Maladies bulleuses acquises de la muqueuse buccale

Maladies bulleuses acquises de la muqueuse buccale

Rev. Stomatol. Chir. Maxillofac., 2005; 106, 5, 287-297 © Masson, Paris, 2005. MISE AU POINT Maladies bulleuses acquises de la muqueuse buccale L. V...

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Rev. Stomatol. Chir. Maxillofac., 2005; 106, 5, 287-297 © Masson, Paris, 2005.

MISE AU POINT

Maladies bulleuses acquises de la muqueuse buccale L. Vaillant (1), B. Hüttenberger (2) (1) Service de Dermatologie (Pr G. Lorette) et Consultation de Dermatologie Buccale, (2) Service de Stomatologie et de Chirurgie Maxillo-Faciale (Pr D. Goga) et Consultation de Dermatologie Buccale, Université François Rabelais de Tours ; Hôpital Trousseau, CHRU, 37044 Tours Cedex. Tirés à part : L. Vaillant, à l’adresse ci-dessus. E-mail : [email protected]

Acquired bullous diseases of the oral mucosa L. Vaillant, B. Hüttenberger Rev Stomatol Chir Maxillofac, 2005 ; 106, 5 : 287-297 Bullous diseases of the oral cavity cause painful erosion. They must be distinguished from aphthae and vesicles which may have a similar presentation. Acute, chronic and congenital conditions are recognized. Acute lesions may involve a polymorphous oral erhythema which has an polymorphous erythematous presentation or toxidermia (Stevens-Johnson syndrome, Lyell syndrome, fixed pigmented erythema). Examination of the skin and history taking are the keys to diagnosis. Patients with chronic bullous diseases may have a congenital condition (bullous epidermolysis or lymphangioma) suggested by the age at onset and the clinical presentation. Acquired chronic bullous diseases include lichen planus and autoimmune bullous diseases. Careful examination is essential to identify mucosal or cutaneous involvement and to obtain a biopsy for histological examination. Search for antibodies deposited in the perilesional mucosa is necessary. Chronic erosive gingivitis is a frequent presentation. Most of the patients have cicatricial pemphigoid,lichen planus, and more rarely pemphigus. The pinch sign is highly discriminative to differentiate the cause of this syndrome. Symptomatic treatment of bullous lesions of the oral cavity include adapted diet and correct and early use of antalgesics.

Keywords: Cicatricial pemphigoid, Pemphigus, Erythema multiforme, Cutaneous drug reaction, Lichen planus, Angina bullosa haemorrhagica, Bullous diseases, Oral mucosa. Maladies bulleuses acquises de la muqueuse buccale Les maladies bulleuses de la cavité buccale sont responsables de lésions érosives douloureuses. Celles-ci doivent être distinguées des aphtes et des vésicules avec lesquelles elles sont souvent confondues. On distingue les maladies bulleuses aiguës, chroniques ou congénitales. En cas de lésions aiguës il peut s’agir du syndrome « érythème polymorphe buccal » qui est un aspect clinique commun à l’érythème polymorphe et à des toxidermies (syndrome de Stevens-Johnson, syndrome de Lyell et érythème pigmenté fixe). L’examen cutané et l’anamnèse sont les clés du diagnostic. En cas de maladies bulleuses chroniques il peut s’agir de maladies congénitales (épidermolyses bulleuses ou lymphangiome) facilement suspectées sur l’âge de survenue et la clinique. Les maladies bulleuses chroniques acquises sont le lichen plan et les maladies bulleuses auto-immunes. Il est indispensable de rechercher une autre atteinte muqueuse ou cutanée, de biopsier pour examen histologique et recherche d’anticorps déposés sur la muqueuse périlésionnelle. Le syndrome gingivite érosive chronique est un aspect clinique fréquent dont les causes principales sont la pemphigoïde cicatricielle, le lichen et plus rarement le pemphigus. Le signe de la pince est un signe clinique très discriminant pour différencier la cause de ce syndrome. Le traitement symptomatique des lésions bulleuses buccales inclut une alimentation adaptée et surtout l’utilisation adaptée et précoce des antalgiques.

Mots-clés : Pemphigoïde cicatricielle, Pemphigus, Érythème polymorphe, Toxidermies, Lichen, Angine bulleuse hémorragique, Maladies bulleuses, Muqueuse buccale.

Une bulle est une collection liquidienne superficielle à contenu clair ou sérohématique de plus de 5 millimètres de diamètre. Les maladies bulleuses de la cavité buccale sont de causes variées [1]. Elles sont souvent accompagnées d’une atteinte cutanée, et parfois d’autres muqueuses, atteintes qu’il faut rechercher systématiquement. Toutes les maladies bulleuses de la cavité buccale peuvent entraîner des douleurs, une gêne à l’alimentation et une surinfection. Pour éviter une dénutrition, une prise en charge symptomatique de toute maladie bulleuse est impérative.

RECONNAÎTRE UNE MALADIE BULLEUSE DE LA CAVITÉ BUCCALE En bouche, il est rare de voir des bulles car elles font rapidement place à des érosions. Il faut donc savoir évoquer une maladie bulleuse devant une érosion post-bulleuse caractéristique par sa forme arrondie, ou bien limitée par une collerette épithéliale périphérique, ou encore devant un vaste décollement épithélial. Devant une érosion de la muqueuse buccale il faut distinguer une maladie bulleuse d’une maladie vésiculeuse. Dans ce dernier cas les vésicules sont le plus souvent absentes mais les érosions sont de petite taille (1 à 3 mm de diamètre). En pratique médicale courante l’existence de lésions uniquement vésiculeuses oriente vers une

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maladie virale. Une érosion post-bulleuse est souvent confondue avec des aphtes. Ceux-ci sont parfois précédés d’une vésicule très éphémère mais la lésion élémentaire de l’aphte est différente d’une érosion post-bulleuse [2]. En effet il s’agit d’une ulcération superficielle à fond jaunâtre entourée d’un liséré inflammatoire rouge vif, arrondi ou ovalaire. Un lymphangiome superficiel peut réaliser un aspect pseudo-bulleux ou pseudo-vésiculeux. Il réalise de petites cavités groupées remplies d’une sérosité claire ou hémorragique localisée généralement sous la langue. L’association habituelle à un lymphangiome kystique et sa chronicité permet de faire le diagnostic. La démarche diagnostique [1] consiste à reconnaître une épidermolyse bulleuse sur son caractère congénital et/ou héréditaire. Puis la conduite à tenir dépendra du caractère aigu ou chronique de la maladie bulleuse buccale (fig. 1). L’interrogatoire précise les antécédents familiaux de maladie bulleuse et l’âge de début. L’examen recherche la topographie des lésions par un examen complet de la muqueuse buccale et l’existence de bulles par un examen complet de la peau et de toutes les muqueuses externes (œil, organes génitaux…). Enfin, il faut préciser le mode d’apparition des bulles et des lésions associées : aiguës, progressives, par poussées. Le mode évolutif (aigu ou chronique) doit également être précisé.

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En dehors de l’angine bulleuse hémorragique et des traumatismes de guérison rapide et spontanée, une poussée de bulles buccales fait évoquer un « érythème polymorphe buccal » ou le début d’une maladie bulleuse chronique. La gravité des lésions et/ou l’association à des bulles cutanées impose l’hospitalisation.

« L’érythème polymorphe buccal » L’aspect clinique d’« érythème polymorphe buccal » est un syndrome qui correspond à 3 maladies différentes [1] : l’érythème polymorphe, le syndrome de Stevens-Johnson et l’érythème pigmenté fixe. L’aspect clinique des lésions

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Figure 1 : Arbre diagnostic devant une bulle buccale.

intra-buccales est identique dans ces 3 maladies dont seul l’aspect cutané permet de les différencier. L’atteinte buccale est habituelle dans le syndrome de Lyell, très fréquente dans le syndrome de Stevens-Johnson (90 %) et facultative dans l’érythème polymorphe. Le syndrome clinique « érythème polymorphe buccal » Les lésions (fig. 2) sont le plus souvent des érosions recouvertes de pseudo-membranes, plus rarement des lésions érythémateuses, des vésicules ou des bulles [3]. Le plus souvent il s’agit d’érosions ou d’ulcérations recouvertes d’enduit pseudo-membraneux. Elles peuvent réaliser des lambeaux blanchâtres de muqueuse nécrotique. L’extension des lésions peut être modérée, parfois très importante nécessitant une hospitalisation, car empêchant toute alimentation. Les lésions prédominent plus fréquemment à la partie antérieure de la muqueuse buccale. L’association à une chéilite érosive et hémorragique est habituelle. Les lésions de la muqueuse buccale observées dans le syndrome de Stevens-Johnson sont absolument identiques cliniquement et histologiquement à celles de l’érythème polymorphe. L’ectodermose érosive pluri-orificielle, le syndrome de Fiesinger et Rendu, la stomatite de Baader sont les synonymes du syndrome clinique « érythème polymorphe buccal » lorsque les lésions buccales sont au premier plan. Un « érythème polymorphe » à localisation buccale exclusive a déjà été rapporté. La sur-

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Figure 2 : a et b) « Érythème polymorphe buccal » : atteinte de la muqueuse buccale et des lèvres.

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venue de bulles cutanées dans les heures qui suivent doit faire craindre un syndrome de Lyell et impose l’hospitalisation en urgence (le pronostic vital est mis en jeu). L’érythème polymorphe Bien que des formes exclusivement buccales existent, l’érythème polymorphe associe le plus souvent des lésions cutanées typiques qui permettent de faire le diagnostic. Il s’agit de lésions en cocarde (formées d’une papule érythémateuse avec au centre une lésion bulleuse ou nécrotique et en périphérique un halo rosé). Ces lésions en cocarde peuvent être associées à d’autres lésions moins typiques (macules ou papules érythémateuses). La disposition des lésions est acrale avec atteinte préférentielle des extrémités et du visage respectant le plus souvent le tronc [4]. Les lésions buccales guérissent le plus souvent en 1 à 2 semaines. La cause la plus fréquente d’érythème polymorphe est l’herpès. Il faut donc rechercher à l’anamnèse la précession

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des lésions buccales par un herpès labial récurrent. Des récidives d’érythème polymorphe sont parfois observées : elles sont dues à un herpès récurrent, parfois passé inaperçu (fig. 3). Au cours de l’érythème polymorphe récidivant, les poussées successives peuvent être marquées tantôt par une grande éruption cutanéomuqueuse, tantôt seulement par quelques bulles endobuccales. Il n’existe pas de traitement curatif reconnu de l’érythème polymorphe. Les corticoïdes par voie générale et la thalidomide ont été proposés. Des poussées récidivantes d’érythème polymorphe justifient un traitement préventif au long cours par aciclovir ou valaciclovir, si elles sont fréquentes (plus de 3 par an) et/ou si elles diminuent la qualité de vie. Syndrome de Stevens-Johnson et syndrome de Lyell Certains syndromes de Stevens-Johnson n’intéressent que les muqueuses et les zones périorificielles (ectodermose érosive pluriorificielle de Fiessinger et Rendu), voire

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Figure 3 : a et b) Érythème polymorphe postherpétique.

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Figure 4 : a et b) Syndrome de Stevens-Johnson.

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Figure 5 : a et b) Érythème pigmenté fixe : atteinte limitée aux muqueuses buccale et génitale.

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la muqueuse buccale et labiale. Les lésions cutanées sont disséminées et souvent étendues. Ce sont des macules érythémateuses (fig. 4) ; elles confluent en nappes associées à des bulles ou des décollements bulleux extensifs avec signe de Nikolsky (décollement cutané induit par le frottement) [4]. Lorsque les lésions cutanées sont discrètes et les lésions muqueuses au premier plan, la distinction peut être difficile avec un érythème polymorphe ou un érythème pigmenté fixe. Cette distinction est pourtant primordiale car le syndrome de Stevens-Johnson et le syndrome de Lyell sont une même maladie avec des risques évolutifs similaires [5]. La mortalité du syndrome de Lyell est de 30 %, celle du syndrome de Stevens-Johnson est < 5 %. La seule différence entre ces 2 syndromes est l’étendue de l’atteinte cutanée : plus de 30 % dans le syndrome de Lyell et moins de 10 % dans le syndrome de Stevens-Johnson. Les lésions guérissent en 2 à 6 semaines. Les causes sont médicamenteuses [5]. Ce sont habituellement les médicaments pris 7 à 21 jours avant l’érosion qui sont le plus imputables. En pratique, ce sont souvent des sulfamides antibactériens, des anticonvulsivants, des anti-inflammatoires non stéroidiens de la famille des oxicams. Les causes infectieuses sont possibles mais rares (mycoplasma pneumoniae…). En revanche l’herpès n’est pas associé à un syndrome de Stevens-Johnson [6]. Le traitement est symptomatique. La précocité de l’arrêt du médicament améliore le pronostic vital.

Erythème pigmenté fixe L’érythème pigmenté fixe est la seule dermatose qui soit toujours d’origine médicamenteuse. L’érythème pigmenté fixe peut simuler cliniquement et histologiquement une ectodermose érosive ou ne consister qu’en une ou plusieurs bulles buccales récidivant toujours au même endroit (sans laisser de traces pigmentées). En cas de localisation buccale les lésions sont identiques à celles de l’érythème polymorphe ou du syndrome de Stevens-Johnson avec atteinte de la muqueuse buccale et des lèvres. Les lésions buccales peuvent être isolées ou associées à des lésions muqueuses génitales ou cutanées (fig. 5). L’atteinte cutanée permet de faire le diagnostic devant une plaque érythémateuse et bulleuse laissant une pigmentation séquellaire définitive. Les lésions apparaissent dans les 48 heures suivant l’ingestion du médicament inducteur [7]. En cas d’atteinte buccale prédominante, les sulfamides antibactériens et les cyclines sont souvent en cause ; mais il faut aussi rechercher des médicaments d’automédication (antalgiques…).

L’angine bulleuse hémorragique Cette maladie est responsable de décollements hémorragiques ou de bulles de grande taille à contenu hématique (fig. 6) qui ne sont dues ni à une maladie hématologique, ni à une maladie auto-immune ou systémique, ni à une

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Figure 6 : a et b) Angine bulleuse hémorragique : atteinte du palais et examen histologique.

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maladie infectieuse [8]. Contrairement à son nom, ces bulles peuvent siéger n’importe où dans la cavité buccale. Les bulles sont révélées par une douleur modérée sans signe extra-muqueux, ni syndrome général. La guérison des lésions est obtenue en moins d’une semaine, sans cicatrice, mais la récidive est fréquente. Le diagnostic d’angine bulleuse hémorragique est un diagnostic d’exclusion. En cas de récidive, il faut éliminer les anomalies de l’hémostase ou une maladie bulleuse chronique en particulier auto-immune. La cause de cette maladie est inconnue, probablement multifactorielle. Des facteurs dentaires ou traumatiques sont parfois en cause ; on a incriminé le rôle des corticoïdes ou une fragilité de la muqueuse buccale.

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Tableau I Antigènes cibles des pemphigus vulgaire (PV), paranéoplasique (PPN) et superficiel (PS). Antigènes

Poids moléculaire

PV

desmogléine 3

130 kD

desmosome extracellulaire

PPN

desmoplakine

190 kD

desmosome intra et extracellulaire

PS

desmogléine 1

165 kD

desmosome extracellulaire

Maladies de l’antigène

Localisation

Les bulles d’origine traumatique Un traumatisme physique (brûlure, traumatisme après morsure) ou chimique (agent caustique contenu dans les dentifrices tels le lauryle sulfate de sodium, détergent anionique, médicament pris de façon incorrecte tel l’aspirine gardée en bouche). Ces bulles d’origine traumatique sont parfois hématiques et sont responsables d’érosions superficielles. Le diagnostic est fait sur l’anamnèse. Il est confirmé par la suppression de l’agent causal permettant une guérison des lésions en 4 à 6 jours. Une cause favorisant le traumatisme doit être cherchée : fragilité de la muqueuse par exemple due à une xérostomie, troubles des fonctions supérieures…

MALADIES BULLEUSES BUCCALES CHRONIQUES ET ACQUISES La pathogénie de ces maladies est d’origine immunitaire. L’origine du lichen plan est encore mal comprise : il s’agit d’une maladie inflammatoire qui pourrait être déclenchée par une auto-immunisation contre un antigène épithélial avec une réaction immunitaire médiée par les lymphocytes. En revanche la pathogénie du pemphigus et des pemphigoïdes est bien comprise : ces maladies sont le paradigme des maladies auto-immunes par auto-anticorps. On a démontré la pathogénicité des anticorps sur des modèles animaux, avec reproduction des lésions cliniques par transfert passif des auto-anticorps. On a maintenant isolé les antigènes cibles des auto-anticorps ainsi que la localisation précise des épitopes en cause (tableaux I et II). Les dermatoses bulleuses auto-immunes sont des maladies des systèmes d’adhésion (interkératinocytaire pour le pemphigus, entre le kératinocyte et la membrane basale pour les pemphigoïdes).

Le lichen plan Le lichen plan buccal est une maladie inflammatoire chronique très fréquente dont la prévalence est autour de 0,5 % dans la population générale [9]. Dans moins de

Tableau II Antigènes cibles des pemphigoïdes (pemphigoïde bulleuse PB, pemphigoïde cicatricielle PC, épidermolyse bulleuse acquise EBA, et lupus bulleux). Maladies de l’antigène

Antigènes

Poids moléculaire

Localisation

PC

PB2 laminine 5

180 kD

lamina lucida lamina densa

PB

PB1 PB2

230 kD 180 kD

lamina lucida lamina lucida

EBA

collagène VII

290 kD

sous lamina densa

Lupus Bulleux

collagène VII

290 kD

sous lamina densa

10 % des cas, un lichen plan buccal peut être bulleux ou érosif. En bouche les lésions bulleuses sont transitoires et laissent rapidement place à des érosions douloureuses. La localisation la plus fréquente est postérieure (en arrière de la 2e molaire) ; une atteinte des lèvres et de la gencive est possible. Cette dernière localisation peut être isolée : le lichen plan est une des causes du syndrome gingivite érosive. Le lichen plan érosif se manifeste soit par des lésions érosives associées à des lésions blanches leucokératosiques (fig. 7), parfois typique de lichen avec un aspect réticulé. Dans d’autres cas il se manifeste simplement sous la forme d’érosions. Dans tous les cas cliniquement douteux il faut faire un examen histologique pour prouver le lichen plan. S’il s’agit d’un lichen plan buccal érosif isolé, une cause médicamenteuse est retrouvée dans 30 % des cas. Les médicaments les plus fréquemment en cause sont regroupés dans le tableau III. Les mercuriels présents dans les amalgames sont parfois responsables d’un lichen plan érosif buccal. Dans une étude récente [10], 97 % des patients étaient améliorés et près de 30 % guéris après l’ablation des amalgames. Cela peut justifier de rechercher une allergie de contact aux mercuriels par test épicu-

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lial spécifique des épithéliums stratifiés et une bonne réponse thérapeutique aux antipaludéens de synthèse [17].

La pemphigoïde cicatricielle

Figure 7 : Lichen érosif et leucokératosique.

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tané en dermato-allergologie. La guérison du lichen par le retrait des amalgames est d’autant plus fréquente que la langue est atteinte, que le test épicutané est positif ; en revanche il n’y a pas de guérison en cas d’atteinte cutanée concomitante. L’association d’un lichen plan érosif avec une hépatite C a été rapportée, en particulier dans les formes érosives, avec une fréquence pouvant aller jusqu’à 29 % [11]. Les formes érosives de lichen plan sont, avec les formes atrophiques, les plus à risque de transformation en carcinome [12]. Le traitement de première intention est la corticothérapie locale (préparation magistrale à base de Diprolène® pommade dans un excipient type Orabase®, ou en gouttières) dont l’efficacité est démontrée [13], qui semble aussi efficace que la corticothérapie par voie générale à 50 mg/jour [14]. Le Soriatane®, le thalidomide sont des traitements de seconde intention [15]. La Disulone® et le tacrolimus en topique ont été essayés avec succès [16]. La stomatite ulcéreuse chronique est une entité récemment décrite proche du lichen plan. Elle se caractérise par des ulcérations chroniques de la muqueuse buccale, des auto-anticorps circulants dirigés contre un antigène épithé-

C’est la dermatose bulleuse auto-immune qui est le plus souvent responsable de lésions buccales [18] ; celles-ci sont fréquemment révélatrices de la maladie qui peut rester isolée à la bouche. La pemphigoïde cicatricielle se caractérise par l’atteinte préférentielle des muqueuses avec une évolution cicatricielle et synéchiante [19]. La gravité de cette maladie est liée à l’atteinte oculaire responsable de cécité. Les lésions buccales se manifestent le plus souvent par une gingivite érosive associée ou non à des bulles ou des érosions du palais. Le diagnostic clinique se fait sur le signe de la pince [20] : la pince détache l’épithélium en périphérie des érosions gingivales en très larges lambeaux (fig. 8). Le diagnostic de certitude est fait par la démonstration de la présence d’anticorps le long de la jonction chorioépithéliale soit par une immunofluorescence directe, soit par immunomicroscopie électronique directe (fig. 9). La présence d’anticorps circulants est détectée par des techniques d’immunotransfert ou par technique d’immunofluorescence sur peau clivée. Il s’agit d’une maladie du filament d’ancrage qui est fonctionnellement détruit par la réaction antigène-anticorps. L’antigène cible est localisé à la jonction de la lamina lucida et de la lamina densa. C’est le plus souvent un épitope extracellulaire de l’antigène BP2 ; parfois il s’agit d’une portion de la laminine 5 de même localisation. Dans tous les cas la fonction d’adhésion du filament d’ancrage sur la lame basale disparaît. L’examen clinique doit chercher une atteinte extra-buccale, muqueuse et cutanée (fig. 10). La présence d’une atteinte oculaire conditionne le traitement [21]. En cas d’atteinte buccale isolée le traitement de première intention est la Disulone (100 mg/j) associé aux corticoïdes topiques (Diprolène® ou Dermoval® dans Orabase® en quantités égales). En cas d’atteinte oculaire le recours aux immunosuppresseurs est impératif (surtout cyclophosphamide) avec l’objectif d’obtenir une lymphopénie entre 500 et 1000.

Le pemphigus Tableau III Causes médicamenteuses du lichen plan buccal. • Sels d’or, D. Pénicillamine • Mercuriels (amalgames dentaires) • Béta Bloqueurs, Quinidine • Diurétiques (spironolactone, furosémide) • Sulfamides • Inhibiteurs de l’Enzyme de Conversion

Le pemphigus vulgaire est une dermatose bulleuse autoimmune intra-épidermique. Des lésions buccales révèlent dans plus de la moitié des cas un pemphigus vulgaire [19]. Ils sont souvent pris initialement pour des aphtes ou une atteinte herpétique. Des érosions buccales chroniques (durant plus d’un mois) et idiopathiques imposent donc la recherche d’un pemphigus par une biopsie avec examen histologique et recherche d’anticorps par immunofluorescence directe. Cliniquement, il s’agit de lésions éclatées irrégulières qui peuvent siéger dans toute la muqueuse buccale (fig. 11) en particulier le palais [22]. L’examen

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Figure 8 : Pemphigoïde cicatricielle. a) Signe de la pince. b) Clivage chorio-épithélial à l’histologie.

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Figure 9 : Pemphigoïdes en immunomicroscopie électronique. a) Pemphigoïde bulleuse. b) Pemphigoïde cicatricielle.

recherche une atteinte extra-buccale essentiellement cutanée mais qui survient habituellement dans les 3 à 6 mois suivant la première lésion buccale. Le diagnostic est confirmé par l’histologie avec présence d’une bulle intra-épithéliale contenant des cellules acantholytiques (fig. 12) et en immunofluorescence directe la présence de dépôts intercellulaires dans l’épithélium d’IgG ou de C3 lui donnant un aspect en résille (fig. 13). L’antigène cible est la desmogléine 3, une protéine du desmosome [19]. L’atteinte buccale du pemphigus vulgaire est expliquée par la persistance du système d’adhésion de la desmogléine 1 qui est le système majeur d’adhésion desmosomale de la partie superficielle de la peau, alors qu’il est accessoire dans la muqueuse buccale. Lorsque la maladie persiste le phénomène d’extension immunitaire est à l’origine de l’apparition d’anticorps antidesmogléine 1 qui

aggrave les lésions buccales et entraîne des lésions cutanées. Le traitement est habituellement la corticothérapie générale à fortes doses en cas d’atteinte cutanée associée (1 à 1,5 mg/kg/j d’équivalent de prednisone) à doses plus faibles éventuellement associées à des traitements adjuvants (type immunosuppresseurs) en cas d’atteinte uniquement buccale [21]. Le Rituximab®, qui détruit spécifiquement les B lymphocytes, est en cours d’évaluation ; plusieurs cas cliniques ont rapporté une efficacité durable dans des formes corticorésistantes. Le pemphigus paranéoplasique [23] est une forme particulière de pemphigus, souvent mortelle, associé à une leucémie, un lymphome ou une maladie de Castleman (chez l’enfant). Cliniquement les lésions buccales évoquent un érythème polymorphe (érosions buccales diffuses, chéilite croûteuse ou hémorragique et atteinte des autres

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Figure 10 : Pemphigoïde cicatricielle. a) Atteinte de la gencive. b) Atteinte du palais dur. c) Atteinte oculaire. d) Atteinte du gland. e) Atteinte vulvaire.

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muqueuses). L’atteinte cutanée est souvent atypique (à type de pemphigoïde ou de lichen, avec des pustules…). Le diagnostic est clinique et immunologique [24] (IFD positive avec présence d’auto-anticorps dépistés sur épithélium de vessie) (tableau IV). Les antigènes cibles sont multiples, expliquant la gravité de cette forme de pemphigus. Les corticoïdes sont inconstamment efficaces.

Le syndrome gingivite érosive Les érosions ou ulcérations chroniques de la gencive prennent un aspect particulier, appelé gingivite érosive chroni-

Figure 11 : Pemphigus vulgaire.

que. Il s’agit d’une inflammation chronique diffuse de la gencive marginale caractérisée par une érosion des papilles interdentaires et de la gencive adjacente [20]. Le terme de « gingivite érosive chronique » de la littérature francophone correspond au terme « desquamative gingivitis » de la littérature anglosaxone. Avec l’apparition des études en immunofluorescence la fréquence des dermatoses bulleuses auto-immunes a pu être montrée (tableau V) [20, 25-27]. Ainsi on peut affirmer que plus de 8 gingivites érosives chroniques sur 10 sont dues à une pemphigoïde cicatricielle ou à un lichen plan. Le lichen plan érosif s’accompagne parfois de lésions vulvaires et vaginales : c’est le syndrome vulvo-vagino-gingival (fig. 14). Un syndrome identique a été rapporté chez l’homme sous le nom de syndrome pénogingival. Au moins 20 % des patientes ayant un lichen plan gingival ont une atteinte vulvaire ou vaginale, et 50 à 90 % des patients ayant un lichen érosif vulvaire ont une atteinte buccale, surtout gingivale [20, 28, 29]. Un aspect cicatriciel ou des adhérences (assez semblables à celles observées dans la pemphigoïde cicatricielle) sont trouvés à l’examen du quart des patientes ayant ce syndrome. Dans la pemphigoïde cicatricielle et le pemphigus l’atteinte génitale est fréquente (30 à 40 %). Aussi l’aspect clinique peut être très voisin : une gingivite érosive chronique doit être considérée comme un syndrome de causes différentes, toutes pouvant toucher d’autres muqueuses. Les difficultés diagnostiques du syndrome gingivite érosive sont prouvées par le retard diagnostique observé (3 mois dans le pemphigus, mais 19 mois dans la pem-

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Figure 12 : a et b) Pemphigus vulgaire : acantholyse, cellules acantholytiques, bulle.

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Tableau IV Critères diagnostiques du pemphigus paranéoplasique (PPN) d’après Camisa et al., 1992. Critères majeurs : — Éruption cutanéo-muqueuse polymorphe — Néoplasie associée — Complexe antigènique caractéristique en immunoprécipitation (250, 230, 210, 190 kD) Critères mineurs : — Marquage cytoplasmique de l’épithélium de vessie de rat en IFI Spécificité = 98 % ; Sensibilité = 75 %

Figure 13 : Pemphigus : immunofluorescence directe positive en IgG.

phigoïde cicatricielle). Dans la bouche, l’immunofluorescence directe est parfois négative pour la pemphigoïde cicatricielle, et les anticorps circulants sont négatifs, y compris dans le pemphigus au début de la maladie. Ceci rend le diagnostic difficile quand la maladie est uniquement buccale (un quart des cas). Cliniquement, le signe de la pince est un bon test pour aider au diagnostic de pemphigoïde cicatricielle [20]. Le signe de la pince (fig. 8) consiste à détacher avec une pince un lambeau d’épithélium en périphérie d’une érosion gingivale. S’il s’agit d’une pemphigoïde cicatricielle, on peut détacher un lambeau d’épithélium gingival de plus de 1 cm de long ; le signe de la pince est positif. En revanche, s’il s’agit d’un lichen, l’épithélium en zone péri-érosive ne peut pas être détaché avec la pince. En cas de pemphigus, il est

— Dépôts d’IgG et de C3 dans les espaces intercellulaires et le long de la membrane basale en IFD — Acantholyse sur une biopsie d’au moins un des sites atteints Diagnostic de PPN si les 3 critères majeurs sont présents ou s’il existe 2 critères majeurs et au moins 2 critères mineurs.

parfois possible de détacher des fragments d’épithélium de très petite taille. Dans notre série [20], le signe de la pince n’a été observé que dans la pemphigoïde cicatricielle et a été présent dans 12 cas sur 13. On peut donc évaluer dans notre série la spécificité de ce signe à 100 % et sa sensibilité à 93 %. Compte tenu d’une prévalence de 40 % de la pemphigoïde cicatricielle dans le syndrome gingivite érosive, cela donne une valeur prédictive positive au signe de la pince de 100 % et une valeur prédictive négative de ce signe de 93 %. En revanche, la

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L. Vaillant, B. Hüttenberger

Rev. Stomatol. Chir. Maxillofac.

Tableau V Causes du syndrome gingivite érosive chronique. PC

P

LP

Autres

n

Rogers (1982)

88

5

2

-

41

Markopoulos (1996)

45

6

45

-

49

Yih (1999)

40

4

42

5

72

Vaillant (2000)

40

15

42

3

39

PC : Pemphigoïde cicatricielle (en %), P : Pemphigus (en %), LP : Lichen Plan (en %), n : nombre de malades de la série.

présence de synéchies génitales souvent présentes au cours du lichen plan (25 % des lichens plans avec gingivite érosive, et 60 % des syndromes vulvo-vagino-gingivaux dans notre étude) n’est pas discriminante puisque, dans la pemphigoïde cicatricielle, elles ont été observées dans 15 % des cas. Dans les études à recrutement gynéco-dermatologique, la fréquence des synéchies génitales dans le syndrome vulvo-vagino-gingival est de 23 % [27] à 32 % [29]. Le traitement symptomatique de première intention est la corticothérapie locale (Diprolène® ou Dermoval® dans Orabase® en quantités égales) ; il doit être associé au traitement étiologique. 296

TRAITEMENT SYMPTOMATIQUE DES LÉSIONS BULLEUSES L’alimentation En raison des douleurs dues aux érosions post bulleuses, l’alimentation est toujours gênée dans les maladies bulleuses et rendue parfois impossible. Il faut éviter les aliments irritants (épices, agrumes…) ainsi que les boissons gazeuses. Une alimentation semi liquide (froide ou glacée) doit être préférée. En cas d’impossibilité d’alimentation, une supplémentation nutritionnelle avec hydratation doit être prescrite. Les aliments diététiques riches en calories (type Fortimel®) sont souvent utilisés.

L’infection Du fait des lésions érosives, l’infection est plus fréquente. Il faut dépister une surinfection candidosique et la traiter par des topiques locaux (Daktarin gel®) ou par voie générale (Triflucan®). Si l’hygiène dentaire et le rinçage à l’eau pour éliminer les débris fibrineux sont bien faits, la surinfection bactérienne est rare. Un traitement par bains de bouche antiseptiques est habituellement utilisé (Eludril®) à

Figure 14 : Lichen vulvo-vagino-gingival : aspect de gingivite érosive.

condition d’être dilués. L’efficacité n’est pas clairement démontrée. En cas de maladie bulleuse chronique, la plaque dentaire peut aggraver les lésions. L’hygiène dentaire comprend le brossage des dents après chaque repas éventuellement avec des brosses souples à usage « chirurgical ». Un détartrage est nécessaire même s’il aggrave transitoirement les lésions par traumatisme physique.

La douleur Pour favoriser l’alimentation, l’utilisation d’anesthésiques locaux type xylocaïne visqueuse est préconisée avant le repas. Ces anesthésiques sont appliqués directement avec le doigt ou le coton tige sur les lésions, en évitant d’anesthésier la partie postérieure pour éviter les fausses routes. Le recours aux antalgiques est habituellement nécessaire et doit être adapté à l’importance des douleurs. Dans les érosions bulleuses aiguës et sévères le recours aux opiacés est souvent nécessaire.

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