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ScienceDirect www.sciencedirect.com Revue française d’allergologie 55 (2015) 160–162
L’esthétique et le paraître : ongles et cheveux The aesthetics and the look: Nail and hair N. Raison-Peyron Service de dermatologie UF d’allergologie, hôpital Saint-Eloi, CHU de Montpellier, 34295 Montpellier cedex 5, France Rec¸u le 18 janvier 2015 ; accepté le 19 janvier 2015 Disponible sur Internet le 26 f´evrier 2015
Mots clés : Soins des cheveux ; Produits pour les ongles ; Dermatite de contact ; Effets indésirables ; Esthétique Keywords: Hair care products; Nail products; Contact dermatitis; Side effects; Aesthetics
De tout temps, les cheveux et les ongles ont été l’objet d’attention particulière. Les soins portés à la chevelure sont bien sûr en lien avec une bonne hygiène notamment par l’utilisation des shampooings. Mais la grande majorité de ces soins sont d’ordre esthétique comme par exemple les colorations capillaires, l’application de vernis à ongles ou la pose de faux-ongles. L’engouement des soins à visée esthétique va de pair avec l’augmentation des effets secondaires notamment les allergies cutanées. Par ailleurs, il est noté ces dernières années que de plus en plus de jeunes appliquent ces produits. Ainsi l’âge de la première coloration capillaire se situe autour de 15 ans, qui n’est pas la période habituelle de l’apparition des premiers cheveux blancs. De même, les hommes utilisent de plus en plus les colorations capillaires. Les soins ongulaires connaissent un essor spectaculaire avec le développement du nail art, de la « French manucure » ou la pose de faux-ongles. Les professionnels de la coiffure et de l’onglerie sont également exposés à des allergènes dont certains sont connus pour être fortement allergisants ou irritants. 1. Les produits capillaires 1.1. Les allergies cutanées aux produits capillaires Ce sont dans l’immense majorité des cas des eczémas de contact. Chez les consommateurs, les localisations les plus fréquentes sont le visage, le cou et le cuir chevelu. Les eczémas de
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contact aux shampooings peuvent parfois revêtir un aspect trompeur : dermite séborrhéique, psoriasis résistant aux traitements classiques, aggravation d’une dermatite atopique. Les allergènes sont nombreux : tensioactifs, parfums, conservateurs, pyrithione-zinc. . . En ce qui concerne les allergies aux colorants capillaires, ces dernières années, il n’est pas rare d’observer un tableau clinique plus impressionnant à type d’eczéma aigu mimant un angiœdème du visage tant l’aspect œdémateux est au premier plan et que les délais de survenue entre l’application de la coloration capillaire et la survenue des symptômes sont parfois courts (quelques heures seulement). La recherche attentive de vésicules notamment en lisière du cuir chevelu confirme qu’il s’agit bien d’une hypersensibilité allergique retardée et non immédiate. Devant un tableau d’eczéma de contact lié à une coloration capillaire, la recherche d’un antécédent d’eczéma de contact à un tatouage illicite au henné noir induit par la paraphénylène diamine (PPD) doit être systématique. Dans ces cas-là, il est recommandé de laisser en place le patch-test à la PPD uniquement 12 h pour éviter les réactions explosives. L’exploration des eczémas de contact aux colorants capillaires se fait par les patch-tests avec réalisation de la batterie standard européenne qui comporte la PPD à 1 % vas, des patchtests avec les colorants capillaires pouvant donner des réactions croisées ou concomitantes avec la PPD [1]. En fonction des résultats de ces tests, des alternatives aux colorants capillaires classiques seront proposées à la patiente. Il faut se méfier de certaines teintures dites « naturelles ou végétales » et qui contiennent en réalité des colorants d’oxydation. Les colorations semi-permanentes ne peuvent être utilisées que sur des chevelures ayant moins de 30 % de cheveux blancs.
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Plus rarement, on peut observer des réactions immédiates. Une dizaine de cas d’allergie immédiate aux colorants d’oxydation ont été rapportés dans la littérature [2]. Des réactions d’hypersensibilité retardée peuvent aussi s’observer avec les produits de décolorations, tels les persulfates alcalins ou le glycérylmonothioglycolate des permanentes acides. Ces réactions sont moins fréquentes que chez les professionnels. Les patch-tests au persulfate d’ammonium et de potassium ainsi qu’au glycérylmonothioglycolate sont commercialisés. Les persulfates alcalins peuvent provoquer également des réactions d’irritation et des réactions immédiates cutanées à type d’urticaire mais surtout respiratoire (asthme et rhinite), voire des réactions anaphylactiques sévères [3]. Le mécanisme d’action n’est pas parfaitement connu, les IgE antipersulfates n’étant pas toujours présentes. Des réactions allergiques immédiates allant de l’urticaire de contact aux manifestations anaphylactiques sévères ont été rapportées avec les hydrolysats de différentes protéines (collagène, kératine, élastine, lait, blé, amande et soie) présents dans des shampooings, des aprèsshampooings ou des conditionneurs pour cheveux [4]. Depuis quelques années, la mode des lissages brésiliens a vu apparaître de nombreux cas d’eczéma aigu souvent très sévère du visage et du cuir chevelu [5]. Les responsables sont le formaldéhyde et ses libérateurs. Il s’agit souvent de produits illicites dépassant les limites autorisées de formaldéhyde au sein de l’UE. Chez les professionnels de la coiffure, l’eczéma des mains est fréquent. Les allergènes professionnels les plus souvent retrouvés sont les colorants capillaires, les persulfates alcalins, le glycérylmonothioglycolate des permanentes acides, le nickel (ciseaux), les conservateurs, les parfums, les caoutchoucs. . . La dermite d’irritation ou « main du shampooineur » est fréquente notamment chez les apprentis qui font de nombreux shampooings dans la journée, le plus souvent à mains nues. Les antécédents de dermatite atopique sont un facteur favorisant. Les persulfates alcalins peuvent être responsables d’urticaire de contact, d’asthme ou de rhinite. Ils sont une des causes principales d’asthme professionnel. 1.2. Les réactions non allergiques Les traitements capillaires qu’ils soient physiques (peignage, traction) ou chimiques peuvent être responsables de chutes de cheveux, de modifications des cheveux (cheveux en « nid d’oiseau », cheveux à « bulles », cheveux en « chapelet », trichorrhexie noueuse) ou de leur coloration (cheveux verts). L’alopécie par traction est une variété d’alopécie traumatique définie par une perte de cheveux suivie d’une alopécie secondaire due à la mise sous tension de la tige pilaire [6]. Les habitudes de coiffure sont évidemment les principales responsables de cette prédominance. Elle est particulièrement observée chez les Africaines, Afro-Caribéennes et Afro-Américaines aux cheveux crépus qui préfèrent les avoir lissés. Mais elle peut toucher tous les types de cheveux selon les pratiques capillaires (chignons, queues de cheval, tresses, couettes. . .). L’alopécie cicatricielle centrifuge centrale du vertex (anciennement hot comb alopecia ou syndrome du peigne chaud) serait due à la combinaison de facteurs traumatiques et d’applications de défrisants chimiques. Des réactions
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sévères à type de brûlure du scalp lors de décoloration par des persulfates alcalins ont été décrites pouvant laisser une alopécie cicatricielle définitive [7]. Chez les enfants, de multiples cas de brûlures électriques à distance ont été rapportés lors de la manipulation à domicile de plaques pour défriser les cheveux. 2. Les réactions cutanées aux produits utilisés pour les ongles Chez les utilisatrices, les allergies cutanées aux vernis à ongles sont bien connues. Elles se manifestent au niveau périunguéal mais sont surtout manuportées avec des localisations à distance, aux paupières, au cou et parfois à la région périanale. Les allergènes les plus connus sont le nickel, la colophane, la résine toluène sulfonamide formaldéhyde, les résines époxy ou acryliques mais d’autres allergènes plus rares peuvent être en cause, tels les copolymères. Chez les clientes, la pose de faux-ongles peut se faire par différentes techniques : technique de la résine la plus ancienne, technique du gel avec nécessité de lampe UV et plus rarement ongles artificiels en fibre de verre ou de soie où une colle cyanoacrylate est utilisée. Tous ces procédés peuvent être à l’origine de dystrophies unguéales, de paronychies, d’eczéma pulpaire, voire de paresthésies [8]. Des eczémas aéroportés sont possibles. Les résines monomères acryliques en particulier les acrylates, les méthacrylates et les cyanoacrylates sont le plus souvent en cause. Chez les professionnels, les résines monomères acryliques sont d’importants allergènes professionnels. Dans sa forme typique, l’eczéma de contact aux résines acryliques se manifeste par une pulpite douloureuse, kératosique, squameuse et fissuraire associée parfois à des paresthésies. Des onychodystrophies ont été décrites mais elles sont plus rares que chez les clientes. Des eczémas des mains, des avant-bras, voire manuportés ou aéroportés au niveau du visage (rôle du limage et du ponc¸age des ongles) sont également observés ainsi que des manifestations ORL, respiratoires et oculaires [9]. Le bilan allergologique comportera la batterie standard européenne, une batterie spécialisée acrylates « ongles artificiels » et éventuellement des tests avec les produits professionnels en semi-ouvert [10]. Déclaration d’intérêts L’auteur déclare ne pas avoir de conflits d’intérêts en relation avec cet article. Références [1] Scheman A, Cha C, Bhinder M. Alternative hair-dye products for persons allergic to para-phenylenediamine. Dermatitis 2011;22:189–92. [2] Sahoo B, Handa S, Penchallaiah K, et al. Contact anaphylaxis due to hair dye. Contact Dermatitis 2000;43:244. [3] Hoekstra M, van der Heide S, Coenraads PJ, et al. Anaphylaxis and severe systemic reactions caused by skin contact with persulfates in hair-bleaching products. Contact Dermatitis 2012;66:317–22. [4] Niinimäki A, Niinimäki M, Mäkinen-Kiljunen S, et al. Contact urticaria from protein hydrolysates in hair conditioners. Allergy 1998;53:1078–82.
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[5] Van Lerberghe L, Baeck M. A case of acute contact dermatitis induced by formaldehyde in hair-straightening products. Contact Dermatitis 2014;70:384–6. [6] Kluger N, Cavelier-Balloy B, Assouly P. Les alopécies par traction. Ann Dermatol Venereol 2013;140:304–14. [7] Jensen CD, Sosted H. Chemical burns to the scalp from hair bleach and dye. Acta Dermatol Venereol (Stockholm) 2006;86:461–2.
[8] Freeman S, Lee MS, Gudmundsen K. Adverse contact reactions to sculptured acrylic nails: 4 case reports and a literature review. Contact Dermatitis 1995;33:381–5. [9] Sauni R, Kauppi P, Alanko K, et al. Occupational asthma caused by sculptured nails containing methacrylates. Am J Ind Med 2008;51:968–74. [10] Constandt L, Hecke EV, Naeyaert JM, et al. Screening for contact allergy to artificial nails. Contact Dermatitis 2005;52:73–7.