I’ANlV& 7878 : mteuf d’instiucteurs px;r 15 Cmtre de forrrkon d’apprems 3e ;a Di!ectlon 012 ?hte~iel e: de i,tTmctlon de la SNCF
Cannke 1878 est importante pour le chemin de fer franc;ais pour une raison connue : la constitution du rkseau de I’Etat, un fait ponctuel bien rep&k par l’ensemble des historiens du chemin de fer. &Iais il s’est pass6 beaucoup d’autres chases en 1878, comme le dbmarrage des travaux menant au Plan Freycinet (rapports adress& au prksident de la Rkpublique les 2 et 15 janvier 1878), ou la prkentation, B l’exposition de 1878, des appareils Saxby qui joueront un r6le essentiel en matike de signalisation et de stcuritt?, ou encore de systkmes de chauffage des voitures mettant fin B la glorieuse p&ode des bouillottes et des chaufferettes. On pourrait ajouter, par une connaissance plus intime de l’histoire technique de la locomotive, que 1878 est l’annie de la prksentation de la premikre locomotive compound due B l’ingtkieur Mallet et destinke au chemin de fer de Bayonne B Biarritz : la technique du compoundage rkvolutionnera celle de la locomotive B vapeur, entrainant des progrks dkcisifs Revue g&w%&
des chemins de fer - 00353183/98/07-08/
en mati&-e de puissance et d’konomie de combustible, tout en faisant l’objet d’un dkbat durable entre ses partisans et ses adversdires qui se prolongera pendant un demi-sikcle. Et puis, il y a deux a&es ftits importants, moins ponctuels, et inscrits sous le signe de la duke : la ptrennisation du t&s long d&bat parlementaire sur la nationakation des chemins de fer qui m&era B la creation de la Sock% Nationale des Chemins de fer Franqais en 1938, et la crkation de la Revue G&n&ale des Chemins de Fer qui, aujourd’hui toujours, 120 ans plus tard, reste, & nos yeux, la meilleure source d’information sur l’kvolution des chemins de fer.
I
1878 : la constitution du rhseau de hat
Depuis la crkation du rkseau ferrk kan@s, les chases n’&ient pas t&s au point en ce qui concerne les 6les respectifs des acteurs de la vie kconoQ Ekevier,
Paris
mique et administsatjve des chemins de fer. Les pouvoirs publics, sous le Second Empire, ont, avec sagesse, tent.6 de distribuer les rbles, d’emp&cher que les int&Xs nationaux ne soient gommks par des vi&es courtes et a&es sur le profit immkliat, de distribuer les concessions des lignes pour em&her une concurrence anarchique et dkastreuse 6 l’anglaise et B l’ankricaine, de furer les enjeux kconomiques et sociaux, de mettre en place des bornes et des systkmes de rkgulation, d’amener les compagnies privkes B agir dans un sens rkellement national et collectif quitte B les aider si cette action leur &it directement prkjudiciable. Uidke est bonne, mais les rkalitis, elles, ne suivent pas. Comme c’est souvent le cas avec des politiques lucides et gknkeuses, l’khec - provoquk ou rkel - ne manque pas de venir rapidement mettre A terre une grande rkalisation naissante et la taxer d’irr&&sme. Les chemins de fer, vingt B trente ans aprks leur crkation en France, passent dkjia pour une dangereuse utopie konomique et les pet&es com-
Paris-Lyon-Mtditerranee. siasme est la, aux result&s
Fig.
1. - Chdra.ncc
Nod-1876.
La meilleure
pagnies des debuts vont de faillite en faillite, sont rachetkes par de plus grandes qui, a leur tour, connaissent des difficult&. Le spectre de l’ineluctable deficit est present, durant la dew&me moitie du XW siecle, dans l’esprit des economistes et des politiques, et l’on demande a 1’Etat de prendre a son compte ce qu’il a contrihue a faire naitre : la nationalisation des chemins de fer franqais est a l’ordre du jour. Les etudes, les essais, les discussions menant a la creation des chemins de fer en France forment une periode initiale qui dure de 1823 a 1852. Cette premiere p&ode est marquee a son debut par l’initiative de Marc Seguin et la creation des premieres lignes industrielles du bassin mimer de la Loire a partir de 1827, et celle des f&es Emile et Isaac Pereire qui creent la ligne voyageurs de Paris a St-Germain en 1835, la premiere ligne exploitee de faGon moderne et ouverte au grand public. Cette p&ode
Fig.
2. - Locomotive
Type
Outmnce.
locomotive
franpise
en 1878.
des debuts est caracterisee par les debats parlementaires de 1837, 1838 et 1840, par la loi de 1842 qui est la premiere loi fondatrice du chemin de fer francais, dite encore a l’epoque (( charte des chemins de fer n. Le trace des premieres grandes lignes, et, surtout, la construction de ces lignes y sont definis avec precision, tant sur le point de vue politique qu’tconomique, et la loi de 1,342 regle le mode d’intervention de 1’Etat et associe ses forces a celles de l’industrie et de l’initiative privees. De 1852 a 1859 une seconde p&ode se distingue de la premiere par la mise en place de tout un systkme financier qui facilite, pour les compagnies privtes, l’extcution de leurs grands travaux. Cette epoque est celle d’un grand dynamisme, celle de la construction acceleree du reseau national, celle de la constitution des six grandes compagnies nationales que sont l’Est, le Nord, l’Ouest, le Chemin de fer de Paris a Orleans, le Midi, et le
Uenthoude suivre.. .
Les conventions de 1859 ouvrent une troisieme p&ode, celle de la formation de ce que l’on a appelt u le second reseau 2 dont les lignes, importantes, viennent completer les grandes lignes du premier reseau national. Au ler janvier 1865, la longueur totale des lignes concedtes est de 21 060 km, dont 19 435 appartenant aux six grandes compagnies et 1 625 a 21 petites compagnies. Les grandes compagnies ont 8 388 km pour le compte du premier reseau et 11 047 pour le second reseau. En 1865, la longueur totale des lignes exploitees est de 13 370 km, et la construction est si rapide que, en 1866 par exemple, 1 300 autres kilometres sont ajoutks. En moms de 8 arm&es l’ensemble des lignes encore conctdees en 1865 sont construites. Centhousiasnie est toujours present, mais les resultats se font attendre. 11 sera possible de lire dans c CExpose de la situation de 1’Empire n ces lignes : K LEtat avait donne satisfaction a la passion universelle et just&e des grandes lignes de chemins de fer B. En effet, plus de 1 milliard 400 millions de francs ont et+?depenses par 1’Etat sous le Second empire pour la construction des voies ferrees et celui-ci verse annuellement, durant les annees 1860, 40 a 50 millions de francs chaque annte pour compenser les insuffisances des revenus encaissts par les compagnies. De tels engagements financiers sont ruineux pour 1’Etat et l’entourage de Napoleon III hesite a engager les finances publiques pour la construction des lignes d’interet local. Ces petites lignes sont pot&ant ardemment demandees par les populations que l’on n’appelle pas encore ‘1 enclavees t) et a qui bien des parlementaires imprudents ont promis, en pleine campagne electorale, une relation ferroviaire dire& avec la civilisation et le progres (entendez : la sous-prefecture ou la prefecture). . 11 faut dire que la reforme de 1860 a entrake, en France, un developpement economique et industriel, et des besoins nouveaux
qui n’ont de sens que si on peut developper une politique de transports performante. 11 faut done que 1’Etat tienne les engagements de sa politique de relance tconomique, et s’engage dans la dotation du territoire national d’un reseau de voies ferrees dense et actif jusque dans les relations locales. La loi de 1865 a devolu aux communes et aux departements la construction de ces lignes d’jnttret local, avec le concours de l’Etat, pour relier, sur des distances de 30 a 50 km, les petites localitf% aux lignes principales. Mais tres sollicite par les pouvoirs locaux, le pouvoir central n’ose dire non, et de concession en concession (dans tous les sens du terme, moral et ferroviaire.. .) 1’Empire se laisse aller a financer la construction et le deficit d’une quantite de petites lignes. De nombreux sp&ulateurs deposent des projets de ,lignes pour encaisser des aides de l’Etat, tandis que des lignes refusees par les grandes compagnies pour cause de non viabilite sont accordtes a d’ephtmeres groupements d’interets locaux. Pis encore, la loi du 10 aout 1871 permet aux Conseils Generaux de se concerter pour des mesures d’interet commun et donne lieu a la creation de v&tables reseaux locaux couvrant plusieurs departements, et l’on n’htsite pas a envisager des lignes Bordeaux-I,e Mans, Calais-Marseille, Dunkerque-Perpignan qui sont, en fait, des mises bout a bout de reseaux departementaux ! En 1875, en dehors des 6 grandes compagnies, il existe 35 compagnies locales concessionnaires de 137 lignes dans 41 departements et representant 4 381 km. I,a loi de 1865 avait laisse se constituer une situation que, justement, elle etait censee empecher. Le plus be1 exemple de ce que la loi de 1865 a laisse se crier se situe dans l’ouest de la France. Cn certain nombre de compagnies ont en commun d’etre deficitaires, de crouler sous les dettes, d’avoir des lignes a trafic restreint desservant des regions faiblement industrialisees, et de n’avoir aucun espoir d’une situation meilleure a l’avenir : la compagnie des
Fig.
3. - La 1”
compound
Mallet
Charentes, de la Vendee, de Bressuire a Poitiers, de St-Nazaire au Croisic, d’OrlCans a Ch&lons-sur-Marne, de Tulle a Clermont, d’0rlCans a Rouen, de Poitiers a Saumur, de Maine-etLoire et Names, des chemins de fer Nantais, voila un ensemble heteroclite de 1 042 km de lignes pauvres qui ne peut guere enthousiasmer les 1’ repreneurs n ou les speculateurs m&me les plus irreflechis.. . . Une partie des elus presse le reseau du Chemin de fer de Paris a Orleans d’accepter de reprendre l’ensemble, mais le PO, courageux certes, mais pas temeraire, se desiste.... et fait machiaveliquement le jeu d’une opposition de gauche qui, par principe, est
Fig.
4. - Locomotives
du Nerd.
- 1878.
hostile aux grandes ~1oligarchies financ&es x (le terme de grand I( trust capitaliste mn’est pas encore nC) et qui prefere conf?er le tout a la gestion directe de 1’Etat. C’est chose faite par le d&ret du 25 mai 1878 qui fixe l’organisation du reseau de 1’Etat et les modalites du rachat des compagnies precedemment citees. Mais surtout les pouvoirs publics prevoient la construction de lignes nouvelles qui viendront donner au reseau de 1’Etat une coherence d’ensemble, et en 1883, une loi, datee du 20 novembre, prevoit m&me une ligne rejoignant Auneau, le point du reseau le plus proche de Paris, a une gare nouvelle a creer dans Paris (au Trocadero)
motives dii au manque d’adiabatique des parois des cylindres, c’est-a-dire leur im~rmeabilitk a la chaleur. Le remede est le compoundage qui a si bien reussi dans la marine : la locomotive de Mallet comporte deux cylindres, un a haute pression et un a basse pression, dans lesquels la vapeur travaille successivement. Surnommte a la boiteuse D, du fait de ses deux cylindres inegaux, la locomotive fonctionne correctement et se revele t&s economique. Fig.
5. - Locomotive
Rimancourt
1878.
m&me pour dormer a ce reseau la u t&z )l parisienne qui lui manque (en fait le rachat du r&seau de 1’Ouest en 1909 donnera au reseau de 1’Etat les gares St-Lazare et Montparnasse) En 1909 le reseau de l&at posskde 2 974 km de lignes. II est une uvitrine w de ce que ser$t une gestion des chemins de fer par 1’Etat lui-meme. Clemenceau parle de = rkseau tkmoin 1)grace auquel l’Etat semit B m&me, en y r&l&ant les modifications qu’il ne pourrait imposer aux compagnies, de montrer la justesse et le rkalisme de ses vues et de mieux contr6ler les compagnies. Mais, surtout, le reseau est bien g&e, parvenant a une situation telle que l’on lui fait confiance d&s 1909 pour reprendre le reseau de 1’0uest et lui appliquer les memes m&odes de gestion. C’est done bien, d&s 1878, la prefiguration de ce que pourrait etre une future Sock% Nationale des Chemins de fer Franqis. Les annees 1930 verront l’age d’or de ce reseau sous la direction de Raoul Dautry et, sans nul doute, la gestion de ce grand commis de 1’Etat ne fait que donner confiance a ceux qui doutent des capacitks d’une gestion de ce type en matiere de chemins de fer. La SNCF est done bien nte en 1878.
1878 : I’apparition de la locomotive compound Pratique initialement sur les moteurs de marine, le compoundage est un grand progr2s pour les locomotives a vapr de la fm du XIXe siecle. Mais
cette technique, qui donne certes des locomotives tres performantes au prix d’une plus grande complexite, et qui demande une grande finesse de conduite de la part de mkaniciens plus qualifies, ne rencontre pas l’approbation de tous les reseaux et cr6e un des plus grands d&bats techniques de l’histoire des chemins de fer. Ungenieur d’origine suisse Anatole Mallet, installe en France, presente, a l’exposition de Paris de 1878, une tr& curieuse locomotive destinee au petit chemin de fer de Bayonne a Biarritz, et construite par les Ets Schneider du Creusot. Elle r&out le probleme pose par l’exces de consommation des loco-
Les ingenieurs Borodine en Russie et Van Borries en Allemagne s’interessent alors au compoundage, et l’Allemagne en fait m&me une regle gentkale pour ses machines express jusque vers 1910 oti un revirement se produit. Cingenieur Webb, en Angleterre, et l’ingenieur de Glehn, en France, generalisent ce pro&de sur de remarquables locomotives, meme si, pour Webb, il y eut quelques echecs dus a des cylindres trop petits imposts par l’etroit gabarit britannique. A la fin du XIXe siecle, d’apres Andre Chapelon (I), les trois elements fondamentaux de la locomotive des chemins de (1) Chapelon And& * Histoire fer en France jl, Les Presses Modemes, Pa-is, 1964
moderne sont reunis : le compoundage, les tubes a ailettes, et le bogie a rappel. Pourtant les decennies suivantes verront une remise en question du compoundage et des compagnies comme le PLM, en sortant leurs premieres Pacific en 1909, n’ont pas encore de doctrine en la mat&e et font faire des series & simple expansion et d’autres compound : si les machines a simple expansion sont de conduite plus facile et semblent plus robustes, les autres fournissent 2 425 ch contre 2 050 ch et consomment, selon les efforts, 25 a 50% de moins. D’autres reseaux francais, comme le PO et le Nord, passent dtfinitivement au mode compound et auront des locomotives remarquables, surtout en matiere de vitesse. Les ingenieurs des reseaux amtricains, eux, en depit des 221 compound du Philadelphia & Reading de 1885, restent par la suite fiddles a la simple expansion, preferant des solutions simples et eprouvees pour un reseau aux conditions dures et aux locomotives (1bar&i&es )a,c’est-h-dire conduites par des tquipes differentes se relayant en coyrs de route. Capogee de la vapeur aux Etats-Unis est bien la machine articulee a simple expansion. Les ingenieurs allemands, lors de la creation de la Deutsche Reichsbahn en 1920, reviennent a la simple expansion avec les Pacific unifiees des series 01 et 03, tres reussies cependant et qui deviennent la locomotive type de l’apogte de la vapeur dans ce pays. Par contre l’ingtnieur Golsdorf, en Autriche, p&&-e le compoundage pour ses locomotives a bissel avant et bogie arriere si caracteristiques (types 132, 142).
I
1878 : la p&ennisation de la question des chemins de fer
La constitution du reseau de l&at n’est nullement une maniere de regler la question des chemins de fer en France, bien au contraire. Comme nous l’avons vu dans la premiere par-
tie de cet article, ce reseau est le n reseau temoin 1)d’une auk-e forme de gestion, et n’est 18 que pour entretenir le debat jusqu’a son terme par une nationalisation complete du reseau fran@s. Mais, sans dome, personne ne pensait, a l’epoque de la creation du reseau de l’Etat, que le chemin vers une nationalisation complete serait aussi long : il y faudra 60 ans, puisque la Sock% Nationale des Chemins de fer Franqais est officiellement mise en place pour le 1”‘janvier 1938. Cavenir du chemin de fer fran@s, d’apres Fmncois Caron c2), se decide durant cette periode de transition importante se situant entre 1876 et 1833. Le ministre des Tmvaux publics du ministere Dufaure, forme en decembre 1877, est Charles de Freycinet (1828-1923) qui ambitionne dint& grer la politique des chemins de fer dans une vision globale du dkveloppement des voies de communication en France. 11met en place, le 31 janvier 1878, le Conseil Suptrieur des Voies de Communication qui remplace la Commission Centrale des Chemins de Fer. 11prganise immediatement le reseau de 1’Etat (chose faite le 25 mai 1878) avec un directeur nomme par d&ret, et un budget etabli par le Ministkre des Tmvaux publics. Son rapport du 2 janvier 1878 annonce son intention de classer 16 000 km de lignes a titre d’intkret general, les unes deja co&d&es ou exploitees a titre d’int&t loca,l et les autres &ant a construire par 1’Etat luim&me. Selon le mot m&me de Franqois Caron, c la procedure mise en ozuvre met un point fmal aux velleitis decentralisatrices de la loi de 1865 1).CEtat fait dorenavant de la question des chemins de fer son a&ire propre, et ne cedem jamais sur cette prerogative, m&me si, dans les faits, elle est t&s difikile a faire passer. Les difficultf& eprouvees par les reseaux franqais remontent a la 2e moitie du XIXe siecle, non seulement avec l’echec de la loi de 1865, mais aussi et surtout l’tchec du plan Freycinet des 1879 : dans les deux cas il y a depassement des limites du (2) Caron Frmpois, * Histoire des chemins de fer en France, 1740-1883 B Fayard, Paris 1997, page 475.
financierement possible, classement en intkret general de lignes qui ne pourront jamais etre rentables (ou meme utiles). Si, en janvier 1878, Freycinet veut classer 7 000 km, en juin il en est a 9 000, et en mars de l’annee suivante a 11 000, ce qui donne un total de 19 000 km si l’on y ajoute les lignes deja conctdees precedemment. Si l’on ajoute les programmes concernant les voies navigables, on arrive a ce que Franqois Caron appelle une a inflation de projets ‘1 c3) et le premier emprunt lance pour le rachat des lignes secondaires ne rencontre qu’un mediocre sucds : la nation n’a pas confiance. Freycinet echoue de nouveau en novembre 1878 avec le projet d’un (1 ,troisieme reseau a construit par 1’Etat et repris par les compagnies, et concemant le Nord et 1’0uest. 11 est oblige de retirer le projet devant l’hostilite de la presse, des directions des deux compagnies concern&es, et d’un certain nombre de deputks. Mais la question des chemins de fer, et des rapports entre 1’Etat et les chemins de fer est be1 et bien perennisee et elle reste a l’ordre du jour pour des dtcennies. Une veritable guerre parlementaire est lancee contre les compagnies, notamment par Jean David, parlementake gambettiste et homme d’affaires. Les compagnies se defendent avec efficacite, sachant reprendre, avec Leon Say, les arguments liberaux en mat&e de developpement economique et industriel, sachant aussi demontrer l’incapacitk - selon elles de 1’Etat en matiere de gestion des chemins de fer (le reseau de 1’Etat est montre comme fruit du a socialisme d’Etat B), et sachant enfin souligner les echecs de Frey&et. En 1883 Jules Ferry signe six conventions avec les six grandes compagnies dans l’optique de l’extension du reseau avec construction de 8 360 km de lignes par les compagnies elles-memes, mais avec une par-tie des dtpenses incombant a 1’Etat sous forme d’annuites couvrant les interets et l’amortissement des emprunts faits par les compagnies. Le systeme de la (3) Op. Cit. p. 481
plus accentuke que jamais, la question des chemins de fer : le d&it s’accentue d’un quart de milliard de francs par mois en 1931, s’ajoutant au ddficit de 2 milliards accumulg en 1930. Les an&es 1930 sont celles d’une accumulation de d&its tels que, dks 1937, la nationalisation etait inkluctable. Le chemin depuis 1878 avait ktt long et douloureux.
Fig.
7. - Locomotive
I
du Nord.
garantie de I’&at est appliqut B l’ensemble des lignes. Les compagnies doivent assurer un vkitable service public avec un minimum de 3 trains par jour mCme sur les lignes B t&s faible tic escomptk. Si utiles soientelles, ces conventions ne rkglent toujours pas la dimension politique d$ la question des chemins de fer car 1’Etat resk l’objet d’une grande mkfiance de la part des dirigeants des compagnies, et des milieux financiers ou industriels les entourant. La France est prospkre 2 la fin du XIXe sikcle et, jusqu’en 1900, le kseau fi-anqais ne cesse de s’accroitre. C’est seulement B partir de 1913 que cd accroissement se ralentit avec un total de 39 200 km port& A seulement 42 200 km en 1930 (&ace-Lorraine comprise). Entre 1913 et 1930 le capital des rkaux passe de 19 810 millions ri 53 770 millions (le r&eau AL toujours compris), mais ramerk B la valeur du franc de 1913, il y a effectivement diminution de 46 % en valeur absolue. Le rkseau fran@s s’est done peu &endu - mains qu’au sikcle prkckdent - et son capital a dimimk : le vent de l’@stoire a town&. La participation de 1’Etat dans le capital d’&blissement des compagnies est pas& de 25,6 % en 1913 A 16 % en 1929 (3. Dans leur brochure de 1931 les riseaux fran@s (4) Ces chiffres sent extraits de la brochure (I les chemins de fer fracais = puhliCe par les gmnds rCseaux fmn@ en 1931.
font ;emarquer que le d&engagement de 1’Etat B leur kgard permettm $ ce demier de se Kprocurer B peu de fiais le plus puissant outillage industriel du pays lorsqu’il prendra la suite des Compagnies k l’expimtion des concessions, puisqu’il n’aura A payer alors que la valeur de leur mat&e1 roulant et de leurs approvisionnements w. Le rkgime de la convention de 1921 a voulu, pourtant, kgler une situation des rkeaux dkjia difficile B partir des an&es 1910 et surtout aggravke par la Premikre Guerre mondiale et par les problgmes de 1920. Mais cette convention laisse cependant des r&eaux a &puis& par l’htmorragie de leur d&it u et saris traitement d’urgence pour I’arreter, et saris traitement de longue port&e pour c( les revivifier et desserrer les liens qui les ktouffent t3) w. Cette convention passe pourtant pour saine au yeux des compagnies, puisqu’elle les oblige A I’Cquilibre financier, et dans le cas de d&it, elle laisse & un Conseil Supkieur des Chemins de Fer la possibilitt de proposer des rkajustements de tarifs. Mais, d’aprks les compagnies, la convention, de 1921 n’a jamais ktk appliqute, YEtat laissant en place le carcan des tarifs imposk et bloquks. Les t&s diffkiles anntes de la crise des annkes 1930 ne font que reposer, d’une man&e
(5) idem page 88.
1878 : le mouvement des revues scientifiques et la naissance de la Revue Gin&ale des Chemins de Fer
Le chemin de fer est, en cette fin de XIXe sikcle, le plus important systkme technique jamais construit par l’homme et aussi la reunion de l’ensemble des techniques les plus tlaborees grke B la constitution de ce que Frangois Caron a appel& u une science ferroviaire n. Les anntes qui suivent la guerre France-Prussienne sont celles d’un grand dkveloppement scientifique et industriel en France, ment dans un &mat d’tmulation (faire mieux que 1’Allemagne @I) et de d&sir de rkussite klatante (ne pas laisser 1’Angleterre dominer le monde) : la France doit retrouver son rang et l’effort d’industrialisdtion entrepris sous le Second Empire n’est pas abandonnC, bien au contraire : il est encore plus dkveloppk, mais il est aussi beaucoup plus &lair& par une dkmarche scientifique tandis que les sciences elles-m2mes bkkficient beaucoup plus de l’apport des techniques et y trouvent un terrain de dkveloppement. Le chemin de fer est, alors, au sommet des techniques de la mttallurgie, elles m&mes formant les techniques de pointe du XLX” sikcle. Les foyers des locomotives sont en cuivre rouge, ainsi que les grilles. Les chaudikres sont en fer, et les tubes en laiton, Cemploi des injecteurs se g&&a(6) DPs son num&o 2 d’mxit 1878 la RGCF, pour sa pat cm~sacre des articles aux progrks techniques des chemins de fer allemands et restem fid& B cette ligne tditosiale jusqu’en 1914.
lise et demande une technique tres fine. Le rail en acier domine, e&r, les installations fxes, et il s’allonge a 8 metres, et p&e 30 kg/m, mais le rail a double champignon est encore generalise sur les reseaux de I’Ouest, de l’$tat, du Midi et du Chemin de fer de Paris a Orleans. La roue en acier supplante la roue en fer. Cemploi de tous ces metaux dans des conditions de variations de temperature, de contraintes mecaniques, de mouvements rapides et forts, demande l’ttablissement d’une v&able science ferroviaire propre, la mise au point de techniques impliquant les derniers progrts en matiere de connaissance de la mat&-e, de sa structure. Les mathtmatiques, la physique et la chimie sont mises a contribution, mais trouvent leurs limites : il faut souvent, par l’empirisme et le pragmatisme de ses ingenieurs, que le chemin de fer puisse devancer le progres scientifique qui ne peut lui fournir de modele, et, parfois, le chemin de fer lui fournit m&me un terrain de decouvertes et d’experiences. I,es an&es qui entourent la fondation de la RGCF voient d’importants progres sur le plan de l’exploitation avec la mise en service du blocksystem, l’enclenchement dans les cabines d’aiguillage des appareils de voie et des signaux, les serrures Annett, les appareils Saxby & Farmer (reseaux du Chemin de fer de Paris a Orleans, du Paris, Lyon et Mediterranee, du Nord, de l’Est), repetition des signaux sur les locomotives (reseau du Xord), systeme Prud’homme pour les communications entre les voyagems et le personnel des trains. Les locomotives passent q(de la fin du moyen age au commencement des
temps modernes n c7), selon l’expression de Herdner, directeur de la traction de la compagnie du Midi. En effet l’abandon des locomotives a roues libres est definitif, toutes les locomotives ayant dorenavant des essieux moteurs couples, y compris les machines de vitesse. Les vitesses de 100 km/h sont soutenues avec des tonnages interessants et non plus derisoires comme a l’tpoque des Crampton. Les surfaces de grille depassent 2 m2 et les surfaces de chauffe 10 m2. Le bogie avant a supplante l’essieu porteur unique avant. Le timbre des chaudieres atteint 10 kgkm2. Le compoundage, nous l’avons vu, vient de faire son entree en scenepour 1878. Les voitures de 1878 sont enfin confortables dans les 3 classes avec un chauffage reel et une suspension deuce (ressorts de plus de 2 m&-es de long), mais, surtout, les ingtnieurs se preoccupent enfin de la s&wit& des voyagerus. La voiture a 3 essieux est plus sure, notamment en cas de rupture d’un essieu. Le Nord essaiedes freins continus. Les chassis sont d&or-ma& en acier, mais les caisses sont, malheureusement, encore en bois. Les roues sont en acier et a voile plein. Les paliers abandonnent l’huile pour la graisse. La Compagnie Internationale des Wagons-Lits, qui vient d’etre fondle, revolutionne le confort et met en service des voitures-lits et desvoitures-restaurant.
(7) Discours orkidentiel de la Sock% des Ine&nkurs civils de France, 10 juillet 1919, citi par R. Godferneaux, dire&m de la RGCF dam son ouvrage * Aperp de I’kvlution des chemiw de fer franc& de 1878 B 1988 m Ed. Dunod, 1928. \
I
11est done inevitable que dans un tel climat de performances scientifiques et techniques, le mouvement des connaissances mises en oeuvre par le chemin de fer vienne rapidement a deborder du cadre permanent de la publication arretee de u Cours de chemin de fer mdes grandesecoles ou de (1Tmites de chemins de fer u sign& par des auteurs comme Charles Couche c8) (les autres trait& importants ne paraitront que durant la derniere decennie du siecle) : il faut bien passer au rythme de publications traduisant l’actualite de la recherche, l’evolution des techniques. I1 faut dire que, lorsque la Revue Generale des Chemins de Fer pan&, quelques rares grands domaines scientifiques ou techniques ont deja leur revue de reference : 11CAnnte scientifique et industrielle n demarre en 1856, les KAnnales de chimie et de physique D paraissent depuis 1862, mais d’autres grands domaines comme l’electricite devront attendre : KI’Annee Clectrique 1)paraitra a partir de 1885, le c Bulletin de la societi franqaise des tlectriciens n,commence sa carritre en 1834, et BCElectricien w en 1891. Le mouvement vers les grandesrevues techniques est done en train de se lancer. Le chemin de fer fmnqais n’a done pas attendu pour se doter d’une revue de reference - une revue qui sait, d’ailleurs, le rester - et trouver sa place au sein de ce grand mouvement d’tdition et de diffusion de la pensee.
II
(8) Couche Charles exploitation technique 1867.1870.
I Voie, mat&k1 roulant, et des chemins de fer B, Pmis,
schaftlichen Daten hervorgegangen ist. Die Lokomotiven gehen nach den Worten Herdners, dem Fahrzeugdirektor der Gesellschaft des Midi, van ihrem ,,Mittelalter“ in ihre ,,Neuzeit“ iiber, und die Revue Gt:ndrule des Chemins de Fer spiegelt treu und pt-&ise diese technische Entwicklung wider.
J. KALMBACHER . Le role de 1’Etat daus le developpement et l’achevement du reseau ferri: (XIXe siecle et debut du XXc) (p. 17 a 2-r) La naissance de la 1sRevue GcWrak dcs Chemins de fi:r )l coi’ncide avec l’importante transition politique qui marque, h partir de 1878, l’echec dtfinitif du Mar&ha1 de Mac-Y&on et ruine tout espoir pour l’opposition monarchique d’enrayer les mecanismes constitutionnels de 1875. Les republicains exercent depuis les derniers jours de 1877 la r&alit& du pouvoir et entendent implanter en profondeur un regime dont les Franc;ais, pour des raisons souvent divergentes, rl’ont pas garde le meilleur souvenir. Or, cette implantation, qui est appelee h affecter tous les secteurs de l’activite 11citovenne )), se rCdlise en m&me temps que se construisent les nouvelles lignes de chemin de fer d’inttret general ou d’interet local, dont les gouvernants ont d&ide de doter le territoire national. Sur quels acquis anterieurs cette extension du reseau a-t-elle pu se fonder P Quels les enjcux etaient sociaux ct electoraux de cette entreprise ‘I Sur quelles bases financieres, enfin, ce projet a-til pu etre mis en ceuvre ‘? L’etude publiee se propose de repondre a ces questions en approfondissant, dans une pei-spective historique, les donrites legislatives et statutaires qui commandent toute rCflexion sur le sujet.
The role of the State in the development and completion of the railway network (lgth Century and early 20fh Century) The founding of the “Rewe GMrule des Chemins de Fe? coincides with the imnortant political transition which as of 1878 marked the final defeat of Marshall Mac-Mahon and ruined all hopes for the monarchist opposition of blocking the constitutional mechanisms of 1875. The Republicans exercised the real power as of the end of 1877 and intended to establish a government which has not remained the best of memories in the minds of the French for often very different reasons. But at the same time as the principles of this government were introduced, affecting all sectors of “citizens” lives, the government decided that the country should have a rail network, and new railway lines of general interest or of local interest were built, What was taken as the basis for this extension of the network? What were the social and electoral issues at stake ? What were the financial bases for implementing this project ? The study published proposes to reply to these questions, focusing on the legislative and statutory aspects involved from a historical perspective. Die Rolle des Staates bei der Entwicklung und beim Ausbau des Schienennetzes (19. Jahrhundert und Beghm 20. Jahrhundert) Die Grtindung der ,,Keuue des Chemins de jbr“ fiel mit dcm bedeutenden politischen ITmschwung zusammen, der ab 1878 die endgiiltige Niederlage des Marschalls &Macblahon bedeutcte und jegliche Hoffnung fiir die monarchistische Opposition, den konstitutionellen Mechanismen von 1875 Einhalt ZLI gebieten, zunichte machte. Die Republikaner iibten seit den letzten Tages des Jahres 1877 die tatsaGcWrule
chliche Macht aus und verstan den es, tiefgreifend ein Regime einzusetzen, von dem die Franzosen wohl aus unterschiedlichen Griinden nicht immer die beste Erinnenmg bewahrt haben. Nun, diese Einsetzung, die alle Bereiche des ,,biirgerlithen“ Lebens beeintrachtigen sollte, fand gleichzeitig mit dem Bau der neuen Eisenbahnlinien auf nationaler und lokaler Ebene statt, mit denen das Saatsgebiet laut BeschluB der Regierungsvertreter ausgestattet werden sollte. Auf welche ftiheren Erlahrungen konnte sich dieser Ausbau des Netzes stiitzen ? Was wurde bei diesem Unternehmen in gesellschaftlicher Hinsicht und bei der Wahl aufs Spiel gesetzt? Auf welchen llnanziellen Grundlagen konnte dieses Projekt schlieAlich realisiert werden ‘? Die veriiffentlichte Untersuchung will eine Antwort auf diese Fragen geben, indem in einem historischen Ausblick die gesetzgebenden und satzungsmtiigen Belange, die jede Lberlegung zum Thema fordern, ausfiihrlich dargestellt werden.
J.M. COMBE J.P. MASSE Patrimoine et culture dentreprise (p. 25 a 30) Lopinion associe souvent patrimoine et musee. Si cette notion n’est pas fausse, le patrimoine ne saurait se i-Csumer aux monuments et chases du passe, qui, devenus saris utilite, seraient ranges au niagasin des accessoires. En matiere ferroviaire notammerit, le patrimoine - qui recouvre egalement le savoirfaire - est utilise au quotidien. Railway heritage and company culture The public often associates the idea of cultural heritage with museums. Although this idea is not incorrect, cultural heritage cannot be summed up as being merely monuments and things
of the past which are have ceased to be of use and are simply placed on display for viewing. In the railway field in particular, the cultural heritage, which in fact also includes know-how, is used in day-to-day life. Erbgut und Betriebskultur Die Meinung assoziiert oft Erbgut und Museum. Wenn diese Vorstellung nicht falsch ware, lieBe sich das Erbgut kurz auf Monumente und Dinge aus der Vergangenheit zusammenfassen, die, wenn sie zwecklos geworden sind, im Zubehorlager landen wiirden. Insbesondere im Eisenbahnwesen wird das Erbgut - das such das Know-how erftit taglich verwendet.
J.L. ROHOU IJne voie franqdse pour le renouveau du chemin de fer La creation de reseau ferre de France (p. 31 a 38) Uampleur du contht social a la SNCF a la fin 1995 ttait a la mesure de la gravitt! de la crise des chemins de fer. Du grand debat national qui s’est tenu au cours du premier semestre 1996, sur la base du rapport n Martinand n, il ressortait la necessiti dune clari+tion des responsabilitis entre l’Etat et la SNCF, notatnment en mat&e dinfmstructures, dun allegement de la dette d’inliastructure, dune mobilisation de la SNCF pour la reconqu&te de sa clientele et dune re,gionalisation des services ferroviaires. T,a creation de R&au Fern? de France (RI%) au debut de 1997 constitue une r6ponse aux deux premieres preoccupations. La sohttion adopt6e a consisti a crier un etablissement public proprietaire et mame d’ouvrage du reseau ferroviaire, qui assure la charge de la dette pa&e en mat&e d’infrastructures, et qui co&e, par convention, a I’entreprise nationale existante, la SNCF, la ges-