Chirurgie de la main 25 (2006) 106–108 http://france.elsevier.com/direct/CHIMAI/
Cas clinique
Acrométastase du pouce révélant un adénocarcinome pulmonaire : à propos d’un cas avec revue de la littérature Thumb acrometastasis revealing bronchic adenocarcinoma: a case report with review of literature S. Akjouj, N. El Kettani *, S. Semlali, B. Chaguar, S. Chaouir, A. Hanine, M. Benameur Service d’imagerie médicale, hôpital militaire d’instruction Mohamed-V, Rabat, Maroc Reçu le 17 octobre 2005 ; accepté le 21 mars 2006
Résumé Les métastases osseuses de la main et des pieds (acrométastases) sont rares. Les auteurs rapportent un cas d’un patient âgé de 57 ans tabagique, présentant une tumeur du pouce révélant un adénocarcinome bronchique. La radiographie standard montre une ostéolyse de la phalange et l’étude histologique confirme une métastase d’un cancer pulmonaire. © 2006 Elsevier SAS. Tous droits réservés. Abstract Bone metastases in the hand and foot bone (acrometastases) are rarely observed. The authors report a case of a 57-years-old man diagnosed as hand tumour, revealing a bronchic adenocarcinoma. Radiography showed destruction of the phalanx, and histology study confirmed a metastasis of the lung cancer. © 2006 Elsevier SAS. Tous droits réservés. Mots clés : Acrométastase ; Adénocarcinome bronchique ; Imagerie Keywords: Acrometastis; Bronchic adenocarcinoma; Imaging
1. Observation Il s’agit d’un patient de 57 ans, sans antécédents pathologiques particuliers, qui présentait depuis trois mois une tuméfaction douloureuse de l’extrémité du pouce gauche. Elle augmentait progressivement de volume, avec une gêne fonctionnelle et altération modérée de l’état général. À l’examen clinique, il existait une masse dure, douloureuse et non inflammatoire en regard de la phalange distale du premier rayon gauche. Il n’y avait pas de troubles vasculonerveux.
* Auteur
correspondant. Adresse e-mail :
[email protected] (N. El Kettani).
1297-3203/$ - see front matter © 2006 Elsevier SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.main.2006.03.002
La radiographie de la main gauche (Fig. 1) retrouvait une ostéolyse de la quasi-totalité de la phalange distale, sans calcifications de la plage tumorale. L’imagerie par résonance magnétique (Fig. 2a,b) en SpT1, SpT2, en séquence de saturation de graisse T1 et après injection de gadolinium a été réalisée, a montré un processus lésionnel tissulaire ovalaire occupant la quasi-totalité de la phalange distale, et n’épargnant que sa base. Ce processus soufflait et détruisait la corticale osseuse, avec réaction des parties molles en regard et disparition de la graisse sous-cutanée. Il n’y avait pas d’anomalies de l’articulation PI– PII. Une radiographie thoracique, réalisée de façon systématique, a objectivé un nodule pulmonaire droit, qui a été confirmé par tomodensitométrie thoracique. Une biopsie de la lésion phalangienne a été réalisée et a conclu à une métastase
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2. Discussion
Fig. 1. Radiographie standard centrée sur le pouce gauche : importante ostéolyse phalangienne, épargnant sa base.
Figs. 2a,b. IRM du pouce gauche en coupes coronales T1 et T2 : Processus lésionnel ovalaire phalangien en hyposignal T1 et hypersignal hétérogène T2, soufflant et détruisant la corticale osseuse, avec envahissement de la graisse sous-cutanée. Respect de l’interligne articulaire PI–PII.
d’adénocarcinome. Cette association était évocatrice d’un adénocarcinome pulmonaire avec métastase phalangienne. Le patient a subi une amputation de toute la phalange distale, puis a été adressé en chirurgie thoracique pour prise en charge de son néoplasme primitif. Les suites sont simples après un recul de trois mois.
Les acrométastases, ou métastases osseuses des extrémités distales des membres, représentent 0,3 à 3 % de l’ensemble des métastases osseuses, avec une répartition topographique de 62 % au niveau des phalanges : 19 % au niveau de la phalange proximale, 9 % au niveau de la phalange intermédiaire et 34 % au niveau de la phalange distale [1–3]. Quelques cas isolés ont été rapportés au niveau du pouce, comme dans notre observation [4,5]. Elles surviennent le plus souvent chez l’homme et sont dans 50 % des cas d’origine bronchopulmonaire. Elles surviennent au cours de l’évolution du cancer, mais en sont rarement révélatrices. Le type histologique le plus fréquemment rencontré est le carcinome épidermoïde, puis l’adénocarcinome et le carcinome à petites cellules. Les cancers mammaire et digestif viennent ensuite. Quant aux cancers du tractus urogénital et colique, ils sont plutôt à l’origine des acrométastases du pied [2, 6,7]. Le mécanisme de survenue de ces métastases distales n’est pas encore bien élucidé, mais on incrimine la pauvreté en moelle rouge des os des extrémités [8]. Des facteurs favorisants sont rapportés dans la littérature : les traumatismes, le gradient de température, des facteurs hormonaux et immunitaires, ainsi que les propriétés inhérentes à la cellule qui dissémine [4,8]. La douleur est le signe d’appel le plus précoce et le plus invalidant. L’examen clinique retrouve souvent une tuméfaction d’allure inflammatoire parfois trompeuse car pseudoarthritique. Une ulcération de la tumeur à la peau est possible. Une amyotrophie avec impotence fonctionnelle, voire une fracture spontanée, sont plus rarement retrouvées [3]. Devant ce tableau, une radiographie standard est demandée en première intention. Au début, les lésions sont minimes : déminéralisation phalangienne ou épaississement des parties molles. À un stade plus avancé, il existe une ostéolyse localisée irrégulière mal limitée, laissant une mince lame sous-chondrale. Un éperon périosté puis une rupture de la corticale sont parfois objectivés. La lésion est beaucoup plus rarement condensante ou mixte. Enfin, l’interligne articulaire est respecté, ce qui écarte le diagnostic d’arthrite. Les autres diagnostics différentiels possibles sont les tumeurs à matrice cartilagineuse (mais elles renferment habituellement des calcifications en « pop-corn »), l’arthrite rhumatoïde, voire une localisation peu fréquente de la goutte [3,4,9]. Le rôle de l’IRM est de mieux caractériser cette lésion, dont on ignore initialement sa nature primitive ou secondaire. Le diagnostic de nature de cette lésion ne pose pas de problème lorsqu’il existe un contexte de néoplasme malin primitif connu. Dans le cas contraire, il faut toujours garder à l’esprit cette éventualité, et réaliser en premier lieu une radiographie thoracique à la recherche de lésions évocatrices de cancer bronchopulmonaire. L’imagerie en coupe (TDM voire IRM) ainsi que la scintigraphie permettront par ailleurs de préciser le bilan d’extension de la maladie, et de juger de l’opérabilité du patient.
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La prise en charge thérapeutique de ces patients varie selon l’extension du cancer d’origine : en cas de métastase distale unique avec tumeur primitive contrôlable, une exérèse chirurgicale est à envisager. Dans le cas contraire, une radiothérapie à dose curative donne un effet antalgique et entraîne parfois une recalcification de la lésion. Elle est contre-indiquée s’il existe une ulcération cutanée. Enfin, lorsque les métastases sont multiples, un traitement palliatif est indiqué : radiothérapie, antalgiques, anti-inflammatoires et parfois chimiothérapie [3,10]. Le pronostic vital des patients, qui sont généralement admis au stade ultime de leur maladie, reste très sombre : 85 % de décès pendant la première année et 100 % de décès avant la fin de la seconde année [3,9]. Références [1]
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