Les psychiatres et le réajustement des Centres d'Aide par le Travail (CAT)

Les psychiatres et le réajustement des Centres d'Aide par le Travail (CAT)

Annales Médico Psychologiques 163 (2005) 174–181 Communication Les psychiatres et le réajustement des Centres d’Aide par le Travail (CAT) Psychiatri...

203KB Sizes 3 Downloads 88 Views

Annales Médico Psychologiques 163 (2005) 174–181

Communication

Les psychiatres et le réajustement des Centres d’Aide par le Travail (CAT) Psychiatrists and the readjustment of “CAT” (Help Centres through Work) R. Lécuyer 48, avenue de la-République, 94600 Choisy-le-Roi, France Disponible sur internet le 22 mars 2005

Résumé Les psychiatres (consultants-membres de l'équipe) de Centres d'Aide par le Travail (et conjointement siégeant souvent dans les CoTOReP1), ont vu de façon quasi constante leur fonction progressivement réduite, malgré la persistance du qualificatif d'établissements médicosociaux. Concurremment, le recrutement de ces structures s'est assez notablement modifié : d'une part en raison du remplacement des moins performants par des candidats souffrant d'un déficit parfois surtout socioculturel, aux dépens donc (probablement de l'ordre) d'un tiers de ceux pour lesquels ils avaient été créés (personnes en situation de déficit intellectuel moyen–profond) ; mais d'autre part, peut-être plus intéressant pour nous, en direction de malades mentaux graves (à peu près stabilisés ?) sous traitement lourd. Curieusement, la plupart des autres pays se contentent, pour cette même population, de « structures de suite », restant dans une perspective surtout psychopédagogique et occupationnelle, quand même plus paternalistes et bien moins valorisantes pour des adultes ; Il est donc d'une particulière importance de mieux les défendre à l'heure des harmonisations en Europe. L'auteur, l'un des trois premiers coconcepteurs (il y a quarante ans) en France, de CAT, poursuit ses réflexions (commencées ici même, il y a dix ans) sur cette évolution, en essayant d'apporter des explications-propositions constructives et réalistes ; notamment quant à une possible évolution de certains, comme plateaux techniques de réadaptation. À cette occasion, il évoque aussi la nouvelle loi sur l' « égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées », et quelques outils (logiciels) clinicostatistiques devant se révéler intéressants sous l'angle socioscientifique. Il pense notamment que la présence (le retour ?) de psychiatres dans ces établissements, bien sûr en liaison avec les associations de parents (UNAPEI) qui gèrent les deux tiers de ces établissements, serait la façon la plus logique de prévenir les dérives. Mais comment redevenir crédibles ? Et mieux s'adapter (se réintégrer) aux équipes d'encadrement-accompagnement ? Et surtout être efficace dans cette activité tellement pleine d'humanité !

Abstract Psychiatrists of CAT (Centres d'Aide par le Travail) are faced with a progressively reduced function. The recruitment mode for these institutions has significantly changed, because of the replacement of less valuable individuals by candidates suffering from a social-cultural deficit, to the detriment in one of intellectually deficient patients. Most of countries have, for similar patients, institutions with an occupational perspective; therefore it is very important to support them better when European procedures are being harmonized. The author, one of first three co-conceivers (40 years ago already) of CAT in France, is pursuing his work (started ten years ago) on such change, trying to bring realistic explanations and proposals, specially on a potential move of some CAT to rehabilitation institutions ; he also points out the new law

Adresse e-mail : [email protected] (R. Lécuyer) 1 Commission Technique d'Orientation et de Réadaptation Professionnelle. 2 CoTOReP : Technical Committee of Professional Orientation and Readaptation. doi:10.1016/j.amp.2005.02.001

R. Lécuyer / Annales Médico Psychologiques 163 (2005) 174–181

175

on the “equality of rights and opportunities, participation and citizenship of handicapped individuals” ; and some clinical-statistical tools (softwares) useful on a scientific point of view. The author also believes that the presence of psychiatrists in these institutions would probably be the more logical way of maintaining their objectives.

Mots clés : Centres d'Aide par le Travail ; Handicapés mentaux ; Psychiatres institutionnels ; Travail épanouissant ; Travail thérapeutique Keywords: CAT –– Help Centres through Work; Flowering work; Institutional psychiatrists; Mentally deficient individuals; Therapeutical work

Il y a dix ans (19 décembre 1994), il m'était apparu important d'attirer ici même l'attention des psychiatres sur ces structures [9] où les composantes travail et social sont tellement liées au psychopédagogique en même temps qu'elles ont un rôle thérapeutique. De multiples raisons m'incitent à venir réactualiser devant vous la situation de ces Centres d'Aide par le Travail : z la fonction des psychiatres y est encore indiscutablement réduite ; z les dérives, dont je déplorais déjà la tendance, se sont multipliées, et ont même suscité des critiques acerbes (caricaturées dans le livre-pamphlet L'Enquête interdite de Gobry [2], d'ailleurs condamné en justice) répercutées par la presse ; z en revanche, tout à fait intéressante nous paraît (échanges avec l'UNAFAM de Créteil) leur extension à certains malades mentaux graves stabilisés sous traitement ; z bien sûr, la nouvelle loi dite « relative à l'égalité des droits et des chances, à la participation et à la citoyenneté des personnes handicapées » (remplaçant la fameuse loi de 1975), dont les dernières retouches législatives et décrets d'application sont en cours de mise en place [16], retiendra aussi notre attention ; z quelques données de l'importante enquête de l'UNAPEI [13], concernant la majorité des CAT gérés par les associations dépendant d'elle (les deux tiers de l'ensemble : 99 000 places), seront rapportées ; z nous évoquerons enfin l'apport probablement fort intéressant (surtout sous l'angle scientifique) d'outils (logiciels) d'évaluation (autoévaluation et évaluation externe) de la pertinence des diverses structures concernant les personnes handicapées [11]. Précisons brièvement la nature et les limites des Centres d'aide (initialement d'assistance) par le travail [5,7]. Ce sont des structures qui accueillent, dans une perspective d'activité productive (avec horaire normal et salaire), des personnes avec un handicap psychique moyen, et pour lesquelles le milieu ordinaire de travail paraît utopique ou a déjà fait l'objet d'échec. Ces entreprises originales n'ont que partiellement, bien sûr, un souci industriel de valeur ajoutée. Elles gardent en effet (en principe) une part d'objectif psychopédagogicothérapeutique et d'aide à la vie ; d'où leur qualificatif d'établissement médicosocial dépendant des Commissions

techniques d'orientation et de réadaptation professionnelle [5,9,13,14]. 1. Que représente handicapées ?

le

CAT

pour

les

personnes

Le CAT représente pour les personnes handicapées : bien sûr, un lieu de travail donnant un sens à la vie ; peut-être encore plus que pour les personnes ordinaires, un travail comme pour tout le monde, alors que la surprotection et les situations d'échec le faisaient considérer comme inaccessible ; z mais aussi, un lieu de rencontre et d'expression équilibrant par la possibilité d'échanges faciles avec d'autres ; et cela, notamment pour les personnes n'ayant que très peu de langage ; l'ambiance y est tellement plus détendue et chaleureuse que dans des ateliers ordinaires ; z ils réalisent souvent une véritable seconde famille, surtout pour ceux qui vivent encore dans leur milieu familial ; z lorsque l'on fréquente ou visite ces établissements, contrairement aux affirmations de Gobry [2] il est tout à fait exceptionnel d'y entendre des critiques ; z une illustration très parlante de ces constatations–affirmations fut réalisée de nombreuses fois par des enquêtesinterviews au retour des congés dans les CAT de Vitry et Créteil, ainsi que par les équipes de Carcassonne : plus de 80 % parlaient de leur reprise de travail comme de quelque chose qui leur avait tellement manqué au cours des vacances (le plus souvent familiales, probablement mal adaptées à leurs souhaits, et pour lesquelles ils avaient presque toujours été fort peu consultés). Les seules réserves étaient exprimées par des personnes qui avaient été très (relativement trop ! et parfois presque exclusivement) « poussées » sur le plan scolaire et verbal, aux dépens du psychosensorimoteur [8], et imparfaitement préparées aux activités manuelles [4–6,9]. Les CAT semblent donc toujours la meilleure réponse pour les « personnes en situation de handicap intellectuel moyen » (QI : 45–60 t 5 à 10), c'est-à-dire celles chez qui les possibilités d'abstraction et d'expression verbale nuancée sont très limitées, et pour lesquelles l'apprentissage scolaire n'a permis que des acquisitions en langage écrit relativement rudimentaiz

176

R. Lécuyer / Annales Médico Psychologiques 163 (2005) 174–181

res. L'épanouissement remarquable de la majorité des bénéficiaires apporte la preuve de leur adéquation indiscutable. La simple « situation de travail » est vécue par la plupart comme socialement et humainement la plus valable [5] ; et surtout, elle apporte un objectif positif évitant les quasi constantes situations d'échec génératrices de blocage dépressif. Il y a 25 ans, dans diverses publications, l'auteur évoquait même à leur sujet un « nouveau système de valeur ne faisant pas référence à la seule productivité, ni à la vivacité intellectuelle…, ni… à la beauté physique…, et dont le reste de la société pourrait s'inspirer… » [6,7] ! 2. Fonctionnement général Pour illustrer leur fonctionnement actuel, nous renvoyons à l'enquête réalisée début 2003 par l'UNAPEI [13], dont nous résumons brièvement (sans viser à l'exhaustivité) les données les plus parlantes : z pour ce qui est de l'organisation générale : un encadrant technique pour huit ; un administratif pour 30 ; parfois un professionnel polyvalent non-handicapé rémunéré par la production (pour assurer des postes précis particulièrement pointus) ; z quant à la rémunération des travailleurs handicapés, elle est multiple, ne tenant que partiellement compte de l'efficacité ; c'est d'abord le groupe qui est rémunéré ; z n'oublions pas que, théoriquement, font obligatoirement partie des activités des demi-journées de soutien pédagogicopsychosocial (dit du 2e type, lié à la vocation médicosociale) ; guère plus d'un tiers, pourtant, semble assurer les trois–cinq heures (minimum) par mois, lacune importante déplorée par une grande partie de l'encadrement [13] autant que par les instances responsables ; z pour ce qui est de la nature des activités : bien sûr, il y a un très large éventail [13]. Parmi les plus fréquentes et les plus significatives : a) de l'ordre de 65 % d'activités de conditionnement, initialement quasi exclusives, mais variables, évolutives et en régression ; les machines sont devenues tellement efficaces qu'elles ne laissent plus que la préparation et des petites séries, et presque plus rien pour les moins performants. Mais quel plaisir pour ces personnes de découvrir sur les présentoirs des magasins de bricolage leurs cartes ou sachets de petite quincaillerie, si attirants pour les clients, et dont ils sont tellement fiers. Assez proches, quelques activités de soustraitance, comme la mise sous pli et le routage ; b) les activités d'horticulture, de jardinage, de maraîchage, et surtout d'entretien d'espaces verts (45 %) et, dans certaines régions, de vignobles ; c) les activités de ménages, d'entretien de locaux (souvent objet de réserve sinon dénigrées de la part des familles, surtout aisées) pourtant si adaptées et utiles (puisqu'elles s'appliquent aussi dans leur foyer ou leur chambre) ; d) blanchisserie, raccommodage simple et petite couture ;

e) restauration de collectivités, mais parfois dans un restaurant qui s'est organisé autour d'un groupe de personnes handicapées ; f) dans certaines régions, et de façon saisonnière, ramassage et cueillette de fruits, dénoyautage de pruneaux, calibrage de coquilles Saint-Jacques, etc. ; z certaines structures ont su établir une remarquable souplesse : chacun a une mission bien définie ; l'activité tend à être adaptée à chaque profil pour éviter l'usure professionnelle : roulement, permutation de poste sont possibles si la personne souhaite changer de tâche ou évoluer ; chaque travailleur comprend qu'en fonction de ses aptitudes, il est un maillon de la chaîne (au sens positif, antithèse des Temps Modernes de Charlie Chaplin), et qu'il contribue à la réalisation d'un produit auquel tous ont apporté leur relatif savoir-faire ; z l'aspect qui nous paraît le plus concluant (notamment pour les activités b à f ci-dessus) est représenté par les interventions effectuées par des équipes d'activité ; deux à cinq personnes handicapées (dont souvent une assez atteinte) avec un moniteur. C'est certainement la forme d'intégration en milieu ordinaire la plus satisfaisante, parce qu'elle est rarement frustrante pour les personnes handicapées, et durable : ce sont des prestations de service régulières, par exemple, pour l'entretien de parkings ou de locaux communs d'administration ; z certains CAT ont plus particulièrement une activité propre essentielle (liée au bois ou maraîchage par exemple), ou assument le fonctionnement d'un atelier d'usine (câblage électrique, assemblages de petite électronique) en liaison avec une entreprise proche. À titre de curiosité assez remarquable, citons aussi l'exemple d'une structure (Domaine du château de Lastours dans l'Aude) qui réalise un regroupement très polyvalent d'activités : entretien d'un important complexe comportant une colline avec pistes d'entraînement-préparation de rallye, et surtout vignoble remarquable et hostellerie avec restaurant de haut niveau (dont un sommelier manifestement autiste) ; z à en rapprocher, des ateliers artistiques de dessin, peinture, etc., souvent avec des « artistes animateurs ». En France, plusieurs sont assimilés à un CAT ; dans l'un d'eux (« Beaux-Arts » à Paris), un de « mes » trisomiques bénéficie de revenus notables avec la commercialisation de ses cartes postales patchwork de collages ; z des structures de spectacle variées, en particulier théâtrales (avec, à la base, expression corporelle, musique, danse, etc.) sont rencontrées dans la plupart des pays : la troupe belge de danse et de théâtre qui a permis le film Le Huitième Jour ; le spectacle italien de Dolo, etc. ; assez différentes dans leur inspiration, elles sont souvent plus proches (ici, sans note péjorative) des activités occupationnelles ; quelques participants seulement émergent comme de véritables artistes. En France, quelques-unes fonctionnent sous un régime de CAT

R. Lécuyer / Annales Médico Psychologiques 163 (2005) 174–181

(atypique), telles que Euridice (Plaisir), L'Oiseau Mouche (Roubaix). 3. La situation actuelle en France Nous dirions que ces structures ont évolué de façon fort diverse (notamment suivant les organismes créateurs), ce qui permet de les regrouper en quatre formes de CAT : z

tout d'abord, les structures originelles ayant délibérément privilégié l'accueil des plus démunis (souvenons-nous qu'initialement, il n'y a pratiquement pas de sélection par le bas ; je me permets de rappeler que je fus un des membres de l'équipe conceptrice d'une des trois premières [3]). Elles devaient chercher des activités et créer des postes en n'oubliant pas ceux dont l'activité était parfois presque symbolique (mais s'y sentaient un « rôle », entre deux, plus efficaces) ! C'était le cas de la plupart des CAT rattachés à l'UNAPEI.

Mais très vite, la difficulté de trouver suffisamment de petits travaux simples, et les réserves de pas mal de familles (des autres) et de quelques travailleurs à l'égard des trop peu productifs amenèrent à ne plus accepter ceux qui avaient vraiment trop peu de possibilités et exigeaient une excessive monopolisation de l'encadrement ; z

parallèlement, la réussite de ces CAT, y compris par leur efficacité au travail, attira nombre de vocations pour créer des structures à objectif aussi médicosocial mais recrutant des malades mentaux ou des personnes (notamment avec handicap moteur ou accidentés de la route) ne présentant pas ou peu de déficit intellectuel stricto sensu.

Pour les malades mentaux, cela ne faisait que réactualiser l'attitude ouverte (complémentarité équilibrée) de nombre des premiers CAT ; certains venaient d'ailleurs assez logiquement des ergothérapies et ateliers thérapeutiques, tellement en vogue au début de l'avènement des neuroleptiques pour participer au désaliènement (et pour lesquels j'avais également déjà été un des précurseurs dans les années 1957– 1962 [3]) ; même si l'insuffisance de suivi psychiatrique les en a ensuite assez souvent fait exclure ; z

en revanche, le désir de donner l'image d'un atelier quasi ordinaire, avec priorité à l'efficacité, amena certains directeurs (avec l'accord tacite de CoTOReP) à accepter des indications limites. La plupart, pleins de bonnes intentions, n'avaient guère de formation psychopédagogique mais se révélèrent d'excellents gestionnaires. Ces établissements ne sont certainement pas inutiles ! Mais, presque obligatoirement, une partie de leur population prend la place d'une part non négligeable de ceux pour lesquels ils avaient été conçus. Surtout, de façon non exceptionnelle, des dossiers d'admission CoTOReP ont été construits pour apporter une solution d'abord sociale (même si dans sa rédaction on y trouvait des éléments d'inadaptation psychologique… à l'évidence juxtaposés).

4. Quelques ajustement

réflexions-propositions

177

d'adaptation-

La multiplication, sans doute imparfaitement ordonnée, des CAT a permis d'innombrables expériences, le plus souvent riches, mais à dimension médicosociale différente. Nous venons d'évoquer un possible renouveau de formules mixtes, intégrant notamment des personnes atteintes de psychoses graves (à peu près) stabilisées sous forte thérapeutique, restant fragiles mais relativement plus polyvalentes ; bien sûr, cette extension n'est jamais facile (je me permets de vous renvoyer au commentaire très désabusé que le docteur Jeanson, après mon intervention d'il y a dix ans [9], avait développé sur les péripéties [l'échec] d'une tentative en ce sens). Elle nécessite une attentive préparation psychosociologique, de part et d'autre, pour éviter des réactions initiales de rejet [7,10]. Des établissements plus spécifiques sont peut-être, dans un premier temps, souhaitables, notamment pour les patients plus difficiles (tendance paranoïde par exemple). Mais il pourra difficilement y avoir consensus (voir UNAFAM) ; l'indication idéale est évidemment la demande d'un patient conscient de sa maladie et supportant mal l'oisiveté. Une véritable réappropriation de l'identité de travailleur [15] paraît le premier objectif, sans renoncer au milieu normal. Des formules analogues seraient probablement opportunes pour certains handicapés somatiques graves, dont le déficit intellectuel n'est souvent pas au premier plan : séquelles d'importantes lésions cérébrales (traumatisme crânien et interventions neurochirurgicales) ayant échoué dans toutes les tentatives de réinsertion socioprofessionnelle ou nécessitant un soutien constant, grands hypoacousiques (avec exubérance gênante par exemple) rendant problématique un mode de vie concurrentiel. Beaucoup plus délicate sera la réorganisation de ceux qui ont une proportion importante de ces « imparfaitement équilibrés psychosocialement », dont une partie n'aurait sans doute pas dû y être… Ce sont les seules structures où il y a fréquemment demande d'un autre milieu de travail. Au mieux, il s'agit de « CAT-ateliers protégés » mixtes, où la section atelier protégé n'est manifestement pas suffisamment valorisée, et sans « ouverture-préparation à une réorientation » véritable. Quoi qu'il en soit, la plupart des CAT ne s'étant pas limités à la population initiale devraient se concevoir en partie comme des « plateaux-techniques » (Joinneaux) d'observation, déconditionnement–reconditionnement et apprentissage–réinsertion, où les situations d'échec seraient moins facilement insolubles qu'en milieu concurrentiel direct. Mais gardons bien sûr au premier rang de nos préoccupations ceux pour lesquels ils ont été créés et qui n'ont pas d'autre solution aussi satisfaisante. Afin de faciliter ces modifications-ajustements (mieux préparer cette forme d'intégration) en amont, il serait souhaitable d'encourager des stages des 13–16 ans du milieu scolaire ordinaire adapté (Cliss) en EMPro (un à trois mois avec possibilité de prolonger, et même… d'y rester s'il en exprimait clairement la demande), pour moins vivre un éventuel

178

R. Lécuyer / Annales Médico Psychologiques 163 (2005) 174–181

changement d'orientation comme un échec par rapport au milieu ordinaire espéré [1,8–10] ! Une fréquente réapparition de langage avec disparition de blocage (révélant donc a posteriori un mutisme) lors du passage de classe de perfectionnement à ces structures représente un solide argumentjustification. Ne devrait-on pas aussi, systématiquement, proposer aux 18–20 ans un stage d'observation en CAT au même titre que les stages en entreprises ordinaires ; cela permettrait, pour la personne handicapée elle-même, un choix (autodétermination) qui ne soit pas trop influencé par l'entourage (si habituellement dans une perspective normative théorique souvent utopique). Il convient donc, aux deux pôles extrêmes de recrutement : z sans doute d'entériner la situation de fait que les très déficitaires (que généreusement certains établissements continuaient à accepter sans vouloir prendre en compte une limite inférieure) soient accueillis par des structures occupationnelles (où la moitié s'y sentiront sans doute mieux à leur place, même si un quart en souffriront certainement), mais en veillant à ne pas se laisser entraîner dans l'attitude de nos voisins (Belges et Suisses) qui y orientent 30 à 80 % de ceux que nous considérons comme toujours relevant de CAT ; z mais, à l'autre extrémité, d'être sûrement beaucoup plus réservé et attentif pour les orientations-admissions de cas limites, avec véritable contrôle de ceux qui ont été amenés à en accepter beaucoup, et obligation d'une sérieuse préparation au milieu ordinaire. Pour rendre efficaces ces modifications-adaptations nuancées, la revalorisation relative de l'aspect psychopédagogique paraît évidente ; en passant par l'exigence d'au moins un pédagogue de formation dans toutes les équipes, et en soulignant l'adaptation particulière pour ces fonctions des psychomotriciens et ergothérapeutes. Bien sûr, les quatre à cinq incontournables heures mensuelles de soutien (dit) du 2e type sont un minimum (rappelons qu'en 2002 elles ne semblaient pas assurées dans les deux tiers) [13]. Un des points sans doute le plus important avec l'évolution de l'Europe est donc de mieux nous situer par rapport à ce qui se fait ailleurs. Plus précisément, dans le domaine qui nous concerne est réalisée à nos frontières une véritable prolifération de structures, d'internats (longtemps plutôt négligés en France, notamment par choix, il y a trente ans, des associations de parents) qui sont loin d'être psychosociotechniquement supérieurs ; leur publicité discrète et tellement astucieuse (notamment consultations régulières à Paris), leurs prix de journée plus que concurrentiels (moindre rigidité et corporatisme) et quelques résultats d'intégration assez spectaculaires (mais tellement exceptionnels) ne doivent pas occulter la réalité : il s'agit pour la plupart de structures polyvalentes à large éventail de recrutement, toujours séduisantes dans leur projet théorique ; mais elles nous paraissent bien loin d'être humainement aussi adaptées que nos CAT (« à la française », que l'on doit toujours considérer comme un acquis exceptionnel) pour

cette population que nous avons définie plus haut. La plupart de mes protégés envoyés dans ces établissements (parce que relevant d'internat), se retrouvent en structures occupationnelles, c'est-à-dire avec une considérable régression sur le plan de la signification humaine. Notre système –– CAT avec milieu de vie le plus autonome et intégré possible (en relais du milieu familial, diverses formes de foyers de vie, y compris en appartements éclatés dans des immeubles de tout le monde) –– n'a vraiment rien à envier à ce que l'on voit ailleurs. Si les CAT avaient été vraiment réservés à ceux pour lesquels ils avaient été initialement créés, les places devraient d'ailleurs probablement y être suffisantes. Pour les foyers, en revanche, à vouloir privilégier le maintien en milieu familial, la création de places en internats a pris du retard (notamment pour ceux qui ne peuvent vraiment pas, ou ne peuvent plus, avoir d'activité réelle). 5. Dans une perspective d'information très d'actualité, abordons brièvement les récentes modifications législatives En premier lieu, la rénovation de la fameuse loi d'orientation (ex-1975) qui provoqua tellement de réserves de la part de beaucoup de psychiatres. La démarche d'ensemble de cette « loi pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté » des personnes handicapées [12] est sûrement positive, avec selon moi une avancée essentielle : la souplesse (théorique) des possibilités de passage d'une structure à l'autre, de sorte qu'un minimum de personnes en situation de handicap ne devrait être définitivement catalogué ; dans ce même sens, obligation de conclusion d'un « contrat de soutien et d'aide par le travail » précisant le projet. Bien sûr, lorsque l'on a suivi pas à pas les projets d'élaboration, on peut difficilement ne pas être sidéré par une forme de minutie (obsessionnelle, presque jusqu'à l'absurde ?) terminologique (langagière). À l'évidence, les textes sont rédigés d'abord par et pour les personnes handicapées non mentales qui souhaitent (de façon bien sûr compréhensible) que leurs problèmes soient considérés dans leur ensemble, essentiellement par rapport à la tolérance de la société, et le moins possible centrés sur leur propre handicap : de là, la polarisation sur l'autonomie ; alors que pour les personnes en situation de (grand) handicap mental, encore bien plus important est le désir (et besoin) de sécurisation, leur évitant de se sentir « oubliés, négligés, méconnus » (aspect essentiel, pour eux, de l'exclusion). Plus originale devrait sans doute être, pour les psychiatres, leur participation à l'évaluation des besoins spécifiques de la personne handicapée (en principe CDES et CoTOReP seront remplacés par un guichet unique dépendant d'une « maison départementale des personnes handicapées »), avec obligation de réévaluation régulière sur place par le biais d'une équipe multidisciplinaire. À titre d'information complémentaire, signalons aussi la loi du 2 janvier 2002, qui codifie de nombreux paramètres

R. Lécuyer / Annales Médico Psychologiques 163 (2005) 174–181

exigés des structures et valorise en particulier une meilleure participation des personnes handicapées dans le choix de leur mode de vie. Progressivement la rémunération sera modifiée : il y avait un salaire direct avec un complément de rémunération réalisant une garantie de ressources, à laquelle s'ajoutait une AAH différentielle ; serait envisagé maintenant un système seulement binaire : salaire direct (donc probablement plus modulé) et complément de rémunération versé sous forme d'aide au poste. 6. Quant au rôle des psychiatres… Sans revenir dans le détail sur les fonctions des psychiatres dans les CAT et à propos desquelles je m'étais longuement attardé il y a dix ans [9], résumons simplement les points actuels qui paraissent les plus importants à la lumière des réflexions ci-dessus : z garder présentes à l'esprit les séquelles (douloureuses) provoquées, sur deux générations de parents de « personnes en situation de handicap intellectuel », dans les années 1970, par une théorisation psychopsychiatrique culpabilisante (et décourageante) pour beaucoup de mères ; z très liée, l'attitude neutre (de « psychanalyste », trop exclusivement d'écoute) a souvent été vécue comme « froide », en tout cas fort insuffisamment chaleureuse ; elle avait surtout imprégné (et servi d'alibi) à nombre d'éducateurs post-soixante-huitards (qui se sont révélés, eux, franchement perturbants et souvent nuisibles) ; z le cognitivocomportementalisme (si bien adapté et diffusé, en ce domaine, par nos amis belges) a apporté une approche bien différente et sûrement opportune (même si elle est très discutable pour beaucoup de névroses). Chacun peut s'en inspirer même sans en partager tout à fait la philosophie ; malheureusement, le refus d'accepter la moindre relation (même à l'âge adulte) entre autisme et schizophrénie ne facilite pas le travail commun ! z être convaincu que la pédagogie (éducation, rééducation et « maintien-entretien des acquisitions »), plus spécifiquement orientée vers la psychomotricité, constitue la thérapeutique la plus importante pour cette population ; bien sûr, une certaine compétence en neurologie et un minimum de culture en techniques rééducatives sont souhaitables ; z en même temps être très attentif (en s'y préparant si possible par un complément de formation) à sa propre intégration dans les équipes, même si la présence effective n'est que très partielle (et insuffisante : 0,20 ETP pour 80) ; z pouvoir donner, souvent presque instantanément, un avis sur les cas limites : blocage psychopédagogique ou séquelles de mal-évolution éducativoscolaire [8] assez facilement corrigeables, trouble psychique épisodique, niveau subnormal camouflé, traitement médicamenteux imparfaitement maîtrisé par le généraliste [7], etc. ;

179

faire bénéficier l'équipe d'éléments de formation de base minimum ; souvent techniciens d'encadrement au travail pleins de bonnes dispositions, très curieux, et moins rigides que (les doctrines univoques parfois passionnelles de bien) des pédagogues ; ils sont assez facilement paniqués dès qu'il y a un comportement hors normes… ; l'enquête de l'UNAPEI [13] souligne la fréquence de cette demande. À l'expérience, ils se révèlent souvent capables de jouer un rôle d'intermédiaire-médiateur, même sous l'angle d'un soutien psychothérapique ; z dans cette même perspective, et parmi les rôles nouveaux et imprévus, il y aura par exemple à préparer l'équipe à accompagner l'adaptation de nouveaux admis, à l'évidence en comportement de réserve ; notamment ces trisomiques pour lesquels, il y a trente ans, le CAT représentait un lieu absolument idéalisé, alors que depuis vingt ans, l'insistance sur le milieu ordinaire à tout prix, notamment à l'école, fait que pour beaucoup, l'arrivée en IMPro ou CAT est vécue comme un échec ; z enfin, l'aspect tabou des péripéties de l'aide aux personnes handicapées de tous âges : cette forme de maltraitance par sur-stimulation (parfois véritable forçage), avec imparfaite prise en compte de ses caractères spécifiques ; insertion (de fait) forcée et imparfaitement encadrée dans le milieu de travail ordinaire, comme ce fut souvent le cas pour les enfants avec la méthode Doman, ou le maintien à tout prix en milieu scolaire ordinaire d'enfants bloqués par la situation d'échec avec repli dépressif. L'organisation de changement du milieu met souvent des mois à être réalisée, et avec tant de réticences et de réserves que les possibilités d'expression et parfois le déficit peuvent en être fortement aggravés ; z importante aussi nous paraît la participation des psychiatres à l'utilisation des nouveaux outils évoqués plus haut [11], apportant indiscutablement une dimension scientifique sérieuse, notamment : c le dispositif MAP, avec ses logiciels PROMAP (logiciel d'évaluation de la qualité des services rendus aux usagers des structures médicosociales) et Arcade (logiciel de suivi et de bilans individuels et collectifs pour évaluer les besoins d'accompagnement) ; c enfin PRATIC-Handicaps, expliquant de façon (relativement) accessible et commode (y compris en partie pour les personnes handicapées elles-mêmes grâce à un système de logo astucieux) les nouvelles lois les concernant. La participation des psychiatres semble primordiale, notamment pour une meilleure appréciation de la nature et certaines limites du handicap ; ils devraient même s'y révéler peut-être les plus opérants et indispensables. Synthétisons : le psychiatre a un rôle clinicoadministratif et clinicorelationnel, en n'oubliant pas qu'il devra souvent, pour la personne handicapée elle-même, être un interlocuteur privilégié, et peut-être le plus important médiateur verbalisateur neutre. z

180

R. Lécuyer / Annales Médico Psychologiques 163 (2005) 174–181

Dans les CAT spécialisés (d'emblée, ou par reconversion) pour les malades mentaux graves à peu près stabilisés sous traitement, son rôle se révèle évidemment essentiel et indiscuté, avec, bien sûr, une étroite collaboration avec psychologues, ergothérapeutes et sans doute infirmier(e)s spécialisé(e)s. Un consensus semble se dessiner en liaison avec l'UNAFAM, notamment pour l'adaptation de CAT (avec des activités plus intellectuelles : ainsi la saisie informatique – OTRES) à cette véritable réappropriation par les personnes malades mentales de leur identité de travailleurs [15] que nous évoquions plus haut. 7. Quelques éléments de synthèse Pour nous résumer, les Centres d'Aide par le Travail s'imposent pour leur validité et le dynamisme de leur développement. Le concept qui les inspirait (travail adapté, poursuite pédagogicorééducative, rôle thérapeutique et d'intégration sociale en groupe) correspondait indiscutablement aux besoins de la majorité des personnes handicapées mentales moyennes [5]. Rappelons l'originale « compétence collective » qui est, en fait, ce qui est vraiment rémunéré. L’ « incapacité du groupe est bien inférieure à la moyenne mathématique de l'incapacité de chaque handicapé (Grignon-Bascou) » [9]. J'ai insisté d'ailleurs personnellement pour que l'on remplace la notion d'invalidité par celle de « capacité relative partielle ». L'esprit qui anime ces structures reste pour l'essentiel remarquablement adapté et épanouissant ; il faudrait vraiment ne pas être objectif pour considérer qu'au moins les trois quarts des bénéficiaires n'y sont pas heureux. Notre exception et notre réussite française méritent, une fois encore, d'être soulignées, notamment dans le cadre européen ! Les psy, en France certainement pour une part importante les psychiatres (qui ont initialement tant œuvré pour les premières créations, dont ils sentaient la nécessité en tant qu'anciens pédopsychiatres), paraissent indispensables et devraient être réintéressés et revalorisés : à la fois sur place et dans les CoTOReP, en « association-délégation » avec d'autres médecins (rééducateurs, autant que « du travail » [ou ex scolaires]), et bien sûr psychomotriciens et psychologues. Les syndicats de psychiatres semblent percevoir de véritables avancées sous cet angle [16]. En conséquence, et en étroite complémentarité, il convient de réactiver ce rôle psychopédagogique original (indispensable pour qu'il n'y ait pas chronicisation) éminemment thérapeutique des CAT [6]. Quant à l'optimale « intégration à la société », s'imposent en revanche quelques réserves à l'égard de l'assimilation aux « personnes en situation de handicap non-mental » si habituellement en « revendication de plus d'autonomie » (et de ce fait, paraissant toujours insatisfaites). La majorité des personnes handicapées mentales moyennes, quand elles se sentent « acceptées et comprises », sont bien moins difficiles à satisfaire (avec un recul de trente ans auprès d'un grand nombre

que j'ai suivi) ; elles souhaitent avant tout être sécurisées, y compris le plus souvent par –– et à l'intérieur –– d'un cadre. Dans cette forme d'intégration sociale que trop d'intellectuels ont tendance à dénigrer (parce qu'elle ne correspond pas à leur norme idéale), les activités de loisirs, notamment sportives, en particulier en liaison avec les foyers spécialisés (tellement dynamiques), le plus souvent dans des lieux (gymnase, terrain de basket ou de rugby) ouverts à tout le monde, sont des compléments indispensables et encore plus importants que les activités de soutien dans leur milieu de travail. Participons donc à la revalorisation-réajustement des CAT classiques, et à la conception-adaptation de nouveaux CAT, peut-être mieux centrés. Un bilan objectif a sans doute trop tardé ; mais les récentes études de l'UNAPEI [13] sur « les pratiques » et le « tableau de bord » des CAT du CTNERHI [14] méritent d'être beaucoup mieux connues. Dans le cadre des nouvelles lois (2 janvier 2002, et prochaine loi d'égalité des chances… de 2004) concernant les personnes handicapées mentales (et avec la perspective de l'évolution européenne), il nous semble urgent de ne pas laisser dépriser ces originales et remarquables structures par des naïves et démagogiques confusions quant à la nature de leurs bénéficiaires. Je rappelle qu'un bon tiers de nos effectifs, dans les pays voisins qui s'y sont trop peu intéressés, se trouve seulement dans des établissements d'accueil, où la dimension travail (signifiant) n'est pas le premier objectif. 8. Conclusion Il convient de ne pas se laisser égarer par l'obsession (sociolangagièrement correcte) du milieu ordinaire à tout prix ; les échecs prévisibles sont tellement nuisibles et la réorientation tellement moins risquée après une patiente progression et une mise en confiance grâce à ce milieu ; les réserves parfois péremptoires à l'égard des CAT traduisent une méconnaissance des particularités psychoaffectives des personnes handicapées mentales. Réaffirmons donc la primauté de l'indication de ces structures adaptées pour les « personnes en situation de handicap intellectuel moyen » (QI : 45–60) et recentrons bien, chaque fois que possible, le recrutement sur ce noyau de base. Dans cette perspective, devrait sans doute être organisée une préparation psychologique complémentaire, notamment pour ceux qui ont suivi le cursus CLISS, afin d'éviter, par exemple, qu'une importante partie des trisomiques qui en sortent se retrouve seulement en structure occupationnelle alors qu'il s'agit de ceux qui ont le plus de possibilités. Second volet important : le développement de CAT adaptés (spécialisés) pour malades mentaux graves, à peu près stabilisés sous traitement (peut-être à considérer comme des « handicapés psychiques »), avec bien sûr des ajustements encore plus nuancés [15]. Une réactualisation d'une forme de mélange-complémentarité (psychosociologiquement bien préparée de part et d'autre, comme le réalisaient, par l'hétérogénéité de leur recrutement, certains des premiers CAT pilotes [3]), mérite sans doute d'être prudemment encouragée.

R. Lécuyer / Annales Médico Psychologiques 163 (2005) 174–181

Quant au devenir des structures destinées majoritairement à des personnes présentant un handicap surtout non mental (IMC, séquelles d'accident cérébraux, grand sourd, sans nous attarder sur les assez fréquents cas psychosociaux), leur utilité a certainement fait ses preuves, même si certaines critiques à leur égard sont sûrement justifiées. Pour ces deux derniers groupes, une particulière attention, notamment pour éviter les orientations prématurément définitives, s'impose. La notion de contrat-projet, où est impliquée la personne handicapée elle-même (bien souligné dans la récente loi), prend encore ici toute son importance. Ces CAT devraient être considérés, en grande partie, comme des plateaux techniques de réadaptation et de réorientation, avec obligation de stages réguliers en milieu ordinaire et de souplesse dans les éventuels (inéluctables) allers-retours « CAT-atelier protégé-Poste ordinaire ». C'est bien sûr là que le rôle des psychiatres est le plus indispensable, et d'ailleurs rarement discuté (même si, actuellement, de nombreux postes restent vacants). J'espère vous avoir convaincus de la validité de ces Centres d'Aide par le Travail qui restent, pour les trois quarts au moins, un original et remarquable acquis psychosocial [1]. Ils peuvent sans doute constituer pour certains d'entre nous, psychiatres, un lieu d'activité différent, puisque à la limite du psychopédagogique ; mais particulièrement enrichissant, notamment par l'ambiance de joie communicative et la qualité humaine que l'on découvre si habituellement chez ces sujets, dont le regard et le contact relationnel sont souvent émouvants. Références [1] [2] [3]

[4]

[5] [6] [7]

Autheman D. Pourquoi bouder les psychiatres ? (avec commentaires de R. Lécuyer). Épanouir (Vivre Ensemble) 1985 ; 140 : 11–2. Gobry P. L’Enquête interdite. Handicapés : le scandale humain et financier. Paris : Le Cherche-Midi; 2002. Lécuyer R, Horsley A. Sur quelques travaux industriels exécutables par des déficients mentaux profonds. Rev neuropsychiat infant (Neuropsychiatr Enfance Adolesc) 1963 ; 9–10 : 514–27. Lécuyer R Note sur la « mise au travail et l’avenir des mongoliens » dans « les Problèmes d’Intégration Socioprofessionnelle et l’Avenir des Insuffisants Mentaux » (rapport du Dr Préault). Sauvegarde de l’Enfance 1965;1-3:179–83. Lécuyer R. Quelques réflexions d'actualité sur les Centres d'Aide par le Travail (CAT). Revue de l'ADAPEI du Val-de-Marne ; mars 1973 : 5–7. Lécuyer R. CAT avant tout « Atelier » ? Ou encore « Établissement de Rééducation » ? Revue de l’ANDESI ; 06-1975 : 16–8. Lécuyer R. Les Centres d'Aide par le Travail pour Handicapés Mentaux et le Généraliste. Paris : Entretiens de Bichat Psychiatrie; 1978. p.425–9.

[8]

[9] [10]

[11] [12]

[13] [14]

[15]

[16]

181

Lécuyer R. À propos des Classes Intégrées (et plus particulièrement pour les trisomiques 21) ? S’il vous plaît réfléchissez ! Épanouir (Vivre Ensemble) oct 1981 ; 7 : 6–9. Lécuyer R. CAT, Psychopédagogie et Psychiatrie. Ann Med Psychol (Paris) 1995;153:290-6. Lécuyer R. Quatorze ans, âge charnière pour les préadolescents handicapés mentaux (not. Trisomiques 21). Réadaptation 1996;432:29–31. MAP, ProMAP et Arcade, et PRATIC-handicap. Logiciels conçus et diffusés par l’UNAPEI. 15, rue Coysevox, 75018 Paris, France. Projet de loi (juin 2004) pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées. http:// www.handicap.gouv.fr/point_presse/doss_pr/loi_egalite/ projet_loi.rtf. Résultats de l’Enquête sur les CAT. Paris : Les cahiers de l’UNAPEI – Handicaps ; 2003. p.31, 16 tabl. Tableau de bord des Centres d'Aide par le Travail. Synthèse nationale. Exercice 1999 (500 questions). Enquête statistique 1999 sur « Pratique en CAT ». Paris : CTENRHI. Thireau JM. Transformer un CAT pour l'appropriation par les personnes malades mentales de leur identité de travailleur. Rennes : ENSP; 2003. p.76. Quelques documents juridicoadministratifs d'actualité. Un nouveau départ dans le médicosocial associatif ? La Psychiatrie Française 2004;131:4–5.

Discussion Réponse du rapporteur – Effectivement, le film le Huitième jour (avec Benoît Duquesne) a apporté un éclairage différent sur la possibilité des personnes en situation de handicap intellectuel (ici trisomique 21) de participer à une expression artistique d'assez haut niveau. Le CREAHM de Bruxelles effectue un travail remarquable qui est reconnu. Une dizaine de petites troupes-compagnies existent aussi en France; sans doute avec moindre publicité, mais avec des résultats fort intéressants. Mais mon propos visait le « tout-venant » des personnes en situation de handicap mental, avec une attention particulière pour ceux qui ont le moins de possibilités (y compris d'expression). J'entretiens des relations avec une remarquable structure d'accueil, « Le Bercail » et son annexe « le Bricoleu » de Liège ; et avec l'énorme Centre « Reine Fabiola » (Neufville), qui est devenu un lieu attractif pour tout un groupe de villages. Mais ces structures n'ont pas comme premier objectif le travail signifiant (notamment, y compris pour les 30 à 40 % qui n'y trouvent pas leur place ailleurs qu'en France); et l'on s'aperçoit que nos remarquables CAT, avec cette optique très valorisante et réussie, sont très imparfaitement connus, alors que leur importance humaine (y compris quantitative) n'a guère d'équivalent. Quant au pays nordiques, ils sont sans doute plus « évolués » pour ce qui est de l'intégration sociale des « personnes en situation de handicap » (en général) ; mais à ma connaissance, les grands handicapés mentaux se retrouvent surtout dans les structures d'accueil à visée de « lieu de vie agréable », où ils sont principalement… occupés et distraits.