Manifestations pulmonaires non infectieuses du déficit immunitaire commun variable

Manifestations pulmonaires non infectieuses du déficit immunitaire commun variable

Revue de Pneumologie clinique (2011) 67, 214—219 CARTE BLANCHE À LA PNEUMOLOGIE DE L’HÔPITAL FOCH Manifestations pulmonaires non infectieuses du défi...

178KB Sizes 8 Downloads 140 Views

Revue de Pneumologie clinique (2011) 67, 214—219

CARTE BLANCHE À LA PNEUMOLOGIE DE L’HÔPITAL FOCH

Manifestations pulmonaires non infectieuses du déficit immunitaire commun variable Pulmonary non-infectious diseases in common variable immunodeficiency C. Bron a,∗, É. Catherinot a, J. Cadranel b, É. Oksenhendler c, É. Rivaud a, L.-J. Couderc a,d,e a

Service de pneumologie, hôpital Foch, 40, rue Worth, 92150 Suresnes, France Service de pneumologie, hôpital Tenon, 4, rue de la Chine, 75020 Paris, France c Service d’immunologie clinique, hôpital Saint-Louis, 1, avenue Claude-Vellefaux, 75475 Paris cedex 10, France d Faculté de médecine Paris-Île-de-France-Ouest, université de Versailles—Saint-Quentin-en-Yvelines, 9, boulevard d’Alembert, 78280 Guyancourt, France e UPRES EA 220, faculté Paris-Île-de-France-Ouest, 11, rue Guillaume-Lenoir, 92150 Suresnes, France b

Disponible sur Internet le 5 août 2011

MOTS CLÉS Hypogammaglobulinémie ; Déficit immunitaire commun variable ; Fistule artérioveineuse pulmonaire ; Pneumopathie interstitielle lymphoïde

KEYWORDS Hypogammaglobulinaemia; Common variable immunodeficiency; ∗

Résumé Les manifestations pulmonaires non infectieuses (MPNI) sont méconnues chez les patients ayant un déficit immunitaire commun variable (DICV), les complications les plus fréquentes étant infectieuses. Nous rapportons une série de 11 patients ayant présenté une MPNI, suivis dans le service de pneumologie de deux hôpitaux parisiens, de 1990 à 2008. Le taux moyen de gammaglobulines sériques était de 3,46 g/dL. Les MPNI étaient : fistule artérioveineuse pulmonaire : trois cas ; pneumopathies interstitielles diffuses : trois cas ; asthmes : deux cas ; adénopathies médiastinales avec aspect d’hyperplasie lymphoïde : quatre cas ; emphysème : un cas ; mésothéliome : un cas. Les MPNI sont fréquentes et variées chez les patients ayant un DICV et doivent être recherchées systématiquement. © 2011 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Summary Few studies have described pulmonary non-infectious diseases (PNID) in patients with common variable immunodeficiency (CVID). Indeed the most frequent complications in these patients are infectious. The aim of our study is to analyze the characteristics of PNID in a retrospective study of patients with CVID of two pneumology departments in Paris (France), from 1990 to 2008. PNID was observed in 11 patients. Mean immunoglobulin serum level was

Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (C. Bron).

0761-8417/$ — see front matter © 2011 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.pneumo.2011.06.005

Déficit immunitaire commun variable : manifestations pulmonaires non infectieuses

Arteriovenous pulmonary fistula; Lymphoid interstitial pneumonitis

215

3.46 g/L. The PNID observed were: arteriovenous pulmonary fistula: three; interstitial lung disease: three; asthma: two; mediastinal lymphadenopathy: four; emphysema: one; mesothelioma: one. Our study outlines the broad spectrum of pulmonary manifestations related to CVID. Clinicians should be aware of the diagnosis of PNID even in patients without classic infectious manifestations. © 2011 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.

Introduction

Résultats

Le déficit immunitaire commun variable (DICV) fait partie des déficits primitifs de l’immunité humorale. Il forme un groupe hétérogène de pathologies caractérisées par un déficit de production en immunoglobulines et en anticorps protecteurs, provoquant le plus souvent des infections bactériennes récurrentes. Les manifestations pulmonaires les plus fréquentes et les mieux connues des DICV sont les pneumopathies infectieuses observées dans 50 à 75 % des malades dans les études de cohortes de DICV [1—3]. La dilatation des bronches (DDB), consécutive aux infections à répétition, est, après les pneumopathies et les bronchites bactériennes, la troisième manifestation pulmonaire observée chez des patients ayant un DICV. Néanmoins, d’autres pathologies pulmonaires ont été rapportées : granulomatoses, lymphomes ou trouble ventilatoire obstructif. Ces pathologies sont considérées comme rares et ne sont pas recherchées systématiquement chez les patients atteints de DICV. Le but de cette étude est de répertorier les manifestations pulmonaires non infectieuses (MPNI) des patients atteints de DICV et de les recenser dans la littérature.

Caractéristiques des 11 patients

Patients et méthodes Il s’agit d’une étude rétrospective de patients atteints de DICV. Le diagnostic de DICV a été établi par un taux sérique d’IgG inférieur à 5 g/dL associé à un déficit d’au moins un des deux autres isotypes de gammaglobulines (IgA, IgM) chez des patients de plus de deux ans, après élimination de toutes les causes d’hypogammaglobulinémies secondaires. Les patients présentant un autre déficit de l’immunité humorale, tel un syndrome de Good, n’ont pas été inclus dans ce travail. Les critères d’inclusion étaient : (1) être atteint d’un DICV, (2) présenter une MPNI. Les critères d’exclusion étaient : (1) être âgé de moins de 16 ans, (2) présenter uniquement des manifestations pulmonaires infectieuses à type de bronchites, pneumopathies et dilatation des bronches dans le cadre du DICV. Parmi les patients atteints de DICV, 11 ont été retrouvés avec une atteinte pulmonaire non infectieuse. L’ensemble des données cliniques, biologiques, fonctionnelles respiratoires, radiographiques et histologiques des dossiers a été analysé et collecté rétrospectivement. Les recherches dans la littérature ont été faites en utilisant le logiciel Pubmed, en entrant les termes « common variable immunodeficiency » en association avec « interstitial lung diseases », « granulomatous lung diseases », « asthma », « emphysema », « pulmonary arteriovenous malformations ».

Onze patients ont été étudiés : huit hommes et trois femmes. L’âge moyen lors du diagnostic de DICV était de 38,7 ans (min : 16 ; max : 66) avec un âge moyen chez les hommes de 37,6 ans (min : 24 ; max : 63) et un âge moyen chez les femmes de 41,6 ans (min : 16 ; max : 66). La valeur moyenne de l’albuminémie était de 44,2 g/L (min : 40 ; max : 47). Le taux sérique moyen de gammaglobulines était de 3,46 g/L (min : 0,5 ; max : 4,6). Le taux moyen d’IgG était de 3,1 g/L (min : 0,2 ; max : 5), d’IgA de 0,8 g/L (min : 0,1 ; max : 2,5), et d’IgM de 0,36 g/L (min : 0,25 ; max : 0,88). Les recherches et/ou les dosages des facteurs antinucléaires, IgE totales, complément et ses fractions, la sérologie VIH étaient négatifs ou normaux. Trois patients étaient traités par immunoglobulinothérapie au diagnostic de la MPNI.

Caractéristiques des MPNI L’âge moyen au diagnostic des MPNI était de 35 ans (min : 12 ; max : 65). Les MPNI ont été diagnostiquées simultanément au DICV pour trois patients, antérieurement pour cinq patients (délai : 11,6 ans) et ultérieurement pour trois patients (délai : 5,6 ans). Les MPNI retrouvaient des adénopathies médiastinales dans quatre cas, trois cas de fistules artérioveineuses pulmonaires (FAVP), trois cas de pneumopathie interstitielle, deux cas d’asthme, un cas d’emphysème et un cas de mésothéliome.

Fistules artérioveineuses pulmonaires : trois cas Les FAVP s’intégraient pour deux des patients dans une maladie de Rendu-Osler (une familiale certaine, une probable sur les critères de Curac ¸ao). Il n’y a pas eu de recherche génétique. Un patient présentait une FAVP sans aucune autre manifestation de maladie vasculaire. Les circonstances de découvertes des FAVP ont été diverses : un bilan d’abcès cérébral et deux bilans radiologiques dans le cas d’infections respiratoires répétées. Les symptômes respiratoires étaient présents dans un cas (hémoptysie). Les épreuves fonctionnelles respiratoires étaient normales. Les FAVP étaient uniques ou multiples, plus fréquentes à droite qu’à gauche, sans topographie prédominante entre les lobes supérieurs et inférieurs. Toutes les fistules ont été traitées : artério-embolisation (trois cas), chirurgie (un cas). Les trois patients ont présenté des complications infectieuses pulmonaires et non pulmonaires (deux abcès cérébraux, infections ORL).

216

Pneumopathie interstitielle diffuse : trois cas Le patient no 1 a développé une pneumopathie interstitielle diffuse associée à un DICV substitué en immunoglobulines intraveineuses depuis 15 ans. Le scanner thoracique réalisé au cours du suivi montrait des réticulations des bases, des dilatations des bronches diffuses et de multiples adénopathies médiastinales. Les EFR révélaient un syndrome restrictif discret avec une CPT à 74 %. L’analyse du liquide de lavage broncho-alvéolaire retrouvait 420 000 cellules par millilitre avec une alvéolite panachée. La recherche d’agents infectieux était négative. La biopsie pulmonaire n’a pas été réalisée du fait du faible retentissement fonctionnel. Le patient no 2 a présenté brutalement à l’âge de 62 ans une pneumopathie interstitielle diffuse subaiguë avec opacités bilatérales et périphériques, d’emblée hypoxémiante. Chez ce patient, existait depuis dix ans un DICV qui n’avait pas été substitué. Le scanner thoracique montrait des opacités interstitielles diffuses, bilatérales, périphériques, avec des images « en verre dépoli » et « en rayons de miel », sans adénopathie médiastinale. Le lavage broncho-alvéolaire retrouvait une hypercellularité à 420 000 cellules par millilitre avec une alvéolite panachée. Le bilan infectieux était négatif. Les EFR retrouvaient un trouble ventilatoire mixte. Devant la sévérité de l’insuffisance respiratoire, la biopsie pulmonaire a été récusée. Le patient no 3 avait une symptomatologie de bronchorrhée chronique, rapportée à une dilatation des bronches diffuse. Le scanner montrait une dilatation des bronches associée à une pathologie interstitielle type pneumopathie interstitielle lymphoïde et à des adénopathies médiastinales. Les EFR retrouvait un syndrome restrictif modéré. Il n’y pas eu de biopsie pulmonaire chirurgicale.

Asthme : deux cas Un patient présentait un asthme allergique sur un terrain atopique depuis l’enfance. Le DICV a été diagnostiqué devant la survenue de bronchiolites infectieuses à répétition à l’âge de 50 ans. La seconde patiente présentait un asthme d’apparition tardive à l’âge de 33 ans sans contexte allergique ni atopique. Une dilatation des bronches a été diagnostiquée dix ans après, associée à de multiples épisodes de surinfections dans le cadre d’un DICV.

Emphysème : un cas Le patient avait un tabagisme estimé à 50 PA, associé à un emphysème bulleux modéré. Le dosage d’␣1-antitrypsine sérique était normal. La découverte du DICV a été fortuite.

Mésothéliome : un cas Le patient avait été exposé à l’amiante dans l’enfance (son père, exposé à l’amiante professionnellement, était décédé d’un mésothéliome). La découverte d’une hypogammaglobulinémie et du DICV s’est faite de fac ¸on simultanée à la découverte du mésothéliome, à l’âge de 36 ans.

Adénopathies médiastinales : quatre cas L’aspect d’hyperplasie lymphoïde bénigne a été prouvé histologiquement dans deux cas sur quatre, par médiastino-

C. Bron et al. scopie ou écho-endoscopie œsophagienne. Les localisations prédominantes étaient aortopulmonaires (deux cas sur quatre), latérotrachéales droites (deux cas sur quatre) et sous-carénaires (deux cas sur quatre). Les adénopathies médiastinales étaient associées à une dilatation des bronches dans les quatre cas, à une splénomégalie dans trois cas. Elles étaient également associées à un asthme tardif et à une pneumopathie interstitielle diffuse dans deux cas.

Évolution et traitement La durée moyenne du suivi a été de 6,2 ans. Un traitement substitutif par immunoglobulines a été instauré chez sept malades. Un des malades ayant une pneumopathie interstitielle a développé une insuffisance respiratoire chronique sévère. Les adénopathies médiastinales sont restées stables ou ont disparu sans évoluer vers une pathologie lymphoïde maligne. Une néoplasie est apparue chez trois malades : carcinome papillaire de la thyroïde, cancer bronchique et carcinome in situ de la marge anale. Deux patients sont décédés au cours du suivi : le patient présentant un emphysème a développé un cancer bronchique avec d’emblée des métastases cérébrales et pulmonaires, et le patient présentant une insuffisance respiratoire chronique en rapport avec une pneumopathie interstitielle a développé une hypertension pulmonaire sévère et est décédé de défaillance cardiorespiratoire.

Discussion L’étude des cas rapportés ci-dessus nous conduit logiquement à une revue de la littérature des atteintes pulmonaires non infectieuses observées chez les malades ayant un DICV.

Pneumopathie interstitielle et granulomatose Pneumopathie interstitielle lymphoïde (PIL) La première association de PIL avec une hypogammaglobulinémie a été décrite par Liebow et Carrington en 1976 [4]. Depuis, de nombreux cas ou séries ont été rapportés [5—9]. La PIL, lors des DICV, ne semble pas avoir de spécificité, le plus souvent se stabilisant ou évoluant rarement vers un lymphome. La biopsie pulmonaire est nécessaire à la confirmation du diagnostic. La plupart des PIL évoluent favorablement sous corticoïdes. Il a été rapporté deux cas de PIL associées à un DICV réfractaires aux corticoïdes mais d’évolution favorable sous cyclosporine A [10,11].

Granulomatoses pulmonaires Les granulomatoses systémiques surviennent dans 8 à 22 % des cas de DICV. Les poumons sont l’organe le plus fréquemment atteint, suivi par les ganglions. Histologiquement, les granulomes non caséeux du DICV ressemblent à ceux de la sarcoïdose. Dans la plus grande série de granulomatoses pulmonaires associées à un DICV, 59 % des patients avaient des symptômes pulmonaires modérés à sévères, avec des anomalies radiographiques (nodules, bronchiectasies, infiltrat interstitiel) et des EFR montrant un syndrome restrictif et une diminution de la DLCO. L’association granulomatose/prolifération lymphoïde est fréquente : Bates et al.

Déficit immunitaire commun variable : manifestations pulmonaires non infectieuses [12] ont proposé une nouvelle entité associant granulomatose pulmonaire et pathologie pulmonaire lymphoïde : les granulomatous lymphocytic/interstitial lung diseases (GLILD). Les GLILD associent atteinte granulomateuse, PIL, hyperplasie lymphoïde, bronchiolites folliculaires et lymphome B. Dans leur étude, les GLILD étaient associées significativement à la présence de dyspnée, d’une splénomégalie, d’un syndrome restrictif fonctionnel, d’anomalies radiologiques à type de condensation, d’opacité « en verre dépoli » ou réticulée au scanner et à un taux sanguin diminué de cellules CD3+ et CD8+. Leur pronostic est moins bon que les autres pathologies pulmonaires non infectieuses du DICV avec une survie médiane de 13,7 ans versus 28,8 ans. Elles sont compliquées dans 31 % des cas par la survenue d’un syndrome lymphoprolifératif. Le lien avec une infection par le Human Herpes Virus de type 8 (HHV8) a été suggéré car la prévalence de HHV8 était significativement plus élevée chez les patients présentant un DICV associé à une GLILD. Le HHV8 pourrait jouer un rôle dans la pathogenèse des pathologies interstitielles pulmonaires et des syndromes lymphoprolifératifs compliquant l’évolution des malades atteints de DICV [13]. Il n’y a pas de recommandations quant au traitement des pathologies pulmonaires granulomateuses lors des DICV. Le traitement de première ligne est la corticothérapie, puis d’autres immunosuppresseurs à titre d’épargne cortisonique (méthotrexate, azathioprine. . .) sans qu’aucune étude randomisée n’ait évalué leur efficacité.

Autres pneumopathies interstitielles On retrouve dans la littérature six cas de BOOP [12,14—16]. Un cas de fibrose pulmonaire idiopathique a été décrit en 1997 [17], ainsi qu’un cas de pneumopathie d’hypersensibilité mentionné dans l’étude de Bates et al. [12].

Pathologies obstructives des voies aériennes et DICV Trouble ventilatoire obstructif et DICV Un trouble ventilatoire obstructif (TVO) est fréquent lors des DICV, la prévalence variant entre 18 et 94 %. La réversibilité n’a été étudiée que dans une seule étude, observée dans 25 % des cas [18]. Il n’a pas été retrouvé de corrélation entre les anomalies des épreuves fonctionnelles respiratoires et le scanner en haute résolution [19] hormis entre l’épaississement de la paroi bronchique sur le scanner et la présence d’un TVO [20]. Cet épaississement est également lié à une diminution de la DLCO. Les données actuelles manquent pour affirmer le bénéfice du traitement par immunoglobulines sur l’évolution du TVO.

Asthme et DICV L’association d’un asthme et d’un DICV a été suggérée depuis de nombreuses années, mais peu de cas sont recensés dans la littérature. L’association asthme—DICV a une prévalence de 10 % [21], 15 % [22] et 60 % [23] contre 8 % dans la population générale. Un taux sérique bas d’IgE par rapport à la population générale a été retrouvé chez les patients atteints de DICV, évoquant la possibilité d’un asthme intrin-

217

sèque [24,25]. L’asthme est connu comme plus fréquent en cas de dilatation des bronches ou de mucoviscidose, ce qui expliquerait son augmentation de fréquence chez les malades ayant un DICV et dont les infections pulmonaires sont récurrentes [26,27]. Des études complémentaires associant asthme et DICV seront nécessaires pour préciser le lien qui unit ces deux maladies.

Emphysème pulmonaire et DICV Quelques cas de patients ayant un DICV et un emphysème ont été rapportés. Cependant, la description des cas est souvent réduite. Ces études, rares et incomplètes, montrent que l’emphysème est plus fréquent chez les patients ayant un DICV que dans la population générale, sans rapport avec le tabagisme ou un déficit en alpha-1-antitrypsine [28]. Chez ces patients, l’emphysème prédomine le plus souvent aux lobes inférieurs.

Pathologies malignes et DICV Les différentes cohortes de patients atteints de DICV soulignent une prévalence de pathologies malignes plus élevée que dans la population générale. Les pathologies malignes les plus fréquemment observées sont lymphomateuses, en particulier le lymphome non hodgkinien (LNH) de type B. La proportion de lymphomes pulmonaires chez les patients atteints de DICV est difficile à évaluer car les atteintes extranodales des LNH ne sont pas toujours décrites dans les études anciennes. Le lymphome extranodal de la zone marginale anciennement appelé lymphome du (mucosa-associated lymphoid tissue (MALT) [29] apparaît dans le tissu lymphoïde d’un organe comme le résultat d’une inflammation chronique ou d’une stimulation auto-immune. L’analyse de la littérature des patients atteints de DICV retrouve 11 cas de lymphome de MALT dont cinq pulmonaires [30—34]. Parmi ces cinq patients, il existe une prédominance féminine (quatre cas sur cinq). Tous les patients avaient un DICV préalablement au diagnostic du lymphome de MALT. Il n’est pas retrouvé d’association avec l’infection EBV. Tous les patients sauf un présentaient des infections à répétition. Seuls deux ont été substitués en immunoglobulines. Une hypothèse expliquant le développement de lymphome du MALT pulmonaire lors du DICV serait que les infections chroniques entraînent une exposition continue à des antigènes aboutissant à une prolifération des cellules B. Chez les patients non DICV atteints de lymphome du MALT, la localisation prédominante est l’estomac en association avec une infection à Helicobacter pylori [35] dont l’éradication peut entraîner une régression de la maladie, suggérant que l’éviction du pathogène est une thérapeutique à envisager [36]. La dysrégulation immune qui existe lors du DICV suggère qu’un plus haut risque de maladies auto-immunes puisse également jouer un rôle dans l’apparition des lymphomes du MALT [31]. Il n’y a pas de recommandations spécifiques concernant le traitement de ces lymphomes pulmonaires lors des DICV. Cunningham-Rundles rapporte les cas de deux patients atteints de lymphome du MALT qui sont restés stables sans traitement [37]. Le cancer de l’estomac, auparavant considéré comme le cancer solide le plus fréquent dans le DICV, est actuelle-

218 ment moins fréquent. Un seul cas de cancer du poumon a été signalé chez un patient atteint de DICV [2]. La maladie de Kaposi a été retrouvée chez un seul malade en association avec un DICV [1].

Malformations pulmonaires artérioveineuses et DICV Nous rapportons la première série de malades ayant à la fois une malformation pulmonaire artérioveineuse (MPAV) et un DICV. Depuis le premier cas que nous avions décrit en 1987, un nouveau cas a récemment été rapporté [38]. Il s’agit d’un patient de 34 ans, d’origine chinoise, présentant des MPAV bilatérales, diagnostiquées à l’occasion du bilan d’abcès cérébraux multiples. Depuis plusieurs décennies, l’existence d’une corrélation entre malformations vasculaires et hypogammaglobulinémie a été évoquée sans preuve d’un lien réel entre les deux. Un cas d’association de télangiectasie rétinienne avec une hypogammaglobulinémie avait été rapporté en 1967 [39]. Le lien entre télangiectasie cutanée et immunodépression est connu : d’une part, il existe une forte corrélation entre la présence de télangiectasie cutanée et l’infection VIH [40], d’autre part, l’existence, chez les malades ayant une ataxie-télangiectasie, d’un déficit de l’immunité cellulaire et humorale a déjà été démontrée [41]. La maladie de Rendu-Osler est une affection génétique autosomique dominante à pénétrance tardive. Deux gènes responsables de la maladie ont été identifiés : ACRLV1 et ENG, codant pour ALK 1 et l’endogline, protéines appartenant à la famille des récepteurs du TGF␤. La mutation de protéines entrant dans la voie de signalisation du TGF␤ pourrait contribuer à l’apparition d’anomalies immunitaires. Deux séries récentes recensant les infections survenant chez les patients atteints de maladie de Rendu-Osler laissent penser que si les abcès cérébraux semblent liés à la MPAV, la prévalence élevée des infections extracérébrales pourrait être expliquée par un déficit de l’immunité [42,43]. Récemment, un déficit de l’immunité innée a été rapporté chez 20 patients sur 22 ayant une maladie de Rendu-Osler, au niveau des fonctions de phagocytose ou de stress oxydatif exercées par les polynucléaires neutrophiles ou les macrophages. Un déficit de l’immunité acquise a été signalé chez neuf malades ayant également une maladie de Rendu-Osler, avec une diminution des cytokines sécrétées par les lymphocytes Th1 (Il2, TNF␣, IFN␥) [44]. Les trois cas que nous rapportons, ainsi que les données de la littérature signalant le nombre élevé d’infections extracérébrales au cours de la maladie de Rendu-Osler, incitent à rechercher une hypogammaglobulinémie et, plus particulièrement, un DICV chez les patients présentant une malformation vasculaire pulmonaire.

Conclusion Notre étude souligne la variété des MPNI associées au DICV. Nous rapportons trois cas de patients présentant des FAVP. Cette dernière association n’est, pour l’instant, pas mentionnée dans la littérature et devra être confirmée lors d’études ultérieures. Notre étude confirme que les MPNI doivent être recherchées systématiquement lors du diag-

C. Bron et al. nostic de DICV et au cours du suivi, pouvant n’apparaître que tardivement. Les pneumologues doivent pratiquer une électrophorèse des protéines sériques, non seulement lors des complications infectieuses classiques du DICV (pneumopathie récidivante à pneumocoque, bronchiectasies), mais aussi en cas de pneumopathie interstitielle diffuse, de lymphome pulmonaire, d’asthme et de malformation artérioveineuse pulmonaire.

Déclaration d’intérêts Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts en relation avec cet article.

Références [1] Oksenhendler E, Gerard L, Fieschi C, Malphettes M, Mouillot G, Jaussaud R, et al. Infections in 252 patients with common variable immunodeficiency. Clin Infect Dis 2008;46:1547—54. [2] Cunningham-Rundles C, Bodian C. Common variable immunodeficiency: clinical and immunological features of 248 patients. Clin Immunol 1999;92:34—48. [3] Quinti I, Soresina A, Spadaro G, Martino S, Donnanno S, Agostini C, et al. Long-term follow-up and outcome of a large cohort of patients with common variable immunodeficiency. J Clin Immunol 2007;27:308—16. [4] Liebow AA, Carrington CB. Diffuse pulmonary lymphoreticular infiltrations associated with dysproteinemia. Med Clin North Am 1973;57:809—43. [5] Levinson AI, Hopewell PC, Stites DP, Spitler LE, Fudenberg HH. Coexistent lymphoid interstitial pneumonia, pernicious anemia, and agammaglobulinemia. Arch Intern Med 1976;136:213—6. [6] Kohler PF, Cook RD, Brown WR, Manguso RL. Common variable hypogammaglobulinemia with T-cell nodular lymphoid interstitial pneumonitis and B-cell nodular lymphoid hyperplasia: different lymphocyte populations with a similar response to prednisone therapy. J Allergy Clin Immunol 1982;70:299—305. [7] Koss MN, Hochholzer L, Langloss JM, Wehunt WD, Lazarus AA. Lymphoid interstitial pneumonia: clinicopathological and immunopathological findings in 18 cases. Pathology 1987;19:178—85. [8] Strimlan CV, Rosenow 3rd EC, Weiland LH, Brown LR. Lymphocytic interstitial pneumonitis. Review of 13 cases. Ann Intern Med 1978;88:616—21. [9] Matsubara M, Koizumi T, Wakamatsu T, Fujimoto K, Kubo K, Honda T. Lymphoid interstitial pneumonia associated with common variable immunoglobulin deficiency. Intern Med 2008;47:763—7. [10] Cha SI, Fessler MB, Cool CD, Schwarz MI, Brown KK. Lymphoid interstitial pneumonia: clinical features, associations and prognosis. Eur Respir J 2006;28:364—9. [11] Davies CW, Juniper MC, Gray W, Gleeson FV, Chapel HM, Davies RJ. Lymphoid interstitial pneumonitis associated with common variable hypogammaglobulinaemia treated with cyclosporin A. Thorax 2000;55:88—90. [12] Bates CA, Ellison MC, Lynch DA, Cool CD, Brown KK, Routes JM. Granulomatous-lymphocytic lung disease shortens survival in common variable immunodeficiency. J Allergy Clin Immunol 2004;114:415—21. [13] Wheat WH, Cool CD, Morimoto Y, Rai PR, Kirkpatrick CH, Lindenbaum BA, et al. Possible role of human herpesvirus 8 in the lymphoproliferative disorders in common variable immunodeficiency. J Exp Med 2005;202:479—84.

Déficit immunitaire commun variable : manifestations pulmonaires non infectieuses [14] Wislez M, Sibony M, Naccache JM, Liote H, Carette MF, Oksenhendler E, et al. Organizing pneumonia related to common variable immunodeficiency. Case report and literature review. Respiration 2000;67:467—70. [15] Kaufman J, Komorowski R. Bronchiolitis obliterans organizing pneumonia in common variable immunodeficiency syndrome. Chest 1991;100:552—3. [16] Gamboa PM, Merino JM, Maruri N, Martin-Granizo IF. Hypogammaglobulinemia resembling BOOP. Allergy 2000;55:580—1. [17] Walker JC, O’Connell MA, Pluss JL. Usual interstitial pneumonitis in a patient with common variable immunodeficiency. J Allergy Clin Immunol 1997;99:847—51. [18] Bjorkander J, Bake B, Hanson LA. Primary hypogammaglobulinaemia: impaired lung function and body growth with delayed diagnosis and inadequate treatment. Eur J Respir Dis 1984;65:529—36. [19] Kainulainen L, Varpula M, Liippo K, Svedstrom E, Nikoskelainen J, Ruuskanen O. Pulmonary abnormalities in patients with primary hypogammaglobulinemia. J Allergy Clin Immunol 1999;104:1031—6. [20] Gregersen S, Aalokken TM, Mynarek G, Kongerud J, Aukrust P, Froland SS, et al. High resolution computed tomography and pulmonary function in common variable immunodeficiency. Respir Med 2009;103:873—80. [21] Watts WJ, Watts MB, Dai W, Cassidy JT, Grum CM, Weg JG. Respiratory dysfunction in patients with common variable hypogammaglobulinemia. Am Rev Respir Dis 1986;134:699—703. [22] Thickett KM, Kumararatne DS, Banerjee AK, Dudley R, Stableforth DE. Common variable immune deficiency: respiratory manifestations, pulmonary function and high-resolution CT scan findings. QJM 2002;95:655—62. [23] Bjorkander J, Oxelius VA, Hanson LA. IgG subclasses and asthma. Agents Actions Suppl 1989;28:239—44. [24] Popa V, Nagy Jr SM. Immediate hypersensitivity in adults with IgG deficiency and recurrent respiratory infections. Ann Allergy Asthma Immunol 1999;82:567—73. [25] Stites DP, Ishizaka K, Fudenberg HH. Serum IgE concentrations in hypogammaglobulinaemia and selective IgA deficiency. Studies on patients and family members. Clin Exp Immunol 1972;10:391—7. [26] Murphy MB, Reen DJ, Fitzgerald MX. Atopy, immunological changes, and respiratory function in bronchiectasis. Thorax 1984;39:179—84. [27] Warner JO, Taylor BW, Norman AP, Soothill JF. Association of cystic fibrosis with allergy. Arch Dis Child 1976;51:507—11. [28] Gharagozlou M, Ebrahimi FA, Faroudi A, Aghamohammadi A, Bemanian MH, Chavos Azadeh Z, et al. Pulmonary complications in primary hypogammaglobulinemia: a survey by high resolution CT scan. Monaldi Arch Chest Dis 2006;65:69—74. [29] Harris NL, Jaffe ES, Stein H, Banks PM, Chan JK, Cleary ML, et al. A revised European-American classification of lymphoid neoplasms: a proposal from the International Lymphoma Study Group. Blood 1994;84:1361—92. [30] Reichenberger F, Wyser C, Gonon M, Cathomas G, Tamm M. Pulmonary mucosa-associated lymphoid tissue lymphoma in a

[31]

[32]

[33]

[34]

[35]

[36]

[37] [38]

[39]

[40]

[41]

[42]

[43]

[44]

219

patient with common variable immunodeficiency syndrome. Respiration 2001;68:109—12. Cunningham-Rundles C, Cooper DL, Duffy TP, Strauchen J. Lymphomas of mucosal-associated lymphoid tissue in common variable immunodeficiency. Am J Hematol 2002;69:171—8. Desar IM, Keuter M, Raemaekers JM, Jansen JB, van Krieken JH, van der Meer JW. Extranodal marginal zone (MALT) lymphoma in common variable immunodeficiency. Neth J Med 2006;64:136—40. Aghamohammadi A, Parvaneh N, Tirgari F, Mahjoob F, Movahedi M, Gharagozlou M, et al. Lymphoma of mucosa-associated lymphoid tissue in common variable immunodeficiency. Leuk Lymphoma 2006;47:343—6. Tcheurekdjian H, Jenkins O, Hostoffer R. Simultaneous nonparotid cranial mucosa-associated lymphoid tissue lymphoma and common variable immunodeficiency. Ear Nose Throat J 2004;83:352—4. Radaszkiewicz T, Dragosics B, Bauer P. Gastrointestinal malignant lymphomas of the mucosa-associated lymphoid tissue: factors relevant to prognosis. Gastroenterology 1992;102:1628—38. Bayerdorffer E, Neubauer A, Rudolph B, Thiede C, Lehn N, Eidt S, et al. Regression of primary gastric lymphoma of mucosa-associated lymphoid tissue type after cure of Helicobacter pylori infection. MALT Lymphoma Study Group. Lancet 1995;345:1591—4. Cunningham-Rundles C. How I treat common variable immune deficiency. Blood 2010;116:7—15. Tse KC, Ooi GC, Wu A, Ho PL, Ip SK, Jim MH, et al. Multiple brain abscesses in a patient with bilateral pulmonary arteriovenous malformations and immunoglobulin deficiency. Postgrad Med J 2003;79:597—9. Frenkel M, Russe HP. Retinal telangiectasia associated with hypogammaglobulinemia. Am J Ophthalmol 1967;63: 215—20. Fallon Jr T, Abell E, Kingsley L, Ho M, Winkelstein A, Jensen F, et al. Telangiectases [corrected] of the anterior chest in homosexual men. Ann Intern Med 1986;105:679—82. Waldmann TA, Misiti J, Nelson DL, Kraemer KH. Ataxiatelangiectasis: a multisystem hereditary disease with immunodeficiency, impaired organ maturation, X-ray hypersensitivity, and a high incidence of neoplasia. Ann Intern Med 1983;99:367—79. Cottin V, Chinet T, Lavole A, Corre R, Marchand E, ReynaudGaubert M, et al. Pulmonary arteriovenous malformations in hereditary hemorrhagic telangiectasia: a series of 126 patients. Medicine (Baltimore) 2007;86:1—17. Dupuis-Girod S, Giraud S, Decullier E, Lesca G, Cottin V, Faure F, et al. Hemorrhagic hereditary telangiectasia (Rendu-Osler disease) and infectious diseases: an underestimated association. Clin Infect Dis 2007;4:841—5. Amati L, Passeri ME, Resta F, Triggiani V, Jirillo E, Sabba C. Ablation of T-helper 1 cell derived cytokines and of monocytederived tumor necrosis factor-alpha in hereditary hemorrhagic telangiectasia: immunological consequences and clinical considerations. Curr Pharm Des 2006;12:1201—8.