Formation médicale continue Thérapeutique
Ann Dermatol Venereol 2007;134:407-15
Les UVA-1 : propriétés et indications thérapeutiques C. COMTE, E. PICOT, J.-L. PEYRON, O. DEREURE, B. GUILLOT
L
es rayons ultraviolets A-1 (UVA-1) représentent la portion du spectre solaire dont la longueur d’onde est comprise entre 340 et 400 nm (fig. 1). Leur utilisation a été développée depuis 1981 en Allemagne par l’équipe de Plewig [1]. Leur but était d’éliminer le contingent des UVA responsables d’érythème, soit les longueurs d’onde de 320-340 nm (UVA-2), afin d’étudier l’effet de fortes doses d’UVA sur la peau humaine. Même à fortes doses, ces lampes émettant de 340 à 400 nm ont montré leur capacité à n’induire ni érythème ni dommage phototoxique clinique ou microscopique (sunburn cells) sur la peau, provoquant uniquement un bronzage uniforme [1]. Cette propriété a été utilisée afin d’intensifier les protocoles de traitement des dermites sensibles aux longueurs d’onde situées dans le spectre UVA, à commencer par l’eczéma atopique, puis les processus de sclérose cutanée au sens large. À l’heure actuelle, cette photothérapie est utilisée de manière courante aux Etats-Unis, en Allemagne, en Ecosse et en Hollande. En France, elle est disponible depuis 2002 dans certains centres. Ses indications se diversifient et s’enrichissent rapidement depuis ces dernières années.
Principes techniques Plusieurs sources sont capables de délivrer un rayonnement UVA-1 : des doses faibles (10-30 J/cm2) à moyennes (40-70 J/ cm2) peuvent être délivrées par des lampes à fluorescence : ex : Philips TL 10-R (cabines Waldmann : fig. 2), alors que pour délivrer des fortes doses (jusqu’à 130 J/cm2), des lampes aux halogénures métalliques (lampes à mercure haute pression), ainsi que des systèmes de refroidissement et de climatisation sont nécessaires, en raison de la chaleur délivrée.
Principe physiopathologique Les UVA-1 constituent la partie la moins énergétique, donc la plus pénétrante, des UVA. Leur action s’exerce jusqu’au derme profond. Leur action est complexe et multiple, mais peut se résumer en trois axes : un pouvoir anti-inflammatoire, immunosuppresseur et anti-fibrosant.
EFFET ANTI-INFLAMMATOIRE Les UV d’une manière générale inhibent l’expression de ICAM-1 à la surface des kératinocytes [2, 3]. Selon la longueur d’onde, cette inhibition se fait par des voies différentes. Pour les UVA-1, ce mécanisme se ferait via l’oxygène singulet et la lipido-peroxydation membranaire [4]. En freinant la production d’ICAM-1, les UV empêchent la liaison du ligand LFA-1 des lymphocytes aux kératinocytes, ce qui empêche le maintien de l’infiltrat inflammatoire dans l’épiderme. D’autre part, ils diminuent la sécrétion de TNF-α (in vivo sur bulles de succion [5]), et augmentent la production d’IL10 par les kératinocytes [6], avec notamment un effet inhibiteur paracrine sur la sécrétion d’IFN-γ, et une activation d’une immunité de type Th-2. Enfin, ils seraient les seuls à ne pas induire la production locale (épidermique) de COX-2, à la différence des UVA-2 et UVB, ainsi que du soleil [7]. EFFET IMMUNOSUPPRESSEUR Les UVA-1 à forte dose diminuent le nombre de cellules de Langerhans et de mastocytes dans le derme, et des cellules de Langerhans IgE+ dans l’épiderme (seulement avec des doses supérieures à 30 J/cm2 puis dose-dépendant [8-10]). Ils altèrent également les fonctions des cellules de Langerhans : perte de leur dendricité, de leur mobilité, apoptose [9-11]. Ils diminuent également l’infiltrat dermique des cellules mononucléées, dont les éosinophiles activés, et les lymphocytes T CD4+, dans le derme de sujets atopiques, en même temps qu’ils induisent une augmentation des lymphocytes T CD8+ [12]. Enfin, ils induisent l’apoptose des lymphocytes T dermiques [13, 14]. Le mécanisme impliqué serait une induction de l’expression de Fas-ligand sur les lymphocytes T irradiés via l’oxygène singulet. À l’inverse des UVB et de la PUVA, qui n’induisent que l’apoptose tardive, les UVA-1 ont montré leur capacité à induire l’apoptose tardive et précoce (indépendante de p53). Cette propriété serait encore plus importante sur les lymphocytes engagés dans un processus de mitose accélérée (lymphomes cutanés) [13]. ACTION SUR LA FIBROSE
Université Montpellier II, Service de Dermatologie, CHU Saint Éloi, Montpellier. Tirés à part : C. COMTE, Service de Dermatologie Pr Guillot, CHU Saint Éloi, 80, avenue Augustin Fliche, 34295 Montpellier Cedex 5. E-mail :
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Les UVA-1 comme les UVA en général ont montré une action sur le processus de sclérose cutanée. À forte dose (à partir d’environ 500 J/cm2 cumulés), les UVA-1 entraînent une diminution du collagène I et III dans le derme [15], ainsi qu’une 407
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UVC
UVB
UVA-2
UVA-1
Visible
Infra-rouge
200-290 nm
290-320 nm
320-340 nm
340-400 nm
400-780 nm
780-3 000 nm
Fig. 1. Spectre solaire.
Débit en W/m2
60
10 300
340
360
400
410
420
430 440
Longueur d’onde en nm Fig. 2. Spectre de la lampe UVA-1 Philips TL10-R.
stimulation de la production de l’enzyme de dégradation tissulaire du collagène, la collagénase interstitielle ou MMP-1 (Métallo Protéinase Matricielle) [15-17]. Ils stimulent également la sécrétion de TNF-α par les fibroblastes, et normalisent le taux de la décorine, qui est un petit dermatane sulfate permettant l’adhésion des fibrilles de collagène [18]. Enfin, ils diminuent l’apoptose des cellules endothéliales [19], processus qui semble fortement impliqué dans la pathogénie des sclérodermies. AUTRES ACTIONS Les UVA-1 ont un effet angiogénique en induisant, en synergie avec le TGFβ-1, la production de VEGF (vascular endothelial growth factor) par les fibroblastes [19, 20]. Ils diminuent la production d’histamine par les mastocytes et les basophiles du derme [21]. Ils induisent également l’apoptose des mastocytes immatures, donc des mastocytes lorsqu’ils sont recrutés en grand nombre à partir des cellules souches sanguines pour des processus prolifératifs tels que les prurits ou les mastocytoses [22]. Ils n’auraient par contre pas d’action sur les mastocytes matures du derme.
Effets indésirables Aucune étude n’a été publiée concernant les risques liés à la photothérapie UVA-1 compte tenu du caractère récent de cette technique. Les seules données dont nous disposons sont des données basées sur l’expérimentation animale, cellulaire, ou moléculaire. 408
Pour les carcinomes, les études réalisées chez la souris hairless [23] montrent incontestablement un pouvoir carcinogène fort des UVB, suivis de loin par les UVA-1 puis les UVA-2. En ce qui concerne le mélanome, le problème est plus délicat dans la mesure où il n’existait pas de modèle expérimental animal réellement transposable à l’homme. En 2004, De Fabo [24] propose une étude sur un nouveau modèle animal, la souris transgénique HGF/SF (Hepatocyte growth factor/scatter factor), reconnu comme pouvant être un modèle murin intéressant pour l’étude de l’induction du mélanome. Les souris étaient irradiées avec UVA, ou UVB, ou rayonnement solaire (lampe F40). Les souris irradiées avec les UVB et le soleil (lampe F40) ont développé un nombre significativement plus élevé de mélanomes que la population contrôle, alors que les souris irradiées par UVA n’en faisaient pas plus que les contrôles. Les auteurs concluent que, si ces résultats sont extrapolables à l’homme, l’induction des mélanomes chez le mammifère serait due aux UVB. Les études portant sur les cabines à bronzer (UVA totaux) sont contradictoires entre elles concernant le risque de développer un mélanome. Gallagher [25] réalise une métaanalyse de ces études très hétérogènes et conclut à un risque augmenté. Cependant, une étude multicentrique européenne portant sur 597 mélanomes et 622 contrôles [26] n’arrive pas à mettre en évidence de risque augmenté de développer un mélanome chez les utilisateurs de cabines de bronzage. Enfin, dans les limites de la comparaison possible (la photothérapie UVA-1 n’employant pas de méladinine, puissant mutagène de l’ADN), on peut se baser sur les deux grandes
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études de cohorte réalisées sur PUVA et mélanome. Stern [27], dont l’étude porte sur 1 380 patients psoriasiques, et Lindelof [28] sur 4 799 patients, avec un recul conséquent (supérieur à 15 ans) retrouvent des résultats discordants : Stern retrouve chez les patients ayant eu une PUVA prolongée un risque relatif de développer un mélanome augmenté par rapport à la population générale, mais Lindelof retrouve un risque identique. En conclusion, les risques de développer un carcinome sont présents, de développer un mélanome sont inconnus, mais probablement modérés. Il convient de peser le rapport bénéfice/risque dans chaque indication.
Indications Les UVA-1 ont été essayés dans de nombreuses indications depuis 1992. Cinq d’entre elles ont fait l’objet d’études randomisées : la dermatite atopique, la dysidrose palmoplantaire, les plaques de morphée, le lupus systémique et les lucites en général (le terme PLE anglo-saxon ou Polymorphous Light Eruption regroupant la lucite estivale bénigne et la lucite polymorphe individualisées par les cliniciens français). ÉTUDES RANDOMISÉES Eczéma atopique En poussée aiguë, à forte dose (1 950 J/cm2 dose totale (DT)), les UVA-1 améliorent l’eczéma atopique de manière significative, et significativement plus que l’association UVA+UVB [4, 29]. Cet effet propre des A-1 sur les poussées pourrait être dû à son action sur les éosinophiles, ceux-ci étant impliqués de manière prépondérante dans la phase inflammatoire précoce. Les UVA-1 pourraient également agir sur les cellules de Langerhans, qui sont impliquées dans la physiopathologie de l’eczéma atopique. La diminution du nombre de cellules de Langerhans, accompagnée d’une diminution du nombre de mastocytes [8], est engendrée uniquement par les UVA-1 à forte dose, et pas par l’association UVA-UVB [8]. Dans les poussées sévères d’eczéma atopique, les UVA-1 ont fait la preuve de leur efficacité dans des études randomisées contrôlées [4, 29, 30]. Ils sont supérieurs à l’association UVA-UVB à partir du protocole de doses moyennes, celles-ci aussi efficaces que les fortes doses [31]. Le SCORAD s’améliore en une médiane d’un mois, mais on constate une rechute rapide des symptômes dans la plupart des cas, celle-ci se produisant en général entre 1 et 3 mois après la fin du traitement, quelle que soit la dose reçue. On peut cependant observer quelques cas de rémissions prolongées (supérieures à 6 mois). En conclusion, les UVA-1 seraient utiles essentiellement pour l’eczéma atopique aigu sévère, en poussée, alors que les UVB spectre étroit seraient le traitement de choix pour induire une rémission à long terme chez les eczémas atopiques moins sévères [32]. Il semble logique, au vu des études dont on dispose à ce jour, de traiter avec des doses moyennes.
Eczéma chronique dysidrosique des mains Les UVA-1 ont été comparés au placebo et au traitement de référence (PUVA topique), avec une efficacité supérieure au placebo et identique à la PUVA topique [33-35]. Schmidt [33] a traité douze patients en poussée avec des UVA-1 en monothérapie tous les jours de la semaine pendant 3 semaines (DT 600 J/cm2). Le prurit a diminué dès la première semaine chez onze patients sur douze, et au bout de 3 semaines il constatait un blanchiment total des vésicules chez dix patients sur douze. La plupart n’ont pas rechuté au cours des 3 mois suivants. Poldermann compare cette thérapie à la même dose au placebo dans une étude en double aveugle chez 28 patients [34]. Il obtient les mêmes résultats concernant l’efficacité, avec une différence significative par rapport au placebo. Petering [35] compare lui les UVA-1 localisés au traitement de référence, soit la PUVA topique (crème) chez 27 patients (une main versus l’autre). Les deux mains ont été significativement améliorées, sans différence entre la droite et la gauche. Ce traitement semble donc une alternative intéressante dans cette indication, car s’affranchissant de la méladinine. Plaques de morphée Dans cette indication, peu de traitements ont montré une efficacité réelle. Toutes les études disponibles sur les autres traitements sont des études ouvertes. Le traitement par UVA au sens large a montré une efficacité autant clinique que para-clinique (histologie, échographie cutanée, élastomètre…) dans des études randomisées. A ce jour, son efficacité a été rapportée dans au total plus de 255 cas, dont 155 par UVA-1 [36-47]. Au vu des résultats publiés dans ces études, il est licite d’utiliser une dose moyenne en première intention. Sur le plan pratique, les meilleures cibles pour une photothérapie UVA-1 sont les patients porteurs de plaques épaisses, évolutives, symptomatiques. Les patients souffrant de morphées superficielles non symptomatiques et non évolutives ne constituent pas à notre sens une indication car elle engendre une hyperpigmentation qui contribue à rendre les plaques plus évidentes. Aucune étude n’a comparé les UVA-1 à la PUVA ou aux UVA seuls. Une étude récente sur 64 patients [44] a comparé les UVA-1 faible dose, moyenne dose, et les UVB TLO1 : il n’y avait pas de différence significative entre ces trois protocoles, les plaques étant significativement améliorées dans les trois bras. En conclusion, aucun argument ne permet à l’heure actuelle d’affirmer la supériorité des UVA-1. On peut toutefois dire qu’ils semblent avoir une efficacité égale, avec moins de contraintes liées à la prise de psoralène que la PUVA. Lucites (PLE anglo-saxonne) Une étude contrôlée portant sur 32 patients a rapporté une efficacité des UVA-1 comparable [48] à l’association UVA+UVB en traitement prophylactique des lucites avant la période estivale. Cependant, ils n’ont pas été comparés aux autres longueurs d’onde ayant montré une efficacité dans la prévention des lucites (UVA totaux, UVB large spectre, UVB TL-01, PUVA [49,50]). 409
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Lupus systémique Onze études utilisant les UVA-1 pour traiter les lupus systémiques ont été publiées [51-61], principalement par deux équipes : Hugh McGrath aux USA puis Polderman, en Hollande, rapportant les cas d’une centaine de patients au total. Trois d’entre elles [51-53] sont réalisées contre placebo (cabine équipée de tubes Philips de lumière TL recouverts de plastique bleu), en double aveugle. Les tubes UVA-1 étaient des tubes Philips TL-10R. Le protocole était un protocole très faible dose : 5 J/cm2 5 j/sem. pendant 3 sem., renouvelable une fois. Les critères d’évaluation étaient le SLAM (Systemic Lupus Activity Measure), le SLEDAI (Systemic Lupus Erythematosus Disease Activity Index) et des scores de qualité de vie. L’ensemble des études a porté sur une population de lupus systémiques modérés à moyennement actifs. Les résultats ont montré globalement une amélioration d’environ 30 à 39 p. 100, selon les études, du SLEDAI et du SLAM après un traitement de 3 semaines. Les patients qui avaient eu les meilleurs résultats ont continué au rythme de trois séances par semaine et ont eu une amélioration de 66 p. 100 du score d’activité au bout de 9 semaines à 9 mois. Les atteintes qui se sont améliorées de manière significative sont : les arthralgies, les éruptions cutanées, le dérouillage matinal, la fatigue, les céphalées, l’insomnie, l’activité globale, ainsi que la consommation d’antalgiques. Sur le plan cutané, les lésions de lupus aigu, sub-aigu, les éruptions cutanées, la photosensiblité, les aphtes buccaux et l’alopécie se sont améliorés de manière significative. Dans ces études, les lésions de lupus discoïde n’étaient pas améliorées, mais plusieurs cas de succès dans ce type de lésions ont été publiés depuis [55, 56]. L’atteinte articulaire est améliorée de manière significative. Sur le plan cardiovasculaire, McGrath ne rapporte pas d’effets significatifs, par contre Polderman retrouve une amélioration significative du phénomène de Raynaud, de l’hypertension et des cardites. Sur le plan rénal, les premiers essais ne trouvaient pas d’amélioration significative, mais Polderman rapporte une amélioration de l’hématurie et de la leucocyturie dans les urines de quatre patients sur sept. Sur le plan neurologique, l’amélioration n’était pas significative dans les essais réalisés. Menon [56] rapporte cependant l’amélioration de l’atteinte neuro-psychiatrique chez une patiente après traitement par UVA-1 au rythme de trois fois par semaine pendant 6 mois à la dose de 16 J/cm2, objectivée par PET-scann : le traitement a permis une régression de ces symptômes et la disparition des anomalies constatées à l’imagerie. Polderman quant à lui rapporte une amélioration des céphalées chez quatre patients sur quatre, ainsi que de la fatigue chez quatre patients sur onze. Les myalgies et les myosites ont été également améliorées chez cinq patients sur sept. La qualité de vie était améliorée. Concernant les autres organes, ces études ne rapportent pas d’amélioration significative. Sur le plan biologique, notamment le taux des anticorps, les résultats sont discordants selon les études (négativation ou pas de changement). Les autres paramètres biologiques (CH50, C3, C4, NFS, VS…) n’étaient pas modifiés. Un traitement d’entretien au long cours a été proposé : les patients répondeurs ont poursuivi le traitement au rythme 410
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d’une ou deux séances par semaine, pendant plusieurs années (4 ans en moyenne). Les effets bénéfiques se sont maintenus, et même accentués. Sur l’ensemble des patients traités, deux ont eu une exacerbation modérée des lésions de lupus discoïde. Quelques cas de phototoxicité modérée (éruptions cutanées) ont été observés chez des patients qui prenaient au long cours un traitement par des médicaments connus pour être responsables d’une photosensibilisation. Polderman, qui a expérimenté des doses plus importantes, soit 12 J/cm2 par séance, rapporte, au début du traitement, un érythème facial transitoire chez un patient, et une réactivation minime des lésions de type lupus sub-aigu, chez le second. La réduction de la dose à 6 J/cm2 a fait régresser les symptômes. McGrath publie ses résultats avec un recul de 4 ans et ne rapporte aucun effet secondaire particulier à long terme. Les mécanismes de l’action bénéfique des UVA-1 sur les lésions de lupus restent à élucider. Au vu des connaissances actuelles, on peut supposer une action par le biais d’une immunosuppression locale, avec production d’IL-4 et d’IL-10, diminution de la production d’IFN-gamma [62], et stimulation de la voie Th-2, ainsi qu’une diminution de l’infiltrat lymphocytaire au niveau de la jonction dermo-épidermique. Ces résultats semblent intéressants, mais il est important de souligner que l’utilisation de la photothérapie UVA-1 dans le lupus reste potentiellement à risque, ne doit être proposée qu’en dernière intention, et ne peut concerner que les lupus modérés, sans atteinte viscérale évolutive ou non contrôlée. Elle mérite des expérimentations complémentaires pour être validée. ÉTUDES OUVERTES ET CAS CLINIQUES Sclérodermies systémiques Seules quatre études ont testé les UVA-1 dans cette indication [40-42, 47], avec des doses moyennes (20 à 60 J/cm2, 600 à 1 800 J/cm2 DT). Ces études observent des paramètres dermatologiques et vasculaires locaux, sans rapporter d’activité systémique. Sur le plan de l’assouplissement de la peau, des améliorations objectives sont mesurées par le score de Rodnan et sont retrouvées en histologie ainsi qu’en échographie cutanée. Elles sont cependant modérées et difficilement susceptibles d’entraîner une réelle amélioration clinique et de la qualité de vie. Sur le plan de l’amplitude articulaire, ces améliorations sont également très modestes. Le paramètre le plus intéressant est en revanche celui de la vascularisation distale : L’équipe de Morita et Krutmann a mesuré les températures acrales grâce à la thermographie (caméra infrarouge) [41]. À partir d’une dose cumulative moyenne (aux alentours de 1 000 J/cm2), le gain de température distale est de 2 °C (29,1 °C à 31,1 °C). Cette amélioration de la vascularisation s’accompagne de l’amélioration des troubles trophiques. Le phénomène de Raynaud est lui aussi amélioré. Scléroedème de Buschke Dans cette affection où aucun traitement n’a fait la preuve de son efficacité, Janiga [63] rapporte deux cas de patients traités
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avec des doses d’UVA-1 de 600 et 900 J/cm2. Lobisch et al. quant à eux ont rapporté [64] une efficacité très modérée dans deux cas. Les doses employées étaient de 1 500 et 1 750 J/cm2 DT (environ 50 J/cm2 par séance), puis plus récemment un cas avec un succès thérapeutique aux mêmes doses [65]. La principale réserve constatée est la rechute rapide des symptômes à l’arrêt des séances. Lichen scléreux Kreuter publie une série de dix patients [66-67] résistants aux traitements conventionnels, qui se sont notablement améliorés, jusqu’à parfois une disparition totale des lésions. À l’histologie on constatait une nette diminution de l’infiltrat inflammatoire, et sur le plan clinique les lésions se sont repigmentées. Dawe rapporte également dans son expérience personnelle [68] une amélioration marquée des lésions. Le lichen scléreux génital semble également amélioré, bien que dans une moindre mesure : le même auteur a traité sept patientes soufrant d’un lichen scléreux vulvaire grâce à une rampe de tubes placée à proximité d’une table d’examen gynécologique [69]. L’irradiation était réalisée à 30 cm de distance de la muqueuse, selon un protocole de doses croissantes (0,5 DEM puis progression de 20 p. 100 à chaque séance en l’absence d’érythème). Le bénéfice a été variable selon les patientes. Deux cas ont été améliorés de manière très satisfaisante, parfois au prix d’un traitement prolongé. Il n’y avait pas d’effets secondaires en dehors d’un érythème dans un cas. Réaction du greffon contre l’hôte (GVH) sclérodermiforme chronique Dans cette complication rare et tardive d’une greffe de moelle osseuse allogénique, les traitements à visée immunosuppressive seraient en fait plus nocifs en terme de pronostic et de survie que des traitements moins agressifs [70]. GrundmannKollmann [71] rapporte le cas d’un patient ayant résisté à plusieurs immunosuppresseurs combinés, dont le mycophenolate mofetil, qui s’est amélioré de manière importante avec l’association mycophénolate + UVA-1 (20 J/cm2, 600 J/cm2 DT). Stander [72] rapporte une série de six cas dont deux avaient résisté ou avaient eu une mauvaise tolérance à une PUVA localisée (bulles). Une photothérapie UVA-1 a été instaurée en plus de leur traitement immunosuppresseur en cours (pas de changement depuis plusieurs mois avant l’inclusion). Les doses étaient de 50 J/cm2, mais à un rythme intensif et prolongée (cinq fois par semaine pendant 2 mois puis trois fois par semaine), soit une DT cumulée > 2 500 J/cm2. Chez tous les patients, l’amélioration a été très satisfaisante, avec un assouplissement des lésions, un gain de mobilité articulaire, et la guérison complète de toutes les lésions érosives. Récemment, Ziemer [73] rapporte deux cas supplémentaires d’enfants traités avec respectivement 1 590 et 390 J/cm2 DT. L’amélioration a permis dans un cas l’arrêt du traitement immunosuppresseur oral. La qualité de vie s’est améliorée notablement. À l’examen de suivi à 8 mois, il n’y avait pas de rechute. Wetzig a traité dix patients souffrant de GVH chronique (sept de forme lichénoïde et trois de forme sclérodermique [74]). Une réponse complète a été obtenue chez six d’entre
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eux, partielle chez trois. Deux d’entre eux rechutaient à 14 mois, mais restaient répondeurs à une reprise du traitement. Sept cas de GVH aiguë ont également été traités, dont cinq ont eu une réponse complète sans rechute à 9 mois. Lymphomes cutanés Les UVA-1 auraient la particularité de déclencher à la fois l’apoptose précoce (p53 indépendante) et tardive des lymphocytes, au contraire des UVA et B, qui n’induiraient que l’apoptose tardive [13, 75]. De plus, les UVA-1 semblent théoriquement plus intéressants du fait de leur pénétration profonde, qui leur permet d’atteindre les infiltrats lymphocytaires du derme même dans les lésions nodulaires. Quatre études ont été publiées, concernant des lymphomes T cutanés CD4+ stade IA et IB [76], IIB [64], III [77], érythrodermiques et nodulaires. Les doses variaient de 900 à 5 000 J/cm2 DT. Les améliorations cutanées étaient patentes, y compris dans les cas de patients en échec aux traitements par PUVA et photochimiothérapie extra-corporelle. Les plaques contrôles situées sur des zones inaccessibles aux UV ne se sont jamais améliorées. Le taux de lymphocytes T circulants de type CD4+/CD45RO+ et CD4+/CD95+ a diminué dans une étude [59], les autres lignées n’étaient pas modifiées. La rémission semble se prolonger dans plusieurs cas dans les mois qui suivent, la rechute survenant chez certains patients après 8 mois, toujours sensible à une nouvelle cure d’UVA-1. Un succès a également été rapporté chez un enfant porteur d’un mycosis fongoïde hypopigmenté [78]. Mastocytose cutanée (urticaire pigmentaire) Les UVA-1 induisent une diminution du nombre de mastocytes cutanés, ainsi qu’une baisse de la sécrétion d’histamine. C’est donc assez logiquement qu’ils ont été essayés dans cette indication, d’autant plus qu’à l’heure actuelle aucun traitement n’est réellement efficace. Stege [79] a traité quatre patients avec des fortes doses. Tous les patients ont constaté une diminution du prurit après seulement trois traitements, et deux patients souffrant de migraine et de diarrhée les ont vus disparaître après dix séances. Un des patients atteint de mastocytose systémique avec infiltration osseuse aurait même été amélioré sur ce plan. Après 10 mois, il n’y aurait pas eu de rechute. Gobello [80] a comparé l’efficacité des moyennes et des fortes doses dans cette indication (urticaire pigmentaire sans aucun symptôme extra-cutané), sur 22 patients (900 vs 1 300 J/cm2 DT). Là encore, les deux doses n’ont pas montré de différence. Le nombre de lésions cutanées n’était pas significativement réduit, (probablement dû à l’indistinction entre les lésions maculeuses et papuleuses brunes évolutives et les pigmentations post-cicatricielles des lésions guéries). Par contre, le prurit était nettement diminué, ce qui engendrait un gain net en terme de qualité de vie. Cet effet bénéfique persistait à long terme, puisqu’à 6 mois de la fin du traitement aucune rechute n’était observée. D’autre part, à la fin du traitement les auteurs ont pu observer une réduction de l’histamine urinaire. Aucune étude ne compare les UVA-1 à la PUVA à ce jour. Il semble que la PUVA ait montré une amélioration des 411
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lésions cutanées, par contre la réduction du nombre de mastocytes n’était pas évidente dans toutes les études, et le bénéfice semble être de plus courte durée, puisque la plupart des patients rechutaient dans un délai de 3 à 6 mois. Sur le plan pratique, les UVA-1 n’entraînent pas de bénéfice esthétique, mais une amélioration de la qualité de vie par diminution du prurit. Acné Les UVA-1 ont été essayés sur huit patients [1]. Six n’ont eu aucun changement, un s’est amélioré et un s’est aggravé. Le bronzage camouflait un peu les lésions. Il n’y avait aucune action sur les comédons. Vitiligo Là aussi, les premiers résultats sur huit patients [1] étaient décevants : repigmentation péri-folliculaire dans un cas, dans les autres cas accentuation de la visibilité du vitiligo par pigmentation de la peau normale péri-lésionnelle. Depuis, aucune étude n’a été publiée. Chéloïdes
faibles répondeurs, deux échecs. Bien qu’il existe des rémissions prolongées, la plupart rechutent à l’arrêt du traitement. Nécrobiose lipoïdique Huit patients résistants aux autres traitements (y compris PUVA et UVB TL-O1) ont été traités [86]. Chez un patient, les lésions disparaissaient 6 mois après la fin du traitement, deux cas étaient améliorés modérément, dans deux cas l’amélioration était minime, trois cas ne s’amélioraient pas. Lichen plan généralisé Quatre patients souffrant d’un lichen plan généralisé ayant résisté aux précédents traitements (dermocorticoïdes, acide rétinoïque topique, PUVA), ont été traités avec des doses moyennes (45 J/cm2/séance, 40 séances). Trois d’entre eux ont eu une amélioration de l’atteinte cutanée chiffrée entre 80 et 98 p. 100, le dernier à 40 p. 100. Le prurit et la qualité de vie étaient constamment augmentés [87]. Pityriasis lichénoïde (parapsoriasis en gouttes) Huit patients (trois PLEVA : pityriasis lichénoïde et varioliformis acuta, et cinq PLC : pityriasis lichénoïde chronica) ont été traités. Un blanchiment complet a été obtenu chez les trois patients de forme PLEVA et trois patients de forme PLC (les zones masquées ne se sont pas améliorées) [88].
Concernant l’efficacité des UVA-1 dans ces processus, les études sont contradictoires : une étude [81] rapporte des résultats positifs sur la souplesse de la portion de cicatrice traitée par des fortes doses pendant 6 semaines contrastant avec la partie cachée utilisée comme contrôle. L’amélioration a été constatée par une biopsie avant et après traitement, qui a objectivé après traitement la réapparition d’une architecture normale des fibres élastiques et collagène. Trois patients traités également à hautes doses dans un autre centre [82] ont eu des résultats moins encourageants : deux ont eu une sensation subjective d’assouplissement, mais aucune modification n’était constatée à l’échographie.
Deux cas publiés. Une patiente souffrant d’une sarcoïdose cutanée du front sans amélioration depuis 30 ans a été traitée avec des fortes doses cumulées, et la lésion a disparu [89]. Une autre patiente ayant une sarcoïdose cutanée diffuse résistante aux dermocorticoïdes et au tacrolimus topique a effectué 50 séances d’UVA-1 à doses moyennes, jusqu’à une DT de 2 640 J/cm2, et ses lésions ont totalement disparu également [90].
Psoriasis
Syndrome hyperéosinophilique
Peu d’études sont disponibles. Dawe dans sa revue [63] cite une petite étude non randomisée réalisée par Kowalzick sur trois patients comparant les UVA-1 aux UVB spectre large, et notant une amélioration dans les deux cas. Plus récemment une étude randomisée a rapporté la comparaison UVA-1-calcipotriol versus UVB spectre étroit-calcipotriol chez 45 patients porteurs de psoriasis en plaques [83]. Dans cette étude les UVA-1 associés au calcipotriol sont significativement efficaces, et sont proposés comme alternative aux UVB spectre étroit associés au calcipotriol.
Trois patients souffrant d’un syndrome sévère avec érythrodermie étendue, ayant résisté aux traitements précédents à l’exception de la corticothérapie générale à forte dose, ont été traités par UVA-1 à doses moyennes (50 J/cm2) pendant 3 semaines [91]. Au bout des 3 semaines, une amélioration marquée de l’atteinte cutanée et des autres symptômes a été observée, accompagnée d’une diminution du nombre d’éosinophiles, aussi bien au niveau des biopsies cutanées que du taux sanguin. Ce résultat est cohérent avec ce que l’on sait de la physiopathologie des UVA-1, qui induisent l’apoptose des éosinophiles activés.
Granulome annulaire généralisé Deux études sont publiées [84, 85]. La première porte sur quatre patients, dont la pathologie avait résisté aux dermocorticoïdes, à une corticothérapie orale ou à la PUVA (un patient). Ils ont été traités avec de fortes doses, 15 séances. Deux se sont améliorés complètement, et deux partiellement. Dans la deuxième, Schnopp traite 20 patients : 16 à forte dose et quatre à dose moyenne. Cinq patients ont eu un blanchiment quasicomplet des lésions, cinq une réponse modérée, trois étaient 412
Sarcoïdose
AUTRES INDICATIONS PLUS MARGINALES L’efficacité des UVA-1 a également été rapportée dans la mucinose folliculaire [92] et le REM syndrome (Reticular Erythematosus Mucinosis) [93], le syndrome de Netherton [94], le POEMS syndrome [95], le pityriasis rubra pilaire [96], la dermatose acantholytique transitoire [97], la papulose lymphomatoïde [98], enfin une dermopathie « GVH chronique-like » avec microchimérisme à cellules CD4+ [99].
Les UVA-1 : propriétés et indications thérapeutiques
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Tableau I. – Synthèse des indications. Indications les plus courantes étudiées de manière randomisée et comparative Indications étudiées de manière randomisée et comparatives mais nécessitant confirmation
Indications Eczéma atopique en poussée Disydrose Plaques de morphée Prévention des lucites Lupus systémique
Indications intéressantes compte-tenu Prurit de l’urticaire pigmentaire de l’arsenal thérapeutique disponible Scléroedème de Buschke GVH chronique Lichen scléreux cutané et génital
Lymphomes cutanés
Protocoles proposés* 50-70 J/cm2, 5 × /sem, 3 sem 40 J/cm2, 5 × /sem, 3 sem 20-70 J/cm2, 4 × /sem jusqu’à une DT 600-1 500 J/cm2, +/- entretien 1-2 × /sem, 4-8 sem DEM UVA1 3 × /sem, 10-20 séances 5 J/cm2, 5 × /sem, 3-6 sem, +/- entretien 5 J/cm2, 2 × /sem, 1-2 mois 60 J/cm2, 5 × /sem, pendant 3 sem 20-50 J/cm2, 3-4 × /sem, jusqu’à une DT 600-1 750 J/cm2 20-50 J/cm2, 4-5 × /sem, jusqu’à une DT 600-2 500 J/cm2 – cutané : 20 J/cm2, 4 × /sem, jusqu’à une DT 800 J/cm2 – vulvaire : 0,5 DEM UVA1 puis augmentation de 20 p. 100/séance, 3-5 × /sem, 15-30 séances 60-100 J/cm2, 5 × /sem, jusqu’à rémission (DT 900-2 800 J/cm2)
sem : semaine(s). * Protocoles issus des publications actuelles, pouvant différer de manière importante selon les études. Ces protocoles sont susceptibles d’évoluer avec les expérimentations futures.
Conclusion Les UVA-1 semblent prometteurs dans de nombreuses indications, traditionnellement sensibles, ou non, à la photothérapie. À ce jour, aucune étude n’a rapporté d’effets secondaires, notamment concernant la carcinogénèse cutanée. Ce risque est probablement faible compte tenu des notions physiopathologiques et épidémiologiques dont nous disposons sur les UVA totaux, mais il convient de rester vigilant et de peser l’intérêt dans chaque indication. Les indications qui semblent maintenant validées du fait du nombre de publications qui leur sont consacrées sont les poussées d’eczéma atopique, et les processus de sclérose cutanée au sens large (tableau I). D’autres indications ont fait l’objet d’un moins grand nombre de publications mais semblent prometteuses, telles la disydrose palmo-plantaire ou les lymphomes cutanés. Leur place particulière au rang des thérapeutiques immuno-suppressives et à ce titre dans le traitement des connectivites au sens large commence à être documentée, et mérite d’être mieux cernée dans ses indications et contre-indications. Elle ouvre la porte à des réflexions et des recherches sur le rôle systémique des UVA-1 en particulier, comme de la photothérapie en général.
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