La Revue de médecine interne 33S (2012) S30–S32
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Les thromboses veineuses en dehors des membres inférieurs et de l’abdomen Deep vein thrombosis (except lower limb and abdominal veins) J. Ninet ∗ , A. Hot Service de médecine interne, hôpital Edouard-Herriot, 5, place d’Arsonval, 69437 Lyon cedex 3, France
i n f o
a r t i c l e
Historique de l’article : Disponible sur Internet le 22 avril 2012 Mots clés : Thrombose veineuse des membres supérieurs Thromboses des veines ovariennes Thromboses veineuses cérébrales
Keywords: Upper limb venous thrombosis Ovarian vein thrombosis Cerebral vein thrombosis
1. Objectifs pédagogiques Connaître la présentation clinique, les étiologies et les éventuels traitements spécifiques des thromboses veineuses de siège insolite : • thromboses veineuses d’effort des membres supérieurs ; • thromboses veineuses sur cathéter des membres supérieurs ; • thromboses veineuses jugulo-axillo-sous clavières des fécondations in vitro ; • thromboses des veines utéro-ovariennes ; • thromboses veineuses cérébrales (TVC) ; • thromboses des veines superficielles thoraciques (Mondor) et des membres (Buerger) ; • occlusions veineuses rétiniennes (sans thrombose). La maladie thromboembolique touche préférentiellement les veines des membres inférieurs. Elle touche parfois d’autres territoires comme les veines des membres supérieurs, les veines cérébrales, la veine centrale de la rétine. Il existe le plus
∗ Auteur correspondant. Adresse e-mail :
[email protected] (J. Ninet).
souvent des facteurs de risque spécifiques pour chaque localisation.
2. Thromboses des veines des membres supérieurs Les thromboses veineuses des membres supérieurs représentent 2 % des thromboses veineuses des membres. Elles peuvent être primitives ou secondaires et survenir dans un contexte de thrombophilie. La recherche d’une néoplasie doit être systématique devant toute thrombose veineuse du membre supérieur. Outre ces étiologies, il faut citer une étiologie plus rare de thromboses veineuses profondes (TVP) des membres supérieurs à savoir des hormones gonadotropes utilisées pour la procréation médicale assistée. Il faut enfin parler les thromboses veineuses survenant à l’effort. Il s’agit du syndrome de Paget-Von Schroetter qui survient dans les suites d’un effort intense. La thrombose survient le plus souvent au niveau du bras dominant. L’effort physique souvent répété crée des micro-traumatismes au niveau de l’intima veineuse et active ainsi l’endothélium lui conférant un phénotype prothrombotique. Ces thromboses peuvent être favorisées par des anomalies anatomiques comme un défilé thoracobrachial. Les thromboses veineuses secondaires surviennent sur cathéter ou chez les patients ayant un pacemaker. Ces thromboses
0248-8663/$ – see front matter © 2012 Publie´ par Elsevier Masson SAS pour la Société nationale française de médecine interne (SNFMI). doi:10.1016/j.revmed.2012.03.006
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siègent essentiellement au niveau de la veine jugulaire et sousclavière. Les thromboses des veines des membres supérieurs sont rarement asymptomatiques, elles s’accompagnent le plus souvent d’une gêne cervicale, de douleur cervicale et d’un œdème du bras. Si la thrombose concerne la veine cave, elle peut alors s’accompagner d’un syndrome cave supérieur avec céphalées, œdème de la face, de vertiges et vision floue. Les signes physiques sont représentés par l’œdème et la tachycardie, une fébricule, une circulation collatérale. Si la thrombose survient sur un cathéter, la clinique peut être muette, et le diagnostic sera alors évoqué devant l’obstruction de la ou d’une des lumières. À l’instar des examens utilisés dans le cadre des thromboses veineuses des membres inférieurs, l’écho-Doppler veineux reste l’examen de choix pour le diagnostic des thromboses siégeant au niveau des membres supérieurs. Dans plus d’un tiers des cas, la thrombose veineuse du membre supérieur se complique d’une embolie pulmonaire ; 50 % des patients atteints de thrombose veineuse du membre supérieur sur cathéter, et traités pour un cancer, ont présenté une embolie pulmonaire. L’ablation du cathéter reste classiquement un facteur de risque en raison de migration du thrombus adhérant à l’extrémité de celui-ci.
3. Les thromboses veineuses cérébrales Il s’agit d’une manifestation rare de la maladie thromboembolique tant du fait de sa sévérité (mortalité élevée au-dessus de 5 à 30 % selon les séries) que par sa difficulté diagnostique. Une thrombophilie doit être là encore systématiquement recherchée. En effet, les veines et sinus cérébraux sont dépourvus de valvules et il n’existe aucun phénomène de stase dans le territoire cérébrale. Très souvent, différents facteurs sont intriqués et la recherche d’une étiologie doit être systématique même en présence d’une étiologie évidente. Un facteur de risque est identifié dans 85 % des observations. Parmi les nombreuses causes, la prise d’œstroprogestatif occupe une place particulière. Cela est illustré par la forte proportion de femmes en âge de procréer chez les patients atteints de thrombose veineuse cérébrale. La grossesse et surtout la période du post-partum représentent les situations à risque chez la femme jeune. Parmi les causes locales, on décrit classiquement les infections, mais cette étiologie est devenue rare. Nous citerons ici la thrombose du sinus caverneux, complication classique des staphylococcies du tiers moyen de la face. Parmi les causes locales, les ponctions lombaires peuvent se compliquer d’une thrombose veineuse cérébrale. Le diagnostic est souvent difficile tant les céphalées post-ponction lombaire sont fréquentes. La thrombose veineuse cérébrale peut compliquer l’évolution des maladies de systémiques et plus particulièrement la maladie de Behc¸et qu’elle peut révéler ; elle peut parfois précéder le diagnostic de plusieurs mois. Cancer et hémopathies sont rarement à l’origine d’une thrombose veineuse cérébrale. Le syndrome des antiphospholipides se complique parfois de thromboses veineuses cérébrales et le diagnostic est souvent fait avec retard chez des patientes atteintes de migraine. Les manifestations cliniques traduisent, d’une part, l’infarctus veineux, et d’autre part, l’hypertension intracrânienne. Ces deux mécanismes suggèrent une clinique polymorphe, le seul signe clinique retrouvé dans 90 % des cas étant les céphalées. Les autres manifestations neurologiques sont dominées par des déficits focaux transitoires ou à bascule. Des formes psychiatriques traduisant une encéphalopathie diffuse peuvent être rencontrées. Les crises comitiales sont fréquentes à la prise en charge. Le diagnostic est basé sur l’IRM et le scanner cérébral. Le scanner cérébral permet parfois d’affirmer le diagnostic, en
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montrant après injection, le rehaussement important de la paroi du sinus contrastant avec l’absence de produit de contraste dans la lumière thrombosée (signe du delta pour le sinus longitudinal supérieur). L’IRM reste l’examen de référence pour le diagnostic des TVC. En IRM, l’intensité du signal intravasculaire varie selon l’âge de la thrombose. Un hyper-signal sur les séquences T1 et T2 est constant au cours des deuxième et troisième semaines. À la phase aiguë de la thrombose, c’est-à-dire avant le cinquième jour, l’IRM peut être faussement négative en raison d’un isosignal en T1 et d’un hyposignal en T2. L’intérêt du dosage des D dimères reste modeste. Actuellement, un dosage négatif des D dimères n’exclut pas une thrombose veineuse cérébrale. Leur valeur prédictive sera d’autant moins importante que la clinique est fruste. L’évolution, fatale dans un tiers des cas d’après les anciennes séries, se caractérise désormais par une mortalité aux alentours de 5 % à la phase aiguë. Les facteurs pronostiques sont : • l’âge avec une mortalité élevée aux extrémités de la vie, la présence de signes focaux ou de troubles de la conscience ; • l’existence d’une hémorragie ; • la maladie causale et en particulier les thromboses septiques. 4. Les thromboses des veines pelviennes La thrombose de la veine ovarienne survient classiquement dans le post-partum. Elle peut survenir avant l’accouchement. La thrombose d’une veine ovarienne se manifeste par une douleur du flanc ou de la fosse iliaque associée à une fébricule et une hyperleucocytose. Siégeant habituellement à droite, le diagnostic différentiel est l’appendicite aiguë. Elle se complique parfois d’une extension à la veine cave et d’une embolie pulmonaire alors souvent révélatrice. L’écho-Doppler et la tomodensitométrie spiralée sont des outils diagnostiques fiables. Le traitement est essentiellement médical. 5. Les thromboses de la veine centrale de la rétine Le terme thrombose n’est pas idoine, il s’agit davantage d’une occlusion de la veine centrale de la rétine probablement secondaire à une compression veineuse par artériosclérose des branches de l’artère ophtalmique. Tous les facteurs de risque vasculaires artériels jouent un rôle dans la survenue de cette pathologie, que ce soit l’HTA, le diabète, ou les hyperlipidémies. Les bilans de thrombophilies veineuses sont toujours négatifs et ne doivent pas être pratiqués. Fréquente après 60 ans, elle se traduit par une baisse d’acuité visuelle et un flou visuel. Le fond d’œil oriente vers le diagnostic en objectivant un œdème papillo-rétinien, une dilatation veineuse, des nodules cotonneux et des hémorragies. L’angiographie rétinienne est indispensable pour le diagnostic. La complication principale est représentée par le glaucome néovasculaire. La photo-coagulation au laser, les anti-VEGF peuvent éviter cette complication. Le traitement de la cause sous-jacente reste la pierre angulaire de la thérapeutique. 6. Les thromboses veineuses superficielles insolites La phlébite de Mondor ou phlébite fil de fer se présente comme un cordon douloureux inflammatoire de la paroi thoracique et ou abdominale. La démarche diagnostique reste habituellement improductive. Des thromboses veineuses superficielles très limitées, touchant sur quelques centimètres des veines saines du dos du pied, des jambes, du dos de la main, des avant-bras, peuvent révéler ou
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compliquer une maladie de Buerger dans 30 à 40 % des cas. Lorsque l’artériopathie distale n’a pas été évoquée, le diagnostic reste souvent en suspend et sont évoqués des diagnostics alternatifs tel, par exemple un érythème noueux. Lorsque les phlébites « saltantes » surviennent simultanément en même temps que les signes ischémiques de la thromboangéite, le diagnostic de maladie de Buerger en est facilité. Lorsqu’elles surviennent une fois le diagnostic posé,
elles sont facilement rattachées à leur cause et habituellement à la reprise du tabagisme. Déclaration d’intérêts Les auteurs n’ont pas transmis de déclaration de conflits d’intérêts.