Un cancer du cardia avec un nodule pulmonaire

Un cancer du cardia avec un nodule pulmonaire

Cas clinique Un cancer du cardia avec un nodule pulmonaire C. Mariette (1) S. Benoist (2) (1) Service de Chirurgie Digestive et Générale, Hôpital Hur...

197KB Sizes 1 Downloads 87 Views

Cas clinique

Un cancer du cardia avec un nodule pulmonaire C. Mariette (1) S. Benoist (2) (1) Service de Chirurgie Digestive et Générale, Hôpital Huriez – Lille. (2) Service de Chirurgie Générale et Digestive et Oncologique, Hôpital Ambroise Paré – Boulogne. e-mail : [email protected] Correspondance : Ch. Penna, Service de Chirurgie Générale et Digestive, Hôpital Ambroise Paré, F 92100 Boulogne Cedex.

Présentation du cas clinique Cette observation a été présentée aux 105e Congrès de l’Association Française de Chirurgie à Paris, le 2 octobre 2003, dans le cadre des dossiers de cancérologie digestive, au cours de la séance commune de l’Association Française de Chirurgie et de la Fédération Francophone de Cancérologie Digestive. La salle est encouragée à prendre la parole. Le texte du présentateur est en bleu. Estomac. Traitement. Cancer. Cas clinique.

114

Docteur Benoist : « Il s’agit d’un patient de 69 ans qui présente une dysphagie depuis 2 mois avec une altération de l’état général et une perte de 5 kg. Ce patient n’a pas d’antécédents particuliers en dehors d’une thyroïdite d’Haschimoto pour laquelle il est traité médicalement et une hypertension artérielle bien équilibrée par le traitement antihypertenseur. À l’examen clinique, bien qu’il ait perdu 5 kg, il reste pléthorique puisqu’il pèse 89 kg pour 1 m 66, son examen abdominal est normal. Il a été réalisé une fibroscopie qui montre une tumeur du cardia sténosante, mais franchissable par l’endoscope. Elle s’étend sur l’œsophage jusqu’à 37 cm

des arcades dentaires et sur l’estomac, sur une distance de 3 cm sur la petite courbure. Il n’y a pas d’endobrachyœsophage évident sous-jacent à cette lésion et la fibroscopie a été complétée par une échoendoscopie. En échoendoscopie la lésion n’était pas franchissable donc difficile à évaluer. Elle était classée T3N+ en raison de la présence de ganglions dans l’espace inframédiastinal postérieur et de ganglions du tronc cœliaque. Ce patient a également eu un scanner thoraco-abdominal qui montrait un petit nodule centimétrique du segment apical du lobe inférieur droit, suspect de métastase pour les radiologues (figure 1). Les coupes montrent la lésion qui commence sur le bas œsophage puis qui arrive au niveau du cardia et

Figure 1 : Tomodensitométrie thoracique : nodule du segment

apical du lobe inférieur pulmonaire droit. J Chir 2004,141, N°2 • © Masson, Paris, 2004

qui s’étend progressivement sur 2-3 cm sur la petite courbure de l’estomac (figure 2 et 3). Par ailleurs les ganglions du tronc cœliaque sont également visibles. Chez ce patient de 69 ans, en bon état général présentant une tumeur du cardia avec un nodule pulmonaire droit suspect, quelle est votre attitude vis-à-vis du nodule pulmonaire ? Peut-on dans ce cas précis négliger ce nodule pulmonaire de découverte fortuite ou faut-il au contraire préciser la nature de ce nodule avant de prendre une décision thérapeutique ? Docteur Tiret : « Ce qui me manque c’est la coupe cœliaque. Qu’appelle t-on ganglion cœliaque ? Sont-ce les ganglions satellites du tronc cœliaque c’està-dire ce qu’on appelle des ganglions cœliaques, auquel cas c’est l’équivalent de métastases à distance et l’affaire est entendue ou sont-ce des ganglions satellites de l’artère gastrique gauche (co-

Figure 2 : Tomodensitométrie thoracique : la tumeur commence sur l’œsophage.

J Chir 2004,141, N°2 • © Masson, Paris, 2004

ronaire stomachique) qui peuvent partir avec la pièce et à ce moment là il faut peut être en savoir plus sur ce nodule. Docteur Benoist : « Ce sont des ganglions satellites de l’artère coronaire stomachique (gastrique gauche) et qui mesuraient 15 mm en échoendoscopie. » Docteur Penna : « Tout le monde veut avoir une histologie du nodule pulmonaire ? Comment l’obtenez vous ? Qui fait une ponction sous scanner ? Elle mesure 1 cm. Réponse de l’assemblée : personne. Thoracoscopie ? personne. Thoracotomie droite ? personne. » Docteur Mariette : « Je vous remercie de m’avoir invité à participer à cette discussion. Nous nous somme posés les mêmes questions et nous sommes en

Cas clinique

partie d’accord avec le docteur Tiret, mais en partie seulement et je vais vous expliquer pourquoi. La question qui m’était posée était : quelle attitude visà-vis du nodule pulmonaire faut-il adopter ? Avant de donner ma réponse définitive et en m’appuyant sur des données de la littérature, il y a quelques notions que je voulais rappeler. À notre sens cette image ne peut pas être négligée car elle a l’aspect typique d’une métastase d’un adénocarcinome. Elle est unique, centimétrique, interstitielle, et périphérique. Elle est au contact d’un vaisseau comme vous pouvez le voir, à limites nettes et à l’emporte pièce. Dans la littérature, 42 % des nodules, qui sont inférieurs à 2 cm sont des métastases, et donc cette image est en faveur d’une lésion secondaire. La deuxième remarque, avant de discuter plus avant, est que le scanner comporte des coupes tous les 5 mm, ce qui pose problème pour l’in-

terprétation d’un nodule millimétrique. Nous aurions redemandé un scanner à coupes fines, millimétriques, à haute résolution à la fois en fenêtre parenchymateuse et médiastinale. Pourquoi ? Parce que nous n’avons ici que des fenêtres parenchymateuses et, en fenêtre médiastinale, le nodule peut apparaître soit calcique ce qui élimine une lésion secondaire, soit graisseux ce qui est en faveur d’un hamartochondrome. La troisième remarque est qu’il est potentiellement ponctionnable, mais avec des difficultés techniques du fait de sa petite taille. Deux techniques de prélèvement sont possibles : la cyto-aspiration ou le tru-cut®, avec le risque d’ensemencement potentiel. Par ailleurs avant de parler de la biopsie, il ne faut pas oublier qu’il y a une place pour le PET scan qui a l’AMM, dans cette indication. Sa sensibilité dans la littérature, pour des nodules de 1 à 4 cm, est de 92 % avec une

115

Figure 3 : Tomodensitométrie abdominale : la tumeur se poursuit depuis l’orifice hiatal (a) sur l’œsophage abdominal (b) jusqu’à la partie haute de l’estomac (c et d).

Un cancer du cardia avec un nodule pulmonaire

spécificité de 90 %. Bien sûr, un résultat positif est en faveur d’une métastase, mais en aucun un résultat négatif n’élimine le diagnostic. Les autres armes à notre disposition pour avoir l’histologie de ce nodule est l’exérèse sous thoracoscopie, ou par thoracotomie. Compte tenu de ce qui a été dit, et de ce dont je viens de vous parler, il faut absolument une histologie. De préférence nous aurions proposé une ponction par cyto-aspiration sous scanner avec une histologie et, si la réponse était non contributive, nous aurions proposé une exérèse sous thoracosopie. » Docteur Benoist : « Est ce vous pouvez préciser pour un nodule de cette taille le risque que l’on a, à la ponction sous scanner de piquer à coté de la lésion ? »

116

Docteur Mariette : « Évidemment la probabilité de réussite est hautement liée au degré de technicité du centre qui pratique l’examen. À Lille, nos radiologues thoraciques, interrogés, n’auraient même pas essayé de ponctionner. Mais je sais qu’à Paris il y a des équipes qui sont tout à fait capables de le faire en particulier avec le matériel de cytoaspiration. En tout cas le risque d’erreur est supérieur à 50 %. » Docteur Benoist : « Donc nous dans notre équipe on nous a tout de suite refusé de faire la ponction sous scanner et nous avons choisi de faire l’exérèse de la lésion par thoracoscopie. L’examen histologique définitif a montré qu’il s’agissait d’un hamartochondrome. » (un commentaire dans la salle concerne la pertinence de commencer par une laparoscopie abdominale) Docteur Penna : « Nous nous sommes dit : on regarde la nature du nodule. Si c’est une métastase, le patient aura de la chimio palliative, si c’est pas une métastase nous discuterons du traitement et nous lui ferons éventuellement une cœlioscopie pour choisir le meilleur traitement de la tumeur du cardia. Nous avons dissocié les deux. » Docteur Benoist : « La deuxième question, maintenant que l’on sait que le nodule pulmonaire est bénin est :

C. Mariette, S. Benoist

quelle stratégie thérapeutique peut-on proposer à ce malade ? Si l’on se résume : l’opère-t-on d’emblée ? Faiton une cœlioscopie exploratrice ? Pensez vous qu’il y ait une indication à un traitement préopératoire, soit par radio chimiothérapie, soit une chimiothérapie avant de l’opérer et savoir comment il répond. Quels sont ceux qui seraient favorables à l’opérer tout de suite sans cœlioscopie ? Docteur Penna : « Qui proposerait une chimiothérapie à ce malade avant de l’opérer ? Pas de réponse. Une radio chimiothérapie ? La grand majorité proposerait d’emblée une chirurgie, éventuellement précédée d’une exploration cœlioscopique dans le même temps opératoire, ou un peu avant pour voir si il y a de la carcinose. » Docteur Mariette : « Je crois que je vais décevoir beaucoup de monde mais on va voir pourquoi. Pour les cancers du cardia il est extrêmement important de définir la topographie tumorale, donc en l’occurrence dans cette observation nous ne disposions pas de transit œsogastroduodénal (TOGD) mais d’une fibroscopie. Il faut absolument demander à votre gastro-entérologue qu’il fasse une rétrovision, pour savoir exactement où se situe le cancer du cardia. En l’occurrence il s’agissait ici, d’après les données qu’on avait, d’un adénocarcinome du cardia de type 2 de Siewert, puisqu’il s’étend à la fois sur l’œsophage et sur la petite courbure gastrique (la tumeur s’étend de 37 cm des arcades dentaires, donc sur le tiers inférieur de l’œsophage, et sur la petite courbure gastrique sur 3 cm). Ceci en fait un cancer relativement évolué, en terme d’extension tumorale T3N+, nous étions d’accord sur le scanner, sous réserve que je ne disposais pas des coupes cœliaques et qu’il faut savoir que les ganglions cœliaques, dans le contexte d’un cancer d’un cardia Siewert 2 ne sont pas considérés dans la littérature comme métastatiques, et font partie du curage. Je vous rappelle la classification des cancers du cardia selon Siewert, avec pour notre patient le centre tumoral qui est entre moins 2 et plus 1 cm. Un petit rappel ce qui concerne l’interpré-

tation des ganglions cœliaques ou coronaires stomachiques. Il faut distinguer les ganglions coronaires stomachiques des ganglions cœliaques. Apparemment ici, il s’agissait plutôt d’un ganglion coronaire stomachique que réellement cœliaque, ce qui change complètement l’indication thérapeutique. Ensuite il fallait regarder, non seulement la tumeur, mais aussi le patient car l’intervention chirurgicale risque d’être lourde. Il faut vérifier que le patient est bien opérable sans tare particulière, ASA II, 69 ans, sans amaigrissement majeur ce qui est un facteur pronostique important dans le cancer de l’œsophage. Il s’il avait une surcharge pondérale relative, il est pour nous utile de tester une éventuelle dénutrition biologique, avec dosage de la pré albumine, de l’orosomucoïde, de la CRP qui sont des facteurs pronostiques plus sensibles que la perte de poids. Ensuite il s’agit de voir dans la littérature si une chimiothérapie préopératoire est utile par exemple sur la réduction tumorale, permettant souvent une résection plus fréquemment R0. Elle peut permettre, théoriquement, un traitement précoce des micro métastases infra cliniques et elle permet aussi de sélectionner les patients ayant des tumeurs chimio-sensibles, auxquelles on pourrait administrer une chimiothérapie en postopératoire et idéalement améliorer la survie. Le problème dans notre cas est qu’il y a peu voire aucune étude spécifique de ce cancer. Ils sont soit inclus dans des études traitant des cancers de l’œsophage, soit inclus dans des études traitant des cancers de l’estomac. Concernant la place de la chimiothérapie, j’ai décomposé mon exposé en versant œsophagien ou versant estomac. Le cancer du cardia dans la littérature semble plus sensible que le cancer gastrique. Il y a de nombreuses études de phase II, qui montrent une réponse objective de 17 à 66 % avec des taux de réponse complète de 3 à 10 %. Les taux de résécabilité varient de 10 à 90 % et, 50 à 100 % des malades, qui étaient inclus dans ces études, étaient opérables après chimiothérapie. Nous disposons aujourd’hui de 9 essais incluant de 36 à 400 malades dans lesquels la place de la chimiothérapie restait limitée. Mais en 2002, est arrivée une étude très importante. Il s’agit de l’étude du MRC

J Chir 2004,141, N°2 • © Masson, Paris, 2004

qui incluait 802 patients [1]. Il n’y avait que 82 cancers du cardia seulement, chez lesquels il y avait cependant 70 % d’adénocarcinomes, qui ont eu dans le bras contrôle une chirurgie seule et dans le bras traité de 2 cures de 5FU, cis platine en pré-opératoire. La résection R0 était améliorée par la chimiothérapie. Il n’y avait pas de différence en terme de mortalité-morbidité, mais une nette amélioration de la médiane de survie de 13 versus 7,8 mois pour le bras contrôle et ce résultat était significatif, avec une réduction du risque de décès estimée à 21 %. Cette étude concernait le cardia-œsophage. Pour le cardia-estomac, de nombreuses études de phase II ont montré l’efficacité de la chimiothérapie néo-adjuvante dans le cancer de l’estomac : 3 études randomisées ; 2 ont montré un intérêt en terme de résécabilité ; une, aucun avantage. Beaucoup d’études sont en cours, en particulier deux études européennes. Ces études concernaient la chimiothérapie. Voyons les résultats de la radio-chimiothérapie. Pour le versant œsophagien 2 études de phase III ont inclus des adénocarcinomes. A priori, il n’y a pas d’intérêt dans la littérature d’une radiochimiothérapie, sauf dans un seul essai que tout le monde connaît. Il s’agit de celui de Walsch et al. qui a été extrêmement critiqué, pour des raisons méthodologiques. La principale de ces critiques concernait la survie de groupe contrôle, c’est à dire le groupe chirurgie seule qui était anormalement basse, puisqu’elle était, à 5 ans, de 6 %. Au vu de tous ces résultats, il me semble que l’utilité de la radiochimiothérapie néo-adjuvante n’ait pas prouvée et qu’elle est donc licite uniquement dans le cadre d’un essai thérapeutique. Versant estomac, l’analyse est beaucoup plus simple pour la radio chimiothérapie : il n’existe aucun essai randomisé. Voici donc ce que je vous propose : une inclusion dans un essai qui est encore ouvert à la Fédération Francophones de Cancérologie Digestive. Il s’agit de l’essai 97 03 qui inclut des patients opérables, comme c’est le cas pour notre patient, avec des tumeurs évoluées. Il vise à comparer une chirurgie seule à une chimiothérapie suivie de l’intervention. Sinon, j’administrerais au malade une

Cas clinique

chimiothérapie néo-adjuvante de 2 cures 5FU et cis platine, selon le protocole MRC, que je viens de décrire [1]. Dans le cadre d’une réunion multidisciplinaire, si la dysphagie est importante une radiothérapie aurait pu être discutée. Docteur Benoist : « Tout a été dit. Nous avons fait ce qui a été proposé. Le patient a effectivement été inclus dans l’essai qui a été rappelé. Il a été randomisé dans le bras chimiothérapie. Il a eu les 2 cures de chimiothérapie d’induction. Il a répondu de manière incomplète, avec une diminution de la taille de la lésion tumorale. Elle mesurait avant chimiothérapie à peu près 8 cm et diminué jusqu’à 5 cm après. Ensuite s’est posée la question de l’intervention chirurgicale. Chez ce patient qui, comme l’a rappelé Docteur Mariette est classé Siewert 2, c’est-à-dire dont la lésion s’étend à la fois sur l’œsophage et l’estomac, que peut-on faire comme opération ? Docteur Penna : « Qui ferait un Lewis-Santi pour le curage médiastinal, la thoracotomie, c’est pour un meilleur curage thoracique, inframédiastinal. L’autre possibilité c’est de faire une œsophagectomie sans thoracotomie, ou encore une œsogastrectomie totale avec une anse grêle montée par voie thoracique droite dans le thorax. » Docteur Tiret : « Il est possible que le tube gastrique ne soit pas facilement réalisable du fait de l’extension gastrique, auquel cas il n’y a pas vraiment le choix. » Docteur Benoist : « La réponse tumorale après la chimiothérapie a pu diminuer l’envahissement sur l’estomac. Mais le geste va bien sûr dépendre des constations opératoires. » Docteur Penna : « On peut le dire maintenant : à l’opération on pouvait faire un tube gastrique, et il y avait des adénopathies qui étaient moins grosses que prévu initialement en échoendoscopie et au scanner. Il y en a même une qui a été envoyé en extemporanée, c’était un ganglion inflammatoire. Docteur Mariette : « Effectivement c’est discutable. On dispose de plusieurs interventions pour ce type de cancer : l’intervention de Lewis Santi, à savoir

une œsogastrectomie polaire supérieure avec gastroplastie médiastinale postérieure et anastomose au sommet du thorax ; l’œsophagectomie sans thoracotomie (je n’en parlerai pas plus, parce que dans le contexte carcinologique, cela n’est pas du tout une bonne intervention) ; ou alors une œsogastrectomie totale avec des impératifs carcinologiques qui sont lourds, puisqu’il y a une recoupe œsophagienne de 8 à 12 cm qui est nécessaire, une recoupe gastrique inférieure de 5 cm minimum, une anastomose œso-jéjunale ou œso-colique, avec un abord thoracique, une anastomose intra-thoracique, sous la crosse de l’azygos termino-latérale sur une anse en Y. Bien entendu il faut absolument un examen extemporané des marges de résection, surtout si on fait un Lewis Santi et une éxérèse qui doit être R0, monobloc. Il s’agissait d’une tumeur T3N+, l’intervention doit donc retirer, le cas échéant, la plèvre, les piliers du diaphragme et également le nodule pulmonaire par thoracotomie, surtout si on a fait qu’une biopsie. Se pose ensuite le problème du curage (dans la majorité des études randomisées il n’y avait que 30 % de cancers du cardia). Ce qui me semble indispensable c’est de réaliser un curage médiastinal inférieur, jusqu’aux ganglions inter-trachéo-branchiques, les ganglions para-cardiaux et un curage D2, pas de splénopancréatectomie serait gauche de principe ; la splénectomie serait faite uniquement s’il y a des ganglions macroscopiquement envahis dans le hile. Si l’on considère que c’est un cardia versant œsophage, ce qui est le cas ici, 15 ganglions sont à analyser obligatoirement, dont 6 dans le médiastin. Ce sont les recommandations. Pour les cardias, versant estomac, 25 ganglions doivent être analysés. Des gestes associés sont à discuter, la cholécystectomie et la jéjunostomie. Nous aurions fait une œsogastrectomie totale avec une recoupe œsophagienne au dessus du pôle supérieur de la tumeur de 8 cm, avec examen extemporané des marges, un curage D2, une anse en Y, une anastomose termino-latérale œso-jéjunale intrathoracique, une exérèse du nodule plumonaire plus ou moins une cholécystectomie et une jéjunostomie. Je reconnais qu’il y a une place pour l’intervention de Lewis Santi dans ce type de tumeur avec exérèse R0, monobloc, par un abord abdominal et thoracique. La seule chose qui nous embête ici c’est le

117

Un cancer du cardia avec un nodule pulmonaire

fait que la tumeur soit volumineuse, avec un envahissement ganglionnaire, annoncé au départ. Docteur Benoist : « Nous avons choisi le Lewis Santi, d’autant plus que chez l’obèse, monter une anse en Y, c’est plus difficile parce que les mésos sont souvent gras pour monter tout en haut1. Je vais passer très vite à la dernière question. L’examen anatomo-pathologique a montré qu’il s’agissait d’un adénocarcinome bien différencié, avec une grosse composante colloïde muqueuse. La tumeur dépassait la musculeuse pour envahir la sous-séreuse gastrique sans atteindre la séreuse gastrique et, sur les 26 ganglions analysés, 4 étaient envahis ; 2 au niveau de la petite courbure et 2 au niveau de la grande courbure. La question maintenant posée était de savoir si on réalisait un traitement complémentaire et lequel ? » Docteur Mariette : « Il s’agit d’une lésion PT2N+. Moins de 20 % de gan-

118

1. Voir à ce sujet : « Cancer de la jonction œsogastrique : classification et traitement chirurgicale » dans Journal aux congrès de ce même numéro.

C. Mariette, S. Benoist

glions sont envahis : les ganglions du premier relais et un contingent colloïde de 50 %. La place du traitement adjuvant est également à discuter. Concernant la chimiothérapie, sur les cancers versant œsophagien aucune étude randomisée n’a montré de bénéfice. Concernant le versant gastrique, 4 métaanalyses ont montré des tendances favorables, 2 essais négatifs. Concernant la place de la radio-chimiothérapie, versant œsophagien 3 essais sont négatifs. Pour la radiothérapie seule, versant gastrique, 2 essais sont négatifs et un essai pour la radio-chimiothérapie qui montre une toxicité importante. Il s’agit du fameux essai Mac Donald, qui montre un avantage en terme de survie [2]. Le problème c’est que seulement 50 % des patients de cette étude ont eu un curage R0, qui pose des problèmes dans l’interprétation des résultats. En conclusion, nous n’aurions pas proposé de traitement adjuvant car le seul essai randomisé qui montre un bénéfice, c’est l’essai de Mac Donald et al. qui a été évalué dans l’adénocarcinome gastrique et que le curage réalisé n’était pas D2 ; avec 20 % seulement d’adénocarcinomes du cardia [2]. Il n’y a pas de donnée spécifique sur le cardia et le contingent col-

loïde ne représente pas, en analyse multivariée, un facteur de risque spécifique à prendre en compte dans la stratégie thérapeutique. » Docteur Benoist : « Nous avons fait un Mac Donald “modifié”2. Il a eu du LV5 FU2, un peu de radiothérapie puis une nouvelle cure de chimiothérapie. »

Références 1. Medical research Council Œsphageal Vancer Working Party. Surgical resection with or without preoperative chemotherapy in œsophageal cancer: a randomised controlled trial. lancet 2002;359: 1727-1733. 2. Mac Donald JS, Smalley SR, Benedtti J et al. Chemoradiotherapy after surgery compared with surgery alove for adenocarcinoma of the stomach or gastrophageal junction. N Engl J Med 2001;345:725-730.

2. Voir à ce sujet : « Rôle d’un traitement adjuvant après résection pour cancer gastrique. » dans le Journal aux congrès de ce même numéro.