Localisation rare d’une tumeur à cellules géantes au niveau du rachis lombaire

Localisation rare d’une tumeur à cellules géantes au niveau du rachis lombaire

Journal de radiologie (2011) 92, 732—734 LETTRE / Ostéoarticulaire Localisation rare d’une tumeur à cellules géantes au niveau du rachis lombaire Ra...

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Journal de radiologie (2011) 92, 732—734

LETTRE / Ostéoarticulaire

Localisation rare d’une tumeur à cellules géantes au niveau du rachis lombaire Rare lumbar spine localization of a giant cell tumor A. El Haddad ∗, D. Bassou , S. Chaouir , T. Amil , A. Hanine Service d’imagerie médicale, hôpital militaire Mohamed V, Rabat, Maroc

MOTS CLÉS Tumeur à cellules géantes ; Kyste anévrysmal ; IRM ; Embolisation

KEYWORDS Giant cell tumor; Aneurysmal bone cyst; MRI; Embolization



La localisation lombaire de tumeur à cellules géantes est exceptionnelle, et s’associe rarement à un kyste anévrysmal (KA). Nous rapportons une observation de tumeur à cellules géantes de L2, colonisée par un KA ce qui fait l’originalité de cette observation.

Observation Un jeune homme de 30 ans, sans antécédent pathologique notable, a présenté des lombalgies mixtes évoluant depuis six mois, d’aggravation progressive, sans fièvre ni altération de l’état général, avec une raideur rachidienne à l’examen clinique. Le bilan biologique a révélé un syndrome inflammatoire modéré avec une CRP à 40 mg/L. Un bilan radiologique comprenant une radiographie standard du rachis lombaire (Fig. 1), un scanner (Fig. 2) et une IRM (Fig. 3 et 4) a été réalisé. La radiographie standard a montré une lacune osseuse bien limitée du corps vertébral de L2 réalisant une ostéolyse type IB selon la classification de Lodwick. La tomodensitométrie a précisé qu’il s’agissait d’un processus tissulaire agressif détruisant la corticale et envahissant les parties molles prévertébrales. L’IRM a montré

Auteur correspondant. Résidence Bayti 3, immeuble G11, appartement 170, avenue Hssaine, Sala Aljadida, Maroc. Adresse e-mail : [email protected] (A. El Haddad).

0221-0363/$ — see front matter © 2011 Elsevier Masson SAS et Éditions françaises de radiologie. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.jradio.2011.05.005

Localisation rare d’une tumeur à cellules géantes au niveau du rachis lombaire

Figure 1. Radiographie standard du rachis lombaire de profil : présence au niveau du corps vertébral de L2 d’une lacune osseuse à contours nets et à plage homogène. Noter l’aspect flou de la corticale antérieure du corps vertébral et la densité spontanée des parties molles antérieures.

un processus lésionnel en hyposignal T1, discret hypersignal T2 (par rapport aux corps vertébraux normaux) et se rehaussant de fac ¸on précoce, intense et prolongée après injection de Gadolinium. De plus, l’IRM a visualisé clairement la présence au sein de la tumeur d’une lésion kystique multiloculaire réalisant une architecture en « logettes » évoquant un KA. Pour avoir un diagnostic de certitude, une biopsie osseuse scanno-guidée a été réalisée. L’examen

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Figure 2. Scanner du rachis lombaire en coupe axiale passant par L2 et en fenêtre osseuse. Mise en évidence d’un processus tissulaire lytique, du corps vertébral de L2 (étoile), respectant le mur postérieur et le canal lombaire (flèche), à limites nettes mais non condensées, à plage homogène sans calcification ni ossification. Le scanner montre une lyse de la corticale antérieure avec extension vers les parties molles.

anatomopathologique était en faveur d’une tumeur à cellule géante, ce qui a été confirmé par l’analyse histologique de la pièce opératoire, qui montrait par ailleurs une colonisation de la tumeur à cellules géantes par un KA.

Discussion La tumeur osseuse à cellules géantes (TCG) touche très rarement le rachis lombaire (1 à 2 % des cas) [1]. Elle se localise essentiellement au niveau du corps vertébral, et se présente comme une tumeur très agressive, réalisant une lyse

Figure 3. IRM du rachis lombaire, en coupes sagittales, pondération T1 avant injection de Gadolinium (a), pondération T2 (b) et pondération T1 après injection de Gadolinium (c) : il existe un processus tumoral du corps vertébral de L2 (flèche) en hyposignal T1, léger hypersignal T2, se rehaussant de fac ¸on intense et relativement homogène. L’IRM précise mieux l’envahissement des parties molles prévertébrales, et confirme l’intégrité de l’arc neural et l’absence d’extension intrarachidienne.

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A. El Haddad et al. Le traitement des TCG est principalement chirurgical. La résection en bloc de la tumeur et des parties molles avoisinantes suivie d’une reconstruction s’adresse aux tumeurs agressives, comme c’est souvent le cas des TCG vertébrales [10]. L’utilisation d’une solution de chlorure de zinc à 50 % permet de détruire le tissu tumoral persistant et de réduire la fréquence de ces récidives [10].

Conclusion La TCG à localisation vertébrale est une tumeur très agressive. L’IRM permet actuellement de caractériser cette lésion. Elle peut s’associer à un KA responsable d’une hypervascularisation tumorale, rendant nécessaire l’embolisation préopératoire.

Déclaration d’intérêts Figure 4. IRM du rachis lombaire, coupe axiale en pondération T2, passant par L2, montre la présence au sein de ce processus tumoral d’une formation kystique multiloculaire, cloisonnée (flèche), réalisant l’aspect d’architecture en « logettes » très évocatrice de kyste anévrysmal (KA).

osseuse pure, rompant la corticale et pouvant s’étendre vers les parties molles paravertébrales, les structures nerveuses intracanalaires ou même le disque intersomatique [2]. L’imagerie joue un rôle primordial dans la prise en charge de cette pathologie. Tout d’abord pour le diagnostic, la TCG se traduit à la radiographie standard par une lacune osseuse à limites plus ou moins nettes (type IB ou IC de la classification de Lodwick [3]). Le scanner analyse parfaitement la matrice tumorale (masse tissulaire dont la densité varie de 20 à 60 UH) et la lyse corticale. L’IRM apprécie mieux l’extension vers les parties molles et les structures nerveuses, elle permet d’approcher le diagnostic de nature de la TCG évoqué sur un signal relativement bas en T2 et une pente de rehaussement élevée après injection de Gadolinium [4]. Compte tenu de la forte densité tissulaire, le coefficient de diffusion ADC est bas et la spectroIRM peut révéler un pic de choline dans la TCG [5—7]. L’artériographie est pratiquée dans le cadre d’une embolisation préopératoire, car les atteintes rachidiennes peuvent être dramatiquement hémorragiques. Elle peut également constituer un recours thérapeutique, car elle permet d’emboliser certaines tumeurs inopérables [8]. Enfin, l’imagerie interventionnelle permet de poser le diagnostic de certitude à travers la biopsie osseuse scanno-guidée. L’association de TCG vertébrale et d’un KA est retrouvée dans près de 15 % des cas [9]. C’est surtout l’IRM qui permet de révéler cette association en montrant une lésion kystique multiloculaire au sein de la tumeur. Cette association est responsable d’une hypervascularisation tumorale, pouvant nécessiter une ou plusieurs séances d’embolisation avant l’exérèse [10].

Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts en relation avec cet article.

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