Souffrance psychosociale et antécédents biographiques traumatiques des fumeurs

Souffrance psychosociale et antécédents biographiques traumatiques des fumeurs

Presse Med 2004; 33: 919-26 © 2004, Masson, Paris C O N T R I B U T I O N S O R I G I N A L E S Article Emilio La Rosa1, 2 Silla M. Consoli , 1 ...

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Presse Med 2004; 33: 919-26

© 2004, Masson, Paris

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O R I G I N A L E S

Article

Emilio La Rosa1, 2 Silla M. Consoli , 1 Hervé Le Clésiau , 1 Karema Soufi , 3 Gilbert Lagrue

Souffrance psychosociale et antécédents biographiques traumatiques des fumeurs Enquête auprès de consultants d’un Centre de prévention sanitaire et sociale

Summary

Résumé

Psychosocial distress and stressful life antecedents associated with smoking

Position du problème Les liens entre le tabagisme et divers déterminants sociodémographiques ou socioéconomiques, de même que les interactions entre humeur dépressive et tabagisme sont déjà connus. Toutefois, le poids respectif des facteurs d’ordre psychologique et de certains antécédents biographiques traumatiques au cours de l’enfance et de l’adolescence mérite d’être précisé. Méthodes 2 315 consultants, âgés de 16 à 59 ans, qui se sont présentés consécutivement dans un Centre de prévention sanitaire et sociale pris en charge par l’assurance maladie, ont été invités à remplir une série de questionnaires : le GHQ-28 et le LOT, mesurant respectivement le degré de souffrance psychosociale et l’optimisme dispositionnel, ainsi qu’un questionnaire portant sur des données démographiques, socioéconomiques et biographiques. Résultats 78,1 % de dossiers complets ont pu être exploités : le groupe “fumeurs” (n = 870, 48,1 %) déclare une consommation actuelle moyenne d'au moins 1 cigarette/jour. Il est caractérisé par une prédominance de sexe masculin, d'âge élevé, de niveau d'instruction modeste, de faible niveau de revenus du foyer et répond plus fréquemment à des critères de précarité socioéconomique (p < 0,001, sauf pour l'âge : p = 0,006). Le tabagisme est aussi associé à une plus grande souffrance psychosociale au GHQ-28 et notamment aux composantes de dépressivité et d’anxiété (p < 0,001), et à un degré moindre d’optimisme dispositionnel (p < 0,01). Les fumeurs sont caractérisés par un mode de vie actuel marqué par des difficultés financières et une réduction des contacts sociaux, ainsi que par la survenue plus fréquente, avant l’âge de 18 ans, de difficultés familiales : divorce ou séparation des parents (p = 0,002), disputes fréquentes entre les parents (p < 0,001) et séparation d’avec les parents (p < 0,001). La présence d’une dépressivité au GHQ-28 et les disputes fréquentes entre les parents constituent des facteurs de risque indépendants de tabagisme, en régression logistique multiple (odds ratios respectivement de 1,61 et 1,34), après

A survey of subjects consulting a preventive health center

1 - Centre de prévention sanitaire et sociale de la Caisse primaire d’assurance maladie de la Seine-Saint-Denis (93) 2 - Service de psychologie clinique et psychiatrie de liaison, Hôpital européen George Pompidou, Paris (75) 3 - Centre de tabacologie, CHU Henri Mondor, Créteil (94)

Correspondance : Emilio La Rosa CPSS 2-4, av. de la Convention 93017 Bobigny Tél. : 01 43 11 43 61 Fax : 01 43 11 43 44 [email protected]

Reçu le 18 juillet 2003 Accepté le 18 février 2003

Background The relationship between smoking and various sociodemographic or socio-economic factors, as well as the interactions between depressive mood and smoking are already known. However, the respective contribution of psychological factors and stressful life antecedents during childhood and adolescence warrants further specification. Methods 2315 consecutive subjects, aged 16 to 59, consulting for a free work-up in a preventive health centre, supported by the National French Health insurance system, were invited to fill out a series of questionnaires: the GHQ-28 and the LOT, respectively measuring psychosocial distress and dispositional optimism, as well as a questionnaire on socio-demographic, socio-economic and biographical data. Results 78.1% complete records could be analysed: the “smokers“ group (n = 870, 48.1%) declared a current tobacco consumption of at least one cigarette/day. This group was characterized by a predominance of male subjects, older age, modest educational level, low income level and responded to socio-economic criteria of precariousness more frequently (p < 0.001, except for age: p = 0.006). Smoking was also associated with higher levels of psychosocial distress, as assessed by GHQ-28, especially for the depressive mood and anxiety items of the questionnaire (p < 0.001), and with lower levels of dispositional optimism (p < 0.01). As regards biographical data, smokers were characterized by a way of life marked by financial problems, reduced social contacts, and a higher frequency, before the age of 18, of divorce or separation of the parents (p = 0.002), frequent parental quarrels (p < 0.001) or separation from the parents (p < 0.001). The presence of a depressive mood at GHQ-28 as well as frequent parental quarrels remained independent risk factors for smoking in multiple logistic

28 août 2004 • tome 33 • n°14 • cahier 1

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Souffrance psychosociale et antécédents biographiques traumatiques des fumeurs Enquête auprès de consultants d'un Centre de prévention sanitaire et sociale

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regression (odds ratio respectively equal to 1.61 and 1.34), after controlling for gender, educational level and the notion of socioeconomic precariousness. Conclusion These results highlight the complementary role of socio-economic, psychological factors and certain stressful life antecedents among the determinants of smoking and should be taken into account for tailoring smoking cessation programs.

ajustement sur le sexe, le niveau d’instruction et la notion de précarité socioéconomique. Conclusion Ces résultats mettent en évidence la complémentarité des facteurs socioéconomiques, psychologiques et de certains antécédents biographiques traumatiques, parmi les déterminants du tabagisme. Ils devraient être pris en considération dans l’élaboration des projets de sevrage.

E. La Rosa, S. M. Consoli, H. Le Clésiau, K. Soufi, G. Lagrue Presse Med 2004 ; 33 : 919-26 © 2004, Masson, Paris

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e tabagisme, problème majeur de santé publique, est une redoutable épidémie silencieuse de ce siècle. Dans le monde, 4 millions de décès annuels sont liés au tabac, avec une projection de plus de 8 mil1 lions en 2020 et avec une progression plus importante chez les femmes.Ainsi, dans 10 à 20 ans, la mortalité par cancer du poumon chez les femmes dépassera celle par cancer du sein. Selon l’Organisation mondiale de la santé,il existe actuellement dans le monde environ 1,1 milliards de fumeurs, soit un tiers de la population mondiale de plus de 15 2 ans . Dans les pays occidentaux, 42 % des hommes et 24 % des femmes sont des fumeurs; dans les pays en développement, la prévalence est estimée à 48 % chez 3 les hommes et à 7 % chez les femmes . Le tabagisme est la principale cause de décès précoces 4 évitables : 50 % des fumeurs qui commencent très tôt et continuent régulièrement à fumer pendant toute leur vie mourront d’une maladie liée au tabac, perdant en 5 moyenne plus de 20 ans d’espérance de vie . En France, le tabac est responsable de 66 000 décès annuels, par cancer broncho-pulmonaire, maladie pulmonaire obstructive chronique,maladie coronarienne et cancers des 6 voies aéro-digestives supérieures . Il existe une association significative entre tabagisme et 7 8 évènements stressants , violences familiales , conflits parentaux, manque affectif ou absence prolongée des 9 parents . Il en est de même avec le niveau d’éducation 10,11 . Sont également des parents et leur statut marital 12-16 , établis des liens entre tabagisme et dépression 17,18 10,16 , consommation de drogues , consommaanxiété 10,19 ,précarité socioéconomique19. tion régulière d’alcool Pour mesurer, en population générale ou dans certains contextes morbides somatiques, le degré de souffrance

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psychosociale, l’un des outils le plus utilisés est le GHQ20 28 (General Health Questionnaire à 28 items) . La prévalence d’une souffrance psychosociale pouvant avoir 21-24 . Parmi une signification clinique varie de 11 à 50 % les déterminants de cette souffrance, on trouve la confrontation à des événements graves survenus pendant l’enfance ou l’adolescence, tels que le divorce des parents, la séparation précoce d’avec les parents, la notion de disputes fréquentes et graves entre les parents, 24 ou encore le décès d’un ou des deux parents . L’importance des ruptures précoces des liens d’attachement dans la survenue de troubles dépressifs à l’âge adulte est 25,26 . également bien établie Il ressort ainsi de l’analyse des trajectoires de vie que l’environnement social,les événements éprouvants de la vie et la personnalité du sujet contribuent, chacun à des degrés divers,à la genèse ou à l’évolution de troubles mentaux ou 27 physiques .Mais si nous disposons désormais de données concordantes sur l’association entre souffrance psychosociale et événements graves survenus pendant l’enfance ou l’adolescence, ainsi qu’entre tabagisme et souffrance psychique chez le sujet tabagique, les relations entre antécédents biographiques traumatiques et tabagisme demandent à être mieux comprises.De tels antécédents agissent-ils par le biais de la souffrance psychosociale qu’ils ont possiblement entraînée ou indépendamment ? Afin de répondre à une telle question,nous avons décidé de mesurer systématiquement le degré de souffrance psychosociale et de repérer les événements de vie traumatiques survenus avant l’âge de 18 ans, chez des fumeurs actuels comparés à des non-fumeurs évalués dans les mêmes conditions, au sein d’une population d’individus rencontrés dans le cadre d’un examen de santé. 28 août 2004 • tome 33 • n°14 • cahier 1

E. La Rosa, S. M. Consoli, H. Le Clésiau, K. Soufi, G. Lagrue

Méthodes POPULATION ÉTUDIÉE L’étude s’est déroulée au Centre de prévention sanitaire et sociale (CPSS) de la Caisse primaire d’assurance maladie (CPAM) de la Seine-Saint-Denis.Deux mille trois cent quinze consultants,âgés de 16 à 59 ans,s’étant présentés consécutivement entre avril et octobre 1998 pour passer un examen de santé pris en charge par la Caisse, ont été invités à participer à l’enquête. Mille huit cent neuf (78,1 %) ont accepté en donnant leur consentement éclairé et ont rempli la totalité des questionnaires proposés, 297 n’ont rempli que le questionnaire socioéconomique et biographique, 72 ont abandonné en cours de route pour des raisons de langue, 45 n’ont pas rendu leurs questionnaires et 92 ont refusé de participer. Le tabagisme actuel a été défini,à partir de la déclaration des sujets, comme une consommation ≥ 1 cigarette par jour. Le niveau de revenus mensuels du foyer a été réparti en deux catégories (≤ ou > 840 € par mois), en référence au revenu minimal garanti. La présence d’un statut de précarité socioéconomique a été définie à partir de critères objectifs, purement administratifs : allocataires du revenu minimum d’insertion (RMI), 16-25 ans en stage d’insertion, chômeurs, bénéficiaires d’une pension d’invalidité, titulaires de l’Allocation adultes handicapés ou de l’Allocation parents isolés, bénéficiaires du contrat emploi solidarité, sans domicile fixe, et ayant droit des catégories ci-dessus mentionnées. Ces critères, centrés principalement sur la notion du travail (perte ou précarité de l’emploi), sont couramment utilisés pour définir les consultants en situation de précarité dans les Centres d’examens de santé.

PROTOCOLE L’enquête a été réalisée à l’aide de 3 auto-questionnaires.

❚ Le General Health Questionnaire de Goldberg dans sa version à 28 items (GHQ-28) Il s’agit d’un questionnaire qui explore l’état du sujet au cours des dernières semaines et qui permet de dépister divers troubles psychiatriques non psychotiques dans la 20 population générale . Le GHQ-28 est une version sim28 plifiée de la première version (GHQ-60) , qui conserve 29 les propriétés psychométriques de la version initiale . Il couvre 4 domaines : plaintes somatiques (ou “somatisation”), anxiété et insomnie, dysfonctionnement social et dépressivité. À chaque question sont associées 4 modalités de réponses (par ex. : pas du tout / pas plus que d’habitude / un peu plus que d’habitude / bien plus que d’habitude).Trois systèmes de cotation ont été pro20 posés dont le système 0, 0, 1, 1 ne retenant pour chaque item que les dysfonctionnements moyens ou 28 août 2004 • tome 33 • n°14 • cahier 1

sévères, considérés par le sujet comme inhabituels, et accordant à ces derniers la même pondération. Nous avons utilisé le GHQ à la fois dans une approche dimensionnelle, le score global reflétant l’intensité de la détresse psychosociale ressentie par un individu, et dans une approche catégorielle autour du seuil 5/6 ; les sujets ayant un score > 5 pouvant être considérés comme caractérisés par un “état”de détresse psychosociale. Les 4 parties du questionnaire permettent également de calculer 30 4 sous-scores continus.Le GHQ a été validé en France et utilisé dans des contextes culturels diversifiés.

❚ Le Life Orientation Test (LOT) de Scheier et Carver 31

Ce questionnaire est destiné à mesurer l’optimisme dispositionnel (ou capital d’optimisme) dont dispose l’individu pour évaluer les événements de sa vie ou formuler ses attentes (ex. : je suis quelqu’un qui se dit “après la pluie le beau temps”). L’échelle comporte 12 affirmations :4 affirmations sont des “distracteurs”et ne sont pas incluses dans le calcul du score, 4 sont formulées positivement et 4 négativement,se rapportant respectivement à une position optimiste ou pessimiste.

❚ Le questionnaire socioéconomique et biographique Il comporte 31 questions qui décrivent des caractéristiques sociodémographiques et socioéconomiques,telles que l’âge,le sexe,le niveau d’instruction,la situation professionnelle, le niveau de revenus, mais aussi les conditions de vie actuelle du sujet, telles que la composition du ménage,l’existence de mesures de protection sociale, le type de logement, l’utilisation du réseau social et les activités sociales (contacts avec les parents,contacts avec les amis,activités de loisir,sorties au cinéma,organisation des vacances, pratique d’un sport), les difficultés économiques (difficultés pour payer les factures d’électricité, de gaz,d’eau ou de téléphone ;problèmes d’argent pour acheter de la nourriture), ainsi que les événements de vie survenus avant l’âge de 18 ans (décès d’un ou des deux parents ; séparation ou divorce des parents ; maladies, handicaps ou accidents graves du père ou de la mère ;séparation d’avec les parents ;disputes fréquentes entre les parents).

ANALYSE STATISTIQUE La distribution des variables catégorielles a été comparée entre le groupe des fumeurs (≥ 1 cigarette /jour) et le 2 groupe des non-fumeurs, à l’aide du test du χ . Les moyennes des variables quantitatives ont été comparées à l’aide du test t de Student. Au sein du groupe de fumeurs, la force de l’association entre tabagisme,en nombre de cigarettes par jour,et chacune des autres variables a été mesurée en calculant les coefficients de corrélation r de Pearson, les variables La Presse Médicale - 921

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Enquête auprès de consultants d'un Centre de prévention sanitaire et sociale

Article Tableau 1

Résultats

Relations entre tabagisme et caractéristiques sociodémographiques ou socioéconomiques Paramètre

Fumeurs (n = 870) 48,1 %

Non fumeurs (n = 939) 51,9 %

Sexe • Hommes (%) • Femmes (%)

55,5 44,5

37,1 62,9

Niveau d’instruction • Non scolarisés ou études primaires • Études secondaires • Bac et plus

35,8 39,9 24,3

34,1 31,2 34,7

Précarité • Oui • Non

62,9 37,1

48,4 51,6

48,3 51,7 100

35,9 64,1 100

37,7 ± 10,7

36,2 ± 11,7

p < 0,001

< 0,001

< 0,001

Revenus du foyer • ≤ 840 euros/mois • > 840 euros/mois

< 0,001

Âge (ans) *

0,006

* L'âge est présenté sous forme de moyennes et écart-types

Tableau 2

Relations entre tabagisme, caractéristiques psychologiques et consommation alcoolique Élément de comparaison

Fumeurs

Consommation d’alcool (g/jour)

8,6 ± 20,4a

3,0 ± 9,2

< 0,001b

7,92 ± 7,15a 2,44 ± 2,27 2,71 ± 2,39a 1,56 ± 2,11 1,25 ± 2,04a 18,4 ± 5,1

6,82 ± 6,33 2,36 ± 2,18 2,29 ± 2,31 1,37 ± 1,90 0,82 ± 1,60 19,1 ± 5,0

0,001b 0,46 < 0,001b 0,054 b < 0,001 0,003

Scores psychologiques • Souffrance psychosociale (GHQ-28) • Somatisation (GHQ-28) • Anxiété (GHQ-28) • Dysfonctionnement social (GHQ-28) • Dépressivité (GHQ-28) • Optimisme dispositionnel (LOT)

Non fumeurs

p

Les résultats sont présentés sous forme de moyennes et d'écart types a Test de Levene sur l'égalité des variances significatif pour p < 0,001 b Comparaison des moyennes, dans l'hypothèse des variances inégales GHQ : General Health Questionnaire ; LOT : Life Orientation Test

catégorielles dichotomiques (sexe, précarité, etc.) ou ordonnées (niveau d’instruction) étant traitées, pour cette analyse, comme des variables continues. Un modèle de régression logistique multiple a permis d’estimer les odds ratios (OR) de la modalité “fumeurs” de la variable tabagisme, à partir de l’ensemble des variables socioéconomiques, psychologiques et biographiques qui se sont révélées significativement liées au tabagisme en analyse univariée. Pour ce faire, les variables continues (dépressivité, optimisme, etc.) ont été transformées en variables dichotomiques,en référence à la médiane. 922 - La Presse Médicale

Huit cent soixante dix sujets (48,1 %) de la population étudiée déclarent fumer ≥ 1 cigarette /jour (58,1 % des hommes et 39,6 % des femmes) et 939 (51,9 %) déclarent ne pas fumer. Parmi les fumeurs, près de la moitié (48,6 %) fument plus de 15 cigarettes/jour. Les caractéristiques sociodémographiques et socioéconomiques des deux groupes ainsi retenus sont décrites dans le tableau 1 . Le tabagisme est plus fréquent chez les hommes, les personnes ayant un niveau d’instruction plus modeste, les sujets à revenus modestes et les personnes en situation de précarité socioéconomique. La moyenne d’âge des fumeurs est par ailleurs plus élevée que celle des non-fumeurs. Le tableau 2 résume les comparaisons entre les fumeurs et les non-fumeurs, pour la consommation alcoolique et les principales caractéristiques psychologiques. Les fumeurs ont une consommation d’alcool plus importante et des scores plus élevés de souffrance psychosociale (score total, anxiété, et dépressivité). Ils apparaissent aussi moins optimistes que les non-fumeurs. Le tableau 3 résume les principales caractéristiques biographiques, récentes ou passées, des deux groupes étudiés.Au cours des 6 derniers mois, les fumeurs ont plus fréquemment été hébergés dans un centre d’accueil d’urgence ou eu des problèmes financiers pour acheter de la nourriture. Ils ont aussi moins souvent pu aller au cinéma, aux spectacles ou partir en vacances. En outre, les fumeurs sont caractérisés par des pourcentages significativement plus élevés de divorces ou séparations des parents survenus avant l’âge de 18 ans,de disputes fréquentes entre les parents ou de séparations d’avec les parents.En revanche,il n’y a pas de différence significative en ce qui concerne la fréquence d’une maladie grave d’un parent ou la fréquence du décès d’un ou des deux parents. Le tableau 4 présente les coefficients de corrélation r de Pearson entre la consommation de tabac mesurée en nombre de cigarettes par jour au sein du groupe de fumeurs et un certain nombre de variables continues telles que l’âge ou les variables psychologiques. Pour donner une idée de la force du lien, un coefficient de corrélation a aussi été calculé pour les variables catégorielles à deux classes (sexe,niveau de revenus,précarité, survenue d’événements graves avant l’âge de 18 ans) ou la variable niveau d’instruction,ordonnée en 3 classes de niveau croissant. En utilisant un modèle de régression logistique multiple, plusieurs variables apparaissent, de manière indépendante,associées au risque du tabagisme (tableau 5).Dans une première étape ont été introduites dans l’analyse multivariée toutes les variables indépendantes d’ordre 28 août 2004 • tome 33 • n°14 • cahier 1

E. La Rosa, S. M. Consoli, H. Le Clésiau, K. Soufi, G. Lagrue

Tableau 3

Relations entre tabagisme et caractéristiques biographiques Élément de comparaison

Fumeurs

Non fumeurs

p

Au cours des 6 derniers mois : • Demande d'aide pour payer des factures • Utilisation d'un hébergement d'urgence • Problèmes rencontrés pour l'achat de nourriture • Pas de contacts avec les membres de la famille • Pas de sorties au cinéma ou aux spectacles • Pas de départ en vacances • Pas de sport

18,0 4,7 39,2 24,7 49,0 53,9 53,5

15,2 2,2 27,8 25,7 45,1 47,3 50,7

0,08 0,003 < 0,001 0,29 0,05 0,003 0,141

Événements traumatiques avant l’âge de 18 ans • Divorce ou séparation des parents • Disputes fréquentes des parents • Séparation d'avec les parents • Maladie grave d'un parent • Décès d'un ou des deux parents

21,3 29,9 17,2 15,4 21,1

15,8 21,9 11,2 14,9 20,6

0,002 < 0,001 < 0,001 0,41 0,42

sociodémographique, socioéconomique, psychologique ou biographique qui s’étaient révélées significativement associées au tabagisme en analyse univariée. Ont été alors progressivement éliminées, pas à pas, les variables les moins liées sur le plan statistique. La consommation alcoolique n’a pas été prise en compte dans le modèle, malgré ses liens avec le tabagisme,car partageant un certain nombre de déterminants avec ce dernier et risquant ainsi de masquer la valeur prédictive des autres variables. La dépressivité et l’anxiété (GHQ-28), ainsi que l’optimisme dispositionnel (LOT) ont été transformés en variables catégorielles à deux classes autour de la valeur médiane. Dans le modèle final,les facteurs de risque du tabagisme sont : le sexe masculin (OR = 2,47), un niveau d’instruction moyen (OR = 1,51), voire modeste (OR = 1,29), la précarité socioéconomique (OR = 1,63), la présence d’une dépressivité (OR = 1,61) et la notion de disputes fréquentes entre les parents (OR = 1,34). La notion de séparation d’avec les parents voisine le seuil de signification statistique (OR = 1,38 ; p = 0,056).

Discussion La prévalence du tabagisme (48,1 % dont 58,1 % chez les hommes et 39,6 % chez les femmes) parmi les consultants de 16 à 59 ans du Centre d’examens de santé de la Seine-Saint-Denis est supérieure aux données disponibles en population générale française (29,3 % en moyenne : 32 35 % chez les hommes et 21 % chez les femmes) . Le nombre de fumeurs à plus de 15 cigarettes/jour est de près de 50 % ;ce chiffre est très supérieur à celui obtenu en population générale : 33 % dans le sondage récent INPES-BVA d’octobre 2000. Ces fumeurs ont donc certainement une forte dépendance tabagique. 28 août 2004 • tome 33 • n°14 • cahier 1

Tableau 4

Coefficients de corrélation r de Pearson avec la consommation de tabac (nombre de cigarettes par jour) dans le groupe de fumeurs Paramètre

r

p

Variables sociodémographiques Âge Sexe masculin Niveau d'instruction Niveau de revenus ≤ 840 euros/mois Précarité socioéconomique

0,23 0,13 -0,13 0,01 - 0,03

< 0,001 0,001 0,001 0,76 0,51

Variables psychologiques Souffrance psychosociale Anxiété Dépressivité Dysfonctionnement social Optimisme dispositionnel

0,11 0,12 0,09 0,08 - 0,13

0,003 0,002 0,023 0,046 0,001

Consommation d’alcool (g/jour)

0,21

< 0,001

Caractéristiques biographiques récentes Pas de sorties au cinéma ou aux spectacles Pas de sport Pas de départ en vacances

0,13 0,17 0,12

0,001 < 0,001 0,003

Événements graves survenus avant l’âge de 18 ans Disputes fréquentes des parents Divorce ou séparation des parents Séparation d’avec les parents

0,04 0,02 0,03

0,38 0,61 0,47

La prévalence élevée d’un tabagisme important peut s’expliquer par la présence d’un pourcentage important de personnes en situation de précarité socioéconomique au sein de cette population (55,4 %) : d’ailleurs, ce sousgroupe présente un taux plus élevé de tabagisme (54,6 %) par rapport au sous-groupe non précaire (40,0 % ; p < 0,001). Le département de la Seine-Saint-Denis cumule un certain nombre d’indicateurs socioéconomiques défavoLa Presse Médicale - 923

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Enquête auprès de consultants d'un Centre de prévention sanitaire et sociale

Article Tableau 5

Facteurs associés au tabagisme (régression logistique multiple) Facteur étudié

OR

Variables sociodémographiques et socioéconomiques Sexe Féminin 1 Masculin 2,47 Niveau d’instruction supérieur 1 moyen 1,51 modeste 1,29 Précarité Non 1 Oui 1,63 Variables psychologiques et antécédents biographiques Dépressivitéa Non 1 Oui 1,61 Séparation d'avec les parents Non 1 Oui 1,38 Disputes fréquentes des parents Non 1 Oui 1,34

IC 95 %

p

2,00-3,06

< 0,001

1,16-1,96 0,99-1,67

0,002 0,06

1,31-2,02

< 0,001

1,28-2,02

< 0,001

0,99-1,91

0,056

1,03-1,74

0,028

a

Variable dichotomique en référence à la médiane

OR : odds ratio ; IC 95 % : intervalle de confiance à 95 %

rables :revenu moyen imposable (19 889 euros en 1999) inférieur à la moyenne de l’Île-de-France (27 352 euros), taux de chômage (11,3 % en 2001) supérieur à celui de l’Ile-de-France (8 %) ; 37 273 allocataires du RMI, représentant 22 % de l’ensemble des allocataires de l’Ile-deFrance (165 575) et 130 275 bénéficiaires de la Couver33 ture médicale universelle (CMU) complémentaire . Quant à la population ici étudiée, elle reflète relativement bien celle des consultants de 16 à 59 ans du Centre, puisque l’enquête avait été proposée systématiquement, sans sélection préalable, à tous les sujets qui s’étaient présentés consécutivement au cours d’une période donnée et que le taux de participation s’est avéré très élevé (78,1 %). Les fumeurs sont significativement plus âgés, dans cette enquête,que les non-fumeurs et sont caractérisés par des niveaux d’instruction moyens ainsi que par un niveau de revenus plus modeste (tableau 1). Ces données vont dans le sens d’une association entre niveau socioéconomique et tabagisme, déjà signalée par d’autres tra19,34 , mais notre enquête permet de confirmer que vaux le niveau d’instruction et la précarité socioéconomique constituent des facteurs de risque indépendants de tabagisme, comme le montrent les résultats de l’analyse de la régression logistique multiple (tableau 5). Les résultats des variables psychologiques confirment l’importance de la détresse psychosociale et ses compo924 - La Presse Médicale

santes, évaluées par le GHQ-28, comme des facteurs de risque< inversement l’optimisme dispositionnel au LOT constitue un facteur protecteur. Les fumeurs apparaissent ainsi psychologiquement moins armés pour faire face à l’adversité : ils sont à la fois plus anxieux, plus dépressifs et moins optimistes. Cette dernière donnée est nouvelle, par rapport aux publications déjà connues sur l’optimisme, mais reste cohérente avec la portée “salutogène” de cette ressource cognitive, qui est censée favoriser une meilleure gestion des situations de stress et être associée à des comportements de santé 35,36 .L’association entre dépressivité,anxiété et plus sains tabagisme confirme le recours au tabac comme moyen de régulation d’affects négatifs; la cigarette peut alors être considérée comme une automédication, source de pérennité du comportement tabagique et de la dépen37-39 . Il existe entre les deux questionnaires (GHQdance 28 et LOT) un recouvrement conceptuel partiel évident; d’ailleurs, sur l’ensemble de la population étudiée, les coefficients de corrélation entre le score d’optimisme et les score de dépressivité et d’anxiété au GHQ sont respectivement égaux à -0,45 et -0,31 (p < 0,001).Toutefois, la consigne du GHQ, explorant la période des dernières semaines, avec une formulation des énoncés au passé composé et le système de cotation employé (0, 0, 1, 1), privilégiant les symptômes inhabituels, font de cette variable essentiellement une variable-état, alors que les formulations du LOT repèrent plutôt un état d’esprit stable, c’est-à-dire une variable-trait. En dépit de cette complémentarité, en analyse multivariée, la valeur prédictive de l’optimisme et de l’anxiété s’efface devant celle de la dépressivité. Dans le volet social et biographique du tabagisme (tableau 3) les sujets appartenant au groupe de fumeurs sont en rupture de liens sociaux et culturels,ont des problèmes économiques (problèmes rencontrés pour l’achat de nourriture, au cours des 6 derniers mois), ont été plus exposés à des événements familiaux graves à impact traumatique,avant d’avoir atteint l’âge de 18 ans : divorce ou séparation des parents, disputes fréquentes entre les parents, séparation d’avec les parents, comme 7,8,11 .Parmi cela a été signalé dans des nombreux travaux ces variables, la notion de disputes fréquentes entre parents reste un facteur de risque significatif en analyse de la régression logistique multiple. Ainsi le lien entre certains événements éprouvants survenus au cours de l’enfance ou de l’adolescence et l’installation d’une conduite addictive telle que le tabagisme ne peut pas s’expliquer uniquement par les troubles émotionnels (anxiété, dépressivité) que ces événements peuvent avoir induit. La privation et l’insécurité relationnelle qui en résulte, peuvent avoir fragilisé les enfants ou adolescents futurs fumeurs. En effet, à milieu social compa28 août 2004 • tome 33 • n°14 • cahier 1

E. La Rosa, S. M. Consoli, H. Le Clésiau, K. Soufi, G. Lagrue

CE

Q U I É TA I T C O N N U

• L'association entre tabagisme, niveaux d'instructions plus

modestes, précarité socio-économique, troubles émotionnels (anxiété et surtout humeur dépressive), contextes familiaux perturbés. CE

Q U ’ A P P O R T E L’ A R T I C L E

• L'association négative entre tempérament optimiste et tabagisme • Une vision plus précise du type d'antécédents biographiques traumatiques prédicteurs de la survenue ultérieure d'un comportement tabagique (liens familiaux distendus ou conflictuels, plutôt que maladie ou décès des parents), • La complémentarité de deux facteurs de risque qui ne se recouvrent pas l'un l'autre (disputes entre les parents et tendance dépressive du sujet)

rable, puisque les résultats restent significatifs après ajustement sur le niveau d’instruction et le niveau de revenus, le recours à “l’objet-tabac”peut prendre dans ces constellations familiales la valeur d’un comportement compensatoire, le tabac assurant le rôle d’objet de substitution, 40,41 . De même, outre ses effets psychotropes spécifiques l’impact du décès d’un ou des deux parents ou d’une maladie grave d’un parent sur le risque ultérieur de tabagisme pour l’enfant semble moindre que celui des autres événements cités, peut-être parce que le premier type d’événement, aussi éprouvant soit-il, renvoie à une réalité inévitable,contrairement aux autres types d’événement. Les limitations méthodologiques de notre enquête sont essentiellement liées à son caractère transversal, ce qui ne permet pas d’interpréter les associations constatées en termes de relations de causalité.Toutefois,si un “biais de rappel”est possible,chez les fumeurs,pour certains items biographiques comme la notion de disputes parentales,un tel biais paraît plus difficile à incriminer dans l’évocation d’événements plus “objectifs” tels qu’une séparation d’avec les parents ou qu’une séparation ou un divorce des parents. Il n’est pas impossible,non plus,qu’en raison des particularités géographiques et socioéconomiques de la popula-

tion de la Seine-Saint-Denis, les individus se présentant au Centre de prévention sanitaire et sociale pour bénéficier d’un examen de santé gratuit soient inégalement répartis selon leurs caractéristiques sociodémographiques ou leurs habitudes de vie,et ne soient donc pas représentatifs de la population générale française. Par exemple, les fumeurs de ce département français,se posant davantage de questions sur leur santé, auraient plus facilement saisi l’opportunité d’un examen de santé totalement pris en charge par la Caisse d’assurance maladie. Enfin, l’interprétation de l’association entre affectivité négative et tabagisme, trouvée dans notre enquête, doit être discutée. Elle peut témoigner de la recherche des effets psychotropes du tabac par des patients anxieux ou 12,38,39 . Elle peut dépressifs, thème de l’automédication également être considérée comme la conséquence d’une dépendance tabagique importante,surtout en cas d’association avec une consommation alcoolique excessive.

Conclusion Les résultats de notre enquête montrent en tout cas que, parallèlement à diverses caractéristiques sociodémographiques et socioéconomiques, le profil psychologique de l’individu et la présence de certains antécédents biographiques peuvent être considérés comme de véritables facteurs de risque de tabagisme, et que le rôle d’antécédents biographiques traumatiques ne peut s’expliquer entièrement par l’intermédiaire de troubles émotionnels (anxiété, dépressivité) dont ces événements pourraient avoir favorisé l’installation. Trois catégories de facteurs semblent contribuer, de manière indépendante, au risque de tabagisme dans la population étudiée : • des caractéristiques socioculturelles (sexe masculin, niveaux d’instruction moyen voire modeste, précarité socioéconomique) ; • des caractéristiques psychologiques (dépressivité) ; • enfin des caractéristiques biographiques relatives à l’enfance et à l’adolescence,suggérant une instabilité ou une carence relationnelle (disputes fréquentes entre les parents). Ces résultats méritent d’être pris en considération dans une compréhension globale des déterminants du tabagisme et dans toute intervention thérapeutique d’aide à l’arrêt du tabac. ■

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O N T R I B U T I O N S

O R I G I N A L E S

Souffrance psychosociale et antécédents biographiques traumatiques des fumeurs Enquête auprès de consultants d'un Centre de prévention sanitaire et sociale

Article

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