Moyens de prévention du passage à la chronicité des lombalgies

Moyens de prévention du passage à la chronicité des lombalgies

Douleurs (2008) 9, hors-série 2, 13-14 Moyens de prévention du passage à la chronicité des lombalgies D’après la communication du Pr. Serge Poiraudea...

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Douleurs (2008) 9, hors-série 2, 13-14

Moyens de prévention du passage à la chronicité des lombalgies D’après la communication du Pr. Serge Poiraudeau Service de Rééducation et de Réadaptation de l’Appareil Locomoteur et des Pathologies du Rachis, Hôpital Cochin, 27 rue du Faubourg St Jacques, 75014 Paris, France

L

a prévention du passage à la chronicité des lombalgies passe par la réduction des facteurs de risques et l’éducation thérapeutique.

Les facteurs de risques : l’exemple des peurs et croyances L’attitude des médecins vis-à-vis du lombalgique peut être un facteur favorisant le passage à la chronicité, qu’il s’agisse des cliniciens qui ne suivent pas toujours les recommandations ou bien ont des attitudes erronées, ou des radiologues dont les compte rendus peuvent être iatrogènes. Comme le montrent plusieurs études, l’évolution est plus souvent défavorable si l’on pratique des radiographies [1], l’augmentation des « croyances » est liée au compte rendu [2] et selon une communication faite lors du congrès mondial du rachis en 2005, plus de la moitié des comptes rendus utilisent des termes de pathologie pour décrire des phénomènes liés au vieillissement mais ne précisent que dans 2 % qu’il s’agit de phénomènes normaux pour l’âge [3]. Depuis 5 ans des travaux menés par notre équipe ont permis d’évaluer le niveau de peurs et croyances dans la population française à l’aide d’un questionnaire, le FABQ (Fear Avoidance belief Questionnaire) dont une échelle mesure les peurs et croyances par rapport aux activités physiques, une autre par rapport aux activités professionnelles.

Les résultats prouvent que les peurs et croyances par rapport aux activités professionnelles sont élevées et de même niveau chez le patient et chez le médecin qu’il soit généraliste, rhumatologue ou médecin du travail. L’attitude thérapeutique des médecins généralistes est liée à l’importance de leurs peurs et croyances [4]. Plus le médecin a de peurs, plus il les transmet à ses patients et moins bien il suit les recommandations. Il prescrit davantage d’arrêts de travail et conseille moins le maintien des activités physiques. Il est à noter dans cette étude que les réponses des médecins au questionnaire ne reflètent pas obligatoirement les pratiques réelles. Une autre étude s’intéresse à l’influence des caractéristiques des patients et de leurs rhumatologues sur l’évolution de la lombalgie subaiguë [5]. Parmi les lombalgiques suivis entre 4 semaines et 3 mois d’évolution, 40 % ont des douleurs persistantes à 3 mois, 41 % ont eu un arrêt de travail dont la durée moyenne est de 30 jours et 82,5 % ont repris le travail. La lombalgie subaiguë évolue donc fréquemment vers la chronicité. Les facteurs associés à la persistance des douleurs sont chez les patients essentiellement les accidents de travail, l’anxiété, le sexe féminin, un FABQ « travail » élevé. Parmi les rhumatologues interrogés, 10 % d’entre eux ont de fortes croyances qui influent sur le suivi des recommandations. En 2004, 36 % seulement des rhumatologues recommandaient à leurs patients de garder le maximum d’activité tolérable.

Correspondance. Service de Rééducation et de Réadaptation de l’Appareil Locomoteur et des Pathologies du Rachis, Hôpital Cochin, 27 rue du Faubourg St Jacques, 75014 Paris, France Adresse e-mail : [email protected] © 2008 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

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D’après la communication du Pr Serge Poiraudeau

L’éducation thérapeutique Une étude australienne a mesuré les effets d’une campagne d’information très largement médiée par les émissions télévisées et radiophoniques, par la presse, et par distribution d’un petit livret back book à la population et aux médecins. Les résultats se manifestent par une réduction des demandes d’indemnisation pour lombalgies, une réduction de la durée de l’indemnisation, et enfin une réduction des peurs et des croyances chez les patients et les médecins [6] (Figure 1). Les auteurs montrent de plus un effet rémanent des effets de la campagne durant 3 ans [7]. Cette expérience a inspiré la réalisation en France d’une étude contrôlée, prospective conduite sur 3 mois auprès de 2752 patients lombalgiques à partir de la traduction française du «back book» : « Le guide du dos ». Facile à lire, peu onéreux contenant des conseils simples et rassurants sur la lombalgie aigue en divulgués en 7 messages très simples [8]. La distribution (soutenue par les laboratoires sanofiaventis) a été faite après division de la France en « régions intervention » où le livret est donné par le généraliste et des « régions contrôle » où le livret n’est pas distribué : Le livret est donné aux patients consultant pour la première fois pour lombalgie aigue avec des douleurs évoluant depuis 5 jours en moyenne. Trois mois après, la différence constatée est significative : 10,5 % des patients continuent

à souffrir dans le groupe intervention contre 14, 2 % dans le groupe contrôle. La diminution relative est de 25 % (absolue de 3 %). Les patients sont satisfaits de l’information et des conseils délivrés ; ils consomment moins d’AINS, et moins de médicaments relaxants. Les facteurs de risque de passage à la chronicité retrouvés dans cette étude sont pour les patients, de faire partie du groupe contrôle, l’âge au-delà de 50 ans, une intensité douloureuse sévère à l’inclusion, un score FABQ « travail » élevé, avoir consulté un médecin généraliste de sexe féminin (souvent plus empathique) ou un médecin ayant des antécédents de lombalgie.

Conclusion Un simple livret d’information contribue à réduire de 25 % le nombre de patients souffrant d’une douleur persistante trois mois après un épisode de lombalgie aiguë. Cette expérience pousse à croire à l’efficacité de l’éducation thérapeutique des patients. Il reste urgent de développer une éducation thérapeutique efficace pour les médecins afin d’améliorer la prise en charge de ces patients.

Références

Relative proportion (%) of claims (1996-7 = 100)

[1]

130 Non-back Back

120

[2] [3] [4]

110 [5]

100 [6]

90

[7]

80

1993-4 1994-5

1995-6

1996-7 1997-8

1998-9 1999-2000 Year

Figure 1.

Effets de la campagne d’information sur les demandes d’indemnisation.

[8]

Kendrick D, Fielding K, Bentley E, Kerslake R, Miller P, Pringle M. Radiography of the lumbar spine in primary care patients with low back pain: randomised controlled trial. BMJ 2001;322:400-5. Hayward BMJ 2003 étude VOMIT Carr ISSLS 2005 Coudeyre E, Rannou F, Tubach F, Baron G, Coriat F, Brin S, et al. General practitioners’ fear-avoidance beliefs influence their management of patients with low back pain. Pain 2006;124:330-7. Poiraudeau S, Rannou F, Le Henanff A, Coudeyre E, Rozenberg S, Huas D, et al. Outcome of subacute low back pain: influence of patients’ and rheumatologists’ characteristics. Rheumatology 2006;45:718-23. Buchbinder R, Jolley D, Wyatt M. Population based intervention to change back pain beliefs and disability:three part evaluation. BMJ 2001;322:1516-20. Buchbinder R, Jolley D. Population based intervention to change back painbeliefs: three year follow up population survey. BMJ 2004;328:321. Coudeyre E, Tubach F, Rannou F, Baron G, Coriat F, Brin S, et al. Effect of a simple information booklet on pain persistence after an acute episode of low back pain: a non-randomized trial in a primary care setting. PLoS ONE. 2007;2:e706.