Éthique et santé (2015) 12, 234—238
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DOSSIER THÉMATIQUE : VIOLENCES SUR LES FEMMES
Les violences faites aux femmes dans le couple. Quelles réponses juridiques ? Violence against women in a couple. What legal responses? M.-F. Callu ∗ Université de Lyon, Lyon, France Disponible sur Internet le 31 octobre 2015
MOTS CLÉS Femmes ; Protection juridique ; Violences ; Viol
KEYWORDS Women; Legal protection; Violence; Rape
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Résumé Dans la sphère des violences conjugales, les femmes sont les victimes les plus nombreuses et les plus vulnérables. Pendant longtemps considérées comme tenues par un devoir conjugal qui peut être imposé de force par son mari, les femmes ont dû attendre les années 1980 pour que le droit franc ¸ais commence timidement à entendre leurs plaintes. En 2015, de nombreux textes tentent de les protéger, mais leur application reste encore très fragile. © 2015 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Summary In the sphere of domestic violence, women are the most numerous victims and the most vulnerable. For a long time considered as held by a conjugal duty which can be imposed by force by her husband, women had to wait until the 1980s so that French law timidly begin to hear their complaints. In 2015, many texts are trying to protect them, but their implementation is still very fragile. © 2015 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.
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http://dx.doi.org/10.1016/j.etiqe.2015.09.002 1765-4629/© 2015 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Les violences faites aux femmes dans le couple. Quelles réponses juridiques ? Mari ! la femme a droit à ta protection, Femme ! il faut la payer de ta soumission Decomberousse, [1] Le 4 juillet 2014, la France ratifiait la Convention sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique (convention d’Istanbul). Cette convention repose sur l’idée « qu’il s’agit d’une forme de violence sexiste dans la mesure où elle est exercée sur les femmes parce qu’elles sont des femmes. » [2]. Il s’agit d’une convention du Conseil de l’Europe qui fait suite à différentes autres mesures prises par cette organisation pour promouvoir la protection des femmes contre toutes les formes de violences. Elle est entrée en vigueur en France le 1er novembre 2014. L’Observatoire national des violences faites aux femmes expliquait sa mission dans sa première lettre, de novembre 2013 : « Il faut rendre davantage visible l’ampleur des violences, leurs mécanismes et le parcours des victimes pour dégager des pistes d’action utiles à la construction d’une politique publique efficace. Objectiver les violences faites aux femmes est également une étape nécessaire pour faire reculer la tolérance de la société à leur l’égard. » Cet observatoire est l’une des fonctions de la Mission interministérielle pour la protection des femmes contre les violences et la lutte contre la traite des êtres humains créée le 3 janvier 2013 [3]. En parallèle, le 4e plan de lutte contre les violences faites aux femmes, 2014—2016, s’élève contre les mains courantes sans suite et veut qu’aucune violence déclarée ne reste sans réponse pénale, sanitaire et sociale, un tiers des places créées au titre de l’hébergement d’urgence doit être réservé à l’accueil et à l’accompagnement des femmes victimes de violences, des mesures de formation de tous les acteurs impliqués doivent être réalisées, un kit de constatation en urgence en cas de viol est en préparation, mais aussi la généralisation du téléphone portable « Très grand danger » qui permet l’intervention rapide des forces de l’ordre en cas de nouvelles violences1 . Certains pourraient penser que cela fait beaucoup de textes et d’énergie consacrés à cette question et que bien d’autres sujets seraient plus importants à traiter. Ce serait oublier que : • 1 femme décède tous les 2,8 jours victime de son conjoint ; • sur 146 victimes au sein du couple, 121 sont les femmes ; • 19 % des homicides sont des homicides conjugaux [4] ; • chaque année, 217 000 femmes se déclarent victimes de violences physiques et/ou sexuelles de la part de leur conjoint ou ex-conjoint contre 77 000 hommes. Les violences à l’intérieur du couple sont très difficiles à traiter en raison des liens affectifs et psychologiques qui 1 Le 24 novembre 2004, le ministère avait lancé le 1er plan global de lutte, 2005—2007, contre les violences faites aux femmes, articulé autour de dix mesures phares. Le 2e plan, 2008—2010, prenait aussi en compte l’entourage des victimes. Le 3e plan, 2011—2013, mettait l’accent sur la lutte contre les mariages forcés, la polygamie, le viol et les agressions sexuelles, la prostitution et la traite des êtres humains.
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existent entre l’auteur et la victime, mais aussi parce que ces actes s’accomplissent dans le domaine de la sphère privée et que l’article 9 du Code civil protège toute atteinte à la vie privée. C’est pourquoi notre droit a été très long à intervenir dans ce qui relève du plus intime d’un couple. À partir de 1980, un changement s’est opéré dans notre législation et les tribunaux ont eu besoin d’encore un peu plus de temps pour admettre que les femmes victimes de violences conjugales n’étaient pas en tort de se plaindre. Aujourd’hui, il existe de nombreux textes qui tentent de prévenir ou de lutter contre ces violences. Il n’empêche qu’elles sont toujours présentes et que les différents acteurs et associations ont souvent bien du mal à faire condamner les auteurs d’agression.
L’immunité liée au devoir conjugal Traditionnellement, le droit fait reposer le mariage non sur l’acte sexuel entre conjoints mais sur leur volonté de vivre ensemble car le mariage est considéré comme un contrat. En droit romain, selon l’adage, « c’est le consentement et non le coucher qui fait le mariage. » [5]. De même en droit canonique : « C’est le consentement des parties légitimement manifesté entre personnes juridiquement capables qui fait le mariage. » [6]. Ce principe se retrouve aujourd’hui dans notre Code civil « Il n’y a pas de mariage lorsqu’il n’y a point de consentement. »2 Comme le soulignait le doyen René Savatier, « . . .le Code civil, dans le mariage, ne fait aucune allusion aux corps. Ou, du moins, ces allusions sont si éloignées qu’elles en deviennent angéliques ; il parle, sans doute, du devoir de fidélité, du devoir de cohabitation, mais sans rapporter, dans le devoir de fidélité, l’esprit à la chair ou, dans le devoir de cohabitation, la maison commune aux intimités charnelles et sentimentales. » [7]. Mais, entre « l’angélisme » des textes et la réalité matrimoniale se trouve ce que l’on a désigné durant très longtemps sous le vocable de devoir conjugal, terme qui retrouve une nouvelle jeunesse dans les prétoires [8]. En fait, ce devoir n’apparaît jamais directement dans nos codes, mais se déduit de deux articles du Code civil : l’article 215 qui oblige les époux à une communauté de vie et l’article 212 qui rappelle qu’ils se doivent mutuellement respect, fidélité, secours, assistance. Mais puisque notre droit ne précise pas ce qu’il faut entendre par là (il est vrai qu’il est bien difficile de définir la copula carnalis, c’est-à-dire le droit de chacun des époux sur le corps de l’autre3 ), il nous faut regarder quelles situations entraînent des condamnations lorsque des épouses se plaignent de violences de la part de leur conjoint [9]. Dans quelques cas, des femmes vont invoquer l’absence de relations sexuelles comme une forme de violence
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Article 146 du Code civil. Même si Loysel, jurisconsulte franc ¸ais du xviiie siècle, avait créé cet adage : « Boire, manger, coucher ensemble, c’est mariage ce me semble. » Il est vrai qu’il avait ajouté : « Mais il faut que l’Église y passe. » 3
236 psychique4 , comme une faute entraînant un préjudice pour l’épouse au titre de l’article 1382 du Code civil5 : • « doit être condamné à verser des dommages-intérêts à sa femme le mari qui, considérant sa femme comme un objet sans intérêt et ayant refusé de consommer le mariage, commet une faute de nature à entraîner un préjudice pour sa femme qui, restée vierge, devra justifier de sa situation à l’égard d’un autre conjoint éventuel » [11] ; • « l’abstinence, ou la quasi-absence de relations sexuelles pendant plusieurs années, avec des reprises ponctuelles, contribue à la dégradation des rapports entre époux dans la mesure où les rapports sexuels entre époux sont notamment l’expression de l’affection qu’ils se portent mutuellement, tandis qu’ils s’inscrivent dans la continuité des devoirs découlant du mariage » [12]. De même, en droit canonique, la non-consommation peut être une cause de dissolution du mariage [13]. Bien plus graves et courants sont les cas de violences physiques, de relations sexuelles imposées par la force, subies par les épouses de la part de leurs maris ou d’autres membres de la famille. « Le foyer conjugal — lieu d’amour — est aussi le théâtre des pires violences » [14—17]. Or, l’évolution du droit franc ¸ais quant à la répression de ces crimes, a été lente à prendre en compte la réalité de ce que peuvent subir des épouses. La principale difficulté juridique tient à ce qu’il faut entendre par debitum conjugale (devoir conjugal), c’est-à-dire par le fait que le mariage inclut une présomption de consentement des époux aux actes sexuels accomplis dans l’intimité de la vie conjugale. Le fait qu’il puisse y avoir un viol entre époux n’était pas facilement admissible6 , bénéficiant d’une forme d’immunité conjugale.
La condamnation des viols entre conjoints Jusqu’en 1980, l’ancien article 332 du Code pénal ne définissant pas le viol, la jurisprudence et la doctrine estimaient que cet acte correspondait à « la conjonction charnelle d’un homme avec une femme, contre le gré ou sans le consentement de celle-ci » [18]. Pour que le viol soit reconnu entre époux, il fallait que ces rapports sexuels aient été « soit imposés par des violences ayant laissé des traces, soit 4
« Il concernerait 2 à 4 % de la population franc¸aise âgée de 18 à 58 ans soit un million d’individus. » [10] 5 Article 1382 du Code civil : « Tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer. » : créé par loi 1804-02-09 promulguée le 19 février 1804 6 En Grande-Bretagne, différentes décisions avaient reconnu que « Selon un droit clair, bien établi et ancien, un homme ne peut, en tant qu’auteur, être coupable de viol sur sa femme. » (affaire R. v. Kowalski Criminal Appeal Reports 1987, vol. 86, p. 339) ou que « L’état de mariage implique que la femme ait consenti à avoir des rapports sexuels avec son mari tant que dure le mariage (. . .) elle ne peut retirer son consentement unilatéralement. » (R. v. C. All England Law Reports 1991, vol. 1, p. 755), http://hudoc.echr.coe.int/sites/fra/pages/search.aspx?i=00162522#{%22itemid%22:[%22001-62522%22}]
M.-F. Callu effectués en présence de tiers, soit accompagnés d’actes de violence d’une autre nature. » [19]. Dans tous les autres cas, les tribunaux estimaient que cette « conjonction obtenue est une des fins légitimes du mariage. » [20]. La loi no 80-1041 du 23 décembre 1980 relative à la répression du viol et de certains attentats au mœurs, dans son article 332, définit le viol comme « Tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu’il soit, commis sur la personne d’autrui, par violence, contrainte ou surprise, constitue un viol. Le viol sera puni de la réclusion criminelle à temps de cinq à dix ans », devenu l’article 222-23 du Code pénal7 et puni de quinze ans de réclusion criminelle. Si l’infraction de viol était définie, il restait à savoir si elle pouvait s’appliquer dans les relations entre conjoints. Par une décision du 5 septembre 1990, la Chambre criminelle de la Cour de cassation rejette le pourvoi du procureur général près la Cour d’appel de Lyon et rappelle que « l’article 332 du Code pénal, en sa rédaction issue de la loi du 23 décembre 1980, qui n’a d’autre fin que de protéger la liberté de chacun, n’exclut pas de ses prévisions les actes de pénétration sexuelle entre personnes unies par les liens du mariage lorsqu’ils sont imposés dans les circonstances prévues par ce texte » [21]. Cette même Chambre criminelle, deux ans plus tard, va encore préciser que « la présomption de consentement des époux aux actes sexuels accomplis dans l’intimité de la vie conjugale ne vaut que jusqu’à preuve contraire », infirmant la Chambre d’accusation de la cour d’appel de Rennes qui estimait que « le mariage a pour effet de légitimer les rapports sexuels et que l’épouse ne peut invoquer son absence de consentement ou l’agressivité qui a accompagné des actes sexuels normaux pour soutenir avoir été victime de viols. » [22]. Deux décisions de la Cour européenne des droits de l’Homme, en 1995 [23] et 1997 [24], viennent apporter un éclairage particulièrement intéressant sur cette question du viol dans un couple. Intéressant car ces arrêts soulevaient la question fondamentale de savoir si la Convention européenne des droits de l’Homme, qui ne crée d’obligations juridiques qu’à la charge des États, pouvait s’appliquer à des actes accomplis par des personnes privées. Intéressant car ils permettaient de savoir quelle définition allait être donnée, au niveau européen, des rapports imposés dans un couple. Sur le premier point, la Cour rappelle que si la Convention européenne s’applique aux États, ces derniers doivent prendre toutes mesures pour garantir les droits humains même dans les relations entre personnes privées. Sur le deuxième point et de manière extrêmement claire, la Cour insiste sur le « ‘‘caractère par essence avilissant du viol’’ et l’abandon de l’idée inacceptable qu’un mari ne pourrait être poursuivi pour le viol de sa femme était conforme non seulement à une notion civilisée du mariage mais encore et surtout aux objectifs fondamentaux de la Convention dont l’essence même est le respect de la dignité et de la liberté humaines ».
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En 1994.
Les violences faites aux femmes dans le couple. Quelles réponses juridiques ?
Les mesures de prévention et de lutte contre les violences intra-familiales Toute cette jurisprudence a été reprise par la loi du 4 avril 2006 renforc ¸ant la prévention et la répression des violences au sein du couple ou commises contre les mineurs. Cinq points essentiels sont à retenir : • pour lutter contre les mariages forcés, l’âge légal pour contracter le mariage est désormais le même pour les hommes et les femmes (18 ans alors que, précédemment, la femme pouvait se marier à 15 ans) ; • le fait que l’infraction soit commise par le conjoint, le concubin ou le partenaire lié à la victime par un pacte civil de solidarité ou par l’ancien conjoint, l’ancien concubin ou l’ancien partenaire lié à la victime par un pacte civil de solidarité est une cause d’aggravation ; • le viol et les autres agressions sexuelles sont constitués lorsqu’ils ont été imposés à la victime dans les circonstances prévues par la présente section, quelle que soit la nature des relations existant entre l’agresseur et sa victime, y compris s’ils sont unis par les liens du mariage. Dans ce cas, la présomption de consentement des époux à l’acte sexuel ne vaut que jusqu’à preuve du contraire ; • dans le cadre du sursis avec mise à l’épreuve et du contrôle judiciaire, le magistrat peut demander à l’auteur des faits de résider hors du domicile ou de la résidence du couple et, le cas échéant, de s’abstenir de paraître dans ce domicile ou cette résidence ou aux abords immédiats de celui-ci, ainsi que, si nécessaire, de faire l’objet d’une prise en charge sanitaire, sociale ou psychologique ; • l’infraction de viol peut être retenue, dans un couple, lorsque la soustraction porte sur des objets ou documents indispensables à la vie quotidienne de la victime, tels que des documents d’identité, relatifs au titre de séjour ou de résidence d’un étranger, ou des moyens de paiement. En 2008, une circulaire mettait en place des « référents » pour les femmes victimes de violences au sein du couple [25]. La loi no 2010-769 du 9 juillet 2010 relative aux violences faites spécifiquement aux femmes, aux violences au sein des couples et aux incidences de ces dernières sur les enfants [26], complétée par la circulaire du 3 août 2010 [27] et le Guide de l’action publique — les violences au sein du couple [28], qui donne un cadre renforcé à la répression des violences faites aux femmes. Il s’agit d’un texte long qui tente de parer à diverses situations que l’on peut rencontrer au quotidien : extension de la notion de violences aux violences psychologiques, création d’un délit de harcèlement au sein du couple, répression des violences habituelles au sein du couple, extension de la circonstance aggravante de l’ancienne qualité de conjoint, concubin ou partenaire d’un PACS aux violences simplement contraventionnelles, création d’une circonstance aggravante de mariage forcé, mesures pour interpeller et retenir une personne qui viole son obligation d’éloignement, élargissement de la surveillance électronique mobile en cas de violences au sein du couple, aggravation des peines en cas de menaces proférées à l’encontre d’un conjoint, d’un concubin ou d’un partenaire lié par un PACS, élargissement de la médiation pénale, suppression de la mention de
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présomption de consentement à l’acte sexuel dans le cadre du mariage. Enfin, la loi du 4 août 2014 pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes [29], complétée par la circulaire du 7 août 2014 [30] modifie les dispositions relatives à l’ordonnance de protection de femmes victimes de violences. Il est rappelé que cette ordonnance doit être délivrée dans les meilleurs délais et que les procédures liées aux violences conjugales doivent être traitées en priorité ; lorsque la victime mariée bénéficie d’un hébergement d’urgence la jouissance du logement familial ne peut être attribuée à l’auteur des violences8 ; le juge peut autoriser la victime à dissimuler son domicile ou sa résidence et à élire domicile pour les besoins de la vie courante chez une personne morale qualifiée ; la durée des mesures de protection passe de 4 à 6 mois.
Conclusion Afin de permettre la révélation de sévices subis par des victimes, dont les femmes, le Code pénal, dans son article 226-14, prévoit que les sanctions pour violation de secret professionnel ne seront pas applicables : • à celui qui informe les autorités judiciaires, médicales ou administratives de privations ou de sévices, y compris lorsqu’il s’agit d’atteintes ou mutilations sexuelles, dont il a eu connaissance et qui ont été infligées à un mineur ou à une personne qui n’est pas en mesure de se protéger en raison de son âge ou de son incapacité physique ou psychique ; • au médecin qui, avec l’accord de la victime, porte à la connaissance du procureur de la République les sévices ou privations qu’il a constatés, sur le plan physique ou psychique, dans l’exercice de sa profession et qui lui permettent de présumer que des violences physiques, sexuelles ou psychiques de toute nature ont été commises. Lorsque la victime est un mineur ou une personne qui n’est pas en mesure de se protéger en raison de son âge ou de son incapacité physique ou psychique, son accord n’est pas nécessaire. Les médecins sont très souvent les premiers à constater les sévices subis par leurs patientes [31,32]. Lorsqu’elles sont majeures, ils ne peuvent signaler ces faits au procureur qu’avec leur accord, sauf s’ils estiment que ces femmes sont dans l’incapacité psychique [33] de se défendre (2◦ de l’article), avec le risque de ne plus revoir ces femmes qui n’étaient pas d’accord et de ne plus pouvoir les aider [34]. L’article R4127-44 du Code de la santé publique (Code de déontologie médicale) reprend ceci en précisant que : « Lorsqu’un médecin discerne qu’une personne auprès de laquelle il est appelé est victime de sévices ou de privations, il doit mettre en œuvre les moyens les plus adéquats pour la protéger en faisant preuve de prudence et de circonspection.
Reprenant en cela les dispositions de la loi no 2004-39 du 2 mai 2004 relative au divorce. 8
238 Lorsqu’il s’agit d’un mineur ou d’une personne qui n’est pas en mesure de se protéger en raison de son âge ou de son état physique ou psychique, il alerte les autorités judiciaires ou administratives, sauf circonstances particulières qu’il apprécie en conscience. » La prudence et la circonspection — mais aussi parfois la nécessité d’agir vite — sont de mise, par exemple en faisant hospitaliser la personne en danger. L’autre point à retenir est la nécessité de travailler en partenariat, en particulier avec les associations spécialisées qui sont souvent les plus aptes à intervenir car elles travaillent en équipes pluridisciplinaires9 . Ce recours aux associations est également un point fort pour toute personne qui hésite, quant à la conduite à tenir, vis-à-vis d’une femme dont il est possible qu’elle soit victime de violences.
Déclaration de liens d’intérêts L’auteur déclare ne pas avoir de liens d’intérêts.
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M.-F. Callu [9] Couturier M. Les évolutions du droit franc ¸ais face aux violences conjugales. Dialogue 2011;191. [10] Bensussan P. Viol entre époux en droit franc ¸ais : désir, besoin et consentement. Sexologies 2009;18:218—24 [Elsevier Masson]. [11] Nancy CA. Juris-Data 1993;043046. [12] Rome F. « Tu veux ou tu veux plus ? », 2105. Aix-en-Provence: Dalloz Actu Étudiant; 2011 [3 mai 2011, no 2011/292, RG no 09/05752]. [13] Can. 1142 du Code de droit canonique, Centurion-Cerf-Tardy. [14] Daligand L. Violences conjugales en guise d’amour. Albin Michel; 2006. [15] Violences conjugales. J Psychol 2008:49. [16] Violences conjugales : conséquences sur la santé des victimes. Sante Mentale 2008;132:42. [17] Daligand L, Gonin D. Violence et victime. Méditions; 2000. [18] http://www.senat.fr/rap/l04-228/l04-2284html. [19] Arrêts de la Chambre criminelle de la Cour de cassation du 21 novembre 1839; 1839 [Sirey, 1839, I, 817, concl. Dupin] http://www.senat.fr/rap/l04-228/l04-2284.html. [20] Chambre criminelle de la Cour de cassation. Bull Crim 1910;153. [21] No du pourvoi : 90-83786. 1990. [22] No du pourvoi : 90-86346. 1992. http://www.legifrance.gouv. fr/affichJuriJudi.do?idTexte=JURITEXT000007065867. [23] S. W. contre Royaume-Uni « et » C. R. contre Royaume-Uni, no 20166/92. [24] Aydin contre Turquie, CEDH, 23178/94; 1997. [25] Circulaire SDFE/DPS no 2008-159; 2008 http://www.sante. gouv.fr/fichiers/bo/2008/08-06/ste 20080006 0100 0090.pdf. [26] RF du 10 juillet 2010; 2010. [27] http://www.textes.justice.gouv.fr/art pix/JUSD1020921C. pdf. [28] Direction des affaires criminelles et des Grâces; 2011. [29] Loi no 2014-873. JORF 2014. [30] http://www.textes.justice.gouv.fr/art pix/JUSC1419203C. pdf. [31] Violences au sein du couple et violences sexuelles : impact sur la santé et prise en charge médicale des victimes. La Lettre de l’Observatoire 2015;6:8. [32] Guiller A. Auteurs de violences conjugales : à bonne distance de l’acte. Actual Soc Hebd 2015;2914:26. [33] Daligand L. Sortir de l’emprise, réalités familiales; 2010. p. 22. [34] Grihom M-J. Pourquoi le silence des femmes ? Violence sexuelle et lien de couple. Dialogue 2015;208:71—84.