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ARTICLE IN PRESS
ANNDER-1690; No. of Pages 3
Annales de dermatologie et de vénéréologie (2014) xxx, xxx—xxx
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CAS POUR DIAGNOSTIC
Lésions bulleuses des poignets Bullous lesions on the wrists Y. Soua a, H. Akkari a,∗, B. Sriha b, H. Belhadjali a, J. Zili a a
Service de dermatologie, hôpital universitaire Fattouma Bourguiba, CHU de Monastir, avenue Farhat-Hached, 5000 Monastir, Tunisie b Service d’anatomie et de cytologie pathologiques, hôpital Farhat-Hached, avenue Ibn El Jazzar, 4000 Sousse, Tunisie Rec ¸u le 28 janvier 2014 ; accepté le 7 avril 2014
Observation Une femme de 61 ans, sans antécédents notables, consultait pour des lésions bulleuses des poignets et des avant-bras. Ces lésions évoluaient depuis une semaine, précédées de sensation de cuisson et de prurit, sans fièvre associée ni arthralgies. La patiente rapportait deux poussées similaires survenues 3 ans auparavant et spontanément résolutives. L’interrogatoire ne révélait pas de prise médicamenteuse, de piqûre d’insecte ou d’application de topiques. L’examen révélait la présence de bulles tendues à contenu clair de grande taille reposant sur une base pseudo-urticarienne. Les bulles étaient localisées sur les poignets et les avantbras (Fig. 1). Le signe de Nikolsky était négatif. Il n’y avait pas d’atteinte muqueuse associée. Le reste de l’examen somatique était sans particularités. Le bilan biologique ne montrait pas d’hyperéosinophilie, d’anémie ou de syndrome inflammatoire biologique.
Figure 1. Bulles à contenu clair, sur fond urticariforme et localisées au niveau des poignets.
Quel est votre diagnostic ?
∗
Auteur correspondant. Adresse e-mail :
[email protected] (H. Akkari).
http://dx.doi.org/10.1016/j.annder.2014.04.113 0151-9638/© 2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Pour citer cet article : Soua Y, et al. Lésions bulleuses des poignets. Ann Dermatol Venereol (2014), http://dx.doi.org/10.1016/j.annder.2014.04.113
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Y. Soua et al.
Figure 2. Foyers de nécrose du collagène dermique correspondant à l’image en flammèche (HE × 200).
Hypothèses du comité de rédaction Pemphigoïde bulleuse. Eczéma bulleux. Phytophotodermatose. Syndrome de Wells bulleux.
Commentaires L’étude histologique montrait un épiderme bien conservé dépourvu de nécrose ou d’exocytose mais légèrement décollé par un œdème dermique superficiel. Le reste du derme comportait un important infiltrat inflammatoire polymorphe, très riche en polynucléaires éosinophiles avec présence de foyers en flammèches du collagène dermique en absence de lésions de vascularite (Fig. 2). Les immunofluorescences directe et indirecte étaient négatives. Le diagnostic de syndrome de Wells dans sa forme bulleuse était retenu. Une enquête étiologique à la recherche d’une néoplasie solide ou d’une hémopathie maligne associée était négative. La patiente était traitée par corticothérapie générale (prednisolone à la dose de 40 mg/j) avec une évolution rapidement favorable et disparition complète des lésions bulleuses au bout de deux semaines. L’arrêt du traitement était suivi d’une récidive rapide des lésions au bout de quelques jours. Actuellement, la patiente est maintenue en rémission par une dose de 20 mg de prednisolone par jour avec adjonction d’un traitement anti-histaminique (cétirizine à la dose de 10 mg/j). Le syndrome de Wells (SW) est une dermatose éosinophilique dont l’incidence est probablement sous-estimée tant le diagnostic peut être difficile et trompeur. Environ 200 cas ont été rapportés dans la littérature [1]. L’aspect clinique décrit initialement par Wells est celui d’un tableau aigu de cellulite à éosinophiles [2]. Différentes autres présentations cliniques sont rapportées dans la littérature (aspect urticarien, annulaire, papuleux, nodulaire et plus rarement bulleux comme dans notre cas) [3—5].
Les aspects histologiques du SW sont également polymorphes, non spécifiques et variables selon l’âge des lésions. Toutefois, il existe un net parallélisme entre l’aspect clinique des lésions et le niveau de l’infiltrat éosinophile. En effet, l’infiltrat dermique superficiel d’éosinophiles peut être à l’origine d’un aspect vésiculobulleux comme chez notre patiente [6]. Si l’infiltrat est plus enchâssé dans le derme moyen ou l’hypoderme, les lésions seraient plutôt indurées formant des placards urticariens, annulaires ou prenant un aspect de panniculite [7]. Les classiques images en flammèche (un amas de collagène entouré de leucocytes et de débris d’éosinophiles) constituent un important élément diagnostique. Cependant, il n’est pas pathognomonique et peut se voir dans d’autres dermatoses. Les principaux diagnostics différentiels dans notre observation étaient la pemphigoïde bulleuse et l’eczéma bulleux. C’est la confrontation anatomoclinique ainsi que les données de l’immunofluorescence qui nous ont permis de retenir le diagnostic de syndrome de Wells. Le mécanisme physiopathologique de cette dermatose reste mal élucidé. Une réaction d’hypersensibilité non spécifique à certains stimulus endogènes et exogènes serait en cause. Certains facteurs ont été incriminés : piqûres d’arthropodes, infections parasitaires, bactériennes, fongiques et certains médicaments. Des néoplasies, essentiellement des hémopathies malignes, ont également été décrites chez des patients atteints de SW [6]. Chez notre patiente, il s’agit d’un SW bulleux idiopathique. Parmi les 32 cas de SW idiopathique rapportés dans la littérature, 11 cas étaient des SW bulleux [1]. Le syndrome de Wells peut disparaître spontanément. Une évolution récurrente chronique avec une réponse irrégulière aux traitements est possible. Les dermocorticoïdes peuvent être efficaces. Les traitements systémiques comportent les anti-histaminiques, les corticoïdes et la ciclosporine. La cétirizine était efficace dans certains cas [8,9]. Dans notre cas, son adjonction a permis de diminuer les doses de corticothérapie générale. Une surveillance à long terme est nécessaire afin de dépister précocement une éventuelle pathologie associée. Notre patiente a bien répondu à une corticothérapie générale mais au prix d’une corticodépendance.
Déclaration d’intérêts Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts en relation avec cet article.
Références [1] Sinno H, Lacroix JP, Lee J, Izadpanah A, Borsuk R, Watters K, et al. Diagnosis and management of eosinophilic cellulitis (Wells’ syndrome): a case series and literature review. Can J Plast Surg 2012;20:91—7. [2] Wells GC, Smith NP. Eosinophilic cellulitis. Br J Dermatol 1979;100:101—9.
Pour citer cet article : Soua Y, et al. Lésions bulleuses des poignets. Ann Dermatol Venereol (2014), http://dx.doi.org/10.1016/j.annder.2014.04.113
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Lésions bulleuses des poignets [3] Holme SA, McHenry P. Nodular presentation of eosinophilic cellulitis (Wells’ syndrome). Clin Exp Dermatol 2001;26:677—9. [4] Ling TC, Antony F, Holden CA, Al-Dawoud A, Coulson IH. Two cases of bullous eosinophilic cellulitis. Br J Dermatol 2002;146:160—1. [5] Schuttelaar MLA, Jonkman MF. Bullous eosinophilic cellulitis (Wells’ syndrome) associated with Churg—Strauss syndrome. J Eur Acad Dermatol Venereol 2003;17:91—3. [6] Tassava T, Rusonis P, Whitmore E. Recurrent vesiculobullous plaques. Eosinophilic cellulitis (Wells syndrome). Arch Dermatol 1997;133:1580—1.
3 [7] Consigny S, Courville P, Young P, Richard C, Gauthier V, Maillard V, et al. Formes anatomocliniques du syndrome de Wells. Ann Dermatol Venereol 2001;128:213—6. [8] Fujimoto N, Wakabayashi M, Kato T, Nishio C, Tanaka T. Wells syndrome associated with Churg-Strauss syndrome. Clin Exp Dermatol 2011;36:46—8. [9] Verma P, Singal A, Sharma S. Idiopathic bullous eosinophilic cellulitis (Wells syndrome) responsive to topical tacrolimus and antihistamine combination. Indian J Dermatol Venereol Leprol 2012;78:378—80.
Pour citer cet article : Soua Y, et al. Lésions bulleuses des poignets. Ann Dermatol Venereol (2014), http://dx.doi.org/10.1016/j.annder.2014.04.113