Myélinolyse extrapontine d'évolution favorable au cours d'une polyendocrinopathie auto-immune

Myélinolyse extrapontine d'évolution favorable au cours d'une polyendocrinopathie auto-immune

La revue de médecine interne 26 (2005) 65–68 http://france.elsevier.com/direct/REVMED/ Communication brève Myélinolyse extrapontine d’évolution favo...

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La revue de médecine interne 26 (2005) 65–68 http://france.elsevier.com/direct/REVMED/

Communication brève

Myélinolyse extrapontine d’évolution favorable au cours d’une polyendocrinopathie auto-immune Extrapontine myelinolysis of favorable outcome in a patient with autoimmune polyglandular syndrome M. Koenig a, J.P. Camdessanché b, S. Duband a, S. Charmion a, J.C. Antoine b, P. Cathébras a,* a

Service de médecine interne, hôpital Nord, 42055 Saint-Étienne cedex 2, France Service de neurologie, hôpital Bellevue, 42055 Saint-Étienne cedex 2, France

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Reçu le 4 mai 2004 ; accepté le 15 septembre 2004 Disponible sur internet le 28 octobre 2004

Résumé Introduction. – La myélinolyse extrapontine est une complication connue mais exceptionnelle des hyponatrémies et de leur correction. Elle survient rarement sans myélinolyse centropontine, et fait suite le plus souvent à une correction trop rapide de l’hyponatrémie. Son pronostic est classiquement réservé. Exégèse. – Nous rapportons l’observation d’un patient atteint de polyendocrinopathie auto-immune avec insuffisance surrénale subaiguë, responsable d’une hyponatrémie profonde. Malgré un traitement bien conduit, le patient a développé un syndrome neuropsychiatrique complexe (angoisse, catatonie, dysphagie, syndrome extrapyramidal) révélant une myélinolyse extrapontine dont le diagnostic fut étayé par l’IRM. L’évolution a été spontanément favorable. Conclusion. – La myélinolyse extrapontine peut survenir de façon isolée et malgré un traitement correct de l’hyponatrémie. Le traitement doit être d’autant plus prudent que l’hyponatrémie évolue depuis plus de 48 heures. © 2004 Elsevier SAS. Tous droits réservés. Abstract Introduction. – Extrapontine myelinolysis is a well-known complication of hyponatremia and its treatment. It rarely occurs without central pontine myelinolysis, usually after overly rapid correction of hyponatremia. Its prognosis is considered poor. Exegesis. – We report the case of a patient with autoimmune polyglandular syndrome with subacute adrenal failure responsible of severe hyponatremia. Despite a well-conducted treatment, the patient developped acute anxiety, catatonia, dysphagia and parkinsonism revealing extrapontine myelinolysis demonstrated on MRI. Outcome was favorable. Conclusion. – Extrapontine myelinolysis may occur in the absence of central pontine myelinolysis despite a treatment of hyponatremia conducted according to published guidelines. Treatment should be extremely cautious when hyponatremia has been lasting for more than 48 hours. © 2004 Elsevier SAS. Tous droits réservés. Mots clés : Myélinolyse extrapontine ; Hyponatrémie ; Polyendocrinopathies auto-immunes Keywords: Extrapontine myelinolysis; Hyponatremia; Auto-immune polyendocrinopathies

L’hyponatrémie est un désordre métabolique fréquemment révélé par des signes neurologiques non spécifiques * Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (P. Cathébras). 0248-8663/$ - see front matter © 2004 Elsevier SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.revmed.2004.09.015

comme des céphalées ou une encéphalopathie, habituellement réversibles sous traitement [1]. Le traitement de l’hyponatrémie peut toutefois être à l’origine de lésions cérébrales démyélinisantes sévères. La myélinolyse centropontine (MCP) est une complication rare mais survenant classique-

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ment lors de la correction trop rapide d’une hyponatrémie [1,2]. La myélinolyse peut s’étendre à d’autres structures cérébrales, définissant la myélinolyse extrapontine (MEP). Si la MCP peut s’accompagner d’une MEP dans environ 10 % des cas, l’atteinte extrapontine isolée est rare [2]. Nous rapportons une observation de MEP isolée chez un patient atteint de polyendocrinopathie auto-immune avec insuffisance surrénale subaiguë et hyponatrémie profonde.

1. Observation Un patient de 27 ans, à l’antécédent de maladie de Basedow diagnostiquée en 1993, ayant évolué après plusieurs poussées et deux doses d’iode 131 en insuffisance thyroïdienne substituée par 175 µg de lévothyroxine, était hospitalisé en janvier 2004 pour asthénie, vomissements, hypotension artérielle et mélanodermie d’apparition récente. Le diagnostic d’insuffisance surrénalienne subaiguë, à inclure dans le cadre d’une polyendocrinopathie auto-immune, était rapidement porté et conforté par le bilan biologique initial qui retrouvait une hyponatrémie à 104 mmol/l et une kaliémie à 6,5 mmol/l. La cortisolémie était à 65 nmol/l (valeurs normales : 138–690) et l’ACTH à 3021 ng/l (valeurs normales : 9–52). L’osmolarité sanguine était à 226 mmol/l, la glycémie à 3,2 mmol/l, la TSH normale. Un traitement à base d’hémisuccinate d’hydrocortisone par voie intraveineuse était débuté, en association à une réhydratation par sérum salé isotonique. À 24 heures la natrémie était à 109 mmol/l. Quarante-huit heures après l’admission, alors que la natrémie était à 122 mmol/l, le patient présenta un état d’agitation et de dépersonnalisation attribué à une crise d’angoisse. Il reçut alors 75 mg de loxapine par voie orale. À 72 heures la natrémie était à 130 mmol/l et l’examen neurologique restait normal. L’état neurologique du patient se dégradait les jours suivants avec apparition d’une dysarthrie, d’une grande rigidité axiale confinant à la catatonie, et d’une dysphagie. Le scanner cérébral et la ponction lombaire étaient normaux. L’électroencéphalogramme mettait en évidence un ralentissement diffus. L’état neurologique continua à se dégrader avec un syndrome extrapyramidal majeur interdisant la déambulation puis aboutissant à une grabatisation complète. La dysphagie sévère rendait l’alimentation par voie orale impossible. À l’examen, on notait une amimie, une rigidité plastique majeure des quatre membres et de la nuque. Les mouvements fins et/ou répétitifs étaient impossibles. Le réflexe nasopalpébral était vif. Il n’y avait pas de tremblement. Un syndrome pyramidal était présent sous la forme de réflexes ostéotendineux très vifs et diffusés et d’une trépidation épileptoïde des pieds sans signe de Babinski. L’IRM cérébrale mettait en évidence un hyposignal T1 et hypersignal T2 des noyaux lenticulaires, de la tête des noyaux caudés, et s’étendant au cortex de la vallée sylvienne, aux thalami et aux capsules internes (Fig. 1). Aucune lésion pontine n’était notée. L’étude des structures dopaminergiques par tomographie à émission de photon à l’ioflupane

Fig. 1. IRM encéphalique, coupe axiale, pondération T2. Hypersignal de la partie externe du noyau lenticulaire et des noyaux caudés s’étendant aux thalami, aux capsules internes et au cortex des vallées sylviennes.

marqué à l’iode 123 (DAT-SPECT) s’avérait normale. Un traitement par L-dopa à la posologie de 300 mg/jour fut débuté et interrompu quatre jours plus tard dès réception de la scintigraphie attestant de l’intégrité des structures dopaminergiques. L’état neurologique du patient s’améliora rapidement. L’alimentation fut possible à J7. Le patient marchait seul à J10 et retrouvait toute son autonomie à J15. Une IRM de contrôle réalisée à J18 montra une évolution favorable des lésions avec un hypersignal T2 plus discret restreint aux putamen (Fig. 2). À l’examen clinique persistait seulement une diminution du balancement du bras droit et une minime roue dentée retrouvée uniquement lors des manœuvres de facilitation. À deux mois, l’examen neurologique était normalisé, la pression artérielle à 11/8, et la natrémie à 137 mmol/l, sous 30 mg/jour d’hydrocortisone sans adjonction de fludrocortisone. 2. Commentaires Ce n’est qu’en 1988 que fut rapportée la première observation de syndrome parkinsonien dû à une myélinolyse extrapontine associée à une atteinte centropontine faisant suite à la correction trop rapide d’une hyponatrémie [3]. Si les

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Fig. 2. IRM encéphalique, coupe axiale, pondération T2, à trois semaines. Diminution en taille et en intensité de l’hypersignal restreint au putamen et à la tête des noyaux caudés.

signes extrapyramidaux apparaissent liés aux lésions extrapontines, ils peuvent être masqués par les signes pyramidaux en cas d’atteinte centropontine associée [2–7]. Comme dans notre observation, des troubles du comportement ont été rapportés au cours des MEP, pouvant mimer une pathologie psychiatrique aiguë et précédant volontiers l’apparition du syndrome parkinsonien [2,7]. D’autres cas de catatonie ont été rapportés [5,7]. Les signes neurologiques révélateurs d’une myélinolyse extrapontine et/ou centropontine sont généralement différents des signes neurologiques initiaux imputables à l’hyponatrémie et surviennent classiquement trois jours après correction de l’hyponatrémie [2,3]. Les symptômes de la myélinolyse peuvent cependant chevaucher ceux de l’hyponatrémie ou apparaître plusieurs mois après la correction de l’hyponatrémie [2,8]. Bien que la myélinolyse semble plus fréquente en cas de correction rapide de l’hyponatrémie, des cas survenant, comme chez notre patient, lors de traitements conduits en accord avec les recommandations actuelles ont été décrits, témoignant sans doute d’une susceptibilité individuelle [2]. Indépendamment de la profondeur et de la cause de l’hyponatrémie initiale, une durée d’évolution supérieure à 48 heures avant traitement semble être un facteur de risque de survenue d’une myélinolyse, de même

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qu’un alcoolisme sous-jacent, ou toute cause pouvant favoriser une anoxie cérébrale concomitante [2]. On ne peut exclure, dans notre cas, le rôle aggravant de l’administration ponctuelle de neuroleptique (loxapine) dans la genèse du syndrome extrapyramidal. Les solutés utilisés pour le traitement de l’hyponatrémie ne semblent pas influencer la survenue d’une myélinolyse [2]. Si le scanner cérébral apparaît peu sensible pour la détection des lésions de myélinolyse, il peut mettre en évidence des lésions hypodenses asymétriques [2]. L’IRM cérébrale apparaît plus sensible et a permis de mettre en évidence des lésions extrapontines isolées révélées par un hyposignal T1 et hypersignal T2, non réhaussées par l’injection de Gadolinium [9]. La taille des lésions radiologiques ne semble pas corrélée à la gravité de l’atteinte neurologique initiale, de même qu’il n’existe pas de corrélation entre l’évolution des anomalies radiologiques et la persistance des symptômes. L’étude du liquide céphalorachidien est habituellement normale, mais peut mettre en évidence une élévation de la protéinorachie ou des métabolites des monoamines, dosages non réalisés en pratique courante [2,8]. L’électroencéphalogramme, non spécifique, montre le plus souvent un ralentissement diffus de l’activité cérébrale [2]. L’imagerie par tomographie par émission de photon ou de positron utilisant des transporteurs marqués de la dopamine peut illustrer l’intégrité des structures cérébrales dopaminergiques. Elle permet d’étayer l’étiologie extrapyramidale d’un trouble neurologique tel qu’un tremblement ou une rigidité [10]. Elle s’avère anormale au cours de la maladie de Parkinson, de l’atrophie multisystémique, et de la paralysie supranucléaire progressive, mais n’est pas modifiée dans le cadre du syndrome extrapyramidal iatrogène des neuroleptiques [10]. Cette technique paraît utile pour l’étude des lésions cérébrales affectant les structures dopaminergiques au cours des atteintes d’origine osmotique. Kim et al. ont rapporté une hypofixation lors d’une MEP d’évolution lentement favorable [6]. Dans notre observation, la tomographie par émission de photon à l’ioflupane marqué à l’iode 123 (DAT-SPECT) s’est avérée normale à la phase précoce, suggérant qu’il n’y avait pas eu de destruction des putamen et apportant des arguments pour un bon pronostic, comme l’évolution clinique l’a confirmé. Le traitement de la MEP n’est pas codifié mais la L-dopa semble efficace en cas de syndrome extrapyramidal. Quelques cas isolés de traitement par corticoïdes ou TRH ont été rapportés [2]. Le pronostic des syndromes de myélinolyse est diversement apprécié, des taux de mortalité de 50 à 90 % à six mois étant rapportés dans les études les plus anciennes, alors qu’une étude récente ne relève que deux décès sur 44 patients [11]. La morbidité semble cependant plus élevée, les séquelles habituelles de la MEP étant les troubles cognitifs, la dysarthrie et les troubles ataxiques [2,11]. L’évolution à long terme ne paraît pas corrélée à la gravité des symptômes neurologiques initiaux [2,11]. Cette observation, concordante avec les données de la littérature, est l’occasion de rappeler que le traitement de

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l’hyponatrémie doit être prudemment mené, si possible en respectant une vitesse de correction inférieure à 10 mmol/l par 24 heures en l’absence d’urgence vitale. La surveillance clinique des patients doit être poursuivie après correction de l’hyponatrémie, et la survenue de troubles neurologiques ou pseudopsychiatriques après correction doit faire craindre une myélinolyse centro- et/ou extrapontine.

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