Rev MCd Inteme 1999 0 Elsevier, Paris
Mise au point
; 20 : 26-38
Maladies bulleuses auto-immunes P. Joly Clinique dermatologique,
groupe de recherche
en immunopathologie,
(ReGu le 16 dCcembre
h6pital Charles-Nicolle, 1997; accept6 le 2 juillet
I, rue de Germont,
76031 Rouen cedex, France
1998)
RbumC Introduction. - Les maladies bulleuses auto-immunes (MBAI) sent incontestablement l’un des domaines de la dermatologie ayant le plus progress6 ces 10 dernitres annCes. Ces progrts ont permis la description de nouvelles maladies et d’importantes avancCes physiopathologiques. L’objectif de cet article est de faire le point sur les principales formes cliniques, la physiopathologie et les progrks thirapeutiques survenus ces dernitres an&es. ActuaZk% et points for&. - A cBtC des formes classiques de pemphigus vulgaire (PV) et de pemphigus superficiels (PS), le pemphigus paranCoplasique (PPN) a Ctt rkcemment individualisk. Cette forme clinique mile des signes de PV, de pemphigdide bulleuse (PB), d’trythtme polymorphe et de lichen plan chez les malades souffrant d’une hemopathie IymphoTde. Plusieurs nouvelles formes cliniques de PB et de pemphigoi’de cicatricielle (PC) ont Cti d&rites. La plupart des antigtnes cibles des autoanticorps ont CtC identifiCs grlce aux techniques d’immunotransfert et d’immunoprtcipitation : au tours des pemphigus, les anticorps sont dirigCs contre les desmogleines, protCines d’adhesion transmembranaire appartenant g la famille des cadhtrines. Au tours du PPN, les anticorps sont dirigts contre des proteines de la famille des plakines. Le groupe des pemphigoi’des : PB, PC et pemphigoyde gestationis (PG) est IiC B une auto-immunisation principalement dirigCe contre deux proteines de la jonction dermoipidermique : les antigenes BPAGI de 230 kDa et BPAG2 de 180 kDa. Ce dernier antigkne est Cgalement en cause au tours de la PC et de la PG. Le pronostic des maladies bulleuses auto-immunes reste r&se&. La mortalit se situe entre 10 et 40 %, et est principalement lite aux complications infectieuses et cardiovasculaires de la corticoth&apie g&&ale. Les immunosuppresseurs lorsqu’ils sont utilisCs en premi?re intention n’ont pas fait la preuve de leur efficacitC comme tpargne de corticdides. 11s restent en revanche utilisb en cas de r&istance initiale & la corticotherapie gin&ale. Perspectives et projets. - Les principales voies de recherche thkrapeutique visent a trouver des alternatives B la corticothCrapie g&&ale. Plusieurs essais thtrapeutiques semblent montrer l’efficacitt des dermocorticoi’des utilists $ fortes doses dans la PB et dans certaines formes de pemphigus. I1 n’est actuellement pas dCmontrt que ces traitements puissent permettre de diminuer la morbiditt et la mortalite iatrogtnes. Les progrks physiopathologiques laissent espCrer ii plus long terme, une immunosuppression plus specifique par immunoabsorption des autoanticorps pathogenes. 0 1999 Elsevier, Paris pemphigus
I pemphigdide
bulleuse / autoanticorps
Summary - Auto-immune bullous skin diseases. Introduction. - Important advances have been made in the pathogenesis of autoimmune bullous skin diseases during the last 10 years. The aim of this review is to describe new types qf autoimmune bullous skin diseases and to summarize progresses in the pathogenesis and treatment of these diseases. Current knowledge and key points. - Paraneoplastic pemphigus (PNP) is a new type of pemphigus, distinct from pemphigus vulgaris (PV) and pemphigus foliaceus (PF). It has both clinical and histological features of pemphigus, bullous pemphigoid (BP), erythema multiforme, and lichen planus, in patients with lymphoma. Numerous clinical rypes of autoimmune bullous skin diseases of the dermal epidermal junction have also been described. Analysis of patients’ serum by immunobiotting and immunoprecipifation allowed the identification of target antigens of most of these disases: PV and PF are due to the production of autoantibodies directed against adhesion molecules (desmoglein I and 3) that belong to the cadherin family. In PNP, autoantibodies are directed against plakins, a new family of desmosomal plaque proteins. BP, CP and pemphigoid gestationis are characterized by the production of autoantibodies mainly directed against fwo hemidesmosomal proteins: BPAGI and BPAG2. The mortality rate of autoimmune bullous skin diseases is estimated between IO and 40%, mainly due to infections and cardiovascular diseases. The potential interest of the first use of adjuvant therapies in addition to corticosteroids has not been demonstrated yet. Future prospects and projects. - Due to the numerous side-effects of oral corticosteroids, many therapeutic trials are aimed at finding other treatments for the management of these diseases. Topical corticosteroids could be effective in BP, and even in Some cases of pemphigus. New treatments using specific immunoadsorption of pathogenic autoantibodies with recombinant proteins will probably be available in the future. 0 I999 Etsevier, Paris pemphigus
/ bullous pemphigoid
/ autoantibody
Maladies bulleuses auto-immunes
Les maladies bulleuses auto-immunes representent incontestablement un des domaines de la dermatologie dans lequel la recherche a CtC la plus active depuis une quinzaine d’annees. Ces progres ont touch6 aussi bien la physiopathologie que le traitement des maladies bulleuses auto-immunes. 11s ont conduit a la description de nouvelles entites cliniques et immunohistologiques et permis, dans certains cas, de faire le lien entre les maladies bulleuses auto-immunes et certaines maladies bulleuses hereditaires. Les antigenescibles des autoanticorps ont et6 identifies dans pratiquement toutes les maladies bulleuses auto-immunes. Les genes codant pour ces prottines ont CtC pour la plupart sequences, et les travaux actuels tendent a determiner les Cpitopes reconnus par les autoanticorps sur chacune de ces proteines. Parallelement, le role de ces proteines dans l’adhtsion interkeratinocytaire et dans la cohesion dermoepidermique a pu Ctre Ctabli. Les maladies bulleuses auto-immunes sont actuellement concues non plus comme une destruction des systemes de jonction par les autoanticorps, mais comme des maladies likes a des alterations de la fonction adhesive de ces proteines, alterations secondaires a la fixation des autoanticorps sur leur cible. C’est l’atteinte de ces differents systemes d’adhesion qui est a l’origine de la formation des bulles. La perte de l’adhesion interkeratinocytaire (ou acantholyse) entraine la formation de bulles intraepidermiques (groupe des pemphigus), tandis que l’atteinte des differentes proteines de la jonction dermoepidermique entraine la formation d’une bulle sous-epidermique (groupe des maladies bulleuses auto-immunes de la jonction dermoepidermique : pemphigoi’de bulleuse, pemphigoi’de gestationis, pemphigoi’de cicatricielle, epidermolyse bulleuse acquise, dermatite herpetiforme, dermatose a IgA lineaire). LES PEMPHIGUS Definition,
classification
Les pemphigus sont des maladies bulleuses autoimmunes touchant la peau et les muqueuses, likes a la production d’autoanticorps pathogenes diriges contre differentes proteines desmosomales [ 11. La classification actuelle des pemphigus est fondee sur le type anatomoclinique des lesions et sur l’identification des antigenes-cibles reconnus par les autoanticorps. Trois grandes formes sont actuellement individualisees : - le pemphigus vulgaire est lie a des autoanticorps diriges contre la desmogleine 3 provoquant un clivage intraepidermique bas situ6 (suprabasal), a l’origine de lesions principalement muqueuses ; - le groupe des pemphigus superficiels (pemphigus Crythemateux de Senear-Usher, pemphigus foliate,
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pemphigus endemique bresilien) est lie a des autoanticorps diriges contre la desmogleine 1, provoquant une acantholyse haute, situee dans l’epiderme, entrainant des lesions essentiellement cutanees ; - le pemphigus paraneoplasique, plus recemment dbcrit, est lie a la production d’autoanticorps diriges contre un complexe multimoleculaire comprenant les desmoplakines I-II, l’envoplakine, l‘antigene de la pemphigoi’de bulleuse, parfois la desmogleine 3 et d’autres proteines actuellement non identifites [2]. Cette derniere forme doit son nom au fait qu’elle est associee a diverses proliferations tumorales, en particulier a des hemopathies lymphdides. On decrit egalement des pemphigus medicamenteux secondaires notamment a la prise de D-penicillamine ou de medicaments thioles (captopril), correspondant le plus souvent au declenchement d’un pemphigus auto-immun par un mtdicament, ou plus rarement secondaire a l’action acantholytique directe du medicament [3-71. fipidbmiologie,
terrain gCnCtique
Le pemphigus est une maladie rare : son incidence en Europe est estimee a un cas par million d’habitants et par an dont 80 % de pemphigus vulgaires. Cette incidence est plus importante dans certaines populations : ainsi le pemphigus vulgaire est plus frequent chez les populations juives ashkenazes [8] ; certaines formes de pemphigus superficiel sevissent a l’etat endemique en Amerique centrale (fog0 selvagem) et en Tunisie oh leur incidence peut atteindre 25 cas par million d’habitants et par an [9, 101. L’existence d’une susceptibilite genetique est Cgalement suggtree par l’association a certains haplotypes HLA : l’antigene HLADR4 est present chez 90 % des sujets juifs atteints de pemphigus vulgaire. Cette susceptibilite est like a la presence d’un allele particulier (DRBl-0402) qui differe de l’allele sauvage par la substitution d’un seul acide amine 1111. Enfin le pemphigus s’associe frequemment a d’autres maladies auto-immunes, comme le lupus trythemateux, la maladie de GougerotSjogren, la polyarthrite rhumatoi’de, la maladie de Basedow, la myasthenie et certaines glomerulonephrites [ 121. Physiopathologie Le role pathogene des autoanticorps au tours du pemphigus a pu &tre bien demontre sur trois types d’arguments : _ existence d’un parallelisme entre les taux d’anticorps circulants et l’activite de la maladie [ 13, 141 ; _ existence de cas de pemphigus neonatals chez des enfants nes de meres ayant un pemphigus actif au moment de l’accouchement [ 151;
28 _ existence de modbles d’acantholyse in vitro et surtout in vivo (souriceau Balb-C chez lequel il est possible de reproduire un equivalent de la maladie humaine en injectant des anticorps de malades atteints de pemphigus [ 161). Les proteines-cibles des autoanticorps ont 6tC identifites par des techniques d’immunoprecipitation et d’immunotransfert. Elles correspondent respectivement aux desmogleines 1 et 3 au tours du pemphigus superficiel et vulgaire [ 17, 181. Elles appartiennent a la famille des cadherines qui sont des proteines impliquees dans l’adhesion intercellulaire [ 19, 201. Les desmogleines sont des proteines transmembranaires localisees dans les desmosomes, qui constituent les principaux systemes de jonction interkeratinocytaire. L’extremite extracellulaire de ces proteines est reconnue par les autoanticorps. Au tours du pemphigus paraneoplasique, les autoanticorps sont principalement diriges contre des proteines intracellulaires, en particulier les desmoplakines et l’envoplakine localisees sur les plaques desmosomales. La fixation des autoanticorps sur ces proteines entraine une modification de leur propriete adhesive, responsable de la perte de cohesion interkeratinocytaire ou acantholyse.
P. Joly
Figure 1. Pemphigus buccale.
vulgaire:
Figure 2. Pemphigus rkgion prCsternale.
superficiel:
Esions
Crosives
de la muqueuse
Diagnostic Pemphigus vulgaire Le pemphigus vulgaire debute le plus souvent par des lesions muqueuses (figure I). L’atteinte buccale, faite d’erosions trainantes et douloureuses g&ant l’alimentation, est plus frequente que les atteintes genitales et oculaires [2 11. L’atteinte cutanee survient secondairement plusieurs semaines ou plusieurs mois apres les erosions muqueuses. Elle se caracterise par la survenue de bulles flasques, a contenu clair, siegeant en peau non Crythemateuse. Les bulles sont fragiles, vite rompues et laissent place a des erosions cernees par une collerette epidermique. 11 existe un signe de Nikolsky en peau peribulleuse et parfois en peau saine. Le prurit est habituellement absent. Le pemphigus vegetant est une forme clinique de pemphigus vulgaire caracterise par l’evolution vegetante des lesions, disposees dans les grands plis [22]. Pemphigus superficiels 11s regroupent : - le pemphigus seborrheique ou erythemateux qui est une forme localisee de la maladie ; - le pemphigus foliate qui correspond a une forme disseminee ; - le pemphigus herpetiforme, caracterise par une disposition G en rosette >>des lesions. Les bulles tres superficielles sont t&s fugaces et rapidement remplatees par des lesions squamocrouteuses, parfois pruri-
l&ions
squamocrofiteuses
de la
gineuses, predominant dans les regions seborrheiques : thorax, visage, cuir chevelu, region interscapulaire (figure 2). 11 n’existe habituellement pas d’atteinte muqueuse dans cette forme. Le pemphigus foliate est exceptionnel en Europe et plus frequent en Amerique centrale, oti il s&it a l’etat endemique (pemphigus bresilien ou fogo selvagem). Dans les formes s&&es, il realise un tableau d’erythrodermie exfoliante [23]. Pemphigus paranboplasique 11 associe des signes de pemphigus vulgaire, de pemphigdide bulleuse et d’erytheme polymorphe [2]. Les lesions debutent par des erosions buccales trainantes et douloureuses avec parfois une atteinte cesophagienne. L’atteinte erosive du versant externe des levres est proche de celle observee dans le syndrome
Maladies
bulleuses
29
auto-immunes
Figure 4. Aspect histologique disjonction interkbratinocytaire n&roses keratinocytaires.
Figure 3. Pemphigus paranCoplasique : conjonctivite intense, ciCe & des Crosions buccales et du versant externe des l&-es.
asso-
de Stenvens-Johnson (figure 3). Une atteinte conjonctivale a type de conjonctivite pseudomembraneuse et une atteinte genitale sont souvent associees. L’atteinte cutanee est polymorphe et peut realiser des lesions bulleuses de type pemphigoi’de, des lesions en cocarde de type Crytheme polymorphe ou des lesions lichenoi‘des [24]. Une hemopathie lymphoi’de, un thymome ou une maladie de Castelmann sont le plus souvent associes a cette forme de pemphigus 1251. L’examen histologique d’une bulle montre une disjonction interkeratinocytaire ou acantholyse, qui est suprabasale au tours du pemphigus vulgaire ou sit&e dans la couche granuleuse au tours des pemphigus superficiels. Des n&roses keratinocytaires sont souvent observees au tours du pemphigus paraneoplasique (figure 4) (261. L’examen en immunofluorescence directe d’une biopsie de peau ptribulleuse
de pemphigus paranCoplasique suprabasale avec acantholyse
: et
permet d’objectiver la presence d’IgG et parfois de C3 a la surface des keratinocytes (figure 5). L’examen du serum en immunofluorescence indirecte sur peau humaine detecte des anticorps diriges contre la membrane des keratinocytes, dont les taux sont paralleles 2 l’activite de la maladie. Au tours du pemphigus paraneoplasique, ces anticorps antiktratinocytes sont le plus souvent associes a des anticorps diriges contre la jonction dermoepidermique. L’examen des serums de pemphigus paraneoplasiques sur vessie de rat permet le diagnostic de cette forme clinique particuliere, en montrant une fluorescence intercellulaire qui n’est pas retrouvee avec les autres strums de pemphigus sur ce substrat [27]. Enfin, l’examen du serum en immunoprecipitation ou en immunotransfert permet de determiner le poids moleculaire des antigenes reconnus par les autoanticorps circulants : proteine de 130 kDa (desmogleine 3) au tours du pemphigus vulgaire, 160 kDa (desmogleine 1) au tours des pemphigus superficiels, complexe comprenant la desmoplakine I (250 kDa), l’envoplakine (210 kDa), l’antigene de la pemphigdide bulleuse (230 kDa) et autres proteines de 190 et 170 kDa, au tours du pemphigus paraneoplasique [28-301. Pronostic
et traitement
Le pemphigus, qui Ctait une maladie constamment mortelle avant la corticotherapie g&&ale, reste une maladie grave dont la mortalite se situe aux alentours de 15 %. Cette mortalite est en grande partie lice aux effets secondaires du traitement. Les facteurs pronostiques que l’on peut degager sont l’age, la duree d’evolution de la maladie avant traitement, l’etendue
P. Joly
Figure 5. Immunofluorescence directe d’une &ion pCribulleuse au cows d’un pemphigus superficiel : marquage s en rtsille x de la ptriphCrie des kCratinocytes.
des lesions et la dose de corticoi’des necessaire au contrdle initial de la maladie [31]. Le pronostic des pemphigus paraneoplasiques est largement lie a celui de l’hemopathie associee [24]. Les schemas therapeutiques habituels comportent un traitement d’attaque destine a controler la maladie et un traitement d’entretien poursuivi a dose progressivement decroissante, maintenu entre une et plusieurs an&es. Le traitement repose essentiellement sur la corticotherapie g&&ale a dose forte : prednisone 15 a 2 mg.kg -l.j -I [32]. I1 n’est pas dtmontre que l’utilisation systematique d’immunosuppresseurs (imurel, endoxan, cyclosporine) permet de reduire les doses cumulees de corticoi’des. L’indication des immunosuppresseurs, comme celle des plasmaphereses, reside done plutot dans les cas de pemphigus resistant a une forte corticotherapie g&&ale (superieure a 2 mg.kg -t.j -I) [33-341. La disulone est le traitement de premiere intention des pemphigus superficiels, pour lesquels elle est habituellement efficace [32]. La survenue d’une methemoglobinemie ou d’une anernie hemolytique en tours de traitement devra &tre recherchee. Au tours des pemphigus paraneoplasiques, le traitement de l’hemopathie associee ne dispense pas en general d’un traitement specifique des lesions cutanees. MALADIES BULLEUSES AUTO-IMMUNES DE LA JONCTION DERMORPIDERMIQUE Structure
de la jonction
dermoepidermique
La jonction dermoepidermique est definie morphologiquement comme une region composee du pole basal des keratinocytes basaux, de la membrane basale Cpi-
dermique et de la zone sous-basale intradermique 1351. L’examen en microscopic Clectronique permet de reconnaitre plusieurs constituants : - les hemidesmosomes constitues d’une plaque dense intracytoplasmique oti s’attachent les filaments intermediaires de cytoktratine ; - les filaments d’ancrage localists en regard de la plaque des hemidesmosomes et traversant la membrane basale ; - la membrane basale proprement dite, comportant un feuillet clair ou lamina lucida et un feuillet dense ou lamina densa ; - la zone sous-basale ou sub-lamina densa comprenant des fibrilles d’ancrage qui relient la lamina densa aux plaques d’ancrage du derme superficiel. La composition biochimique et moleculaire des differents constituants de la jonction dermoepidermique est maintenant bien Ctablie. La plupart des proteines la composant ont pu &tre identifiees et leur gene sequence [36]. Les principales proteines impliquees dans les maladies bulleuses auto-immunes sont : - l’antigene BPAGl de la pemphigoi’de bulleuse de poids moleculaire 230 kDa, localise dans les hemidesmosomes ; - l’antigene BPAG2 qui est la cible des autoanticorps au tours de la pemphigoi’de bulleuse, de la pemphigdide gestationis et de la pemphigdide cicatricielle. 11 s’agit d’une glycoproteine transmembranaire. La technique des proteines de fusion a permis recemment de montrer que les autoanticorps au tours de chacune de ces maladies bulleuses reconnaissent differents Cpitopes de cette proteine ; - la laminine 5, qui est un composant des filaments d’ancrage et est consideree comme le ligand de l’integrine a: 6 p 4. Cette proteine est reconnue par les autoanticorps au tours de certaines pemphigoi’des cicatricielles ; - le collagene VII est le principal composant des fibrilles d’ancrage du derme superficiel. Des anticorps circulants diriges contre le collagene VII sont retrouves au tours de l’epidermolyse bulleuse acquise. Pemphigdide
bulleuse
Physiopathologie La pemphigoi’de bulleuse est liee a la production d’autoanticorps d’isotype IgGl ou IgG4, diriges contre les proteines BPAGI (230 kDa), constituant des hemidesmosomes, et BPAG2 (180 kDa), prottine transmembranaire, dont l’extremite extracellulaire localisee dans la lamina lucida est reconnue par les autoanticorps [37, 381. Le role pathogene des autoanticorps anti-BPAG2 a pu &tre montre dans des modeles experimentaux in vivo [39]. 11 existe habituellement un parallelisme entre le ou les antigenes
Maladies
bulleuses
auto-immunes
31
Figure 6. Pemphigdide bulleuse : grosses bulles tendues, contenant un liquide clair, reposant sur une peau CrythCmateuse et siCgeant j la racine des cuisses.
reconnus par les anticorps circulants et ceux reconnus par les anticorps deposes in vivo [40]. Diagnostic La pemphigoi’de bulleuse est la plus frequente des maladies bulleuses auto-immunes de la jonction dermo-epidermique. Son incidence est estimee aux alentours de dix cas par million d’habitants et par an en France [41]. 11 s’agit d’une maladie touchant particulierement les sujets t&s ages, puisque la moyenne d’age des malades, dans plusieurs etudes recentes, se situe entre 75 et 85 ans [42]. Les lesions dtbutent habituellement par un prurit feroce et par des placards eczematiformes ou urticariens, volontiers localises a la racine des cuisses et au tronc. Les lesions bulleuses surviennent dans un second temps et reposent typiquement en peau erythemateuse. Les bulles sont tendues, de grande taille, remplies d’un liquide clair et predominent de facon symetrique sur le tronc et la racine des membres (figure 6). L’evolution se fait par poussees successives, les bulles laissant place a des Crosions postbulleuses qui guerissent habituellement sans cicatrice, en laissant parfois des grains de milium ou des stquelles pigment&es. L’atteinte muqueuse est inhabituelle, mais possible. De nombreuses formes atypiques ont CtC d&rites : formes localisees palmoplantaires, pretibiales, sur cicatrice, formes vesiculeuses ou papuleuses a type de prurigo, formes vegetantes, formes a type d’erytheme annulaire centrifuge,. . La numeration-formule sanguine montre habituellement une hypereosinophilie, et I’examen histologique d’une bulle montre un decollement dermoepidermique sans n&rose du toit ni acantholyse (figure 7). Le plan-
Figure 7. Aspect histologique de pemphigoyde bulleuse : bulle sous-Cpidermique dont le toit est constituk par I’Cpiderme intact surmontant un infiltrat de polynucleaires neutrophiles et tosinophiles.
cher de la bulle est le siege d’un infiltrat de polynucleaires neutrophiles et/au Cosinophiles (figure 5). L’immunofluorescence directe realiste sur un fragment de peau peribulleuse montre une fixation lineaire d’IgG et/au de C3 le long de la jonction dermoepidermique. L’immunofluorescence indirecte retrouve habituellement des anticorps circulants dirigts contre la jonction dermoepidermique, dont le taux n’est pas en correlation avec l’activite de la maladie. L’immunofluorescence directe et indirecte sur peau clivee par le NaCl molaire permet de dttecter des anticorps se fixant sur le versant epidermique du decollement [43]. L’examen des serums en immunotransfert n’est pas necessaire a un diagnostic de routine. 11 est cependant plus sensible que l’immunofluorescence indirecte. 11 permet de detecter des anticorps diriges contre la pro-
P. Joly
32 teine BPAGl dans 80 % des serums et contre la proteine BPAG2 dans 40 a 50 % des serums [44]. L’examen de la peau peribulleuse en microscopic electronique et/au en immunomicroscopie Clectronique n’est pas necessaire au diagnostic de routine, ils montrent le siege du decollement dans la lamina lucida et objectivent des depots d’IgG et/au de C3 sur les plaques d’ancrage des hemidesmosomes (anticorps anti-BPAGl) et sur la lumina lucida (anticorps antiBPAG2) [41-451. Traitement Le traitement repose classiquement sur la corticotherapie g&&ale a la dose de 1 mg.kg -1.j -I [46]. La prednisone semble plus efficace que la prednisolone [47]. La repartition de la dose en deux prises semble Cgalement ameliorer l’efficacite du traitement. Le traitement d’attaque est poursuivi une quinzaine de jours aprbs le controle de la maladie, celui-ci Ctant generalement rapidement obtenu (3 a 5 jours apres le debut du traitement). La corticotherapie est ensuite diminuee progressivement de 10 a 15 % tous les 15 jours pour esperer un sevrage apres une duree moyenne de traitement d’environ 1 an. Cette corticotherapie g&&ale a fortes doses, prescrite chez des sujets ages, est a l’origine d’une lourde morbidite iatrogene et d’une mortalitt se situant entre 30 et 40 % apres 1 an de traitement [48]. La plupart des d&&s surviennent dans les trois premiers mois de traitement, suggerant la responsabilite des fortes doses de cortico’ides dans ces de&s. La mortalite est essentiellement lice aux accidents cardiovasculaires et aux complications infectieuses [49]. Les traitements immunosuppresseurs (imurel, cyclosporine) initialement proposes dans un but <>,n’ont pas fait la preuve de leur efficacite lorsqu’ils sont utilises de facon systematique en premiere intention [46]. 11s restent indiques en cas de resistance a la corticotherapie g&&ale, ce qui est une situation rare. La corticotherapie locale utilisant des dermocorticoi’des de grade I ou II semble Cgalement efficace, notamment dans les formes paucibulleuses [50]. Son interet par rapport a la corticotherapie generale dans les formes &endues de pemphigoyde bulleuse est actuellement en tours d’evaluation. La disulone utilisee a la dose de 100 mg/j est parfois employee, mais son efficacite est inconstante et gentralement incomplete [_51]. Pemphigdide
gestationis
La pemphigoi’de gestationis (terminologie qui a remplace I’ancienne appellation <j) est une pemphigoi’de bulleuse transitoire survenant surtout au 3e trimestre de la grossesse et guerissant habituellement apres l’accouchement. C’est une mala-
Figure 8. Pemphigdide gestationis postbulleuses de l’abdomen.
: ICsions urticariennes
et Crosions
die rare dont l’incidence est estimee de facon variable entre l/3 000 et l/40 000 grossesses [41, 521. Physiopathologie La pemphigoi‘de gestationis resulte d’une auto-immunisation transitoire durant la grossesse, vis-a-vis de la proteine BPAG2 exprimee a la jonction entre le placenta et le trophoblaste. L’epitope reconnu sur la promine BPAG2 est le meme que celui qui est reconnu par les serums de pemphigoi’de bulleuse [53]. L’isotype des anticorps au cours,de la pemphigdide gestationis est toujours IgGl. A la difference des IgG4 habituellement retrouves au tours de la pemphigoi’de bulleuse, les IgGl sont capables de fixer et d’activer le complement. Une susceptibilite genttique a la pemphigoi’de gestationis est associee aux haplotypes HLA-DR3 et DR4 et a des anomalies du polymorphisme complementaire [54]. Parmi ces malades, 90 % sont porteuses d’un allele nul C4 (C4QO). D’autres affections auto-immunes, en particulier I’hyperthyroi’die, peuvent s’associer a la pemphigoi’de gestationis. Diagnostic La pemphigoi’de gestationis touche habituellement la femme multipare lors du 2e ou du 3e trimestre de la grossesse [52]. L’eruption prurigineuse est faite de plaques Crythtmateuses sur lesquelles surviennent des lesions vesiculobulleuses (figure 8). La localisation la plus evocatrice est I’atteinte de l’ombilic. Les lesions peuvent ensuite s’etendre a l’ensemble du tegument. L’atteinte des muqueuses est rare. L’examen histologique d’une bulle montre un aspect identique a celui observe au tours de la pemphigoi’de bulleuse. L’immunofluorescence directe montre des depots
Maladies
bulleuses
1inCaires de C3 le long de la jonction dermokpidermique. L’examen du s&urn en immunofluorescence indirecte est habituellement nCgatif, mais l’immunotransfert d&ecte la prksence d’autoanticorps rCagissant avec la protCine BPAG2 de 180 kDa et plus rarement avec l’antigkne BPAGl de la pemphigoi’de bulleuse. Le principal diagnostic diffkrentiel de la pemphigo’ide gestationis est la dermatite prurigineuse de la grossesse ou PUPPP (pruritic urticarial pup&es and plaques of pregnancy) qui rCalise des plaques CrythCmateuses prurigineuses et urticariennes habituellement sans l&ions bulleuses respectant le plus souvent I’ombilic. Cette affection frCquente (1 2 2 % des grossesses) atteint surtout les primipares, mais peut Cgalement s’observer chez les multipares. L’Cruption dCbute habituellement au tours du 2e ou 3” trimestre de la grossesse pour cCder rapidement apr&s l’accouchement. Les explorations immunologiques sont ntgatives. ibolution, pronostic et traitement La pemphigoi’de gestationis peut s’exacerber en postpartum et rCtro&de habituellement quelques semaines apr&s l’accouchement. Les l&ions peuvent rCcidiver lors des grossesses ultkrieures, de fagon habituellement plus prCcoce que lors de la grossesse initiale. Le traitement de la pemphigoi’de gestationis repose soit sur les dermocorticdides dans les formes mineures ou localisCes, soit sur la corticothCrapie g&&ale dans les formes plus &endues. Celle-ci est initiCe B une dose variant de 0,5 B 0,75 mg.kg-‘.j -I, permettant la plupart du temps un contr6le rapide des l&ions. La posologie doit &tre maintenue, voire lCg&rement augmentCe au voisinage de l’accouchement afin d’Cviter une poussCe de la maladie. La corticoth&apie est ensuite rapidement diminuCe pour &tre arr&tCe au bout de 4 g 6 semaines. Une kventuelle rCcidive lors des grossesses ultkrieures ne se produit que lorsque le gCniteur est le m&me. 11 n’y a au contraire pas de rtcidive en cas de changement de partenaire. La pemphigoi’de gestationis n’est pas associCe B une augmentation de la mortalitt f&ale comme on l’a cru pendant de nombreuses annCes. Seule une augmentation du taux de prCmaturitC et d’hypotrophie fcetale a pu &tre constatCe. Par ailleurs, du fait d’un possible passage transplacentaire des anticorps IgGl, une eruption vCsiculobulleuse transitoire peut survenir chez le nouveau& dans 5 % des cas. Pemphigdide
cicatricielle
La pemphigoi’de cicatricielle est une maladie bulleuse auto-immune chronique, caractkriske par l’atteinte Clective des muqueuses et la formation ultkrieure de cicatrices. Elle rtsulte d’une auto-immunisation prin-
auto-immunes
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cipalement dirigCe contre l’antig&ne BPAG2. 11 s’agit d’une affection du sujet SgC (60 2 70 ans) dont la frCquence est faible (dix fois plus rare que la pemphigdide bulleuse) [55]. Physiopathologie La physiopathologie exacte de la pemphigoi’de cicatricielle demeure actuellement imparfaitement ClucidCe, en particulier 1’Cvolution cicatricielle des l&ions, qui rCsulte d’une prolifiration fibroblastique, reste ma1 comprise. Plusieurs antighnes-cibles ont CtC identifiCs [56, 571: _ la proteine BPAG2 est l’antigkne le plus frkquemment reconnu par les s&urns de malades. Des etudes rtcentes ont montrC que les gpitopes reconnus par les s&urns de malades atteints de pemphigoi’de cicatricielle ttaient diffkrents de ceux reconnus au tours de la pemphigoi’de bulleuse et seraient situ& dans la portion extracellulaire de la molCcule, se situant 2 la partie infkrieure de la lamina lucida et dans la lame dense ; - l’antigkne BPAGl est reconnu par quelques s&urns de malades, le plus souvent en association avec BPAG2 ; - la laminine 5 (anciennement appelCe nicCine ou Cpiligrine) et la laminine 6 semblent reconnues par un contingent de malades atteints de pemphigoi’de cicatricielle avec atteinte oculaire. Diagnostic La pemphigoi’de cicatricielle est une maladie chronique touchant essentiellement les muqueuses, elle se traduit par des Crosions de la muqueuse buccale (gingivite Crosive), source de dysphagie. Les muqueuses conjonctivales ORL, gtnitales et cesophagiennes sont plus rarement atteintes (figure 6). L’Cvolution des 1Csions muqueuses est cicatricielle, et le risque de synCchies est particulikrement grave pour les atteintes oculaires (risque de cCcitC) et asophagiennes (risque de stCnose) (figure 9). Les l&ions cutanCes ne sont observCes que dans un quart des cas ; elles sont g&Cralement peu nombreuses, 2 type d’Crosions chroniques predominant dans la moitiC supCrieure du corps. Elles laissent des cicatrices dCprimCes parfois associees B des grains de milium. L’examen histologique d’une bulle montre un clivage dermoepidermique associt B un infiltrat inflammatoire polymorphe. L’immunofluorescence directe montre des dkp8ts 1inCaires d’IgG et de C3 le long de la jonction dermokpidermique. Des anticorps sCriques dirig&s contre la jonction dermokpidermique ne sont retrouVCS que dans 20 % des s&urns par immunofluorescence indirecte sur peau humaine normale. Sur peau clivCe par le NaCl, ces anticorps sont un peu plus frCquemment retrouvCs et marquent soit le versant Cpi-
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Figure 9. Atteinte oculaire Inflammation conjonctivale
au cows d’une pemphigdide cicatricielle. et synCchie conjonctivopalpebrale.
dermique, soit les deux versants, dermiques et Cpidermiques, du decollement. L’examen des serums en immunotransfert permet de detecter des anticorps dirigCs contre les proteines BPAG2, plus rarement BPAG 1, ou contre la laminine 5 dans les pemphigoi’des cicatricielles avec atteinte oculaire. L’examen des lesions cutanees en immunomicroscopie Clectronique montre des depots d’anticorps situ& dans la partie inferieure de la lamina lucida et en regard de la lame dense [58]. Evolution, pronostic et traitement L’evolution est chronique et le risque fonctionnel majeur est l’evolution synechiante de certaines atteintes muqueuses. Le risque est domine par la gravite potentielle de l’atteinte oculaire avec la possibilite de cCcitC [55]. La disulone constitue le traitement de premiere intention a la dose de 100 mg.kg -i.j -l. Cependant, elle n’est pas constamment efficace. La corticotherapie g&r&ale est reputee peu efficiente dans cette maladie. Dans les formes graves, notamment en cas d’atteinte oculaire, le traitement corticoi’de est complete par des immunosuppresseurs, en particulier I’endoxan, utilise soit de facon continue (0,5 a 2 mg.kg-i.j-i per OS), soit sous forme de bolus (500 mg a 1 g par voie intraveineuse toutes les 3 semaines). La corticotherapie locale trouve ses meilleures indications dans les formes cutanees pures en association avec la disulone. kpidermolyse
bulleuse acquise
Physiopathologie L’epidermolyse bulleuse acquise est une maladie bulleuse auto-immune de la jonction dermoepidermique
Figure 10. epidermolyse bulleuse acquise: mains, $ Cvolution atrophocicatricielle.
l&ions
bulleuses
des
caracterisee par la production d’autoanticorps diriges contre le collagtne VII, constituant des fibrilles d’ancrage du derme superficiel. 11 s’agit d’une maladie tres rare, environ quarante fois moins frequente que la pemphigoi’de bulleuse [41]. 11 a ttt recemment montre que la plupart des anticorps sont diriges contre des tpitopes situ& sur les domaines non collageniques du collagbne VII, qui sont situ& a l’extremite N-terminale de la molecule [59]. Les anticorps sont habituellement d’isotype IgGl et/au IgG4. Leur pouvoir pathogene est suggere par la possibilite d’induire des lesions immunohistologiques semblables a celles de la maladie humaine en injectant a des souriceaux des anticorps de malades atteints d’epidermolyse bulleuse acquise [60]. Diagnostic L’epidermolyse bulleuse acquise est une maladie qui touche surtout l’adulte bien que des cas pediatriques aient CtC decrits. Elle peut donner lieu a des tableaux cliniques assez variCs: la forme classique, qui touche surtout l’adulte entre 30 et 40 ans, se traduit par des lesions bulleuses reposant en peau saine, predominant aux zones de frottement sur les faces d’extension des membres (dos des mains, coudes, genoux, talons) (figure IO). Ces bulles sont souvent provoquees par des traumatismes minimes et cicatrisent de facon atrophique avec de nombreux grains de milium. Des dystrophies ungueales sont frequemment notees, de m&me qu’une atteinte des muqueuses buccale, pharyngolaryngee, cesophagienne ou conjonctivale qui peuvent faire toute la gravitt de la maladie, car elles guerissent au prix de lesions cicatricielles pouvant entrainer une &cite ou une St&nose cesophagienne. Des formes d’epidermolyse bulleuse acquise dites
Maladics
bulleuscs
(>touchant des sujets plus 2gCs (autour de 60 ans) sont Cgalement d&rites. Elles se traduisent par des lesions bulleuses reposant en peau urticarienne. Elles predominent sur le tronc ou la partie proximale des membres, simulant une pemphigoi’de bulleuse. Enfin, des formes ne comportant que des lesions du visage et du cuir chevelu, tres proches des lesions observees au tours de la pemphigoi‘de cicatricielle de Brunsting-Perry, sont Cgalement d&rites [61 I. L’examen histologique d’une bulle montre un decollement sous epidermique ne comportant qu’un faible infiltrat inflammatoire de polynucleaires neutrophiles. L’immunofluorescence directe montre des depots d’IgG et/au de C3 souvent granuleux le long de la jonction dermoepidermique. L’immunofluorescence directe sur peau stparee par le NaCl permet d’orienter le diagnostic en montrant des depots d’IgG et/au de C3 sur le plancher du decollement [43]. L’immunomicroscopie Clectronique directe montre des depots d’lgG sur les fibrilles d’ancrage du derme superficiel avec parfois un marquage de lame dense [58]. Des anticorps seriques marquant la jonction dermoepidermique sont retrouves en immunofluorescence indirecte dans 50 % des serums d’epidermolyse bulleuse acquise inflammatoire et beaucoup plus rarement dans les formes chroniques. Ces serums reconnaissent une bande de 290 kDa correspondant au collagene VII. Maladies associe’es, pronostic et traitement De tres nombreuses maladies ont CtC d&rites en association avec l’epidermolyse bulleuse acquise. La plupart de ces associations sont anecdotiques. Une maladie de Crohn doit cependant Ctre recherchee, en particulier dans les formes chroniques d’epidermolyse bulleuse acquise, qui s’associeraient a une enterocolopathie inflammatoire dans 70 % des cas [62]. L’association de l’epidermolyse bulleuse acquise a une polyarthrite rhumatoi’de ou a un lupus merite Cgalement d’etre signalee. Le traitement de l’epidermolyse bulleuse acquise est difficile, car la maladie est souvent corticoresistante. Dans les cas graves menacant le pronostic fonctionnel (atteinte oculaire) ou le pronostic vital (formes dissemitrees), la cyclosporine est souvent proposee. D’autres therapeutiques ont egalement a leur actif des succes plus ou moins anecdotiques : sulfasalazine, colchicine, perfusion d’immunoglobulines polyvalentes et, plus rtcemment, photochimiotherapie extracorporelle. Dermatite herpktiforme Physiopathologie La dermatite herpetiforme est la seule maladie bulleuse auto-immune dont les antigenes-cibles ne sont
auto-immunes
Figure Il. Dermatite herpktiforme : lesions discrktes A type de v&icobulle~ et d’krosions de petite tailie siegeant de fqon symCtrique sur la face d’extension des genoux.
pas identifies. Sa physiopathologie est peu Claire. Aucun anticorps circulant dirige contre un composant de la jonction dermoepidermique n’a pu, a ce jour, etre mis en evidence. 11 existe habituellement une hypersensibilite a la gliadine contenue dans le gluten, comme dans l’enteropathie qui lui est souvent associee. Diagnostic La dermatite herpetiforme est une maladie rare, survenant preferentiellement chez des sujets jeunes (20 a 40 ans). Elle debute habituellement par un prurit longtemps isole. Les lesions cutanees se manifestent par des vesicobulles reposant sur une base Crythemateuse ou urticarienne dont le regroupement herpttiforme en anneaux ou en mtdaillons est caracteristique. Les lesions siegent de facon symetrique sur les faces d’extension des membres (coudes, genoux) et sur les fesses (figwe 11). L’examen histologique d’une lesion montre des microabces a polynucleaires neutrophiles et Cosinophiles au sommet des papilles dermiques, realisant de microdecollements dermoepidermiques. L’examen en immunofluorescence directe montre un aspect caracteristique de depots granuleux d’IgA et de C3 au sommet des papilles. L’examen en immunomicroscopic electronique montre clue ces depots d’IgA sont situ& sous la membrane basale, dans le derme superficiel. L’immunofluorescence indirecte sur Cpiderme humain normal est negative. Des anticorps circulants antireticulines, antiendomysiums et antigliadines sont parfois retrouves. Les anticorps les plus specifiques seraient les anticorps antiendomysiums. La maladie s’associe quasi constamment a une atrophie villositaire du grele, qui est le plus souvent
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l’ampicilline,
le captopril,
le diclofenac
ou le lithium
1661. Diagnostic
Figure 12. Dermatose 21IgA lintaire prkdominant sur les organes ghitaux.
de I’enfant.
L&ions
bulleuses
asymptomatique. Une maladie cceliaque vraie avec signes de malabsorption est rarement mise en Cvidence. Une augmentation de frequence de l’haplotype HLA-B8-DR3 (80 % des cas) a CtC signalte [63].
Evolution, pronostic et traitement L’evolution de la maladie est chronique et se fait par pousdes, parfois provoquee par une ingestion excessive de gluten. Le risque Cvolutif majeur, mais rarissime, est represente par la survenue d’un lymphome du grele. Le traitement repose sur le regime sans gluten qui est cependant t&s contraignant et surtout sur la disulone. Le traitement est debut6 a la dose de 100 mg/j, puis diminue progressivement jusqu’a la dose minimale efficace. La recherche d’une methemoglobinemie et d’une anernie hemolytique sera regulierement pratiqde. Dermatose
ii IgA lidaire
Physiopathologie Les dermatoses a IgA lineaire regroupent un ensemble de maladies bulleuses auto-immunes sous-epidermiques qui sont definies par l’existence de depots lineaires d’IgA le long de la jonction dermoepidermique [64]. L’individualisation de cette entite est discutable et il n’est pas certain qu’il s’agisse d’une settle maladie, compte tenu de la variete des antigenescibles reconnus par les autoanticorps et des localisations t&s differentes de ces antigenes au sein de la jonction dermoepidermique 16.51. Certaines formes peuvent etre induites par des medicaments, notamment par la vancomycine. D’autres medicaments ont Cgalement CtC incrimines comme la penicilline G,
Deux formes cliniques sont actuellement individualisees : la forme infantile qui survient le plus souvent avant l’age de 5 ans. Les bulles, qui apparaissent en peau saine ou trythemateuse, prennent une disposition arciforme, caracteristique, realisant l’aspect dit <j. Les bulles touchent avec predilection les organes genitaux, le pubis, les plis inguinaux et, plus rarement, les regions ptribuccales et les membres (figure 12). Chez I’adulte, le tableau clinique est moins bien individualid, pouvant simuler une dermatite herpetiforme, une pemphigoi’de bulleuse ou une epidermolyse bulleuse acquise. Une atteinte des muqueuses est Cgalement possible, notamment buccales et genitales. L’examen histologique d’une bulle montre un decollement dermoepidermique associe a un infiltrat de polynucleaires Cosinophiles et neutrophiles. C’est l’immunofluorescence directe qui permet de faire le diagnostic en montrant des depots lineaires d’IgA le long de la jonction dermoepidermique. Ces depots d’IgA sont parfois associes a des depots d’IgG ou de C3. L’immunofluorescence directe sur peau clivee par le NaCl montre le plus souvent un marquage du versant Cpidermique du decollement. Des anticorps d’isotype IgA diriges contre la jonction dermoepidermique peuvent &tre mis en evidence par immunofluorescence indirecte dans la plupart des cas de dermatose a IgA lineaire de l’enfant, et moins frequemment chez l’adulte. L’examen des serums en immunotransfert montre typiquement des anticorps diriges contre une proteine de 97 kDa presente a la fois dans les extraits tpidermiques et dans les extraits dermiques. D’autres proteines sont parfois mises en evidence: proteines de 285 kDa, 255 kDa, antigbnes BPAGl, BPAG2, collagene VII. En immunomicroscopie Clectronique, la localisation ultrastructurale des depots d’IgA est Cgalement t&s variable : ces depots peuvent &tre situ& sur la lamina lucida, sous la lamina densa ou des deux c&es a la fois, realisant alors l’image dite <[67].
lbolution, pronostic et traitement Le traitement repose classiquement sur la disulone St la dose de 2 mg/kg/j chez l’enfant, et 100 mg/j chez l’adulte. Le traitement est habituellement efficace au bout de quelques jours, voire de quelques semaines. En cas d’echec, une corticotherapie g&&ale a la dose de 20 a 30 mg/j peut &tre indiqute. La recherche d’une enteropathie au gluten n’est pas necessaire. En cas de dermatose a IgA lineaire d’origine medicamenteuse, I’arret du medicament inducteur est le plus souvent suffisant ; un traitement par disulone, voire une corticotherapie g&&ale sont rarement necessaires.
Maladies
bulleuses
auto-immunes
CONCLUSION Les progres dam la comprehension de la physiopathologie des maladies bulleuses auto-immunes ont CtC considerables au tours de ces dernihes an&es. 11 est peu d’exemples de maladies auto-immunes dans lesquelles les antigenes-cibles aient ainsi CtC identifies. Les maladies bulleuses auto-immunes doivent &tre considerees comme resultant d’une rupture de tolerance plus ou moins large vis-a-vis d’un ou de plusieurs antigenes desmosomaux ou de la jonction dermoepidermique. De nombreuses formes de passage d’une maladie a I’autre sont actuellement d&rites. L’identification des proteines-cibles des autoanticorps a permis d’etudier leur role fonctionnel, en particulier dans l’adhesion dermoepidermique et dans l’adhesion interkeratinocytaire. Enfin, l’etude de ces maladies bulleuses auto-immunes a permis de faire le lien avec le groupe des Cpidermolyses bulleuses congenitales qui sont des maladies genetiques resultant de mutations des genes codant pour ces diverses proteines. Ainsi, il est actuellement bien ttabli que des mutations sur les genes de keratines sont en cause dans les epidermolyses bulleuses simples, et que des mutations des genes de la laminine 5 et de la proteine BPAG2 sont responsables de la plupart des Cpidermolyses bulleuses jonctionnelles. La recherche physiopathologique sur ces maladies a ainsi CtC capable de definir de nouvelles entites cliniques, d’approfondir nos connaissances sur la physiopathologie des maladies acquises ou congenitales de l’adhesion cellulaire, ainsi que sur les fonctions adhesives normales de la peau. RI?F~RENCES 1 Stanley JR. Pemphigus and pemphigoid as paradigms of organspecific, autoantibody mediated diseases. J Clin Invesr 1989 ; 83 : 1443-8 2 Anhalt GJ, Kim SC, Stanley JR, Korman NJ, Jabs DA, Kory M et al. Paraneoplastic pemphigus, an autoimmune mucocutaneous disease associated with neoplasia. N Engl J Med 1990 ; 323 : 1729-35 3 Degos T, Touraine R, Belaich S, Revuz J. Pemphigus chez un malade trait& par penicillamine pour maladie de Wilson. Bull Sot Fr Dermatol Syph 1969 ; 76 : 75 1-53 4 Kaplan RP, Callen JP. Pemphigus associated diseases and induced pemphigus. Clin Dermatol 1983 ; 1 : 42-71 5 Katz RA, Hood AF, Anahlt GJ. Pemphigus-like eruption from captopril. Arch Dermatol 1987 ; 123 : 20-l 6 Brennen S, Bialy-Golan A, Anhalt GJ. Recognition of pemphigus antigens in drug-induced pemphigus vulgaris and pemphigus foliateus. JAm Aeud Dermatol 1997 ; 36 : 919-23 7 Martin RL, McSweeney GW, Schneider J. Fatal pemphigus vulgaris in a patient taking piroxicam. N Eql J Med 1983 ; 309 : 795-6 8 Simon DG, Krutchkoff D, Kaslow RA, Zarbo R. Pemphigus in Hartford Country, Connecticut from 1972 to 1977. Arch Dermatof 1980 ; 116 : 1035-7 9 Moraes JR, Moraes ME, Fernandez-Vina M, Diaz LA, Fried-
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