Pratiques psychologiques 11 (2005) 387–402 http://france.elsevier.com/direct/PRPS/
Article hors thème
L’évaluation psychosociale de la qualité de vie des personnes infectées par le VIH Psychosocial evaluation of quality of life among HIV-infected patient M. Préau a,b,*, M. Morin a,b a
b
Équipe psychologie sociale de la santé, laboratoire de psychologie sociale, université Aix-Marseille I, Aix-en-Provence, France Inserm U379/ORS PACA, 23, rue Stanislas-Torrents, 13006 Marseille, France
Résumé L’importance des facteurs psychosociaux dans l’évaluation de la qualité de vie des patients infectés par le VIH est encore mal connue et largement sous-estimée. Ce travail confronte la variation de l’évaluation subjective de la qualité de vie à la variation d’un ensemble de paramètres sociaux et psychosociaux identifiés dans la littérature comme des référents clés de l’évaluation subjective. Les différentes analyses se sont appuyées sur les données d’une cohorte de patients initiant une multithérapie antirétrovirale. Des analyses de type ANCOVA et GEE ont permis d’identifier différents paramètres relatifs à l’identité personnelle et à l’insertion sociale ayant un impact sur la qualité de vie des patients infectés par le VIH. Ces résultats mettent en évidence l’absolue nécessité d’une prise en charge globale de ces patients afin d’optimiser leur qualité de vie à long terme. © 2005 Société française de psychologie. Publié par Elsevier SAS. Tous droits réservés. Abstract The importance of the psychosocial factors during evaluation of quality of life of HIV-infected patients is still unknown and largely underestimated. In this paper, we confront the subjective assessment of quality of life with the variation of a several social and psychosocial factors that can affected quality of life. Statistical analyses were performed with data of a cohort. This cohort includes patients when they began highly active antiretroviral therapy. ANCOVA and GEE were used in order to identify factors re* Auteur correspondant. Adresse e-mail :
[email protected] (M. Préau).
1269-1763/$ - see front matter © 2005 Société française de psychologie. Publié par Elsevier SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.prps.2005.09.005
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lating to the personal and social identity having an impact on the quality of life of HIV-infected patients. These results highlight the absolute need for a global follow-up of these patients in order to optimise quality of life in the long term. © 2005 Société française de psychologie. Publié par Elsevier SAS. Tous droits réservés. Mots clés : Qualité de vie ; Infection par le VIH ; Sentiment de contrôle ; Soutien social ; Relations médecin–patient Keywords : Quality of life ; HIV infection ; Locus of control ; Social support ; Patient-provider relationship
1. Introduction Contraignant le patient à un traitement continu à long terme, l’utilisation des multithérapies antirétrovirales tend, à présent, à chroniciser l’infection par le VIH qui est ainsi entrée dans une ère nouvelle souvent qualifiée de « normalisation » (Rosenbrock et al., 2000 ; Setbon, 2000). Il s’agit désormais de réduire les handicaps liés à cette maladie de plus en plus considérée comme une maladie chronique touchant tous les domaines de l’existence individuelle et sociale, que ce soit par le retentissement physique et psychologique de la maladie, la vie affective et sexuelle, par les difficultés de l’insertion sociale et professionnelle, ou plus généralement par une mise en cause plus ou moins radicale des conditions de vie et de la place dans la société de la personne atteinte. Le caractère chronique de la maladie et les contraintes du suivi et du traitement pèsent lourdement sur la vie quotidienne des personnes séropositives, frappées par la maladie souvent très tôt dans l’âge adulte, brouillant les projets de vie et d’insertion sociale jusque dans leurs aspects les plus intimes. L’attention se porte ainsi sur l’élaboration et la signification des reconstructions et de la quête identitaire des malades (Morin, 2004 ; Pierret, 2001, 2003). Les temps de la maladie sont des temps d’expérience subjective et la reconnaissance progressive de la charge psychosociale de cette dimension se traduit de plus en plus dans l’expansion de la notion de qualité de vie (QDV), compromis entre le point de vue des sciences sociales et celui de la médecine. Les recherches sur les mesures de la QDV ont connu un développement considérable depuis quelques années mais la conceptualisation qui les fonde reste encore de définition disputée (Bruchon Schweitzer, 2002). Qu’est ce que cette QDV que l’on souhaite mesurer et quels rapports entretient-elle avec le bien-être et le bonheur ? La définition la plus connue attribuée à l’OMS situe la QDV dans une perspective de santé publique et la définit comme « la perception qu’a l’individu de sa place dans l’existence, dans le contexte de la culture et du système de valeurs dans lesquels il vit, en relation avec ses objectifs, ses attentes, ses normes et ses inquiétudes » (Jasmin, 1996 ; World Health Organization, 1984). Dans cette définition très ouverte, la QDV est la perception de soi dans le monde, c’est une perception d’un soi social, en termes de place. Cette perception est variable et déterminée par un ensemble complexe de facteurs qui caractérisent une position existentielle (Morin, 2004). Cette approche globale qui focalise l’attention sur le point de vue des patients est au cœur des projets et des difficultés des travaux dans ce domaine. Elle ouvre l’évaluation à une contextualisation sociale et psychosociale aussi rigoureuse que possible et oriente le travail des chercheurs des sciences sociales vers un effort d’objectivation des subjectivités dans l’expérience de maladie. Nous présentons ici une illustration de ce mouvement dans le cadre de l’infection par le VIH.
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2. Problématique Plusieurs enjeux et processus psychosociaux sont saillants dans la confrontation du patient à l’infection par le VIH. 2.1. Temporalité L’analyse des situations créées par la survenue d’une maladie grave et mortelle rencontre de manière insistante une mise en cause du rapport de l’individu au temps et à l’espace. Si la maladie est bien une expérience qui s’inscrit dans la durée, elle conduit à repenser le passé mais aussi l’avenir. De plus, en fonction de son déroulement et de ses différentes phases, elle appelle des ajustements sans cesse répétés et renouvelés dans les divers lieux de la vie sociale qui posent des problèmes d’identité et de constitution du soi aux personnes concernées (Carricaburu et Pierret, 1995 ; Laurindo Da Silva, 1999). La maladie est le type même de l’évènement marquant et menaçant pour l’identité personnelle, c’est une épreuve individuelle qui s’interprète socialement (Auge et Herzlich, 1984 ; Herzlich, 1969). Elle survient dans la vie des personnes et crée une rupture entre un avant et un après, remettant en cause ce qui allait de soi jusque-là. Vivre avec une maladie grave conduit à des réajustements dans la vie quotidienne ainsi qu’à des redéfinitions de soi et des rapports aux autres qui ont des conséquences au niveau biographique et identitaire. 2.2. Corporéité Les traitements par multithérapies antirétrovirales génèrent chez de nombreux patients un certain nombre d’effets secondaires dont le syndrome lipodystrophique. Ce syndrome se caractérise par un trouble de la répartition des graisses souvent associé à des anomalies métaboliques. Les anomalies morphologiques rendent la maladie visible et se caractérisent par la perte du tissu adipeux sous-cutané, les lipoatrophies et/ou l’accumulation de graisses au niveau de la ceinture abdominale par exemple, les lipohypertrophies. L’identité passe par le corps, par l’état du corps, son apparence ou son rattachement social ainsi que par l’étiquetage social qui va lui donner sens. La modélisation de l’ensemble de ces paramètres a permis de proposer le modèle « corporosociopsychologique » au sein duquel est intégrée la dimension d’un « milieu bio » en tant qu’élément d’un système social qui en fait un milieu « corporosociopsychologique ». En effet, les ajustements au monde comme les différentes manières de faire face à un évènement difficile dépendent non seulement du sujet mais également des interprétations subjectives de sa corporéité et des intégrations possibles ou non des systèmes cognitifs et émotionoaffectifs (SantiagoDelefosse, 2002). Comme le décrit l’approche phénoménologique appliquée au malade, les modifications corporelles engendrées par l’expérience de la maladie et des traitements nécessitent pour le sujet une réadaptation de l’identité notamment dans son rapport à l’environnement social. L’infection par le VIH compromet l’estime de soi au sens où elle remet en question l’intégrité structurale du corps ainsi que ses capacités d’attraction physique et sexuelle. Aussi, nous proposons l’hypothèse selon laquelle la survenue d’effets secondaires de type syndrome lipodystrophique aurait un impact sur l’évaluation de la QDV.
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2.3. Sentiment de contrôle Les gens pensent généralement qu’ils maîtrisent dans une certaine mesure ce qui leur arrive et ils croient qu’ils arrivent à contrôler, au moins en partie, le cours de leur existence. Le sentiment de contrôle personnel consiste à croire que, grâce à nos capacités et à nos actions, nous pouvons atteindre nos objectifs et éviter les évènements désagréables (Rodin et Salovey, 1989). Ce contrôle perçu jouerait un rôle protecteur en réduisant l’impact des évènements de vie stressant et en facilitant l’adoption de styles de vies sains. Au contraire un faible contrôle perçu serait associé à un stress perçu plus intense ainsi qu’à une moins bonne santé physique (Horner, 1998). Levenson appliquant l’échelle de Rotter à des échantillons variés, met en évidence une structure à trois facteurs : l’internalité qui regroupe les items impliquant la croyance en l’origine interne des renforcements ; l’externalité qui se subdivise en deux dimensions distinctes : la chance, qui rassemble les items expliquant ce qui arrive par le hasard, le destin ou la chance : les « personnages tout-puissants », facteur qui comprend des items attribuant les évènements à des personnages investis de pouvoir. Dans le cadre de l’infection à VIH, Taylor et al. montrent qu’un lieu de contrôle interne est positivement associé à un meilleur ajustement psychologique par rapport à la séropositivité alors qu’un lieu de contrôle externe est associé négativement à un bon ajustement (Taylor et al., 1991). Par ailleurs, la croyance en un locus de contrôle externe de type chance est associée à la présence de symptômes dépressifs (Kelly et al., 1993) et des difficultés d’adaptation (Spalding, 1995). Nous proposons donc d’évaluer les liens entre le type de locus de contrôle et l’évaluation de la QDV. 2.4. Insertion sociale : soutien social et relations médecin–patient Pour faire face à un évènement éprouvant, l’individu dispose de ses ressources personnelles et ses ressources sociales. La notion de soutien social a été introduite pour désigner l’entourage social du malade, entendu non seulement dans ses caractéristiques objectives, mais également dans la façon dont les individus le perçoivent (Bruchon-Schweitzer et Quintard 2001). Notre intérêt se porte, ici, vers une conception d’inspiration psychologique, selon laquelle, le soutien social se rapporte plutôt au sentiment éprouvé par l’individu relativement à la possibilité d’être soigné, protégé et valorisé par un réseau social (Cobb, 1976). À l’aspect proprement quantitatif du nombre d’interactions ou de liens sociaux, vient s’ajouter l’aspect qualitatif du soutien social pris au sens d’un bénéfice psychologique perçu par l’individu. Le soutien social perçu est le degré selon lequel autrui répond au besoin d’affection, d’approbation, de sécurité et d’appartenance de l’individu : c’est une transaction interpersonnelle qui exprime l’affect, l’affirmation ou l’aide. Le soutien social perçu peut être défini comme « l’impact subjectif de l’aide apportée par l’entourage d’un individu et la mesure dans laquelle celui-ci estime que ses besoins et ses attentes sont satisfaits » (Procidano et Heller 1983). De nombreuses études ont été effectuées quant à l’impact du soutien social perçu sur la santé des patients infectés par le VIH (Cruess et al., 2003 ; Drossman et al., 2000; Leserman, 2000, 2003 ; Leserman et al., 2000). Avant l’avènement des multithérapies antirétrovirales, la satisfaction relative au soutien social reçu a été montrée comme ayant un effet direct sur l’évaluation de la
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QDV des patients infectés par le VIH (Friedland et al., 1996 ; Sowell et al., 1997 ; Swindells et al., 1999). À l’ère des multithérapies, le soutien social, et plus particulièrement la stabilité du soutien social, semblent liés à l’évaluation de la QDV (Burgoyne et Renwick, 2004 ; Remor, 2002 ; Safren et al., 2002). Nous appréhendons le soutien social comme un indicateur du regard de la société sur l’individu. Par ailleurs, notre intérêt se porte aussi sur un type particulier de soutien social : les relations médecin–patient. Étant donné les divers bouleversements observés dans la relation médecin–patient depuis la survenue de l’infection par le VIH, avec une mise à disposition du savoir médical pour les personnes touchées par les associations de lutte contre le sida (Thiaudière, 2002), l’étude de la relation médecin–patient nous paraît fondamentale. 3. Objectifs Malgré l’engouement apparent pour les études de qualité de vie, la place de la recherche en sciences sociales dans l’emploi des dispositifs qui se sont focalisés sur ce qu’on a appelé « la QDV » des personnes infectées par le VIH a été jusqu’à maintenant assez globalement réduite au traitement de problèmes de techniques et de méthodes au service d’objectifs définis par les préoccupations des cliniciens. À ce stade le travail empirique de l’enquête de terrain et la mise à l’épreuve de ses possibilités et de ses limites sont encore une étape indispensable pour la progression de la connaissance, et cela d’autant plus que les observations et descriptions sérieusement opérationnalisées, de type corrélationnel et collectant des données en tenant compte des temporalités incertaines et longues des maladies chroniques restent finalement rares dans des pays comme la France. Ces descriptions se prêtent pourtant utilement à des comparaisons heuristiques. Elles sont nécessaires à l’élaboration de modèles susceptibles de conduire à des hypothèses expérimentalement validables tout en restant ouvertes à la relative indétermination du devenir des malades. Nous avons donc choisi une stratégie de recherche empirique appuyée sur le dispositif de contrôle de cohortes dans le but de confronter la variation de l’évaluation de la QDV à la variation d’un ensemble de paramètres sociaux et psychosociaux désignés par la littérature comme des composantes actives du système complexe qu’est l’évaluation subjective. 4. Méthodologie Cet article présente les résultats de trois études empiriques menées auprès d’une cohorte de patients infectés par le VIH et sous multithérapies antiretrovirales. 4.1. Étude longitudinale prospective: la cohorte antiprotéase cohorte : APROCO La cohorte APROCO est une cohorte d’observation prospective, multicentrique, nationale. L’objectif de cette cohorte est d’étudier l’évolution clinique et biologique, ainsi que les comportements d’observance des patients infectés par le VIH débutant un traitement avec inhibiteur de protéase (IP) dans le contexte de la pratique des prescriptions antirétrovirales en 1997. Les patients répondant aux critères d’inclusion et débutant un traitement de type multithérapie comprenant un IP dans les centres participants, ont été inclus dans la cohorte. Les suivis médicaux par recueil de données auprès de l’équipe médicale ont lieu
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à la fin du premier mois, au quatrième mois, puis tous les quatre mois pour les données cliniques. Un autoquestionnaire est proposé aux patients dès l’inclusion dans la cohorte puis tous les huit mois. Concernant les suivis cliniques, à chaque suivi, le service clinique recueille les informations concernant l’infection par le VIH, les évènements cliniques et biologiques ainsi que les prescriptions médicamenteuses. Par ailleurs, l’autoquestionnaire comprend des données sociodémographiques (âge, sexe, vie en couple, enfants), socioéconomiques (emploi, logement), sociocomportementales et psychosociales. Les données psychosociales comprennent une échelle de mesure de la QDV (SF-36) (Leplège et Coste, 2001 ; Leplège et al., 1998), une échelle de mesure de locus de contrôle lié à la santé (Wallston et al., 1978), la présence de symptômes dépressifs (échelle CES-D, [Fuhrer et Rouillon, 1989]), des questions concernant le soutien social (famille et amis) ainsi que des questions concernant les relations avec le médecin et l’équipe médicale. On demande aussi au patient d’évaluer les effets secondaires du traitement à l’aide d’une échelle construite spécifiquement par rapport à la problématique de l’infection à VIH (Duran et al., 2001; Macquart-Moulin et al., 1999 ; Spire et al., 2002). L’échelle SF-36 est une échelle de QDV générique qui explore huit dimensions à partir desquelles il est possible de calculer deux scores synthétiques : un score agrégé de qualité de vie physique et un score agrégé de qualité de vie mentale. 4.2. Analyses statistiques Cet article présente trois études effectuées sur les données de la cohorte APROCO. Différents types d’analyses statistiques ont été utilisés dans ces études. La description des scores de QDV a été effectuée sur la distribution des scores de QDV (moyennes et écart-type [σ]). Les comparaisons entre les scores de QDV dans les différents échantillons ont été effectuées à l’aide de la statistique de Fisher. Les études 1 et 2 consistent en des analyses transversales à différents moments du suivi des patients : ● l’étude 1 se centre sur les données disponibles après trois années sous traitement ; ● l’étude 2 se centre sur les données disponibles après 44 mois de traitement.Dans ces deux études, les analyses transversales de la QDV ont été effectuées à l’aide d’analyses univariées de type Anova et Ancova afin de déterminer les variables significativement associées à la QDV. L’ensemble des variables avec un p inférieur à 0,25 ont été introduites dans l’analyse multivariée. Des analyses multivariées de type ANCOVA ont permis de déterminer les facteurs indépendamment associés à une meilleure QDV ; ● L’étude 3 a consisté en une analyse à mesure répétée durant les trois premières années sous traitement et qui a permis d’utiliser les données disponibles à l’inclusion, 12, 28 et 36 mois après la mise sous traitement. Ainsi, des analyses univariées de type GEE (generalized estimating equations) ont été effectuées sur les scores de QDV. Les analyses de type GEE sont une extension des modèles linéaires généralisés permettant de considérer des données corrélées (Liang et Zeger, 1986). Ainsi, à partir de nos hypothèses, nous avons étudié les facteurs associés à une meilleure QDV après 12, 28 et 36 mois sous HAART et cela ajusté sur la QDV à la mise sous HAART. L’ensemble des variables associées à la variable dépendante avec un p inférieur à 0,25 ont été introduites dans l’analyse multivariée.
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En résumé, dans l’étude 1, 706 patients toujours suivis après trois ans de traitement ont été inclus. Dans l’étude 2, 296 patients toujours suivis après 44 mois de traitement ont été inclus. Enfin, dans l’étude 3, 360 patients suivis durant les trois premières années sous traitement ont été inclus. 5. Résultats 5.1. La qualité de vie des patients infectés par le VIH et la qualité de vie de la population générale De nombreuses études sur la QDV de patients infectés par le VIH utilisant des échelles de QDV générales, appuient l’analyse de leurs données sur une comparaison des scores de QDV des patients étudiés avec des scores de QDV issus d’étude en population générale (Carrieri et al., 2003 ; Hays et al., 2000). Pour une échelle telle que le SF-36, abondamment utilisée en France, nous disposons de données de référence recueillies dans un échantillon de la population générale en France (Leplège et Coste, 2001). 5.1.1. La QDV mentale Le Tableau 1 présente la description des scores de QDV mentale relatifs aux deux études effectuées sur les patients de la cohorte APROCO ainsi que les données de référence de la population française. On observe ainsi que la moyenne des scores de QDV mentale des patients des deux études est significativement inférieure à la moyenne des scores de référence en population générale et cela au moment de la mise sous traitement puis 36 et 44 mois après. 5.1.2. La QDV physique Le Tableau 2 présente la description des scores de QDV physique relatifs aux deux études effectuées sur les patients de la cohorte APROCO ainsi que les données de référence Tableau 1 Comparaison des scores de QDV mentale dans deux études effectuées sur les patients de la cohorte APROCO avec les scores de QDV de référence (étude 1 : n = 360 ; étude 2 : n = 296 ; statistique de Fisher) Moyenne (σ) score de référence (1) 48,2 (26,5)
Étude Étude Étude Étude
1 2 1 2
à à à à
M0 M0 M36 M44
Moyenne (σ) (2) 43,4 (11,5) 42,4 (11,3) 44,8 (11,8) 45,2 (11,5)
p (1) vs (2) 0,001 0,001 0,016 0,001
Tableau 2 Comparaison des scores de QDV physique dans deux études effectuées sur les patients de la cohorte APROCO avec les scores de QDV de référence (étude 1 : n = 360 ; étude 2 : n = 296 ; statistique de Fisher) Moyenne (σ) score de référence (1) 50,2 (31,0)
Étude Étude Étude Étude
1 2 1 2
à à à à
M0 M0 M36 M44
Moyenne (σ) (2) 50,7 (8,8) 50,6 (9,0) 50,4 (8,3) 51,0 (8,0)
p (1) vs (2) ns ns ns 0,015
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Tableau 3 Facteurs indépendamment associés à une meilleure QDV après trois ans sous HAART (Cohorte APROCO ; n = 706, Ancova multivariée, ajustée sur QDV à M0)
Emploi à M0
Hommes n = 561 QDV mentale QDV physique R2 = 0,34 R2 = 0,29 β p β p 0,033 2,1
Femmes n = 145 QDV mentale QDV physique R2 = 0,41 R2 = 0,46 β p β p 3,3 0,064
Niveau d’étude > Bac –2,1
Enfant à M0 Logement confortable à M0 Groupe de transmission
1
UDVI
3,4 3,5
Homosexuels
0,007
–1,9
0,244
–3,3
0,031
6,9
0,035 0,017
1 0,024
0,004
0,045
3,0 1,9
0,096
1,6
0,220
–1,6 –2,0
0,022 0,004
–1,8
0,018
–1,5
0,028
Hétérosexuels
5,0
0,014
Autres
2,7
0,005
Satisfaction des explications de l’équipe médicale Important soutien social du partenaire, de la famille et des amis Lipodystrophies Lipoatrophies
3,9
< 0,001
–4,2
< 0,001
Temps depuis le diagnostic de séropositivité supérieur ou égal à huit ans CD4+ ≥ 200 mm3 Symptomatologie dépressive
4,0 0,005
–4.8
0,008
–3,3
de la population française. Dans la première étude, on observe ainsi que la moyenne des scores de QDV physique des patients n’est pas significativement différente de la moyenne des scores de référence en population générale et cela au moment de la mise sous traitement puis après trois ans de traitement. De plus, on observe que la moyenne des scores de Tableau 4 Facteurs indépendamment associés à une meilleure QDV après 44 mois sous HAART (cohorte APROCO, n=296 ; Ancova multivariée :) Variables (ajustés sur QDV à M0) Présence d’enfant(s)
β
p
Emploi Locus de contrôle interne à M44
0,28
0,045
Relation de confiance avec le médecin à M0
4,56
0,009
Temps depuis la 1ère prise d’ARV (mois) CD4+ < 200 mm3 à M0 Stade sida à M0
–0,64 –5,6 × 10−2 –2,65
< 0,001
p 0,047
0,35
0,008 < 0,001
–0,25 –0,57
< 0,001
2,07
Locus de contrôle externe personnage tout puissant à M44 Nombre de symptômes perçus à M44
β –1,53
0,004
0,011 0,045 2,52
0,016
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Tableau 5 Facteurs indépendamment associés à une meilleure QDV durant les trois premières années sous HAART (modèle GEE multivarié, cohorte APROCO, n = 360) Variables (ajustés sur QDV à M0) β
QDV mentale p
Présence d’enfants à M0 Femmes Emploi à M0
–3,06
0,006
Au moins deux changements de traitement depuis M0
–1,92
0,005
Nombre de symptômes perçus
–0,007 1,83
0,009
Relation de confiance avec le médecin Satisfaction des explications de l’équipe médicale
< 0,001
β –1,93
QDV physique p < 0,001
1,90
< 0,001
–0,006
< 0,001
2,13
0,013
QDV physique des patients de la seconde étude n’est pas significativement différente de la moyenne des scores de référence en population générale au moment de la mise sous traitement. En revanche, après 44 mois sous traitement, et dans l’échantillon étudié, la moyenne des scores de QDV physique est significativement supérieure à la moyenne des scores de référence en population générale (p = 0,015). 5.2. Les corrélats individuels indépendamment associés à une meilleure QDV Le sentiment de contrôle opérationnalisé par un locus de contrôle interne est associé à une meilleure QDV (Tableau 4). L’altération de l’image corporelle par la survenue d’effets secondaires des traitements antirétroviraux tels que les lipoatrophies ou les lipodystrophies a un effet particulièrement dommageable sur la QDV (Tableaux 3 et 5). Les lipoatrophies ont des effets négatifs semblables quant à l’évaluation de l’image corporelle quel que soit le genre. De plus, les résultats montrent un effet particulièrement délétère des lipodystrophies sur la QDV physique et cela pour l’ensemble des patients quel que soit leur sexe. Les patients contaminés par usage de drogue présentent une QDV mentale et physique significativement dégradée par rapport aux patients « hommes » contaminés par relations sexuelles et aux autres modes de contamination et cela indépendamment des autres facteurs de vulnérabilité sociale et psychologique (Tableau 3). La présence de symptômes dépressifs apparaît clairement associée à une dégradation de la QDV tant mentale que physique (Tableau 3). 5.3. Les corrélats psychosociaux indépendamment associés à l’évaluation de la QDV : L’emprise du social dans l’évaluation de la QDV Le soutien social perçu ou le soutien émotionnel, sous la forme de soutien global de l’entourage intime, amical et familial apparaît clairement associé à l’évaluation d’une meilleure QDV mentale (Tableau 3). Le soutien informationnel et les relations avec le médecin ont un rôle capital sur la QDV mentale (Tableaux 4 et 5). La situation sociale en termes de situation professionnelle et de conditions de vie est associée à la QDV mentale (Tableaux 3–5).
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5.4. La qualité de vie et les caractéristiques médicales Le fait de devoir modifier son traitement a un impact négatif sur la QDV (Tableau 5). Le coût cognitif de ce type de décision apparaît comme un facteur de vulnérabilité de la QDV. Le nombre de symptômes perçus (Tableaux 3–5) directement lié aux effets secondaires ou indésirables des traitements paraît bien être l’un des principaux obstacles à l’évaluation d’une QDV satisfaisante. La situation immunologique (Tableaux 3 et 4) des patients lors de la mise sous traitement apparaît comme l’un des déterminants majeurs de la QDV mentale. Pour les patients suivis durant 44 mois après la mise sous multithérapies, on constate que les bénéfices des multithérapies sur la QDV physique sont plus importants chez les patients en stade sida à la mise sous traitement (Tableau 4). Le temps depuis le diagnostic de séropositivité (Tableau 3) et le temps depuis la première prise d’antirétroviraux (Tableau 4) sont associés avec une QDV physique et mentale dégradées. 5.5. Les déterminants sociodémographiques de la qualité de vie La parentalité demeure un facteur de vulnérabilité quant à la QDV physique des patients. Il semble que la parentalité ait un impact plus délétère pour les hommes que pour les femmes (Tableaux 3–5). Le niveau d’études (Tableau 3) apparaît, surtout pour les femmes, significativement associé à une meilleure évaluation de la QDV physique. 6. Conclusion Les premières années de la prise en charge médicale de l’infection à VIH se sont essentiellement centrées sur la recherche de thérapeutiques efficaces susceptibles de faire diminuer la mortalité liée à l’infection par le VIH. Ces recherches ayant été marquées de succès avec l’avènement de multithérapies antirétrovirales, une autre problématique est alors apparue : comment vivre avec des traitements à vie. C’est dans ce contexte que l’intérêt pour la QDV des patients a pris tout son sens. L’évaluation de la QDV permet, en effet, de comprendre les liens entre efficacité thérapeutique et évaluation subjective du traitement et d’appréhender de manière plus précise la façon dont les gens vivent et se soignent. Ce travail a eu pour objectif de montrer ce qu’une évaluation psychosociale pouvait apporter à la compréhension de la subjectivité de la QDV dans le cadre de l’infection à VIH. Pour cela, nous avons confronté la variation de la QDV à la variation d’un ensemble de paramètres sociaux et psychosociaux identifiés comme des composantes du système qu’est l’évaluation subjective. Dans un premier temps, nous nous sommes intéressés aux scores de QDV des patients de la cohorte APROCO et aux scores de QDV de la population générale. Concernant la QDV mentale, on constate que les scores de QDV mentale sont inférieurs aux scores de référence en population générale. Concernant la QDV physique, les scores des patients de la cohorte APROCO apparaissent supérieurs aux scores de référence en population générale. Ces derniers résultats apparemment contre-intuitifs confirment la nécessité de recherches explicatives plus approfondies concernant le processus d’évaluation dans un dispositif tel que celui qui a été utilisé. Plusieurs interprétations concurrentes ou complémentaires peuvent être proposées : ● une interprétation possible peut être trouvée dans la théorie du changement de réponses proposée par Sprangers et Schwartz (Sprangers et Schwartz, 1999). En effet, observer chez des
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patients infectés par le VIH un score de QDV physique supérieur à celui observé en population générale suggérerait un travail d’adaptation à la maladie et une reconceptualisation de la QDV effectuée par ces patients ; ● un effet de type « Hawthorne » ou « Western Electric » est envisageable. Les patients appartenant à une cohorte sont particulièrement bien suivis tant au niveau clinique que psychologique. On peut aller jusqu’à supposer que ces patients seraient mieux suivis médicalement que certains individus de la population de référence ; ● des effets mal contrôlables peuvent être localisés dans le symptôme de non-réponse aux autoquestionnaires. Les non-répondants bien souvent présentent des caractéristiques cliniques et médicales significativement dégradées par rapport aux patients répondants et inclus dans les deux études présentées. Ainsi, l’utilisation de l’échelle SF-36 qui présente des qualités psychométriques maintes fois démontrées (Burgoyne et Renwick, 2004 ; Carrieri et al., 2003 ; Tostes et al., 2004), a montré ses limites dans le cadre de l’infection par le VIH. En effet, cette échelle ne semble pas permettre de discriminer précisément des états de QDV physique différents. Par ailleurs, de par ses fondements théoriques, l’échelle SF-36 mesure diverses dimensions de la QDV, mais elle ne prend pas en compte des dimensions telles que le rapport à la sexualité, problématique particulièrement pertinente dans le cadre de l’infection par le VIH. Malgré ces limites, l’utilisation de l’échelle SF-36 a permis d’identifier les variations de la QDV selon la variation de différents paramètres constitutifs de l’identité personnelle et sociale des patients. Ainsi, les patients qui considèrent être acteurs de leur santé et contrôler leur santé ont une meilleure QDV. Dans notre société, la croyance en un locus de contrôle externe de type « personnage tout puissant » semble continuer à aller de pair avec la croyance en une toute puissance du médecin. Ce type de résultats suggère qu’une telle dépendance et soumission apparente, malgré ses avantages à court terme dans la prise en charge (Evans, et al., 2000), peuvent entraîner une certaine fragilité et vulnérabilité dans l’évaluation subjective de leur QDV par les patients. À l’inverse, les patients ayant un locus de contrôle interne attestent d’une meilleure QDV physique. La subjectivité liée au vécu de l’infection à VIH et qui apparaît lors de l’évaluation de la QDV informe sur le cheminement des patients quant à leur reconstruction du soi. Comme l’explique Pedinielli, la subjectivité peut être divisée en deux niveaux : un premier niveau intégrant dans les échelles la satisfaction, les émotions, le jugement, l’appréciation personnelle et un second niveau relatif à l’impact de la subjectivité sur l’évaluation de la QDV (Pedinielli et al., 1995). Cette double subjectivité de l’évaluation apporte des informations concernant les ressources disponibles pour le patient ou tout au moins l’utilisation qu’il fait de ses ressources. En effet, dans le cadre d’une maladie chronique c’est au moment clé de la reconstruction identitaire que se produisent les adaptations, les réajustements qui engendrent notamment une évolution des valeurs et des buts des individus. Ainsi, le sentiment de contrôle apparaît comme un point d’appui dans le processus d’adaptation, de reconceptualisation de la QDV. S’adapter à la maladie, à sa situation de malade c’est aussi prendre conscience du pouvoir d’agir sur sa vie et sa santé et donc affirmer un sentiment de contrôle de son état. Les résultats mettant en évidence l’impact positif du sentiment de contrôle sur la QDV peuvent être interprétés, dans le cadre d’une culture libérale comme la nôtre, en terme d’attribution causale et plus particulièrement de norme d’internalité. Celle-ci pour les malades comme pour les bien portants est une base d’estimation de la valeur sociale
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des personnes (Dubois, 1996). Dans les explications que tout un chacun construit des évènements et des conduites est ainsi généralement surestimé le poids des causes internes tandis qu’est occulté le rôle des déterminismes externes. Cette surestimation est socialement valorisée, comme l’ont initialement exposé Jellison et Green en introduisant le concept de norme d’internalité (Jellison et Green, 1981). Comme on le sait, comme toutes les normes, celle-ci n’est pas universelle : Beauvois et Dubois précisent bien que la norme d’internalité apparaît comme une norme sociale dans les sociétés libérales (Beauvois et al., 1999). L’internalité semble ainsi constituer un facteur protecteur de la QDV tandis que, les deux autres types de croyances de type contrôle externe demeurent des facteurs de risque quant à l’évaluation de la QDV. La corporéité par le vécu des effets secondaires affectant l’image corporelle agit particulièrement sur la QDV, mais de manière distincte selon le sexe, en référence aux normes des profils masculins et féminins socialement valorisés. On observe que les hommes sont extrêmement sensibles aux effets des lipoatrophies avec une QDV globale dégradée. Pour les femmes, on peut présumer qu’il existe un effet plus fonctionnel des lipodystrophies qui affecte leur capacité physique et par-là leur QDV physique. Ces résultats peuvent être interprétés en référence à la norme sociale de « profil corporel ». Les profils féminins plutôt minces sont socialement valorisés et les femmes souffrant de lipoatrophies sont moins nombreuses à être insatisfaites ou gênées par cette perte de poids, même si elle n’affecte que certaines parties du corps. Si l’on se réfère au modèle corporopsychosocial proposé par Santiago-Delfosse (2002), la remise en cause de la corporéité atteint à la fois l’identité personnelle et sociale. La toxicomanie, qui est un facteur de vulnérabilité pour la santé est aussi un facteur de vulnérabilité pour la QDV (Dalgard et al., 2004 ; Ventegodt et Merrick, 2003). Il paraît important de relever que chez les patients contaminés par usage de drogue, on observe, à certains moments du suivi, une QDV mentale et physique dégradées. Pour ces patients ayant été confrontés ou étant toujours confrontés à la toxicomanie, les vulnérabilités liées à la toxicomanie et la précarité sont essentielles dans l’élaboration de leur perception d’eux-mêmes dans le monde social. La présence de symptômes dépressifs apparaît clairement associée à une dégradation de la QDV tant mentale que physique, comme cela a pu être mis en évidence dans la littérature (Angermeyer et al., 2002 ; Deleval, 1999 ; Gaynes et al., 2002). On note, ainsi, la nécessité d’une prise en charge psychologique afin d’optimiser la QDV des patients. Par ailleurs, nous avons mis en évidence l’ancrage sociétal de l’évaluation de la QDV de par le rôle de l’entourage social, des soignants et du contexte social. Ainsi, l’évaluation de la QDV paraît particulièrement altérée selon le type de relation établie entre le patient et son médecin. La satisfaction du soutien informationnel pourrait être liée à différentes composantes de l’identité. Tout d’abord, du point de vue de l’identité personnelle, par le biais du sentiment de contrôle, bénéficier de suffisamment d’informations permettrait une prise en charge optimale. En outre, du point de vue de l’identité sociale et de la perception de soi dans l’environnement social, bénéficier d’informations permettrait une certaine reconnaissance sociale de la capacité à gérer ces informations. Le médecin joue un rôle central dans la prise en charge des personnes atteintes par le VIH, pour toutes les décisions thérapeutiques mais aussi dans la légitimation et l’orientation vers les aides sociales et psychologiques. Ce rôle s’est encore accru depuis que l’efficacité des multithérapies a fait de l’infection à VIH une maladie chronique, dont le suivi est principalement ambulatoire, les autres soignants, notamment les infirmières, ayant moins de contact avec les personnes atteintes aujourd’hui qu’à l’époque ou les hospitalisations étaient fréquentes. Par ailleurs, le mouvement associatif s’est, entre autres choses, atta
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ché à fournir aux personnes concernées une somme importante d’informations médicales, leur permettant de mieux comprendre l’histoire de l’infection à VIH, l’intérêt et les modes d’action des différents traitements. Cette redistribution des connaissances scientifiques a généré un bouleversement important de la relation médecin–patient. Ainsi, préalablement à cette nouvelle « ère », le médecin était « le » détenteur de l’information médicale et le seul à comprendre et juger de l’échec ou de la réussite d’un traitement, mais aussi le seul à pouvoir décider d’un changement thérapeutique. Suite au mouvement d’information des patients, cette toute puissance a dû être négociée. La satisfaction quant au soutien social émotionnel et informationnel ainsi que l’établissement de relations de confiance avec le médecin apparaissent clairement associés à une meilleure QDV. En effet, on observe la portée de l’insertion sociale et du regard social sur la perception de soi dans le monde. Comment exister dans un monde social sans relations sociales et sans un ancrage social qui permet aux individus d’exister notamment au travers du regard social. Il en est de même concernant la situation professionnelle des malades qui, au-delà des aspects fonctionnels et financiers qu’elle engendre, permet aussi aux personnes de maintenir des liens sociaux et une insertion sociale nécessairement liée à une meilleure évaluation de leur QDV. Par ailleurs, les données empiriques concernant le locus de contrôle, déjà discutées précédemment, méritent d’être confrontées aux résultats concernant les relations médecin–patient. Ce rapprochement fournit des informations quant au type de relations médecin–patient propres à être bénéfiques pour la QDV des patients. Ainsi, le désinvestissement cognitif et comportemental associé à un locus de contrôle externe et qui peut s’accompagner de relations de confiance avec le médecin, n’est pas synonyme d’une bonne QDV. À l’inverse, une relation de confiance avec le médecin, fondée sur la conscience de la portée de ses actions sur son état de santé est associée à une meilleure QDV. Le soutien social perçu apparaît expressément associé à une meilleure QDV, que ce soit par un effet direct ou un effet tampon. Notons que la perception de soutien social apparaît d’autant plus salutaire auprès des patients contaminés par usage de drogue. Enfin, le contexte social, par le biais d’indicateurs de précarité sociale, semble fondamental lors de l’évaluation de la QDV. Il s’agit ici, au-delà de la capacité physique à occuper un emploi, de l’impact psychologique de l’insertion sociale et de la situation financière des individus. Occuper un emploi nécessite une forme physique minimale et le fait d’avoir un emploi engendre une situation dans laquelle la QDV physique est évaluée de manière optimale. Ces données mettent en évidence les différentes vulnérabilités des patients infectés par le VIH face à la QDV. Ces vulnérabilités d’ordre psychologique, psychosocial et social appellent à la nécessité d’une approche globale et constructionniste de la QDV qui ne peut pas se réduire à une simple approche médicale et fonctionnelle. L’évaluation de la QDV ne peut pas se laisser dominer par l’idéologie de l’évaluation, où prédominent l’analyse, la segmentation et la fragmentation à outrance. On observe actuellement un réel engouement pour les mesures de QDV et cela particulièrement dans le cadre de l’infection à VIH et de la co-infection VIH–VHC qui concerne un nombre croissant de patients. Afin d’optimiser la compréhension des données de QDV et surtout d’envisager la possibilité d’en tirer des conclusions pertinentes en termes d’évaluation thérapeutique, il est nécessaire de se placer dans une approche globale du vécu des patients ; une approche ouverte capable d’intégrer divers autres paramètres et notamment capable d’envisager les ajustements du patient à sa situation et donc capable de moduler, d’adapter ces attentes et ces besoins à ceux exprimés par les patients.
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7. Le groupe d’étude APROCO Conseil scientifique : ● principaux investigateurs : C. Leport, F. Raffi ; ● méthodologie : G. Chêne, R. Salamon ; social sciences : J.-P. Moatti, J. Pierret ; Virology: F. Brun-Vézinet, H. Fleury ; pharmacology : G. Peytavin; R Garraffo ; ● autres membres : D. Costagliola, P. Dellamonica, C. Katlama, L. Meyer, M. Morin, D. Sicard, A. Sobel, F. Ballereau ; ● observateurs : M.-A. Bach, F. Bourdillon, P. Choutet, J.-F. Delfraissy, J. Dormont, Y. Souteyrand, J-L. Vildé. Monitorage et analyses statistiques : C. Alfaro, S. Boucherit, V. Cailleton, C. Charlois, C. Droz, S. Duran, X. Duval, J.L. Ecobichon, C. Egouy, V. Journot, R. Lassalle, V. Le Moing, C. Lewden, B. Masquelier, W. Nouioua, G. Palmer, C. Petit, M. Préau, S. Roloff, M. Savès, B. Spire, R. Winum. Sponsor : Agence nationale de recherches sur le sida (ANRS, action coordonnée no 7). Autres supports : association des professeurs de pathologie infectieuse et tropicale (APPIT) et compagnies pharmaceutiques : Abbott, Boerhinger-Ingelheim, Roche, Bristol Myers Squib Pharma, Merck Dohm Chibret, Glaxo-SmithKline. Centres cliniques (coordinateurs) : Amiens (Pr Schmit), Angers (Dr Chennebault), Belfort (Dr Faller), Besançon (Dr Estavoyer, Pr Laurent, Pr Vuitton), Bordeaux (Pr Beylot, Pr Lacut, Pr Le Bras, Pr Ragnaud), Bourg-en-Bresse (Dr Granier), Brest (Pr Garré), Caen (Pr Bazin), Compiègne (Dr Veyssier), Corbeil Essonnes (Dr Devidas), Créteil (Pr Sobel), Dijon (Pr Portier), Garches (Pr Perronne), Lagny (Dr Lagarde), Libourne (Dr Ceccaldi), Lyon (Pr Peyramond), Meaux (Dr Allard), Montpellier (Pr Reynes), Nancy (Pr Canton), Nantes (Pr Raffi), Nice (Pr Cassuto, Pr Dellamonica), Orléans (Dr Arsac), Paris (Pr Bricaire, Pr Caulin, Pr Frottier, Pr Herson, Pr Imbert, Dr Malkin, Pr Rozenbaum, Pr Sicard, Pr Vachon, Pr Vildé), Poitiers (Pr Becq-Giraudon), Reims (Pr Rémy), Rennes (Pr Cartier), Saint-Étienne (Pr Lucht), Saint-Mandé (Pr Roué), Strasbourg (Pr Lang), Toulon (Dr Jaubert), Toulouse (Pr Massip), Tours (Pr Choutet). Nous tenons à remercier tous les patients, les infirmières et les médecins des services hospitaliers. Remerciements Ces recherches ont été effectuées grâce au soutien financier de l’Agence nationale de recherche sur le sida. Nous tenons à remercier les membres du groupe d’étude APROCO. Références Angermeyer, M.C., Holzinger, A., Matschinger, H., Stengler-Wenzke, K., 2002. Depression and quality of life: results of a follow-up study. International Journal of Social Psychiatry 48 (3), 189–199. Auge, M., Herzlich, C., 1984. Le sens du mal. Anthropologie, histoire et sociologie de la maladie. Éditions des Archives Contemporaines, Paris. Beauvois, J.L., Dubois, N., Doise, W., 1999. La construction sociale de la personne. PUG, Grenoble.
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