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Dossier thématique Piste thérapeutique Le coin biblio de la SFD
LY2405310 : un analogue du FGF21 avec une efficacité métabolique partielle Gaich G, et al. The effects of LY2405310, an FGF21 analog, in obese human subjects with type 2 diabetes. Cell Metabolism 2013;18:333-40.
L
e Fibroblast Growth Factor 21 (FGF21) est un peptide de 181 acides amines produit par le foie, le tissu adipeux blanc et brun, le pancréas endocrine et exocrine, dont les effets métaboliques ont récemment été découverts [1]. Ce facteur augmente la sensibilité a l’insuline, améliore la fonction des cellules s, supprime la production de glucagon, réduit la lipogenèse hépatique et induit une dépense énergétique par activation du tissu adipeux brun [2,3]. Chez les rongeurs et les primates obeses et diabétiques, l’administration de FGF21 diminue les taux de triglycérides, améliore l’hyperglycémie et réduit le poids, parallèlement a une augmentation des taux d’adiponectine [4,5]. L’ensemble des effets métaboliques du FGF21, potentiellement bénéfiques dans le cadre de l’obésité et du diabète de type 2 (DT2), a conduit à développer des analogues peptidiques, dont le LY2405310 (LY), de sélectivité et d’activité similaires à la molécule native. La tolérance et la pharmacocinétique du LY ont déjà été testées chez une vingtaine de sujets sains, permettant la réalisation d’un essai de phase Ib de courte durée chez des patients présentant une obésité et un DT2. Dans cet essai randomise réalise en double aveugle d’une durée de 28 jours, l’effet du LY par injection sous-cutanée quotidienne a trois dosages différents a été teste contre placebo chez 46 patients présentant une obésité et un DT2 traites par régime seul et/ou metformine. Les caractéristiques cliniques initiales des patients étaient les suivantes : âge 57,7 ± 8,4 ans, IMC 32,1 ± 3,6 kg/m2, durée d’évolution du diabète 7,4 ± 5,3 ans. L’HbA1c initiale était de 7,96 ± 0,87%, la glycémie à jeun initiale de
1,72 ± 0,3 g/l. Quarante-trois patients recevaient de la metformine, et onze une statine. Trente-neuf patients ont terminé l’étude (LY 3 mg/j : n = 10, LY 10 mg/j : n = 8, LY 20 mg/j : n = 13, placebo : n = 8). En fin de traitement, le LDL cholestérol (LDL-C) était significativement réduit, de 30 % (2,35 → 1,66 mm) pour la dose de 10 mg/j et de 20 % (3,11 → 2,48 mm) pour la dose de 30 mg/j ; le HDL cholestérol (HDLC) était significativement augmente de 15 % (1,12 à 1,29 mM) et de 20 % (1,13 à 1,35 mm) respectivement ; et les triglycérides (TG) réduits de 45 % pour les 2 dosages de LY (1,98 à 1,17 mm et 2,14 à 1,18 mm). La dose de 3 mg n’affectait pas le taux de LDL-C, mais s’associait à une réduction de 25 % du taux de TG et à une augmentation de 16 % du taux de HDL-C. La baisse du taux de triglycérides était très rapide (48 h), maximale dès le 7 e jour de traitement. L’amélioration de la dyslipidémie était associée a un profil de lipoprotéines moins athérogène (réduction de l’apoC-III de 35 %, de l’apoB de 25 % et de l’ApoA-II de 18 %). Au plan glycémique, et de manière décevante, aucune modification significative n’était observée, avec néanmoins une tendance à une baisse dose-dépendante de la glycémie à jeun (-0,6 mm à la dose de 20 mg). Concernant le poids, une réduction modeste mais significative (comparée au poids avant traitement) était observée pour les doses de 10 mg (-1,75 kg) et de 20 mg (-1,5 kg). Le traitement par LY s’associait a une diminution significative de l’insulinémie à jeun à la dose de 20 mg/j, et a une augmentation des taux d’adiponectine par un facteur 1,5 à 2 selon la dose utilisée avec augmentation de la proportion de la forme
de haut poids moléculaire. La production de s-hydroxybutyrate était doublée pour les 3 dosages utilises. La tolérance du traitement était bonne, avec néanmoins un cas d’allergie sévère, deux cas d’hypersensibilité, et un cas d’hépatite aiguë. Des anticorps dirigés contre le LY à fort titre étaient détectés chez respectivement 9, 60 et 47 % des patients traités par 3, 10 et 20 mg/j, sans conséquences sur la pharmacodynamique et la pharmacocinétique du produit. Cet essai montre l’efficacité métabolique partielle du LY, agoniste du FGF21, chez des patients présentant une obésité et un diabète de type 2. En effet, alors qu’a 28 jours de traitement, il était observé une nette amélioration des paramètres lipidiques, le poids restait très modestement affecte et la glycémie à jeun non significativement modifiée, alors même que les taux d’adiponectine étaient sensiblement augmentes. La courte durée de traitement pourrait en partie expliquer l’absence d’effet notable sur le poids (habituellement estime après au minimum 12 semaines d’intervention) et sur le métabolisme glucidique. La réduction tardive (à la 3e semaine de traitement à 20 mg/j) de l’insulinémie à jeun est en faveur de cette hypothèse. Une autre explication pourrait être la sensibilité individuelle au traitement. Il a en effet été montre chez les sujets obeses ou présentant un DT2 une augmentation des taux endogènes de FGF21 [6], suggérant l’existence d’une résistance relative au FGF21, probablement variable d’un sujet à l’autre, et nécessitant donc des doses efficaces de LY différentes (les taux endogènes de FGF21 n’étaient pas mesures dans cette étude).
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Médecine des maladies Métaboliques - Mai 2014 – Vol. 8 – Hors série 3
Piste thérapeutique LY2405310 : un analogue du FGF21 avec une efficacité métabolique partielle
Cette étude souffre de plusieurs limitations. Tout d’abord, le nombre de sujets traites dans chaque bras est faible (sur les 178 sujets éligibles, seuls 46 ont participé et 39 termine l’essai). Plusieurs paramètres n’ont par ailleurs pas été évalués. La prise alimentaire et la dépense énergétique, permettant de mieux appréhender les mécanismes impliqués dans la perte de poids sous LY, n’ont par exemple pas été mesurées. L’augmentation de la production de s-hydroxybutyrate, témoin de l’oxydation des acides gras, plaide néanmoins en faveur d’une augmentation de la dépense énergétique. La sensibilité à l’insuline n’était pas non plus mesurée, indirectement évaluée par l’insulinémie à jeun, ne permettant pas de réellement apprécier l’impact du LY sur le métabolisme glucidique. Enfin, alors que l’un des effets délétères potentiellement associes au traitement par FGF21 est la perte osseuse [7], ni le dosage des marqueurs biologiques du remodelage osseux
ni l’évaluation par osteodensitometrie n’ont été effectués (certes, sur une durée courte de traitement). En conclusion, le seul bénéfice notable du LY sur le profil lipidique rapporte dans cette étude (chez des patients par ailleurs majoritairement dépourvus de traitement par statine) n’engage pas à le considérer, en l’état actuel, comme un traitement du DT2 et/ou de l’obésité, ce d’autant que des réactions d’hypersensibilité et/ou d’allergie locale étaient notées. Des essais de plus longue durée, comportant des mesures de dépense énergétique, d’insulinosensibilité, de taux endogènes de FGF21, et utilisant éventuellement d’autres analogues (six sont déjà produits par différentes firmes) sont nécessaires pour pleinement évaluer le potentiel de cette nouvelle voie thérapeutique. Danièle Dubois-Laforgue • Mots-clés : FGF21 – diabète de type 2 – obésité – adiponectine.
Médecine des maladies Métaboliques - Mai 2014 – Vol. 8 – Hors série 3
References [1] Angelin B, et al. Circulating fibroblast growth factors as metabolic regulators – a critical appraisal. Cell Metab 2012;16:693-705. [2] Kharitonenkov A, et al. FGF-21 as a novel metabolic regulator. J Clin Invest 2005;115:162735. [3] Berglund ED, et al. Fibroblast growth factor 21 controls glycemia via regulation of hepatic glucose flux and insulin sensitivity. Endocrinology 2009;150:4084-93. [4] Coskun T, et al. Fibroblast growth factor 21 corrects obesity in mice. Endocrinology 2008;149:6018-27. [5] Kharitonenkov A, et al. The metabolic state of diabetic monkeys is regulated by fibroblast growth factor-21. Endocrinology 2008;148:77481. [6] Chen WW, et al. Circulating FGF-21 levels in normal subjects and in newly diagnose patients with Type 2 diabetes mellitus. Exp Clin Endocrinol Diabetes 2008;116:65-8. [7] Wei W, et al. Fibroblast growth factor 21 promotes bone loss by potentiating the effects of peroxisome proliferator-activated receptor γ . Proc Natl Acad Sci 2012;109:3143-8.
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