Maltraitances et démences : pertinences de prises en charge en hôpital de jour psychogériatrique

Maltraitances et démences : pertinences de prises en charge en hôpital de jour psychogériatrique

NPG Neurologie - Psychiatrie - Gériatrie (2010) 10, 125—130 PRATIQUE CLINIQUE Maltraitances et démences : pertinences de prises en charge en hôpital...

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NPG Neurologie - Psychiatrie - Gériatrie (2010) 10, 125—130

PRATIQUE CLINIQUE

Maltraitances et démences : pertinences de prises en charge en hôpital de jour psychogériatrique Abuse and dementia: Pertinence of management practices in psychogeriatric day-care centers F. Bonté Hôpital de jour psychogériatrique, groupe hospitalier Paris—Saint-Joseph, site Notre-Dame-de-Bon-Secours, 68, rue des Plantes, 75014 Paris, France Disponible sur Internet le 25 septembre 2009

MOTS CLÉS Maltraitance ; Personne âgée ; Démence ; Aidants ; Hôpital de jour

KEYWORDS Abuse; Elderly; Dementia; Caregivers; Day-care hospital

Résumé Les personnes âgées atteintes de démence sont à haut risque de maltraitance de par leur grande vulnérabilité psychique et physique. Les actes de maltraitance sont variés et plurifactoriels. Les situations touchent majoritairement le domicile et il convient maintenant pour tout professionnel de santé de les rechercher, de les détecter pour mieux les prévenir. Un réseau national associatif a permis de rompre avec un silence lourd, mais la prévalence est encore largement sous-estimée faute d’outils d’évaluation validés et d’une démarche systématisée. La prise en charge des patients dans une filière mémoire, incluant un hôpital de jour d’évaluation diagnostique et un hôpital de jour psychogériatrique de suivi, permet un accompagnement des patients et des aidants, tout au long de la pathologie démentielle et est à même de déceler des situations de mauvais traitements et d’y répondre de manière adaptée. © 2009 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Summary Because of their greater psychological and physical vulnerability, elderly patients with dementia are at high risk of abusive treatment. Numerous causes lead to a wide variety of situations. The prevalence of abusive treatment is greater among subjects living at home than those residing in nursing homes. For proper detection and prevention, all professionals must be aware of the problem. In France, a national associative group is working in this direction, helping professionals and the general public to become more aware of this still under-estimated phenomenon. Effective assessment tools are lacking. Geriatric day-care hospitals offer an excellent setting for diagnosis and follow-up. They are a good answer to the problem because they propose

Adresse e-mail : [email protected]. 1627-4830/$ — see front matter © 2009 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.npg.2009.07.001

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F. Bonté active support for patients and their caregivers, throughout the disease duration. Situations of abusive treatment can be readily detected, generally allowing an adapted solution. © 2009 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.

Introduction L’évolution de la population franc ¸aise, du fait du « papyboum » et de l’inversion de la pyramide des âges, se poursuit par une augmentation de la part des plus âgés [1]. Cela a pour corollaire une progression de l’incidence des pathologies démentielles qui toucheront à l’horizon 2010, près d’un million d’individus [2]. Les patients atteints de démences évoluent progressivement vers une altération de toutes leurs fonctions cognitives, entraînant une lente perte d’autonomie dans les actes de la vie quotidienne. Leur qualité de vie dépend alors des modalités mises en œuvre pour suppléer leurs handicaps. Plus de 70 % d’entre eux vivent à leur domicile ou celui de l’un de leurs enfants, cependant l’émergence des symptômes psychologiques et comportementaux liés à la démence, la dépendance fonctionnelle, les troubles de la continence ou l’isolement social rendent souvent une institutionnalisation inévitable. Cette dernière se révèle parfois préférable à un « maintien » à domicile qui s’effectue dans la précarité, l’enfermement et/ou la promiscuité. Cette vulnérabilité et cette dépendance vis-à-vis d’un tiers placent nos aînés à très haut risque de maltraitance à domicile et en établissement, bien que la prévalence n’en soit pas connue avec précision aujourd’hui. Nous rapportons ici notre expérience sur six mois, à travers l’étude de dix dossiers. Ces patients furent admis en l’hôpital de jour psychogériatrique pour une situation de crise à domicile, une aggravation cognitive ou des symptômes psychologiques et comportementaux de la démence, et une situation de maltraitance fut détectée ou suspectée au cours de leur prise en charge.

Définition Le concept de « maltraitance » est dense, inhomogène et regroupe toutes sortes de violences, de négligences ou de privations envers les personnes âgées, vulnérables, qu’elles soient délibérées ou non. Le Conseil de l’Europe définit la violence comme : « tout acte ou omission commis par une personne, s’il porte atteinte à la vie, à l’intégrité corporelle ou psychique ou à la liberté d’une autre personne, ou compromet gravement le développement de sa personnalité et/ou nuit à sa sécurité financière » [3]. Sont alors définies : • les violences physiques : coups, brûlures, ligotages, soins brusques, non préparés, non expliqués, non réponse aux appels, violences sexuelles. . . pouvant aller jusqu’au meurtre ; • les violences psychologiques : injures, excès de familiarité et tutoiement, manque de respect de la dignité, dévalorisations, injonctions paradoxales ;

• les violences financières : vols, escroqueries, demandes de pourboires. . . ; • les violences médicales et médicamenteuses : défauts de soins, abus de sédatifs ou de psychotropes, défaut d’informations sur les soins et les traitements entrepris, privation d’alimentation, non prise en compte de la douleur, non respect des besoins de base. . . ; • les négligences actives : tous les abandons, sévices ou manquements pratiqués avec la volonté délibérée de nuire ; • les négligences passives : actes ou non actes relevant de l’ignorance, de l’inattention ou du non respect de son rôle propre ; • la privation des droits : limitation de liberté d’aller et venir, privations des droits civiques ou de sa pratique religieuse. . . On décrit également le concept de maltraitances domestiques et de maltraitances institutionnelles. Les maltraitances institutionnelles sont multiples et regroupent tous les types de contraintes et violences en institution [4]. Sujet encore tabou, sa mise en lumière nous fait maintenant lui préférer le concept de « bientraitance » et il est cruel de constater que la prise de conscience de ce phénomène est nouvelle, avec sa première description dans la littérature médicale gériatrique en 1975 [5]. En France, c’est le Pr Robert Hugonot qui le premier porte, et ce depuis plus de 20 ans, ces situations de maltraitance à notre connaissance [6]. Aujourd’hui, nous ne sommes pas en mesure de donner des chiffres fiables quant à la prévalence de ce phénomène. Certaines études avancent une prévalence d’environ 5 % de la population générale des plus de 60 ans, alors que 5 % des aidants familiaux avouent des actes de maltraitances physiques envers leur parent atteint de démence et qu’un aidant sur trois rapporte au moins un type de maltraitance [7] ; 16 % des aidants professionnels à domicile avouent également des actes de maltraitance psychologique [7]. C’est en 2007 qu’un plan gouvernemental propose enfin de développer une culture de la « bientraitance » tout en renforc ¸ant la lutte contre la maltraitance. Il propose la création d’une agence d’évaluation nationale chargée de renforcer les contrôles et divers programmes de prévention axés sur le renforcement de la formation des professionnels, ainsi que des créations de postes de soignants pour les établissements [8]. Nous présentons ici une réflexion soignante face à des situations de mauvais traitements découvertes lors de prises en soins en hôpital de jour psychogériatrique de patients atteints de démences à des stades divers de leur maladie, ainsi que les dispositifs mis en place pour les traiter.

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L’hôpital de jour psychogériatrique (HDJPG) Cette structure est dédiée à la prise en charge de patients atteints de démences, à des stades légers à modérés. Les motifs d’accueil sont l’accompagnement du diagnostic et la gestion des crises à domicile. Les patients sont adressés par les médecins de la consultation mémoire de proximité, les médecins traitants ou les gériatres hospitaliers de court ou de moyen séjour. Cette structure de dix places s’intègre parfaitement dans une filière mémoire, comportant une consultation mémoire labellisée, un hôpital de jour d’évaluation mémoire et un accueil de jour. Les patients sont accueillis sur une durée limitée, en moyenne six mois, avec des objectifs précis. Une équipe pluridisciplinaire expérimentée dans la prise en charge de ces patients, composée d’un médecin gériatre, d’une infirmière, d’une aide-soignante, d’une psychologue, d’une ergothérapeute, d’une psychomotricienne, d’une arthérapeute, d’une musicothérapeute et d’un secrétaire, procède, selon une démarche individualisée, au recueil des données essentielles à l’élaboration du projet de soins [9]. Ce dernier s’appuie sur les capacités maintenues des patients et sur leurs désirs. Il s’agit d’une prise en charge en groupe, émaillée d’entretiens individuels, dont les objectifs sont principalement une resocialisation, une valorisation des capacités restantes des patients et un accompagnement global du patient et de son entourage. Les activités proposées sont variées : stimulation cognitive et psychosociale, ateliers mémoire et langagier, ergothérapie, psychomotricité, musicothérapie, arthérapie, éducation ciblée, visites à domicile. Un programme d’aide aux aidants offre un temps et un espace de paroles, en groupe, en complément d’entretiens individuels, associé à des informations générales sur les maladies cognitives, la gestion des symptômes psychocomportementaux, les démarches sociales, l’aide au quotidien et des conseils sur la communication qui sont présentés en binôme par le médecin, la psychologue et une assistante sociale ou l’ergothérapeute [10].

Matériel et méthode Nous rapportons une petite série de dix patients, porteurs de maladie d’Alzheimer ou apparentés, à divers stades évolutifs, pour lesquels une situation de maltraitance a été détectée au fil de leur prise en charge en hôpital de jour. Nous présentons ici leurs caractéristiques en termes de motif d’entrée, moyenne d’âge, sex-ratio, situation matrimoniale, caractéristiques de l’aidant principal, lieu de vie et nature du domicile, type de démence et stade évolutif, degré d’autonomie du patient, type et intensité des symptômes psychocomportementaux, intensité du fardeau de l’aidant. . .

Figure 1. (HDJPG).

Motifs d’entrée en hôpital de jour psychogériatrique

Figure 2.

Nombre de troubles par patient.

comme une impossibilité à poursuivre la vie à domicile dans les conditions actuelles présentées par le patient, sans préjuger de sa cause, cette situation est retrouvée dans cinq cas. L’aggravation cognitive sur le MMSE n’est retrouvée que dans trois cas. Enfin, une patiente présentait un antécédent récent de maltraitance dans une famille d’accueil, ce qui avait provoqué son changement de lieu de vie (Fig. 1). Dans sept cas, on retrouve deux motifs d’entrée majeurs (Fig. 2).

Caractéristiques des patients La moyenne d’âge était de 83,5 ans, le sex-ratio était en faveur des femmes (huit cas), veuves pour sept d’entre elles. Le score moyen au MMSE était de 14,4 [12]. Le score moyen sur l’échelle NPI était de 45, avec minimum quatre symptômes psychocomportementaux objectivés. L’agitation, la dépression, l’anxiété, l’apathie et les symptômes psychotiques prédominent. La Fig. 3 montre

Motifs d’entrée Le motif le plus fréquemment retrouvé est la présence de symptômes psychocomportementaux de la démence (neuf cas), puis la perte d’autonomie dans au moins une activité de la vie quotidienne, évaluée sur l’échelle des IADL (70 %) [11] et l’épuisement de l’aidant principal (six cas). La situation de crise à domicile est définie, dans ce travail,

Figure 3. Typologie des symptômes psychologiques et comportementaux de la démence (SPCD) à l’entrée.

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F. Bonté

Figure 6. Figure 4.

la typologie des troubles observés sur l’échelle NPI [13,14]. La répartition suivant le type de démence montrait sept cas de maladie d’Alzheimer probable, un cas de démence vasculaire probable et deux cas de suspicion de maladie à corps de Lewy diffus.

Caractéristiques du lieu de vie Les patients vivaient tous à domicile. Cependant, un changement de lieu de vie récent était retrouvé chez certains (2 patients). La Fig. 4 montre la situation de vie à domicile. La présence d’aides professionnelles à domicile n’était retrouvée que chez quatre patients, alors que ces aides étaient rapportées par l’aidant comme « refusées » par six patients sur dix.

Caractéristiques de l’aidant principal L’aidant principal est le plus souvent une femme (huit fois) et une fille (six fois) (Fig. 5). L’échelle du fardeau de l’aidant, ou échelle de Zarit [15], était en moyenne de 45,4 sur 88, soit un fardeau moyen, mais 50 % des aidants rapportent un fardeau important (supérieur à 60). Enfin, dans 70 % des cas, on retrouvait une histoire de conflits familiaux ou de relations conflictuelles mère—fille. Dans 40 % des cas, on retrouvait avec quasi-certitude une exogénose chez l’aidant principal.

Type de maltraitances retrouvé Ce sont essentiellement des violences verbales (un cas sur deux) ou des négligences passives (huit cas sur dix). Une suspicion de maltraitance financière et un cas de maltraitance civique étaient également présents. Dans 50 % des cas,

Figure 5.

Types de maltraitances observées chez les patients.

Situation à domicile.

Qui est l’aidant principal ?

nous avons observé deux types de maltraitances associées (Fig. 6). La prise en charge des patients par notre équipe, sur une moyenne de six mois, a permis la résolution de 90 % des problématiques observées. Trois patients sont entrés en institution et ont été accompagnés dans cette démarche par l’équipe. Six patients sont entrés en accueil de jour, afin d’offrir un répit pour l’aidant. Les aides à domicile ont été majorées, chaque fois que possible. Nous regrettons l’absence d’amélioration chez une patiente avec une hospitalisation, face à un refus de prise en charge, et la majoration de la situation de crise très peu de temps après son entrée.

Discussion Les situations de maltraitance envers les personnes âgées sont de plus en plus fréquentes. L’association ALMA recense 11 308 appels en 2007, la moitié concerne une maltraitance, et environ 40 % conduisent à l’ouverture d’un dossier [16]. On note une large sous-évaluation du phénomène. Ce sujet reste encore tabou et dissimulé. D’authentiques actions maltraitantes ne sont pas toujours considérées comme telles par les aidants, la génération actuelle de personnes âgées ne se plaint pas et la peur de représailles sont des facteurs limitants. Les médecins ne la recherchent pas systématiquement et ne l’évoquent que face à des violences physiques avérées ou des situations mettant directement en danger la sécurité du patient. La peur de déclencher des démarches lourdes qui, en outre, peuvent aggraver la situation est un frein supplémentaire à l’évaluation. Les types de maltraitance le plus souvent retrouvés sont les négligences (31 %) et les violences psychologiques (23 %) en établissement, alors que prédominent les violences psychologiques (24 %), financières (22 %), les violences physiques (14 %) et les négligences (11 %) à domicile (Fig. 7). Quand la situation concerne le domicile, ce sont en priorité les familles qui signalent les situations (40 %), les personnes âgées (31 %) ou les professionnels (20 %). En institution, les chiffres montrent près de 53 % de signalements par les familles et seulement 15 % par les personnes âgées. Cela peut s’expliquer par la forte proportion de patients déments en institution présentant des troubles de la communication ou par peur de représailles. L’agresseur est préférentiellement un soignant en institution (33 %) ou un personnel non médical (19 %), plus rarement

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dans son intimité. Nous observons que la majoration de la perte d’autonomie et les symptômes psychocomportementaux, tels que l’agitation et l’agressivité, la dépression et l’anxiété, sont souvent en cause, ce que confirme la littérature [17]. L’agressivité et l’agitation non comprises par l’aidant comme secondaires à la maladie sont attribuées à tort à un « faire exprès » et entraînent des réponses inadaptées. De même en cas de dépression « hostile » auto- et hétéro-agressive, fréquente chez les patients âgés, où les patients sont qualifiés à tort de « mauvais, caractériels ou insupportables » [18]. Enfin, l’intensité des troubles cognitifs est également en cause, nos patients présentaient un MMSE moyen bas à 14,4 (extrêmes : 5—25).

Intervention des professionnels

Figure 7. 2006.

Types de maltraitance observés sur les dossiers ALMA

(13 %) la famille. À domicile, c’est la famille qui se révèle être l’agresseur dans 65 % des cas, puis l’entourage non familial pour 15 %, les soignants représentant moins de 10 %. Dans les deux lieux, les tuteurs sont rarement mis en cause avec à peine 3 %. Il est à noter qu’en institution, l’agresseur n’est pas identifié dans près de 29 % des cas. La victime est le plus souvent une femme, de plus de 80 ans, quel que soit le lieu de vie, présentant un handicap physique (un tiers environ) ou psychique (un tiers). Ces personnes sont pour 65 % sous protection juridique, à domicile, et pour moins de 50 % en institution.

Facteurs de risques Les facteurs de risques, identifiés lors des recueils d’informations du réseau ALMA, sont, à domicile, en priorité des histoires de conflits familiaux et de relations familiales difficiles (un tiers), puis à part égale, l’alcoolisme et les drogues, les handicaps, les problèmes financiers et le manque de communication. En institution, le manque de communication et le manque de personnel sont invoqués, mais dans un tiers des cas, on ne retrouve pas de facteur de risque. Il n’est que très peu fait mention de la démence ellemême, dans ces chiffres. Dans notre pratique, le manque de communication, les conflits non résolus et la détérioration de la relation entre le patient dément, sa famille ou les soignants prédominent. La souffrance de l’aidant, l’intensité du fardeau et le confinement à domicile sont des facteurs déclenchants. Les négligences passives prédominent, les violences verbales sont nombreuses, latentes et surviennent souvent dans un contexte d’agressivité du patient. La perte de la parole et du dialogue va peu à peu « dépersonnaliser » le patient. Peu sollicité par son entourage, son avis, ses désirs ne sont plus recherchés, il est « nié », « oublié », dans son identité et sa place au sein de la famille. Sa vulnérabilité est extrême et se majore quand l’aidant devient « soignant » de son parent et entre

Dans ce contexte, l’intervention des professionnels doit être prudente. Faire cesser le phénomène sans nuire au patient ! Ne pas juger ou stigmatiser l’aidant, rester neutre, garder sa confiance, permettra de le faire progresser dans sa compréhension de la maladie et dans la prise de conscience de ses limites. La déclaration aux autorités ne doit pas être négligée et s’impose dans certains cas [19]. Agir en amont et faciliter les signalements doivent être une priorité.

Prévention La prévention est indispensable, en inscrivant obligatoirement la promotion de la bientraitance dans les projets d’établissement des structures sanitaires et médicosociales [8]. Celle-ci passe par l’amélioration de la qualité des soins, avec l’élaboration en équipe de projets de vie individualisés et par la prévention du burn out, en redonnant du sens aux pratiques et en valorisant la pluridisciplinarité. À domicile, l’accompagnement et le suivi du plan d’aide et de soin, élaboré dès l’annonce diagnostique par l’équipe médicale, l’introduction précoce des aides humaines, la prévention de l’épuisement de l’aidant, en aménageant des temps de répit, la prévention des symptômes psychocomportementaux et l’accès à des programmes d’aide aux aidants de qualité, permettent dans bien des cas de prévenir les crises. Enfin, l’encadrement et le suivi des professionnels de santé intervenant à domicile sont également indispensables. L’hôpital de jour psychogériatrique est une réponse à ces situations difficiles à domicile, en offrant un espace contenant : • un lieu de gestion de crise : les professionnels étant formés et expérimentés, il permet d’évaluer les besoins, de dépister les facteurs déclenchants, d’apprendre aux aidants à comprendre et à gérer les symptômes psychocomportementaux et d’offrir un temps de répit hebdomadaire pour l’aidant épuisé. . . ; • un lieu de soins : surveillance et dépistage des comorbidités, surveillance nutritionnelle, suivi des prescriptions. . . ; • un lieu de projets : aide et suivi du plan d’aide, accompagner une entrée en accueil de jour, un changement de lieu de vie. . . ; • un lieu de paroles : soutien psychologique, entretiens individuels réguliers, participation aux groupes bimensuels de soutien aux aidants, rompre l’isolement de l’aidant. . . ; • un lieu de verticalité : après évaluation des capacités restantes et des désirs des patients, le projet va

130 permettre une revalorisation du patient et un apaisement des conflits.

Limites Il nous faut maintenant plus largement rechercher, chez tous nos patients déments, de possibles mauvais traitements, car nous rapportons ici une petite expérience. Cependant, c’est à la lumière de ces dossiers que nous avons pu développer une réflexion soignante sur ce sujet. Nous manquons également d’outils de dépistage validés dans ce domaine [20]. Enfin, la conduite à tenir face à ces situations est délicate et mériterait d’être plus largement débattue, même si elle doit d’abord être adaptée à chaque cas individuel.

Conclusion La démence est un facteur de risque de maltraitance chez les sujets âgés, de par leur vulnérabilité psychique et physique. Détecter précocement les patients et les situations à risque de maltraitance permettra de la prévenir plus largement. Phénomène encore sous-évalué, sous-estimé et dissimulé, il mériterait d’être abordé systématiquement en consultation par le médecin afin de rompre la loi du silence. La mise en place récente d’un numéro d’appel unique permettra une déclaration plus aisée. Si certaines situations de maltraitance sont étroitement liées à des situations d’épuisement de l’aidant principal, et seraient donc plus le reflet de sa souffrance, d’autres situations plus graves nous interpellent. Leur intrication avec les troubles cognitifs, l’aggravation de la perte d’autonomie et certains symptômes psychologiques et comportementaux est fréquente. La prise en charge des patients déments dans une filière de prise en charge est indispensable pour prévenir ces situations, les détecter quand elles existent et les traiter le cas échéant. Les hôpitaux de jour d’évaluation et de suivi de type psychogériatrique tel que nous le présentons ici sont un outil très intéressant dans cette démarche éthique et humaine, qui cherche à développer un accompagnement individualisé des patients et des familles, à protéger les plus fragiles et à leur rendre leur dignité.

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