Revue de Pneumologie clinique (2010) 66, 32—35
PATHOLOGIE DU MÉDIASTIN
Lymphomes B primitifs du médiastin : aspect clinique Primary mediastinal B-cell lymphoma D. Coso , J. Rey , R. Bouabdallah ∗ Unité des maladies lymphoïdes, département d’onco-hématologie, institut Paoli-Calmettes, 232, boulevard Sainte-Marguerite, 13009 Marseille, France Disponible sur Internet le 11 f´ evrier 2010
MOTS CLÉS Lymphome B primitif du médiastin ; Rituximab ; Chimiothérapie ; Tomographie par émission de positrons
KEYWORDS Primary mediastinal B-cell lymphoma; Rituximab; Chemotherapy; Positron emission tomography
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Résumé Le lymphome B primitif du médiastin (LBPM) est une entité anatomopathologique reconnue qui représente moins de 3 % des lymphomes non Hodgkiniens. Le LBPM touche l’adulte jeune et la maladie est dans la majorité des cas localisée au médiastin. L’index pronostique international (IPI) en usage dans les lymphomes diffus à grandes cellules B est peu discriminatif chez les patients atteints de LBPM rendant difficile la sélection au diagnostic des patients les plus graves. Ainsi, si l’association d’une immunothérapie par rituximab et d’une chimiothérapie représente le traitement standard chez la majorité des patients à pronostic favorable avec des taux de guérison attendus supérieurs à 70 %, il est parfois nécessaire de recourir à une consolidation par de hautes doses de chimiothérapie sous couvert de cellules souches périphériques chez les patients à pronostic défavorable. C’est dans ces conditions que la tomographie par émission de positons prend toute sa valeur prédictive. © 2010 Publi´ e par Elsevier Masson SAS.
Summary Primary mediastinal B-cell lymphoma (PMBL) is a clinicopathological entity among the world health organization classification of lymphoid neoplasms. PMBL often concerns young adults, and the disease remains a localized disease in the majority of cases. The outcome of patients with PMBL is variable and unlike diffuse large cell lymphomas, the international prognostic index seems to be less applicable to such disease. The combination of rituximab and chemotherapy is the gold standard treatment of patients with good prognosis features and allows high cure rates. However, high-dose chemotherapy supported by peripheral blood stem cell support is often warranted in poor-prognosis patients. The use of positrons emission tomography examination is more and more used in such situations to select the best therapeutic strategy. © 2010 Published by Elsevier Masson SAS.
Auteur correspondant. Adresse e-mail :
[email protected] (R. Bouabdallah).
0761-8417/$ — see front matter © 2010 Publi´ e par Elsevier Masson SAS. doi:10.1016/j.pneumo.2009.12.007
Lymphomes B primitifs du médiastin : aspect clinique
Introduction Depuis le début des années 1980, les lymphomes B primitifs du médiastin (LBPM) ont été identifiés comme une entité anatomoclinique distincte par la classification WHO [1]. Ils représentent environ 3 % de tous les lymphomes B à grandes cellules [2]. Ils sont surtout fréquents chez les adultes jeunes entre 30 et 40 ans, et affectent plus les femmes que les hommes. La présentation clinique, les caractéristiques anatomopathologiques et l’évolution clinique en font une entité distincte des autres lymphomes agressifs.
33 patients jeunes avec une tumeur souvent limitée au médiastin. Ainsi, malgré la gravité de la pathologie, le score IPI est faible pour plus de la moitié des patients et ne reflète pas la réalité de la situation [10]. Une étude canadienne a montré que l’âge supérieur à 40 ans, le taux de LDH supérieur à deux fois la normale et le Performans Status (PS) supérieur ou égal à deux étaient associé à une évolution défavorable [11]. Par ailleurs, le Groupe international d’étude des lymphomes extraganglionnaires (IELSG) dans une étude rétrospective portant sur plus de 400 patients, met en évidence de nouveaux facteurs pronostiques défavorables qui sont le sexe masculin, le PS supérieur ou égal à deux et le stade disséminé [12].
Présentation clinique Les LBPM sont souvent diagnostiqués à l’occasion de la découverte d’un syndrome cave supérieur d’évolution rapide. Les signes révélateurs peuvent associer dyspnée, toux, douleurs thoraciques etc. . . L’examen clinique ne retrouve pas d’autres signes que ceux qui accompagnent le syndrome cave supérieur [3]. L’extension de la tumeur est locale, avec une atteinte pulmonaire péricardique, laryngée etc. Il n’y a généralement pas d’autre atteinte organique mais parfois une atteinte extranodale peut être associée. Il s’agit essentiellement d’atteintes rénales, surrénaliennes, ovariennes, hépatiques ou neurologiques. Ces localisations extranodales sont souvent mises en évidence au moment de la rechute. L’envahissement médullaire reste exceptionnel.
Prise en charge thérapeutique Le choix du traitement de première ligne est capital chez ces patients qui sont souvent jeunes, d’autant plus que les traitements au moment de la rechute donnent des résultats médiocres [11,13]. Il est donc important de choisir un traitement de première ligne optimal et de tenir compte des effets secondaires à long terme. La stratégie thérapeutique va décider du choix du traitement d’induction de la réponse et sur la nécessité d’un traitement de consolidation en première rémission, tels que l’intensification par autogreffe et/ou l’utilisation de la radiothérapie.
La chimiothérapie
Description anatomopathologique L’analyse histologique met en évidence la présence de grandes cellules avec un cytoplasme clair et abondant avec de nombreux nucléoles au sein d’une fibrose tissulaire [4]. L’immunophénotypage confirme l’origine B des cellules, le phénotype CD19+, CD20+, CD22+ et CD79a+ étant constant. L’expression de CD10 est variable. L’antigène CD21 n’est jamais exprimé. L’expression de bcl2 est retrouvée dans 80 % des cas [5]. Les immunoglobulines de surface ne sont pas exprimées. Les antigènes HLA de classe I et II sont retrouvés de fac ¸on inconstante [6]. L’expression de CD30 est elle aussi variable et permet parfois d’établir le diagnostic différentiel avec une maladie de Hodgkin. De nombreux travaux ont pu établir l’origine thymique de ces cellules en mettant en évidence certains aspects cytologiques (corpuscules de Hassall) et génétiques communs (hyper mutation de Bcl6) [7,8].
Les facteurs pronostiques Depuis sa publication en 1993, l’index pronostique international (IPI) est l’outil utilisé pour la prise en charge thérapeutique des patients porteurs de lymphomes B à grandes cellules [9]. Cet index prend en compte cinq facteurs cliniques et biologiques représentés par l’âge, l’état général ou ECOG, le stade Ann Arbor, le nombre de localisations extraganglionnaires et le taux de LDH. Néanmoins et à l’opposé des lymphomes diffus à grandes cellules B, l’IPI est probablement non discriminatif chez les patients atteints de LBPM. En effet, la maladie concerne des
Depuis les années 1990, le traitement de référence des lymphomes agressifs à grandes cellules est représenté par une association d’anthracyclines et d’agents alkylants. Il s’agit du régime CHOP (cyclophosphamide, doxorubicine, vincristine, prednisone). Ce traitement a montré sa supériorité par rapport à des régimes plus compliqués de deuxième et troisième génération par sa moindre toxicité et son efficacité identique [14]. Cependant, de nombreuses études montrent des résultats décevants chez les patients porteurs de LBMP traités par CHOP avec une survie globale de l’ordre de 30 à 50 % à sept ans [15,16]. Des traitements plus intensifs ont alors été testés dans cette entité. Dans une étude qui porte sur 30 patients, les auteurs ont comparé les patients traités par CHOP et par MACOPB, régime de troisième génération associant méthotrexate, doxorubicine, cyclophosphamide, vincristine, prednisone et bléomycine. Cinquante-cinq pour cent des patients ont obtenu une réponse complète (RC) dont 73 % des patients traités par MACOP-B. La rémission complète n’a été obtenue que pour 36 % des patients traités par CHOP. La survie globale à trois ans était de 38 % pour tous les patients et de 72 % pour les patients en rémission complète [17]. Ces résultats semblent être confirmés par les résultats d’une autre étude évaluant 89 patients traités par MACOPB et radiothérapie. Dans cette série, seulement 26 % des patients sont en RC après chimiothérapie et 66 % en réponse partielle (RP). Après radiothérapie, la majorité des RP se convertissent en RC résultant en un taux de RC de 88 % au terme de l’ensemble de la procédure thérapeutique. La survie globale à neuf ans est évaluée à 86 % dans cette série [18]. Les mêmes résultats encourageants sont rapportés par le groupe IELSG sur une étude rétrospective comparant des
34 patients traités par CHOP, MACOP-B et haute dose de chimiothérapie [12]. Tous ces résultats ont néanmoins été rapportés avant l’avènement de l’anticorps monoclonal anti-CD20, le rituximab ou Mabthéra® . Depuis le début des années 2000, le rituximab a profondément modifié le pronostic des lymphomes agressifs et son association en première intention à la chimiothérapie est désormais acquise. Le régime R-CHOP est désormais le traitement standard des lymphomes agressifs [19,20]. L’apport du rituximab est également démontré dans la prise en charge des LBPM. Deux études montrent qu’il n’y a pas de différence en termes de survie globale et survie sans rechute entre les patients traités par un régime de troisième génération et R-CHOP [21,22].
La radiothérapie De nombreuses études ont rapporté l’intérêt d’un traitement par radiothérapie dans la prise en charge des LBPM. En effet, le bénéfice s’adresse surtout aux patients en RP qui deviennent en RC après radiothérapie [12,13,18,23,24]. Cependant, ces résultats ne sont pas confirmés dans toutes les études [11]. Malgré tout, il existe tout de même une tendance à l’amélioration de la survie sans rechute chez les patients présentant des tumeurs supérieures à 5 cm. La place de la radiothérapie reste donc incertaine surtout à l’ère du rituximab. Des études randomisées sont nécessaires pour répondre à ces questions.
L’intensification thérapeutique L’intensification thérapeutique par haute dose de chimiothérapie et réinjection de cellules souches périphériques est un traitement utilisé de fac ¸on unanime chez les patients en rechute d’un lymphome agressif [25]. Son intérêt en première réponse en consolidation reste très controversé. Dans le cas précis des LBPM, l’équipe du Sloan Kettering Memorial Hospital retrouve un avantage significatif en faveur de l’intensification en première réponse seulement chez les patients les plus graves [26]. En revanche, le groupe de l’IELSG sur un nombre limité de patients (44) retrouve une survie globale de 77 % à dix ans [12]. Il en est de même dans une étude qui s’adresse à des patients de très mauvais pronostic ou la survie sans rechute à trois ans est de 93 % [27]. Deux autres études prenant en charge les patients de mauvais pronostic retrouvent une survie globale de 84 % à quatre ans et une survie sans rechute de 81 % [28,29]. Ces résultats confirment l’intérêt et la place de l’intensification en consolidation chez les patients porteurs de LBPM à pronostic défavorable.
Évaluation de la réponse au traitement : place de la tomographie par émission de positrons au 18-fluorodéoxyglucose (TEP-FDG) Le problème que soulève le traitement des LBPM est celui des masses résiduelles après traitement. En effet, il s’agit de savoir si ces masses résiduelles sont représentées par du tissu fibreux nécrotique ou bien par un tissu tumoral tou-
D. Coso et al. jours évolutif, ce qui confère alors un caractère réfractaire à la maladie. La scintigraphie au gallium a longtemps été utilisée dans ces situations, mais aujourd’hui elle est largement supplantée par la TEP-FDG. L’analyse d’une série de patients présentant des masses résiduelles mises en évidence au scanner, a montré que tous ceux qui avaient un TEP-FDG positif à la fin du traitement ont rechuté, contre seulement 26 % pour ceux qui avaient un TEP-FDG négatif [30]. Les rechutes sont de plus généralement précoces et surviennent dans l’année qui suit la fin du traitement [31]. Cependant, la question qui se pose est de savoir comment utiliser ces résultats. La sensibilité du TEP-FDG varie de 33 à 87 % et la spécificité varie de 75 à 100 % selon les séries [32]. Doit-on alors modifier le traitement en fonction de ces résultats ? Une nouvelle biopsie est fortement recommandée afin de ne pas sous-estimer les patients réfractaires et leur proposer un traitement de rattrapage précoce suivi de hautes doses de chimiothérapie avec support de cellules souches périphériques [25,26].
Conclusion La prise en charge des LBPM doit désormais reposer sur des notions nouvelles. En effet, il faut certainement à l’heure actuelle, prendre en compte de nouvelles données cliniques et définir un index pronostique plus adapté afin de ne pas sous-estimer la gravité de la maladie. Les progrès thérapeutiques donnent des résultats encourageants avec l’apport des anticorps monoclonaux et l’utilisation de la consolidation par haute dose de chimiothérapie chez les patients les plus graves. L’imagerie par TEP-FDG est aussi un nouvel outil d’évaluation qui peut permettre de déceler les maladies réfractaires de fac ¸on précoce. Mais l’interprétation de l’analyse des masses résiduelles reste difficile et pose le problème du choix thérapeutique à ce moment là. Des études prospectives restent nécessaires afin de mieux répondre à la problématique spécifique des LBPM.
Conflit d’intérêt Aucun.
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