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L’Encéphale (2007) Supplément 2, S58-S60
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Efficacité, efficience au long cours T. Bougerol CHU Hôpital Sud, BP 185, 38042 Grenoble
Les résultats des études portant sur l’analyse des données d’efficacité et d’effets indésirables doivent être mis en perspective avec les modalités globales de prise en charge des patients. Une optimisation de l’utilisation des moyens thérapeutiques disponibles pourrait permettre d’atténuer les stigmates liés aux troubles schizophréniques, stigmates décrits dès les premières descriptions de la démence précoce, comme par exemple chez Kraepelin : « dans la grande majorité des cas, les périodes d’amélioration ne durent pas plus de 3 ans… Parmi les cas qui se révèlent ultérieurement comme conduisant à la démence précoce, la proportion des périodes d’amélioration ressemblant à la guérison ne représentent qu’environ 2,6 %… après une amélioration initiale survient une dégradation progressive de l’état mental » (E. Kraepelin, 1919). L’avènement des neuroleptiques conventionnels dans les années 1950 a eu un impact très net sur la prise en charge des patients, en particulier par la possibilité de faire sortir les patients schizophrènes des institutions psychiatriques. Au fil des décennies, les objectifs du traitement ont évolué : des années 50 aux années 80, l’obtention, grâce au traitement, d’un contrôle des symptômes psychotiques, était liée à la recherche prioritaire d’une amélioration à court terme ; dans les années 1980 à 2000, la prise en compte de la qualité de vie a mis l’accent sur l’importance de l’amélioration fonctionnelle ; enfin, à partir des années 2000, l’amélioration durable du fonctionnement est devenu
l’objectif principal des prises en charge, et permet désormais une nouvelle réflexion sur la recherche de la rémission des symptômes et de ses conséquences notamment sur le fonctionnement, les relations sociales et familiales des patients.
Efficacité et efficience : définitions La définition de l’efficacité repose sur des critères symptomatiques (disparition des symptômes présents en début de prise en charge), conduisant à la notion de rémission fonctionnelle. L’efficience (« effectiveness ») est un concept plus large et plus ambitieux, qui cherche à approcher les conditions de la « vraie » vie, par une approche multivariée ; l’objectif nouveau est désormais celui de rétablissement (« recovery »).
Études d’efficacité L’efficacité des traitements peut être mesurée par un grand nombre d’outils. Les plus souvent retenus sont la Brief Psychiatric Rating Scale [11], la Scale for the Assessment of Negative Symptoms [3], la Scale for the Assessment of Positive Symptoms [3], et la Positive And Negative Syndrome Scale [8]. La PANSS a par exemple été utilisée dans l’étude d’efficience CATIE.
* Auteur correspondant. E-mail :
[email protected] L’auteur n’a pas signalé de conflits d’intérêts. © L’Encéphale, Paris, 2008. Tous droits réservés.
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Critères de rémission Ce premier niveau d’analyse, reposant sur la notion d’efficacité, constitue toutefois une façon insuffisante et restrictive d’approcher l’effet des prises en charge. Plusieurs études ont tenté de préciser l’objectif de la rémission dans les troubles schizophréniques. À partir de ces études, ont été proposés des critères de définition de la rémission, s’appuyant sur des dimensions cliniques pouvant correspondre à des scores d’évaluation aux échelles, ou à des paramètres plus pragmatiques, comme l’absence d’hospitalisation. La contribution la plus connue à la définition des critères de rémission dans les schizophrénies est celle d’Andreasen et al. [2]. La rémission symptomatique y est ainsi définie selon trois dimensions : la dimension psychotique ou distorsion de la réalité, la dimension de désorganisation, et la dimension négative. Le seuil de sévérité des symptômes retenu au travers d’un nombre limité d’items est, pour la PANSS, un score inférieur ou égal à 3, pour la SAPS et la SANS des scores inférieurs ou égaux à 2, et pour la BPRS un score inférieur ou égal à 3 pour les items 1 à 7. Par ailleurs, la stabilité symptomatique doit être d’au moins 6 mois. Plus récemment, plusieurs auteurs ont proposé de considérer une définition plus opérationnelle de la rémission, plus proche de la situation réelle des patients, en élargissant la notion de rémission symptomatique à la prise en compte de l’amélioration du fonctionnement opérationnel, de l’autonomie, et de l’amélioration des relations sociales.
Études d’efficience (« EFFECTIVENESS ») Les études portant sur l’efficience se heurtent au fait qu’il n’existe pas, ou très peu, de critères réellement opérationnels de définition de cette notion. Un consensus d’experts réunis en 2002 (Towards Identifying Criteria for Clinical Effectiveness) a tenté de préciser les mesures de l’efficience en les différenciant de l’efficacité, et de repérer les domaines cliniques participant de l’évaluation de l’efficience [10]. Le but était de proposer des outils de mesure utilisables en pratique. Pour ces experts, un traitement efficient ne se limite pas au contrôle, même sur le long terme des symptômes de la maladie : il se caractérise également par l’adhésion durable du patient aux soins, la maîtrise sur le long terme des symptômes de la maladie et des effets secondaires, mais également par l’impact de la maladie sur le patient et son entourage, et enfin par l’amélioration au long cours de la santé globale du patient et la restauration de son bien-être. Il faut donc évaluer ces différents domaines que sont les symptômes de la maladie, l’impact des traitements, l’impact de la maladie, et la santé et le bien-être. Il peut néanmoins exister des facteurs confondants pour ces mesures : le point de vue de l’évaluateur est essentiel, et les attentes sont différentes vis-à-vis des effets du traitement pour le malade, sa famille ou les soignants. La compliance au traitement médicamenteux est également une
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Les symptômes de la maladie Parmi les composantes qu’il faut prendre en compte dans l’évaluation de l’efficience, la symptomatologie est au premier rang. Les symptômes positifs et négatifs sont ici le « cœur de cible » des traitements. Les symptômes cognitifs constituent également une dimension « nucléaire » de la pathologie, de survenue précoce. Ils sont responsables de symptômes résiduels tels que les troubles de l’attention, de l’apprentissage, les troubles de la mémoire verbale ou des fonctions exécutives ; ils sont une cause majeure de handicap social et occupationnel, et un important facteur de rechute et de réhospitalisation. Les symptômes dépressifs et anxieux concernent entre 20 et 75 % des patients lors du premier épisode psychotique ; ils sont présents dans plus de 50 % des cas lors des épisodes aigus [9]. La dépression est un symptôme persistant, c’est aussi un facteur de rechute, de handicap social et de suicide.
L’impact du traitement La prise en compte de l’impact du traitement concerne d’abord les effets latéraux des traitements : effets extrapyramidaux en particulier, qui sont des facteurs de mauvaise observance, de rechute, de chronicité et de handicap fonctionnel, et donnent de ce fait un avantage important aux antipsychotiques atypiques ; mais aussi les autres effets secondaires : prise de poids, effets sexuels, hyperprolactinémie, effets anticholinergiques, sédation, troubles du sommeil, risques de santé (syndrome métabolique, risque de diabète, risques cardiovasculaires).
L’impact de la maladie L’impact de la maladie est une notion plus large, qui concerne le patient, son entourage (famille, « caregivers », amis…), les systèmes de santé, et la société, en particulier au travers des coûts de la maladie, en grande partie liés aux réhospitalisations.
La santé et le bien-être Le domaine de la santé et du bien-être concerne surtout l’amélioration de la qualité de vie, portant sur la santé physique, sur l’autonomie, sur la capacité à avoir un logement indépendant, sur les occupations (travail, éducation), sur les relations sociales, et sur les compétences instrumentales.
Mesure de l’efficience La détermination de l’efficience d’un traitement des troubles schizophréniques devra donc explorer chacun de ces domaines, avec une difficulté particulière liée à leur cinétique différente d’amélioration : l’amélioration symptomatique est la plus précoce, et donc la plus facile à évaluer.
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Durant les premiers mois, la réduction des symptômes et la maîtrise des effets secondaires sont au premier plan ; après 3 à 12 mois, c’est la prévention de la rechute, l’adhésion au traitement, la réduction des risques de santé et la réinsertion sociale qui sont à considérer ; et enfin au-delà d’un an, les objectifs à long terme sont le rétablissement complet, l’acquisition de l’indépendance, l’amélioration de la qualité de vie et le retour à la santé. Les instruments de mesure de l’efficience peuvent être des instruments généraux : l’échelle de fonctionnement global du DSM (EGF), ou l’échelle CGI dans ses deux dimensions de sévérité et d’amélioration. On peut aussi utiliser des outils spécifiques pour évaluer chacun des domaines. Pour les symptômes de la maladie, par exemple, la Brief Psychiatric Rating Scale (BPRS), la Positive And Negative Syndrome Scale (PANSS), ou encore la Calgary Depression Scale for Schizophrenia [1]. Pour l’impact des traitements, on peut utiliser l’Abnormal Involuntary Movement Scale (AIMS) [5], la Barnes Akathisia Rating Scale [4], la Simpson Angus Extrapyramidal Rating Scale [12]. L’impact de la maladie repose sur les évaluations médico-économiques ou des entretiens avec l’entourage, selon une méthodologie à préciser. Enfin, la santé globale et le bien-être peuvent être évalués par des échelles de Qualité de Vie (ex. : QLS – 7), voire des évaluations biologiques et somatiques. Il serait néanmoins souhaitable de définir de nouveaux outils, qui permettent de mesurer l’efficience thérapeutique de façon plus spécifique. Le Global Outcome Assessment of Life in Schizophrenia (GOALS) en est un exemple développé dans le cadre du modèle à quatre domaines proposé par Nasrallah et al. (symptômes de la maladie, impact des traitements, impact de la maladie, santé et bien-être), évalués chacun sur une échelle allant de 1 (très amélioré) à 7 (très dégradé) [10]. L’Investigator’s Assessment Questionnaire (IAQ) a été développé plus récemment [13]. Il s’agit d’un hétéro-questionnaire de 10 items évaluant l’efficacité et les effets secondaires (symptômes positifs, symptômes négatifs, cognition, énergie, humeur, somnolence, prise de poids, signes d’hyperprolactinémie, akathisie, symptômes extrapyramidaux) cotés chacun sur une échelle de type Lickert en 5 points. L’évaluation consiste en une comparaison du traitement actuel avec le traitement antérieur, le score allant de 1 (beaucoup mieux) à 5 (beaucoup moins bien). Ce questionnaire IAQ a été validé [13]. La validation de contenu a impliqué 6 groupes réunissant 300 psychiatres (en France, Allemagne, Italie, Espagne, UK, USA), et a montré que les 10 items retenus pouvaient être considérés comme d’importance similaire (0,87 – 1,18), avec une consistance interne satisfaisante (α de Cronbach : 0,79 – 0,83), et une structure unidimensionnelle lors de l’analyse factorielle. La validation de construction a reposé sur l’étude américaine BETA (Broad Effectiveness Trial with Aripiprazole), avec une corrélation négative avec le délai de sortie d’essai, et une corrélation positive avec la CGI-I et la POM (Preference Of Medication).
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Un exemple d’application de l’IAQ peut être trouvé dans une publication de 2006 sur l’étude STAR [6], portant sur l’efficience à 26 semaines de l’aripiprazole comparée à d’autres antipsychotiques atypiques.
Conclusion L’évolution de ces concepts nous conduira probablement à passer, dans les années futures, des études d’efficacité, portant sur les différentes dimensions symptomatiques et de tolérance, à des études d’efficience, qui élargissent la perspective. Pour ces dernières, le maintien de la rémission symptomatique sera important, mais elles devront prendre en compte également les autres domaines, comme le fonctionnement au quotidien, les relations sociales, les relations familiales, les occupations (professionnelles ou sociales), l’autonomie et la capacité de vie indépendante, et enfin la satisfaction globale des patients, avec la possibilité de réalisation des objectifs personnels.
Références [1] Addington D, Addington J, Schissel B. A depression rating scale for schizophrenics. Schizophrenia Research 1990 ; 3 : 247-51. [2] Andreasen NC, Carpenter WT, Kane JM et al. Remission in schizophrenia : proposed criteria and rationale for consensus. American Journal of Psychiatry 2005 ; 162 : 441-49. [3] Andreasen NC, Grove WM. Evaluation of positive and negative symptoms in schizophrenia. Psychiatrie et Psychobiologie 1986 ; 1 : 108-21. [4] Barnes TRE. A rating scale for drug-induced akathisia. British Journal of Psychiatry 1989 ; 154 : 672-76. [5] Guy W. ECDEU Assessment manual for psychopharmacologyrevised. DHEW pub no ADM 76-338, National Institute of Mental Health, 1976. [6] Hanssens L, L’italien G, Marcus R et al. Effectiveness of aripiprazole versus olanzapine, quetiapine or risperidone : subanalysis of a large, randomized, naturalistic study (Schizophrenia trial of Aripiprazole : STAR) 19° ECNP Congress, Paris, France, 16-20 septembre 2006. [7] Heinrichs DW, Hanlon TE, Carpenter WT. The Quality of Life Scale : an instrument for rating the schizophrenic deficit syndrome. Schizophrenia Bulletin 1984 ; 10 : 338-97. [8] Kay SR, Fizbein A, Opler LA. The Positive and Negative Syndrome Scale (PANSS) for schizophrenia. Schizophrenia Bulletin 1987 ; 13 : 261-76. [9] Koreen AR, Siris SG, Chakos M. Depression in first-episode schizophrenia. American Journal of Psychiatry 1993 ; 150 : 1643-8. [10] Nasrallah HA, Targum SD, Tandon R et al. Defining and measuring clinical effectiveness in the treatment of schizophrenia. Psychiatric Services 2005 ; 56 : 273-82. [11] Overall JE, Gorham DR. The Brief Psychiatric Rating Scale. Psychology Report 1962 ; 10 : 799-812. [12] Simpson GM, Angus JWS. A rating scale for extrapyramidal side effects. Acta Psychiatrica Scandinavica 1970 ; 212 : 11-9. [13] Tandon R, De Vellis RF, Han J et al. Validation of the Investigator’s Assessment Questionnaire, a new clinical tool for relative assessment of response to antipsychotics in patients with schizophrenia and schizoaffective disorder. Psychiatry Research 2005 ; 136 : 211-21.
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