L’usage des corticoïdes chez les carnivores domestiques

L’usage des corticoïdes chez les carnivores domestiques

Actualités pharmaceutiques Ř n° 503 Ř Février 2011 vétérinaire pratique 49 L’usage des corticoïdes chez les carnivores domestiques Les corticoïdes,...

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Actualités pharmaceutiques Ř n° 503 Ř Février 2011

vétérinaire

pratique 49

L’usage des corticoïdes chez les carnivores domestiques Les corticoïdes, anti-inflammatoires stéroïdiens, sont très souvent utilisés en médecine vétérinaire pour leur action anti-inflammatoire ou immunosuppressive. Il convient de ne pas en abuser et, surtout, de ne pas les utiliser à mauvais escient.

A

vant de mettre en place un traitement par corticoïdes chez le chat ou le chien, il est nécessaire de clairement identifier les effets recherchés.

Corticoïdes utilisés en médecine vétérinaire Ř Différentes formes de corticoïdes utilisés en médecine vétérinaire existent : – injectable (en traitement d’attaque ou lors d’urgence médicale) ; – orale (comprimés) ; – pour application cutanée (pommade, crème, spray, shampooing...), auriculaire ou oculaire ; – destinées à être inhalées. Ř L’action de ces molécules peut être : – immédiate et fugace (méthylprednisolone, Solumédrol®) ; – immédiate avec des effets se prolongeant environ 24 heures (dexaméthasone) ; – intermédiaire avec des effets durant 2-3 jours (dexaméthasone 21-isonicotinas, Voren®) ;

– prolongée jusqu’à 2-3 semaines (méthylprednisolone, Dépomédrol®). En fonction du mode d’action recherché, de la plus ou moins grande facilité d’administration des substances médicamenteuses par les propriétaires et du délai visé, le choix s’orientera vers l’une ou l’autre spécialité, en prenant toujours soin d’éviter les risques liés aux formes retard.

Effets recherchés des corticoïdes Ř Effets anti-inflammatoires Les corticoïdes agissent à tous les niveaux de la cascade inflammatoire, de par leur double action : – ils inhibent la phospholipase A2 responsable de la synthèse de prostaglandines, de thromboxanes et de leucotriènes (substances pro-inflammatoires) ; – ils inhibent également la cyclooxygénase 2 et, de ce fait, bloquent la production de prostaglandines pro-inflammatoires. De plus, les glucocorticoïdes inhibent la libération de l’histamine par leur action stabilisante de membrane et accélèrent son catabolisme. Leurs propriétés antiallergiques sont utilisées pour traiter les troubles d’hypersensibilité de type  1, notamment : – les atteintes dermatologiques (atopie canine) ; – les atteintes respiratoires (asthme félin) ; – les atteintes ophtalmologiques (conjonctivite allergique)...

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ŘLes corticoïdes peuvent être utilisés dans de nombreuses circonstances dont les affections ophtalmologiques.

À retenir Un même corticoïde de synthèse voit son action modifiée selon la dose à laquelle il est utilisé. Ainsi, la prednisolone a : – des effets anti-inflammatoires si elle est utilisée à 1 mg/kg/jour ; – des effets immunosuppresseurs à la dose de 2 à 4 mg/kg/jour.

Les corticoïdes d’action immédiate sont, quant à eux, principalement utilisés pour traiter les états de choc, les œdèmes de Quincke ou autre choc anaphylactique. Ř Effets immunosuppresseurs Les glucocorticoïdes possèdent des effets immunosuppresseurs à forte dose en raison de leur action inhibitrice des divisions cellulaires, et en limitant le pouvoir d’adhérence et de coopération des cellules entre elles. Aux doses immunosuppressives, ils traitent certains troubles : – hématologiques (anémies hémolytiques à médiation immune...) ; – dermatologiques (pemphigus, lupus) ; – rhumatologiques (polyarthrite rhumatoïde) ; – cancéreux. Ř Effets métaboliques des glucocorticoïdes de synthèse L’utilisation des glucocorticoïdes de synthèse fait appel à des doses qui dépassent les concentrations sanguines physiologiques du cortisol. Les effets métaboliques de ce dernier s’en retrouvent donc exacerbés : – au niveau du métabolisme glucidique, une augmentation de la néoglucogenèse hépatique et une baisse de l’utilisation périphérique du glucose sont retrouvées  il en résulte une hyperglycémie ; – au niveau du métabolisme protidique survient une augmentation du catabolisme protéique, source d’acides aminés néoformateurs pour la néoglucogenèse hépatique ; – au niveau du métabolisme lipidique survient une augmentation de la lipolyse, source également de substrats pour la néoglucogenèse (acides gras libres

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Utilisation de collyre ou de pommade contenant un corticoïde, précautions à prendre et glycérol). De plus, une résistance à l’insuline par inhibition de la lipogenèse dans le tissu adipeux est observée.

Principales indications thérapeutiques des glucocorticoïdes Normalement, les corticoïdes, quelle que soit leur forme galénique, ne devraient jamais être délivrés sans avis spécialisé. En effet, leurs effets bénéfiques, souvent rapidement visibles sur l’animal, peuvent faire craindre une médication sauvage de la part des propriétaires, sans aucune emprise sur les potentiels effets secondaires. Ces médicaments peuvent également être utilisés à tort lors d’affection fongique ou bactérienne, entraînant alors un développement de l’infection. Ř Affections dermatologiques Les corticoïdes sont utilisés pour stopper, de façon quasi immédiate, le prurit secondaire à l’affection, à dose anti-inflammatoire pendant quelques jours. Ils sont donc très utiles dans les affections d’origine allergique non compliquées par une infection bactérienne secondaire : en comprimé (Dermipred®) ou en spray à pulvériser sur les lésions (Cortavance®). Ř Affections ophtalmologiques Dans les conjonctivites d’origine allergique ou lors de blépharospasmes importants, l’utilisation de collyres, ou pommades ophtalmiques, contenant une association antibiotique/corticoïde (Fradexam®, Maxidrol®) est souvent très utile, les corticoïdes agissant sur la composante inflammatoire de l’affection. Dans les kératites avec néovascularisation, ils sont également très employés et peuvent alors être utilisés seuls (Maxidex®). Ř Affections auriculaires La quasi-totalité des solutions auriculaires vétérinaires contiennent des corticoïdes. En effet, le plus souvent, les otites du chien ont une origine inflammatoire, avant que, secondairement, une prolifération bactérienne ne vienne assombrir la clinique. Le conduit auditif externe du chien étant en forme de L, le cérumen s’évacue difficilement, ce qui provoque, en raison de son accumulation, une inflammation locale. Certaines races de chiens sont plus prédisposées (cocker Spaniel, Westhighland terrier...) aux affections auriculaires chro-

Avant d’utiliser un collyre ou une pommade contenant un corticoïde, il convient de bien avoir fait vérifier, par le vétérinaire traitant, l’intégrité de la cornée (examen ophtalmologique après instillation de quelques gouttes de collyre à la fluorescéine). En effet, appliquer un corticoïde sur un ulcère cornéen est très douloureux pour l’animal et aggrave de façon rapide l’ulcère.

niques, le plus souvent sur un terrain atopique. Dans ce cas, il se peut qu’il y ait une forte inflammation du conduit auditif, rendant nécessaire une administration de corticoïdes par voie parentérale avant l’instillation auriculaire. Ř Phénomènes inflammatoires aigus Qu’il s’agisse de piqûres d’insecte, d’œdèmes, de traumatismes musculaires ou articulaires, les corticoïdes à action rapide peuvent être utilisés en tout début de traitement afin de soulager rapidement l’animal. Un relais par des anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) peut ensuite être envisagé lors de traumatisme, alors que dans les réactions inflammatoires faisant suite aux piqûres d’arthropodes ou lors d’œdème, la poursuite du traitement corticoïde pendant quelques jours paraît plus intéressante. Ř Atteintes respiratoires Les corticoïdes sont utilisés préférentiellement sous forme inhalée (l’aérosol est préféré à la chambre à inhalation chez les animaux de compagnie car beaucoup plus simple d’utilisation). Lors d’asthme félin ou de fibrose pulmonaire idiopathique (cas du Westhighland terrier), ils sont utilisés en association avec un bronchodilatateur. Dans les infections des voies respiratoires avec bronchospasme (syndrome respiratoire de type coryza chez le chat ou le lapin, pneumopathie des petits rongeurs...), ils le sont en association avec un antibiotique, un mucolytique et un expectorant, à raison de 3-4 séances quotidiennes de 15 minutes. Cette utilisation in situ des corticoïdes a un grand intérêt en médecine vétérinaire et l’amélioration clinique est souvent très rapide. Ř Manifestations tumorales Les corticoïdes sont utilisés pour leur effet cytotoxique, mais également pour leur action orexigène. L’effet cytotoxique sur les cellules en division rapide est observé à de fortes doses (2 mg/kg/jour les premières semaines, puis la dose est diminuée à 1 mg/kg/jour par la suite). Leur utilisation en cancérologie est quasi systématique, les

corticoïdes étant utilisés comme traitement adjuvant à la chimiothérapie ou à la radiothérapie, mais également lors de traitement palliatif en cas d’échec thérapeutique ou lorsque les propriétaires refusent le traitement spécifique.

Effets indésirables des glucocorticoïdes Les effets indésirables dépendent essentiellement de la dose injectée et de la durée du traitement (ou de la forme s’il s’agit d’une forme retard). Ils découlent de leurs effets métaboliques, mais également du rétrocontrôle négatif exercé sur l’axe hypothalamo-hypophyso-surrénalien à l’origine d’une baisse plus ou moins évidente de la production endogène de cortisol. Dès lors, un sevrage brutal après une longue période d’utilisation peut révéler un hypocorticisme, alors qu’une utilisation prolongée est à l’origine d’un syndrome de Cushing iatrogène. Il est important de signaler que les effets indésirables sont presque inexistants lors d’une injection unique de corticoïdes à effet immédiat (Solumédrol®), même à des doses de 40 mg/kg, qui sont celles utilisées lors d’état de choc sévère. L’utilisation ponctuelle des corticoïdes est préférée à celle des AINS chez les insuffisants rénaux afin de préserver les fonctions rénales (du fait de l’action délétère des AINS sur l’artériole afférente rénale pouvant conduire à une insuffisance rénale aiguë brutale et rapide), même s’il est toujours préférable de les associer à un protecteur gastrique lors de troubles digestifs ou sur les individus âgés.

Conclusion Il est préférable de ne pas délivrer les corticoïdes sans avis vétérinaire afin d’éviter une aggravation de la clinique en cas d’infection concomitante. „ Ségolène Courtin-Donas Docteur en pharmacie, docteur vétérinaire, Sainte-Foy-les-Lyon (69) [email protected]