Pour cette tranche d’âge, une diminution significative du taux, de 116,2 à 73,6 pour 10 000, est observée entre 1978-1982 et 1993-1997. Dans le même temps, l’âge au moment de l’entrée en longue maladie chute de 48,4 r 0,3 ans à 46,4 r 0,3 ans. Par ailleurs, le risque d’entrée en longue maladie, plus élevé chez les agents d’exécution que chez les cadres (Tableau II), a évolué différemment selon le collège d’appartenance. Le taux d’entrée des agents d’exécution a augmenté nettement au cours de la dernière période alors que celui des cadres a diminué continûment depuis 1978 et que celui des agents de maîtrise est resté stable.
Le risque par pathologies Les quatre principales familles diagnostiques, à savoir les pathologies psychiatriques, cancéreuses,
TABLEAU II. — Évolution du taux brut (p. 10 000 agents) d’entrée en longue maladie par collège et par période selon le sexe. 1978-82
1983-87
1988-92
1993-97
n
taux
n
taux
n
taux
n
taux
1 003
44,1
658
28,3
564
27,3
645
36,0
maîtrise
663
25,8
588
20,5
597
20,9
636
22,8
cadre
138
17,3
136
14,6
100
9,9
114
10,1
1 804
32,0
1 382
22,5
1 261
21,2
1 395
24,4
exécution
277
46,9
213
34,1
285
52,7
287
66,7
maîtrise
280
49,9
275
38,9
379
48,6
391
47,5
cadre
12
23,3
18
20,4
21
16,3
26
14,7
569
47,3
506
35,4
685
47,3
704
49,3
Hommes exécution
total Femmes
Total
ÉVOLUTION DE LA LONGUE MALADIE À EDF-GDF
circulatoires et ostéo-articulaires, représentent à elles seules près des trois-quarts des entrées. L’évolution de l’entrée en longue maladie a été marquée par une diminution du taux global standardisé entre 1978 et 1997 (Tableau III). Cependant, une telle tendance générale masque des évolutions différentes selon la pathologie à l’origine de la longue maladie. Seules les pathologies circulatoires, les can-
cers et les pathologies regroupées dans la classe « autres » ont participé à la diminution des entrées en longue maladie. La maladie coronaire explique l’essentiel de la baisse des pathologies circulatoires en longue maladie, les cancers des voies aéro-digestives supérieures celle des cancers. Les autres principales localisations de cancer présentes en longue maladie, à savoir le côlon-rectum, le poumon ou les tissus lym-
TABLEAU III. — Évolution du taux (p. 10 000 salariés) d’entrée en longue maladie standardisée sur l’âge (première période) par famille diagnostique selon le sexe. 1978-82
Hommes p. psychiatriques
1983-87
1988-92
1993-97
n
Taux brut
taux
SIR
taux
SIR
taux
SIR
1 804
32,0
28,1
79 *
30,2
77 *
30,5
79 *
441
7,8
7,1
91
7,8
100
8,3
107
1,3
64 *
0,8
40 *
111
2,0
1,5
74 *
p. circulatoires
436
7,7
5,2
67 *
4,2
54 *
3,3
43 *
m. coronaire
177
3,1
2,4
76 *
1,8
57 *
1,3
41 *
317
5,6
4,8
85 *
4,2
75 *
4,1
74 *
VADS 1
128
2,3
1,7
74 *
1,4
62 *
0,9
40 *
colorectal
31
0,6
0,4
69
0,4
70
0,7
114
poumon
46
0,8
0,9
114
0,7
83
0,8
101
tissus lymphoïde et hématopoïétique
35
0,6
0,5
93
0,6
107
0,6
97
2,5
84
3,3
111
tr. psy liés à l’alcoolisme
cancers
169
3,0
2,3
77 *
74
1,3
1,3
103
1,6
120
1,9
150 *
441
7,8
5,9
75 *
5,6
72 *
5,7
73 *
accident hors service
72
1,3
1,2
94
1,4
107
1,6
124 *
cirrhose éthylique
47
0,8
0,5
61 *
0,2
31 *
0,2
21 *
emphysème
41
0,7
0,5
76
0,3
37 *
0,2
18 *
569
47,3
41,1
87 *
54,4
115 *
54,9
116 *
p. psychiatriques
239
19,9
20,5
103
27,7
139 *
27,3
137 *
p. circulatoires
44
3,7
1,9
51 *
3,2
86 *
2,3
63 *
cancers
79
6,6
6,6
100
7,5
113
9,4
142 *
sein
46
3,8
3,2
85
3,8
100
5,1
134 *
85
7,1
4,8
68 *
6,5
91
7,1
100
38
3,2
2,5
78
4,0
124
1,6
120
9,6
95
8,8
88
1,7
134
1,5
119
p. ostéo-articulaires lombalgie autres
Femmes
p. ostéo-articulaires lombalgie autres accident hors service
1 : voies aéro-digestives supérieures * : p < 0,05.
497
122
10,1
7, 3
72 *
15
1,3
1,3
104
498
A. VERRIER ET COLL.
Les caractéristiques de la longue maladie chez les hommes
phoïdes et hématopoïétiques, ont eu un risque stable sur toute la période d’observation. La baisse du taux d’entrée en longue maladie pour les « autres » pathologies est principalement liée à celle des cirrhoses éthyliques et des emphysèmes. En revanche, les accidents hors service, regroupant les accidents de la circulation, domestiques ou de sport, ont généré un risque croissant de mise en longue maladie. Le recours à la longue maladie a été pratiqué de plus en plus fréquemment pour deux familles diagnostiques : les pathologies psychiatriques, majoritairement représentées par les troubles dépressifs et les pathologies osté-articulaires. Pour les premières, seuls les troubles psychiques liés à l’alcoolisme sont de plus en plus rares en longue maladie. Parmi les pathologies ostéo-articulaires, les lombalgies sont responsables de la nette augmentation du taux d’entrée au cours des deux dernières périodes.
Le délai de prise en charge au titre de la longue maladie Quelle que soit la période considérée, le délai de prise en charge en longue maladie est de 0,8 r 0,1 an. Des différences apparaissent entre les familles diagnostiques et des évolutions dans le temps sont mises en évidence pour certains diagnostics. Le délai de prise en charge d’une personne atteinte d’un cancer est de 0,3 r 0,1 an, quelle que soit la période considérée. Cependant, dans le cas d’un cancer colo-rectal, ce délai chute de 0,5 r 0,5 an en 1978-1982 à 0,2 r 0,1 an en 1993-1997. Quelle que soit la période, le sujet atteint d’une pathologie circulatoire entre en longue maladie en moyenne 0,6 r 0,1 an après le début du premier arrêt en courte durée ; le délai de
TABLEAU IV. — Répartition des différents modes de sortie par familles diagnostiques et par période chez les hommes. décès
inactivité
invalidité
reprise
n
%
n
%
n
%
n
%
1978-82
38
8,7
153
34,8
163
37,1
85
19,4
1983-87
21
5,3
127
32,0
180
45,3
69
17,4
1988-92
21
5,0
86
20,4
204
48,3
111
26,3
1993-97
31
6,4
109
22,7
226
47,0
115
23,9
1978-82
45
10,4
240
55,4
111
25,6
37
8,6
1983-87
31
11,3
155
56,6
62
22,6
26
9,5
1988-92
15
7,7
84
43,0
74
38,0
22
11,3
1993-97
17
10,2
60
35,7
60
35,7
31
18,4
1978-82
195
62,7
49
15,8
33
10,6
34
10,9
1983-87
143
55,2
60
23,2
21
8,1
35
13,5
1988-92
112
50,2
51
22,9
28
12,6
32
14,3
1993-97
140
58,3
36
15,0
22
9,2
42
17,5
1978-82
2
1,2
89
53,3
50
29,9
26
15,6
1983-87
4
3,2
61
48,8
42
33,6
18
14,4
1988-92
3
2,4
39
31,2
40
32,0
43
34,4
1993-97
5
2,9
54
31,2
58
33,5
56
32,4
p. psychiatriques
P < 0,0001
p. circulatoires
P < 0,0001
cancers
P = 0,03
p. ostéo-articulaires
P < 0,0001
ÉVOLUTION DE LA LONGUE MALADIE À EDF-GDF
prise en charge d’une pathologie ostéo-articulaire est de 0,9 r 0,2 an et celui d’une pathologie psychiatrique de 1,2 r 0,1 an.
La durée de la longue maladie
499
font majoritairement à temps partiel (respectivement 58,2 % et 65,7 %). En revanche, la majorité des reprises se produit à temps complet chez les salariés atteints d’une pathologie psychiatrique (53,2 %) ou ostéo-articulaire (49,0 %).
Toutes pathologies confondues, la durée de l’arrêt prolongé au titre de la longue maladie est de 3,1 r 0,1 ans. Pour l’ensemble des cancers, elle est de 2,1 r 0,1 ans, toutes périodes confondues. Toutefois, les hommes atteints d’un cancer colo-rectal sont restés plus longtemps en longue maladie en 1993-1997 (2,4 r 0,5 ans) qu’en 1978-1982 (1,8 r 0,5 ans). Il en a été de même pour les hommes souffrant d’un cancer des voies aéro-digestives supérieures (2,5 r 0,4 ans aujourd’hui versus 2,2 r 0,2 ans en 1978-1982). Les durées de l’arrêt prolongé les plus grandes, stables au cours du temps, sont observées pour les autres familles diagnostiques : chez les personnes entrées en longue maladie pour une pathologie ostéo-articulaire ou circulatoire, cette durée est de 3,2 r 0,1 ans ; elle est de 3,5 r 0,1 ans pour une pathologie psychiatrique.
La longue maladie a concerné 2 464 femmes entre 1978 et 1997, soit un taux brut annuel moyen de 49,1 pour 10 000 salariées. Au cours des vingt années d’observation, le taux d’entrée des femmes âgées de 40 à 49 ans a progressé de 50,7 à 98,2 pour 10 000 salariées. L’âge des femmes au moment de l’entrée en longue maladie est passé de 47,4 r 0,8 ans en 1978-1982 à 46,2 r 0,6 ans en 1993-1997. Par collège, on observe une diminution régulière du taux d’entrée chez les cadres (Tableau II), alors qu’il augmente de manière nette chez les femmes de l’exécution au cours des deux dernières périodes.
La sortie de longue maladie
Le risque par pathologies
Toutes pathologies confondues, la répartition des modes de sortie a évolué significativement (p < 0,001) dans le temps. La proportion de mise en inactivité est passée de 37,7 % en 1978-1982 à 24,0 % en 1993-1997. En revanche, le pourcentage de mise en invalidité a progressé de 26,3 % à 34,8 % et celui des reprises a augmenté, variant de 16,3 % à 24,0 % sur la même période. Ces tendances sont retrouvées pour les pathologies psychiatriques et circulatoires (Tableau IV). Pour ces dernières, la part de reprises a plus que doublé sur la période d’observation. Parmi les personnes atteintes d’un cancer, les reprises du travail sont plus fréquemment observées au cours du temps. Mais c’est parmi les pathologies ostéo-articulaires que la progression est la plus nette et représente près du tiers des sorties en 1993-1997. Une régression logistique polytomique a été réalisée pour expliquer le mode de sortie par l’âge au moment de l’entrée, la famille diagnostique et la période. Le modèle met en évidence uniquement une diminution du risque de décès en longue maladie : OR = 0,6 [0,5-0,8] en 1988-1992 et OR = 0,7 [0,5-0,9] en 1993-1997 par rapport à la période de référence, 1978-1982. Nous nous sommes intéressés, en cas de reprise du travail, aux différents aménagements proposés. Leur répartition n’a pas évolué dans le temps. Environ 1 personne sur 8 reprend le travail avec un changement de poste. Chez les personnes atteintes d’une pathologie circulatoire ou cancéreuse, les reprises se
Chez les femmes, de 1978 à 1997, la pathologie psychiatrique est demeurée la première cause de mise en longue maladie, avec 48,4 % des entrées. Les pathologies cancéreuses et ostéo-articulaires représentent chacune environ 15 % de l’ensemble des cas. Après une brève période de diminution, le taux global d’entrée en longue maladie a augmenté de manière significative. Cette hausse a été le fait de la croissance du taux d’entrée en longue maladie pour pathologies psychiatriques et pour cancers. Première localisation de cancer chez les femmes, les tumeurs du sein expliquent la majorité de cette hausse. Les lombalgies sont à l’origine d’un nombre croissant de mises en longue maladie pour affections ostéo-articulaires. Parmi les « autres » pathologies, les accidents hors service ont eu tendance à augmenter. Seules les pathologies circulatoires, très minoritaires chez les femmes, ont été de moins en moins fréquentes en longue maladie.
Évolution du taux d’entrée en longue maladie chez les femmes
Les caractéristiques socio-démographiques
Caractéristiques de la longue maladie chez les femmes
Le délai de prise en charge Toutes pathologies confondues, il s’est écoulé environ 1,0 r 0,1 an avant la mise en longue maladie. Des différences, stables au cours du temps, sont observées par famille diagnostique. Le délai de prise en charge est bref dans le cas d’une pathologie cancé-
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A. VERRIER ET COLL.
reuse (0,4 r 0,2 an), intermédiaire pour une pathologie ostéo-articulaire (0,9 r 0,1 an) et long dans le cas d’une pathologie psychiatrique (1,3 r 0,1 ans).
ostéo-articulaire reprennent le travail à temps complet dans la période étudiée.
La durée de la longue maladie
DISCUSSION
L’arrêt prolongé dure 3,5 r 0,1 ans, toutes pathologies confondues, et ne varie pas d’une période à une autre. Des différences apparaissent, cependant, selon la famille diagnostique et des évolutions dans le temps sont observées pour certains diagnostics. La durée de l’arrêt prolongé pour un cancer, égale à 2,7 r 0,2 ans, n’a pas varié au cours du temps sauf en cas de cancer du sein où elle est passée de 3,5 r 0,5 ans en 1978-1982 à 2,5 r 0,3 ans en 1993-1997. Les femmes en longue maladie pour une pathologie psychiatrique y sont restées en moyenne 3,6 r 0,1 ans et celles atteintes d’une pathologie ostéo-articulaire 3,7 r 0,3 ans.
La sortie de longue maladie Toutes pathologies confondues, la répartition des modes de sortie de longue maladie a changé au cours du temps (p < 0,001). Le mode de sortie inactivité est de moins en moins utilisé : sa part est passée de 29,9 % à 18,9 % des sorties au cours des 20 ans. Avec un OR égal à 0,6 (IC95 % [0,4-0,9]) en 1993-1997 par rapport à la première période, ce résultat persiste après ajustement sur l’âge et la famille diagnostique au moyen d’une régression logistique polytomique. En revanche, une part croissante de femmes est arrivée en invalidité au terme de la longue maladie (40,7 % en 1978-1982 contre 46,6 % en 1993-1997) ou a repris le travail (21,7 % en 1978-1982 contre 26,2 % en 1993-1997). Chez les femmes atteintes d’une pathologie psychiatrique, la diminution de la proportion de départ en inactivité de 29,9 % à 19,4 % en 1993-1997 est associée à une augmentation de celle de mise en invalidité (47,5 % en 1978-1982 à 55,1 % au cours de la dernière période). Chez les femmes en longue maladie pour une pathologie ostéo-articulaire, parallèlement à la baisse de la proportion de mise en inactivité, de 36,5 % à 20,0 % entre 1978 et 1997, c’est la part des reprises du travail qui a augmenté de 17,7 % à 31,1 %. En revanche, la répartition des modes de sortie parmi les femmes atteintes d’un cancer n’a pas changé d’une période à une autre. Globalement, les conditions de reprise du travail n’ont pas évolué dans le temps, mais leur répartition diffère d’une famille diagnostique à l’autre. Ainsi, une reprise du travail à temps partiel est constatée chez 8 personnes atteintes d’un cancer sur 10. En revanche, 41,5 % des femmes atteintes d’une pathologie psychiatrique et 47,0 % avec une pathologie
Comparaison avec le régime général Les dispositions réglementaires de la longue maladie, propres au régime spécial de Sécurité sociale des industries électriques et gazières, offrent un cadre privilégié d’observation de pathologies survenant chez des adultes jeunes, entraînant une longue interruption de travail et retentissant de manière importante sur l’environnement personnel, social et professionnel. Elle se distingue des affections de longue durée, ou ALD du régime général de Sécurité sociale, qui concerne les affections chroniques compatibles avec la poursuite d’une activité. L’ALD prévoit l’exonération du ticket modérateur dans les cas d’affections comportant un traitement prolongé et une thérapeutique particulièrement coûteuse, figurant sur une liste limitative de 30 affections mentionnées à l’article D.322-1 (10). Le diabète, au quatrième rang des premières demandes d’ALD de 1998 avec 12,7 % des 719 515 avis favorables, est rarement une cause d’entrée en longue maladie. Les pathologies L’examen de l’évolution des longues maladies à EDF et Gaz de France au cours des deux dernières décennies se place dans le champ de l’étude de l’évolution des affections invalidantes, quel que soit leur pronostic. Chez les hommes, les pathologies circulatoires, les cancers et les maladies liées à une consommation excessive d’alcool sont de moins en moins observées en longue maladie. La pathologie ostéoarticulaire, quant à elle, après une brève période de diminution du risque, retrouve le même niveau qu’au cours de la première période. Enfin, les pathologies cancéreuses chez les femmes et les affections psychiatriques, pour les deux sexes, ont augmenté continûment en longue maladie. Un examen des pathologies à l’origine des entrées en longue maladie au cours de la période la plus récente actuellement disponible, à savoir 1998-2001, confirme ces tendances. Ces résultats sont d’autant plus intéressants qu’ils s’intègrent dans un ensemble de travaux menés chez les salariés d’EDF et Gaz de France, à partir de la base de données épidémiologiques et des registres permettant d’interpréter les résultats et d’élaborer des hypothèses éventuellement extrapolables à l’ensemble français (3-6). La baisse régulière du taux de mise en longue maladie pour affection coronaire chez les
ÉVOLUTION DE LA LONGUE MALADIE À EDF-GDF
salariés d’EDF et Gaz de France s’est accompagnée d’une diminution du taux de mortalité constatée en 1992 par rapport à 1978, confirmée en 1997-2001 et d’une stabilité du taux d’absence courte durée sur la même période (11). Cette tendance serait ainsi liée à une réduction des complications des maladies coronaires sous l’effet d’une meilleure prise en charge thérapeutique, médicale ou chirurgicale, et du développement de la prévention de leurs facteurs de risque (12). Pour les cancers des voies aéro-digestives supérieures, parallèlement à la diminution du taux d’entrée en longue maladie, la durée de l’arrêt prolongé s’est accrue. La nette diminution de l’incidence et de la mortalité de ces cancers chez les salariés d’EDF et Gaz de France observée sur la même période suggère que l’évolution de leurs caractéristiques en longue maladie est non seulement liée à la diminution du nombre de nouveaux cas, mais aussi à l’amélioration du pronostic (4). Ces localisations cancéreuses, sensibles à la consommation d’alcool, révèlent, au même titre que la cirrhose éthylique ou les troubles psychiques liés à la consommation d’alcool, les changements d’habitude des salariés vis-à-vis de cette pratique addictive, qu’on retrouve en population générale (13, 14). La stabilité du taux d’entrée en longue maladie et de l’incidence des cancers colo-rectaux depuis 1978 chez les salariés d’EDF-Gaz de France conjuguée à une augmentation de la durée de l’arrêt prolongé semble témoigner des progrès de la prise en charge thérapeutique de cette pathologie et de l’amélioration de sa survie (4). La mise en place d’une surveillance médicale des familles à risque et le développement du dépistage de ces cancers a probablement contribué à une détection précoce de ces tumeurs améliorant leur pronostic. À l’inverse, des pathologies comme la lombalgie, les cancers du sein chez les femmes et les pathologies psychiatriques sont à l’origine d’un taux croissant de mises en longue maladie. Conjointement à l’augmentation des pathologies rachidiennes en longue maladie, le taux d’absence courte durée pour affection du rachis est passé de 9,9 à 33,0 pour 1 000 salariés, ce qui expliquerait l’inflation des lombalgies en longue maladie. L’augmentation de la fréquence des entrées en longue maladie pour cancer du sein est parallèle à celle de l’incidence des cas depuis 1978 mais aussi à une diminution du temps passé en longue maladie (5). La mise en place d’un dépistage précoce du cancer du sein et d’une surveillance médicale des femmes à risque, l’amélioration du suivi gynécologique, surtout chez les salariées d’EDF-Gaz de France, et les transformations de la prise en charge thérapeutique en ambulatoire pourraient expliquer la réduction du temps passé en longue maladie (15). Enfin, on constate un nombre croissant de longues maladies pour
501
raison psychiatrique sans pour autant que le délai de prise en charge ou la durée de l’arrêt prolongé n’aient changé. L’utilisation de plus en plus massive de cette mesure serait en partie liée à la croissance des affections psychiatriques et, particulièrement, des troubles anxio-dépressifs, comme en atteste l’augmentation du taux d’absence courte durée de 9,6 à 18,5 pour 1 000 hommes et de 40,1 à 49,9 pour 1 000 femmes sur la même période mais aussi vraisemblablement à la chronicisation plus fréquente de la pathologie. Comparaison France entière L’évolution des principales pathologies invalidantes observées à travers la mise en longue maladie dans les entreprises EDF et Gaz de France nous semble apporter un éclairage intéressant pour la population générale. Les données épidémiologiques disponibles vont dans le même sens. Ainsi, en France, le taux de mortalité des pathologies coronaires connaît une diminution depuis 1970 et le taux d’attaque des maladies coronaires est stable entre 1985 et 1994 chez les personnes âgées de 35-64 ans connues des trois registres Monica-France (12, 13). Les principales localisations de cancer des français évoluent de la même manière que chez les salariés d’EDF et Gaz de France : diminution de l’incidence et de la mortalité des cancers des voies aérodigestives supérieures, augmentation de l’incidence et stagnation de la mortalité des cancers du sein chez la femme (13, 15, 16). L’amélioration du pronostic de certaines pathologies graves comme le cancer colorectal, l’importance croissante de nouvelles pathologies telles que les pathologies mentales sont probablement des réalités aussi bien pour l’ensemble des Français que pour les salariés d’EDF et Gaz de France. Efficacité de la mesure En tant que risque géré par un organisme de sécurité sociale, la longue maladie est une mesure destinée à mettre dans les conditions les plus favorables possibles des salariés atteints de pathologies graves. Son issue dépend à la fois de critères purement administratifs tels que le décompte des 1 825 jours ou l’âge du salarié, et de critères médicaux essentiellement caractérisés par la létalité ou le caractère invalidant de la pathologie. D’après une précédente étude, ces deux composantes conditionnent la répartition des modes de sortie (2). La diminution, au cours du temps, de la proportion des salariés en longue maladie mis en inactivité s’explique partiellement par une diminution de l’âge au moment de l’entrée en longue maladie. Parallèlement, on observe chez les hommes une baisse des décès survenus en cours de longue maladie, retrouvée même après ajustement sur l’âge
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et la pathologie. Les sorties de longue maladie se répartissent donc, de manière presque automatique, entre les reprises du travail et les mises en invalidité. De plus, on constate une modification de la nature des affections prises en charge au titre de la longue maladie. Depuis 1978, les pathologies les plus létales, telles que les cardiopathies ischémiques ou les cancers des voies aéro-digestives, ont vu leur taux d’entrée en longue maladie diminuer. Simultanément, les pathologies handicapantes, comme les affections ostéo-articulaires ou psychiatriques, ont nécessité un recours croissant à la longue maladie. C’est pour les pathologies ostéo-articulaires que la proportion de reprise du travail a le plus augmenté, atteignant un tiers des cas dans la dernière période. En cas de pathologie psychiatrique, le long délai antérieur à la prise de décision de mise en longue maladie témoigne de la difficulté pour le médecin-conseil et les acteurs impliqués dans la démarche thérapeutique d’évaluer le pronostic de ces pathologies et de choisir la solution la plus adaptée. Le poids de ces pathologies, première cause d’entrée en longue maladie et de mise en invalidité (représentant la moitié des cas), justifie des efforts de prévention en amont de la longue maladie à l’instar d’une action d’éducation pour la santé, menée au sein du régime spécial de Sécurité sociale, destinée à détecter précocement les troubles anxio-dépressifs pour en limiter la chronicisation (17). Une telle démarche s’inscrit dans la politique des entreprises en matière de maintien dans l’emploi.
CONCLUSION L’étude de l’évolution de la longue maladie a montré que, pour certains diagnostics, cette disposition s’est avérée être sensible aux modifications observées depuis 20 ans tant au niveau de l’incidence que de la prise en charge thérapeutique ou de la mortalité. Elle a surtout mis en exergue les changements de la nature des pathologies entraînant un long arrêt de travail chez des salariés en activité. Elle a ainsi permis d’identifier les pathologies invalidantes émergentes. Une étude, menée actuellement sur les conséquences médicales et professionnelles chez des salariés victimes d’un premier épisode de cardiopathie ischémique décrit, en outre, les passages en longue maladie. Des études similaires, consacrées aux pathologies invalidantes comme les affections ostéo-articulaires ou psychiatriques, seront prochainement mises en place.
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