Syndrome des ongles jaunes et épanchement pleural transsudatif

Syndrome des ongles jaunes et épanchement pleural transsudatif

Lettre à la Rédaction Syndrome des ongles jaunes et épanchement pleural transsudatif F. Jilwan1, G. Dabar2, G. Ayoub3 1 Service de Pneumologie et d...

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Lettre à la Rédaction

Syndrome des ongles jaunes et épanchement pleural transsudatif F. Jilwan1, G. Dabar2, G. Ayoub3

1 Service

de Pneumologie et de Réanimation Respiratoire, Hôpital Antoine Béclère, Clamart, France. Pneumologue-Réanimateur, Service de Réanimation Médicale et Respiratoire, Hôpital Hôtel Dieu de France, Beyrouth, Liban. 3 Service de Rhumatologie, Hôpital Cochin, Paris, France. 2

Correspondance : F. Jilwan 9E boulevard Jourdan, maison du Liban, 75014 Paris. [email protected] Réception version princeps à la Revue : 26.03.2006. Acceptation définitive : 30.03.2006.

Rev Mal Respir 2006 ; 23 : 387-9 Doi : 10.1019/20064050

Le syndrome des ongles jaunes (SOJ) ou yellow nail syndrome est une entité rare décrite en premier en 1964 par Samman et White [1]. Le diagnostic est clinique, nécessitant la présence de deux des trois critères suivants, après exclusion de toute étiologie pouvant expliquer ces anomalies [2] : la dystrophie unguéale, le lymphœdème et l’atteinte pleuropulmonaire retrouvés respectivement dans 86 %, 80 % et 63 % des cas. L’originalité du cas que nous présentons tient à la présence chez une même patiente de ces trois critères mais surtout à son association à un épanchement pleural transsudatif discordant avec les épanchements fortement exsudatifs décrits jusqu’alors dans la littérature avec le SOJ. Madame F. âgée de 51 ans, non tabagique, ayant un asthme léger depuis l’enfance, bien contrôlé sous traitement topique associant corticoïdes inhalés et bronchodilatateurs, est hospitalisée pour des œdèmes des membres inférieurs et une suspicion de cellulite. Ses antécédents sont marqués par une lymphangiectasie étiquetée « primitive », diagnostiquée huit ans auparavant à l’occasion d’oedèmes persistants aux membres inférieurs, traités par des diurétiques (furosémide 40mg par jour) et fréquemment compliqués d’épisodes de cellulite. Une lymphographie effectuée alors avait documenté une obstruction plurifocale des vaisceaux lymphatiques aux membres inférieurs et une tentative de cure chirurgicale avait échoué. Elle est actuellement admise à l’hôpital pour une majoration des oedèmes aux membres inférieurs en rapport avec une surinfection (fig. 1). Un épanchement pleural gauche est découvert fortuitement à la radiographie du thorax, en dehors de toute symptomatologie respiratoire. Les antibiotiques sont débutés avec une amélioration clinique des oedèmes et une régression des paramètres inflammatoires biologiques. Une ponction pleurale exploratrice ramène 40 cm3 de liquide jaune citrin. L’analyse biochimique montre un transsudat avec des protéines à 19 g/l (rapport protéines du liquide pleural/protéines plasmatiques = 0,42), des LDH à 241 (rapport LDH du liquide pleural/LDH sériques = 0,5), un glu© 2006 SPLF, tous droits réservés

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F. Jilwan et coll.

Fig. 1.

Œdèmes inflammatoires des membres inférieurs en rapport avec les lymphangiectasies et la cellulite. À noter les cicatrices de l’ancienne chirurgie.

cose normal (rapport glucose pleural/glycémie = 0,9), un taux de cholestérol pleural inférieur à 45mg/dl (rapport cholestérol du liquide pleural/cholestérol plasmatique < 0,3), un taux de triglycérides inférieur à 96mg/dl (rapport triglycérides du liquide pleural/triglycérides plasmatiques < 0,12) et 450 globules blancs/mm3 à prédominance lymphocytaire (84 %). Par ailleurs, on dose l’albumine sanguine qui est abaissée à 24 g/l. Un complément de bilan est alors demandé qui montre l’absence d’atteinte rénale avec une clairance de la créatinine normale, l’absence de protéinurie, une fonction hépato-pancréatique normale, un bilan de malabsorption digestive négatif, une fonction cardiaque évaluée par une échographie transthoracique et un bilan thyroïdien normaux. Par contre, la biopsie duodénale montrait la présence d’une dilatation focale d’un canal chylifère (fig. 2) et le scanner abdominal une dilatation d’allure inflammatoire d’une courte portion de l’intestin grêle. De plus, l’examen clinique retrouve une onychopathie sévère aux niveaux des doigts et des orteils (fig. 3) caractérisée par un épaississement, une coloration jaune et une déformation des ongles. Le syndrome des ongles jaunes est alors évoqué et les explorations respiratoires sont complétées d’une part par une radiographie des sinus, qui montre un comblement de la totalité des sinus de la face, d’autre part par un scanner thoracique avec coupes fines montrant un foyer de bronchectasies du segment postérieur du lobe supérieur droit. Chez cette malade, aucun des trois critères de Light [3] n’a été retrouvé pour retenir l’éventualité d’un exsudat. 388

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Fig. 2.

Biopsie duodénale : canal chylifère dilaté, comportant des macrophages à cytoplasme spumeux (HE x 40).

L’origine transsudative de cette pleurésie peut s’expliquer par l’hypoalbuminémie, rapportée à une perte digestive probable du fait de la présence d’une dilatation d’un canal chylifère à la biopsie duodénale, et la présence sur le scanner abdominal d’une dilatation de la lumière de l’intestin grêle distal bien que le bilan de malabsorption entérale soit revenu normal (clairance de l’alpha1 anti-trypsine, stéatorrhée et créatorrhée des 24 heures). À noter cependant que les épanchements pleuraux et péritonéaux habituellement associés à

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avec un mauvais drainage lymphatique au niveau de ces séreuses [4]. Les épanchements pleuraux du SOJ ont toujours été attribués à une anomalie fonctionnelle ou anatomique des lymphatiques pleuraux, parfois documentée sur les biopsies et après examen en microscopie électronique [5]. Cette anomalie se manifeste le plus souvent par une atteinte asymétrique de la plèvre et surtout un taux élevé de protéines dans le liquide pleural, témoin du mauvais drainage lymphatique [6]. L’association du SOJ avec un épanchement transsudatif n’a jamais été rapportée dans la littérature et mériterait d’être confirmée par d’autres observations.

Références 1 2 3 4 Fig. 3.

Onychopathie des doigts avec épaississement, déformation et coloration jaune des ongles.

des entéropathies par lymphangiectasies, même en présence d’hypoalbuminémie, sont géneralement chyleux en relation

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Samman PD, White WF : The “Yellow Nail Syndrome”. Br J Dermatol 1964 ; 76 : 153-7 Hiller E, Rosenow ECIII, Olsen AM : Pulmonary Manifestations of the Yellow Nail Syndrome. Chest 1972 ; 61 : 452-8. Light R : Pleural Effusion. N Engl J Med 2002 ; 346 : 1971-7. Desramé V, Béchade D, Patte JH, Jean R, Karsenti D, Coutant G, Algayres JP, Daly JP : Syndrome des Ongles Jaunes associé à des lymphangiectasies Intestinales. Gastroentérol Clin Biol 2000 ; 24 : 837-40. Solal-Céligny P, Cormier Y, Fournier M : The Yellow Nail Syndrome. Light and Electron Microscopic Aspects of the Pleura. Arch Pathol Lab Med 1983 ; 107 : 183-5. Runyon A, Forker EL, Sopko JA : Pleural-Fluid Kinetics in a Patient with Primary Lymphedema, Pleural Effusions, and Yellow Nails. Am Rev Respir Dis 1979 ; 119 : 821-5.

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