Neuro-Psychologie et démences séniles

Neuro-Psychologie et démences séniles

Rev. E.E.G. Neurophysiol., 1980, 10, 3, 249-258. 249 NEURO-PSYCHOLOGIE ET DEMENCES SENILES I. R I C H A R D Cliniquepsychiatriqueuniversitair~ Gen&v...

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Rev. E.E.G. Neurophysiol., 1980, 10, 3, 249-258.

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NEURO-PSYCHOLOGIE ET DEMENCES SENILES I. R I C H A R D Cliniquepsychiatriqueuniversitair~ Gen&ve(SuissO SUMMARY

Neuropsychology and senile dementias. The study of senile plaque dementias and neurofibrillary degenerations, represented by AIzheimer's disease, presbyophrenia, simple senile dementia, and senile dementia oJ the Alzheimer type, enables, by means of its specificity, a privileged method of approach to be taken in the comprehension of cerebral mechanisms, with a resulting different conception of neuropsychology. That which is described in this paper has evolved from the application of Genetic Psychology methods developed by ]. Piaget. It demonstrates the value of a synchronic and diachronic qualitative analysis of dementia, even for determination of etiology. It tries to avoid as much somatomorphism as adultomorphism, inJantomorphism, and normomorphism. It is concerned with the modalities of individual disorganization and associated changes in various higher functions of the central nervous system. Il also attempts to take the patient, his disease and his environment into account simultaneously, and to orientate the symptomatology in a more precise manner towards the adaptation of the patient to his environment, by demonstrating that the process of diagnosis is not independent of the obiectives oJ treatment.

GENERALITES La neuro-psychologie traite des fonctions psychiques de l'Stre humain dans leurs rapports avec les structures c~r~brales. Comme le faisait remarquer H. HECAEN (1972) dans son Introduction g la Neuro-Psychologie, la neuro-psychologie est ~ la charni~re de nombreuses disciplines : - - d ' u n e part, des sciences neurologiques au sens strict, telles que la neurologie, la neuro-anatomie, la neuro-physiologie, la neuro-chimie ; - - et, d'autre part, des sciences du comportement et des relations interhumaines telles que la psychologie exp~rimentale, la psychologie g6n~tique, la psycho-linguistique et la linguistique. L'~tude des corr61ations, n o n seulement anatomo-cliniques, mais aussi de l'organisation

conjointe des sympt6mes li6s h la mise en jeu des diverses fonctions sup6rieures du Syst~me Nerveux Central est d'un int6r~t certain dans la d6mence s~nile, ne serait-ce que pour d6passer, dans le cadre des rapports entre d6ficit intellectuel global acquis et instrumentalit6, l'opposition classique entre No6ticiens et Antinodticiens. I1 est g6n6ralement admis, depuis une dizaine d'ann6es, ~ la suite d'une s6rie de travaux dont ceux de S~MCHOWCZ (1914, 1924), de NEWTON (1948) et d'ARAB (1960), que la d6mence s~nile sous ses diff6rentes f o r m e s : presbyophr6nie, d6mence s6nile simple, d6mence s6nile <~alzheim6ris6e >>, fair partie, avec la maladie d'Alzheimer, de la mSme affection c~r6brale, dont le caract~re histologique commun est represent6 par l'existence dans le cerveau de deux types essentiels de 16sions: la plaque s6nile (P.S.) et la d6g6n6rescence neuro-fibrillaire (D.N.F.) (1).

(*) Clinique psychiatrique universitaire de Gen~ve. Communication pr6sent6e ~t la Socidtd d'E.E.G, et de Neurophysiologie cIinique de langue #anfaise, le 4 d6cembre 1979; texte remis le 4 d6cembre 1979; d6finitivement accept6 le 7 mars 1980. Tirds ~ part: J. RICHARD, h l'adresse ci-dessus.

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La pratique gEriatrique nous fait nous interroger sur les objectifs m~mes de la Mddecine. El~_e nous apprend ~ ne pas rEduire la Psychiatrie GEriatrique aux modules qui lui ont 6tE imposes ou qu'elle s'est choisis comme moyens d'acc~s ~t une meilleure connaissance, c'est-~-dire au soma-

tomorphisme, ~ l'adultomorphisme, ~ l'inJantomorphisme et au normomorphisme. Elle nous contraint ~ passer d'une mEdecine symptomatique, 6tiologique ou physiopathologique ~t une mEdecine adaptative, consecutive ou consEquentielle, c'est-~tdire ~t une mEdecine qui cherche aussi ~ 6tablir, inddpendamment de la ou des lesions, la mani~re dont on peut aider le patient ~ mieux se servir de ses capacitds fonctionnelles de l'instant, m~me les plus minimes. Elle exige que l'on privilEgie le soin sur la guErison ou plut6t que l'on pense soigner en m~me temps on avant de penser ~t guErir. Elle introduit, de ce fait, en particulier lorsqu'elle a trait au patient ~g6 et au dement, une dimension nouvelle dans la facon de recueillir et d'interprEter les sympt6mes cliniques. En effet, se centrer sur l'adaptation du patient, c'est sEmEiologiquement s'intEresser autant aux aptitudes restantes du patient qu'5 ses deficits. C'est aussi tenir compte n o n seulement de la maladie, mais aussi du malade qui vit la maladie et de l'environnement (donc de la famille et des soignants) qui peuvent contribuer ?a en modifier la traduetion clinique (2, 3). I1 est Evident que le diagnostic et le traitement forment u n tout. Ou'ils soient apparents ou non, des objectifs trop dissemblables pour l'un et pour l'autre, ne peuvent que nuire ~ la prise en soins appropriEe du patient. I1 est non moins Evident que le droit du mEdecin au diagnostic ne peut plus s'entendre sans une obligation de soins. O u a n d le diagnostic est plus au service du malade qu'~t celui du mEdecin, de la maladie ou d'une certaine conception statique de la rnaladie, qui rEpertorie et juxtapose des symptEmes sans continuellement tenter de comprendre la signification de leur genbse et de leur structuration, les informations 5 recueillir, en pathologie comportementale, ne sont plus tout ~t fair celles qui ne servent qu'~ prEciser une entire clinique, ~ l'inclure dans une definition, ~t en affermir les limites et ~t en suivre l'6volution pour rdduire la

maladie. C'est ainsi qu'en face d'un Etat dEmentiel, la demarche diagnostique traditionnelle se trouve rEguliErement g~nEe ~ chacune de ses Etapes. Si le deficit, quel qu'il soit, n'est plus le fait essentiel et s'il compte un peu moins que ses consequences sur l'adaptation du patient, l'attitude du clinicien devient radicalement diffE. rente. L'amnEsie et la dEsorientation classique, par exemple, n'ont plus le m~me sens, puisqu'il existe des patients amnEsiques et dEsorientEs qui restent adaptEs ~ leur mi!ieu. La rEcupEration souhaitable de la mEmoire et de l'orientation n'est plus alors qu'un objectif secondaire. Utilise-t-on d'ailleurs les termes d'amnEsie et de dEsorientation chez l'enfant qui n'a pas encore acquis et maitris6 toutes ses capacitEs intellectuelles ? Les parents e t / o u l'entourage savent pourtant trouver les comportements compatibles avec l'adaptation de l'enfant. A 6galit6 de difficultEs de prises en soins, ils n'envisagent jamais pour l'enfant l'hospitalisation, qui est souvent si rite rEservEe au dement. De la m~me 1-nani~re, une aphasie de l'fige avancE, quel qu'en soit la forme ou le support 16sionnel, est susceptible de provoquer u n dEr~glement des conduites &adaptation, dont il faudra tenir compte avant ou au moment d'en~reprendre la rEEducation proprement dite. La pathologie ddmentielle depend fondamentalement de ldsions neuronales spEcifiques, mais l'incidence conceptuelle de son abord n'est pas n~gligeable. I1 est maintenant bien dEmontr6 que la manibre de concevoir des problbmes et de les poser rEussit 5 modifier la symptomatologie observde ou ~ observer et h biaiser le choix thErapeutique qui en dEcoule. Dans le rn~me temps ot5 l'on ne peut envisager la maladie sans le malade, c'est-h-dire l'amnEsie sans l'amnEsique ou l'aphasie sans l'aphasique, il faut ~tre prudent pour infErer de la connaissance d'une perturbation comportementale ~ la definition d'une fonction. Mais il faut l'~tre aussi pour arguer de la connaissance admise d'une fonction ~ celle de ses perturbations supposEes, comme cela pourrait l'~tre de la connaissance de la mEmoire ~ celle de l'amndsie ou de celle d u langage ~ ceUe de l'aphasie.

NEUROPSYCHOLOGIE ET DEMENCES SENILES Par aitleurs, quand on se sert de la notion de d6ficit, inscrite dans le terme de d6mence, comme d'un 616ment diagnostique, il est parfois extr~mement difficile, en particulier dans le domaine de la cognition, de d~celer ce qui peut ~tre rapport6 ~ une atteinte des capacit6s potentielles de l'individu et ce qui peut l'6tre d'une atteinte de l'utilisation de ces capacit6s. I1 est pourtant imp6rieux de faire transparaitre cette nuance capitale dans la nosologie utilis6e. I1 faut encore savoir que l'appr6ciation exacte de la symptomatologie n6cessaire au diagnostic clinique, m~me dans son acceptation classique, est souvent rendue malais6e chez le d6ment par la possibilit6 de m6connaissance, de sous-estimation, de majoration et de parasitage des sympt6mes. Ces derniers doivent, pour ne plus ~tre m6connus, faire le plus souvent l'objet d'une recherche active, car ils s'imposent beaucoup moins chez le patient ~g6 que chez un autre moins ~g6. Un m~me symptgme peut avoir plusieurs significations et l'oubli de l'investigation de ses mdcanismes probables en faire sous-6valuer l'importance. Les rdact!ons du patient ~g6 la maladie et ~ ses cons6~uences, de marne que celles de l'entourage, peuvent enfin engendrer une symptomatologie addi~,ionnelle, qui peut et doit ~tre maintenant contr616e pour ne pas retarder ou faire ddvier certaines recherches cliniques, anatomiques, biologiques ou thdrapeutiques. Le recueil des sympt6mes utiles au clinicien est, par ailleurs, conditionn6 par la raise en ]onction physique et psychique de ce qui, chez le patient ~g~, peut et doit fonctionner. L'immobilit~, spontande ou impos~e, est, en effet, ce qui, chez le d6ment et dans l'fige avanc6, alt6re le plus les conduites. La raise en fonction peut faire disparaltre ou att6nuer les sympt6rnes n6s d'une d6saffdrentation ou d'une mauvaise affdrentation. Il ne faut toutefois pas prendre pour un d~faut de motivation ~ Faction, ce qui n'est qu'une cons6quence de la 16sion. En effet, la nature d'une 16sion c6r6brale, sa topographie et son extension peuvent parfois 6tre les seals facteurs incriminer dans l'apparition de l'apragmatisme. Elles peuvent aussi, par elles-m~mes, ~tre responsables du blocage de Faction dans son choix, son but, sa programmation et son ddroulement.

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Nous sommes, de la m~me fagon, poussds admettre que la s6m6iologie doit s'int6resser plus aux moyens que le patient emploie pour surmonter son d6ficit qu'~ la performance qui est sens6e en t6moigner. Elle dolt essayer de bien distinguer la description des sympt~mes de leur interpr6tation, ce qui, selon nos habitudes, n'est pas toujours facile. C'est donc moins l'aspect statique de la s6m6iologie qui dolt nous retenir que son dynamisme. De ce point de rue, la supdrioritd, dans la patho-

logie ddmentielle, de I'analyse qua!it~tive sur l'anaIyse quantitative n'est plus ~ d6mentrer. Les aspects cognitifs et conatifs ou affectifs du comportement humain sont 6troitement lids. Si, ~ titre heuristique, nous ne consid~rons que le premier de ces aspects dans l'6tude clinique des d6mences ~ P.S. et h D.N.F., il en va du traitement comme du diagnostic. La meil!eare m6thode est celle qui met l'accent sur la s:ructure de la connaissance et l'organisation pratique de l'action. C'est celle qui assure la recherche de concordances, de discordances, de possibilit6s de d6passement et surtout de formes particuli~r=s de r~gulation et de compensation et qui rend possible une adaptation, m~me provisoire, ~ une situation perturb6e. C'est aussi celle qui respecte

la synchronie et Ia diachronie des conduites. La psychologie gdndtique, d6velopp6e par J. PIACET, offre une m6thodologie qui a l'avantage de faciliter cette analyse chronoIogique et structuraIe des ~tats ddmentiels. Appliqu6e, sur l'instigation de I. DE AJURIAGUERRA, elle a permis, dans la d6mence, de rnieux comprendre les modalit6s de d6sorganisations individuelles et conjointes des diverses fonctions sup6rieures du Systbme Nerveux Central. Bien que globaliste, cette m6thodologie ne nie pas la valeur de la symptomatologie locale. Dans toute discipline comportementale, les contraintes du vocabulaire et la polysdmie qui finit par envahir le m~me mot sont 6videntes et g~nent le clinicien. L'introduction de la terminologie piag6tienne dans la c!inique des d~mences a pos6 moins de probl~mes qu'on pouvait s'y attendre. Par contre, nous disposons encore du m~me vocabulaire neuro-psychologique pour 6voquer des conduites li6es 5 une pathologie c6r6-

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brale dite diffuse, comme celle des d4mences P.S. et D.N.F. et ~ une pathologie c~r~brale focale. Or, l'application d'une ra~thode adaptSe de la Psychologie GSn4tique et eentr6e sur la recherche des mScanismes qui sous-tendent une conduite, permet d'attribuer ~ des termes rest& identiques, des r4alitSs cliniques diffSrentes. C'est ainsi qu'une m~me situation, comme celle de l'exploration de l'oculo-motricit4 conjugu~e sur laquelle nous reviendrons, perraet d'Studier autant une stratSgie d'action que la sensori-motrlcit4 proprement dite. C'est ainsi aussi que des mScanismes plus spScifiquement op4ratoires ou instrumentaux peuvent ~tre dScelSs et argument& dans la genbse d'une m4me performance finale, que l'on qualifiera d'apraxie constructive graphique. M O D A L I T E S ACTUELLES D ' U N E ANALYSE S T R U C T U R A L E DES DlCMENCES A P.S. ET D.N.F. I1 nous faut maintenant tirer les consSquences des remarques qui viennent d'4tre faites pour pr4ciser les possibilit4s actuelles d'un abord sSmSiologique diff4rent des dSmences ~ P.S. et D.N.F. Nous reprendrons ici quelques faits 4tablis par les travaux neuro-psychologiques de l'Ecole de Bel-Air. Nous envisageons ainsi successivement certains aspects : - - des conduites opSratoires, " - - des conduites mn&iques, --

des conduites liSes au langage,

- - et des conduites praxiques et gnosiques des ddments consid4rSs. A. L'OP~RATIVITI~. Dans les d4mences ~t P.S. et D.N.F., les modifications des conduites opSratoires apparaissent au tout d4but de l'Svolution de la maladie. Ce sont celles qui, ~ la Clinique Psychiatrique Universitaire de Gen~ve, ont 6tS StudiSes les premieres, il y a une quinzaine d'ann6es. Au sens de J. PIAGET, l'opSrativit4 a trait ~ u n type

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d'action, qui a la propri6t4 d'etre intdriorisde (le sujet peut penser l'action dans sa t~te au lieu de l'effectuer rSellement), rdversible (l'opSration peut non seulement ~tre faite, mais d4faite ou renversSe) et de faire pattie d'une structure d'ensemble (les opSrations tendent ~ s'articuler entre elles, pour former u n syst~me d'opSration, qui est la structure d'ensemble). L'opdrativitS a ainsi St4 4tudi6e, chez le d4ment, dans la plupart des domaines, sur lesquels portent l'activit4 cognitive, tels que ceux des quantit& physiques, de l'espace, du temps, du nombre, de la logique SlSmentaire, etc. D'une facon g4nStale, l'atteinte dSmentielle fait repasser le patient agS, • qui en est atteint, par les stades qui caractSrisent l'ontogen&e des fonctions cognitives. Mais, les m~canismes, qui peuvent ~tre impliqu6s, sont trbs diff4rents de ceux utilis6s par l'enfant. [1 existe, chez le d6ment, des attitudes sp6cifiques, qui le situent nettement au-dessous de son niveau opSratoire moyen et dont l'incidence n'est pas la nl~me selon le stade de d4sint~gration clinique. Parmi ces attitudes, notons l'oubli des consignes de dSpart et d'arriv6e du raisonnement, la difficults ~ la manipulation et ~ l'apprShension de nombreux Sl6ments ou informations, la soumission aux donnSes perceptives et le d6faut de reprSsentation anticipatrice ~ Faction. A capacit4 opSratoire 4gale, le d6ment se diff6rencie nettement de l'enfant et de l'adulte jeune. I1 lui est facile de raisonner dSductivement en mettant en ceuvre des structures logiques adaptSes aux 4vSnements. II lui est trbs difficile de raisonner inductivement en groupant des constatations successives pour les confronter ~t une hypoth&e. Rappelons que l'exploration oculaire est, au premier stade de la dSsintSgration dSmentielle, un bon critbre de l'activit6 cognitive. La quantitS d'activitS oculo-motrice d@loyde lorsque le regard se dSplace volontairernent, correspond ~ peu pr& h la quantit4 totale d'information que l'individu ~t jugs nScessaire de recueillir. La localisation des arr~ts du regard reflbte la sSlection opSrSe parmi toute l'information potentielle contenue dans le stimulus. De plus, la sSquence des fixations oculaires eonstitue une trace de la stratSgie choisie dans la r6colte de l'information. Donc, une r6partition aldatoire des points de fixation traduit une

NEUROPSYCHOLOGIE ET DI~MENCES SI~NILES absence d'hypothbses, d'anticipations, de strat6gies de recherche d'information. Alors que le d6ment au d6but n'a pas d'atteinte proprement dite de la sensorimotricit6 dans le domaine de l'oculo-motricit6 conjugu6e, son exploration oculaire est r6gulibre, m6thodique, mais plus 6tendue et plus longue et conduit cependant ~ une mauvalse reconnaissance visuelle, en particulier des images d'objets. Mettre en rapport l'information pass6e avec l'information pr6sente pour anticiper l'avenir constitue bien une des conditions de fonctionnement de l'exploration oculaire. D'autres observations permettent de dire aussi que le ddment a, dans l'exploration oculaire, de la difficult6 ~ se libdrer de certaincs notions acquises par l'exp6rience. I1 ne peut non plus r6sister l'augmentation de la pr6gnance des formes. Nous nous arr~terons plus loin sur les relations qui peuvent ~tre 6tablies, chez le d6ment, entre l'op~rativit~ et la m6moire. B. LA M~MOInE. Classiquement, son atteinte dans la d6mence ?a P.S. et g D.N.F. porte d'une part sur l'orientation telnporo-spatiale. Dans les conditions d'obserration clinique courante, la d6sorientation spatiale pr6c~de le plus souvent la d6sorientation temporelle et la d6sorientation dans le grand espace et la grande dur6e, celle dans le petit espace et la petite dur6e. Son atteinte se traduit d'autre part par l'arnn6_fie de fixation et d'6vocation. Les difficult6s mn6siques apparaissent progressivement et touchent les faits r6cents, puis anciens en i n , m e temps que s'att6nuent les possibilitds de fixation appr6ci6es par la r6p6tition de chiffres, de roots, du nom des personnes de l'entourage avec ou sans temps de latence. Les erreurs dans la chronologie des 6v6nements s'installent. Les perturbations ecmndsiques ne sont pas rares. Le corollaire de ces troubles mn6siques est l'apparition de fabulation, de confabulation, de fausses reconnaissances, de m6connaissances et de rab~chage. Sans exclure l'existence de m6canismes sp~cifiques, reposant sur des syst~mes anatomo-fonctionnels sp6cifiques (comme le circuit de Papez pour l'oubli g mesure), il en est d'autres, qui

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dans le domaine de la cognition, doivent nous rendre attentifs au fait que l'int6grit6 des processus mndsiques ne peut se concevoir sans une int6grit6 fonctionnelle de l'enc6phale dans son ensemble. La conservation possible du souvenir et la reconstruction mn6sique m6ritent ainsi d'etre envisag6es dans leurs relations avec les reconstructions d6ductives et opdratoires. Nous ne pouvons donc pas ne pas tenir compte dans la s6m6iologie ddmentielle d'une distinction fondamentale proposde par J. PIAGET dans la conservation propre h la m6moire. I1 y a l~, en effet, deux problbmes : - - d'une part, ~ celui de la r6tention mn6sique conduisant ~ la recognition, ?a la reconstitution ou ~ l'6vocation, en fonction d'un code de nivean ddtermin6~. C'est le probl~me de la rnOmoire au sens strict;

- - d ' a u t r e part, ¢¢celui de la conservation du code lui-m~me ~ travers ses transformations possibles>~. C'est le probl&ae de la rndmoire au sens large.

La mdmoire ne se contente donc pas d'enregistrer des connaissances acquises. Ces connaissances se t r a n s I o r m e n t sans cesse an contact des connaissances nouvelles, m~me si celles-ci sont parcellaires et ddform6es. Notons que le niveau op6ratoire du d6mcnt qui nous int6resse, ne d6pend pas directement de l'atteinte mndsique, puisque cette derni~re peut exister au d6but de la d6sintdgration d6mentielle sans trouble de l'op6rativit6. Mais, au-delh de cette phase de d6but, alors que l'op6rativit6 d6cline, la r6ciproque n'est pas tout h fait vraie. II semble, par contre, exister une excellcnte corrdlation entre les niveaux de d6sint6gration op6ratoire et instrumentale. S'il nous est permis de nous appuyer sur des arguments ddvelopp~s ailleurs, nous pouvons dire premi6rement que, chez le ddment, la maltrise du temps physique et du temps chronologique, indispensable 5 l'organisatien des souvenirs est en corrdlation 6troite avec ia capacit6 op6ratoire. Comme telle, cette maitrise est inddpendante aussi bien de l'amn6sie de fixation que de la capacit6 d'int6grer des 6v6nements pass6s ou prdsents.

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Nous pouvons dire ensuite que plus clairement que celle des 16sions locales, la s6m6iologie d6mentielle montre que connaissance, reconnaissance, 6vocation des notions et des indices sont indissociables du fonctionnement des schemes sensori--moteurs (qui permettent d'organiser le r6el en s'appuyant exclusivement sur les perceptions et les mouvements) et des schemes op6ratoires dont ils sont n6s. Si l'on prend en consid6ration la conservation et la reproductibilit6 des schbmes qui constituent la m6moire au sens large, dire d'un d6ment qu'il a oubli6 la notion de volume ou dire d'un aphasiquc qu'il a une amn6sie des formes verbales ou encore parler d'amn6sie pour rendre compte d'un d6ficit op6ratoire, d'une apraxie ou d'une agnosie est une tautologie sans valeur explicative. Le probl6me de la conservation des schemes montre qu'il y a int6r~t nuancer la distinction qui oppose l'amn6sie neurologique ~ l'amn6sie psychiatrique ou celle qui oppose l'amn6sie axiale (hippocampo-mamillaire) ~ l'amn6sie corticale. Nous pouvons encore dire que la maitrise de l'int6gration du pass6 au pr6sent pour anticiper l'avenir est une des premieres atteintes des d6mences 5~ P.S. et D.N.F. Elle contribue ~ perturber la m6raoire au sens strict. Elle repose en particulier, mais non exclusivement, sur l'int6grit6 des lobes pr6frontaux. Nous pouvons enfin dire que la maitrise du pass6 par lui-m~me est li6e ~ la fixation ~ court terme et ~ long terrne du pr6sent. Elle n6cessite certes l'int6grit6 du circuit de Papez, mais les 16sions de ce dispositif anatomo-fonctionnel ne peuvent rendre compte seules des troubles de la m6moire au sens strict observ6s chez le d6ment 5 P.S. et 5 D.N.F. La condition d'une r6tention court terme est ici l'absence de toute interf~rence entre l'appr~hension des inforrnations et leur 6vocation. Le d6ment peut acqu6rir non u n souvenir, mais u n scheme d'action qui englobe en tant que tel les indices perceptifs n6cessaires la r6ussite d'un conditionnernent. On est amend ~ penser qu'on peut passer, grace au conditionnement, du dornaine de la m~moire au sens strict g celui de la m6moire au sens large. On peut retrouver 1~ le pouvoir intrins~que

d'autoconservation des sch6mes qu'iis soient d'habitude, d'action ou opdratoires oppos6 5 la fragilit6 des <> de la mdmoire au sens strict. C. LE LANGAGE. a) Certains aspects du langage des ddments ~t P.S. et D.N.F. semblent ~tre en relation avec une atteinte de I'opdrativitd. Dans l'6volution de la maladie, le langage devient rapidement elliptique et redondant. Les suites des propositions, les termes qui sont impliqu6s par la situation sont omis. Les pr6dieats se mu!tiplient. Le langage parait ~tre utilis6 sous sa forme pratique d'auxiliaire de Faction et non plus sous celle de v6hicule d'une pens6e explicit6e. La redondance peut se traduire par la n6cessit6 de qualifier les lex~mes. Le d6faut du mot, qui devient apparent, semble ~tre momentan6ment compens6 par des p6riphrases d'usage. L'expression des relations asymdtriques est difficile. Les classifications ne sont plus extensives, mais intensives. La d6sorganisation des champs sdmantiques se concrdtise par l'apparition de paraphasies s~mantiques ou de premibre articulation. Les r6ponses g la d6nomination vont ainsi du lex~me ad6quat au mot sans rapport sdmantique ~vident avec l'objet en passant par les d6viations s6mantiques de tous ordres. Les perturbations du langage qui se situent dans l'axe syntagmatique de la langue ne sont pas moins 6videntes que celles qui portent sur l'axe lexical ou paradigmatique. L'argurnentation qu'emploient, par exemple, les d6ments p o u r justifier leurs r6ponses dans la compr6hension d'une suite d'6v6nements ou d'actions dont la succession n'est exprimde que par la morphosyntaxe (temps des verbes et ordre des mots) est en bonne corr61ation avec leur niveau op~ratoire. Si les valeurs morphosyntaxiques de la langue sereblent bien, dans u n contexte linguistique pur comparable g celui des syllogismes classiques, partager le sort des notions fond6es sur les opalrations intellectuelles, elles sont tr~s longtemps pr6serv6es dans le cadre des 6missions verbales plus ou moins automatis6es.

NEUROPSYCHOLOGIE ET DEMENCES SENILES b) I[ existe, chez le ddment, d'autres perturba-

tions du langage sdmdioIogiquement proehes de celles des aphasies secondaires gl des ldsions circonscrites. ll est difficile de situer la limite o3 les paraphasies s6mantiques ou de premiere articulation d6jg cit6es prennent un caract~re franchement aphasique. Ouelques exemples emportent d'autant plus la conviction qu'ils s'accompagnent frdquemment d'une ddfinition par l'usage addquate et que le bon lex~me offert au choix parmi d'autres n'est pas toujours reconnu. Les paraphasies de deuxi~me articulation qui, au cours de la d6sintdgration ddmentielle, sont plus rares et apparaissent apr~s les paraphasies s6mantiques, ne semblent presenter s6m~iologiquement aucune caract~ristique qui puisse les diff&encier des paraphasies phondmiques de l'aphasie de Wernicke. Les commutations de phonemes se rencontrent tr6s rarement dans le langage spontan~ et rdpdt6 avant u n stade de ddmence avanc6. Elles abondent dans la r6p6tition de logatomes chez des patients encore peu atteints. Comrne dans le syndrome de d6sint6gration phon6tique de l'anarthrie ou de l'aphasie de Broca, d~crit par Th. ALAJOUANINE,A. OMBREDANNE et M. DURAND, les voyelles sont plus solides que les consonnes. I1 existe aussi de nombreuses 61isions, des m6tathbses, des assimilations interconsonantiques et des d@lacements de consonnes sous l'influence de voyelle contigu~. Les phonemes d~biles sont les m6mes. Mais les commutations n'ont pas le mSme caract~re univoque. Si l'oralisation des voyelles nasales est le p M n o m b n e le plus frdquemment observe, la nasalisation des voyelles orales n'est pas rare. Si les constrietives sont bien le plus souvent alt6r6es, elles commutent les unes les autres par changement de point d'articulation, mais gardent le m~me degr~ d'aperture et souvent de sonorisation. Elles ne se transforment que tr~s rarement en occlusives. Si ces derni6res commutent tr~s fr6quemment par d@lacement du point d'arficulation vers l'avant ou l'arri6re, en fonction des influences contextuelles, les traits pertinents s6riels, surdit6, sonoritg, nasa-

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lisation, sont g6ndralement respect6s. Le passage d'une sdrie 5. l'autre ne se fait pas ~ sens unique. La sonorisation est plus fr6quente que l'assourdissement, mais celui-ci existe. Si l'oralisation domine, la nasalisation n'est pas rare. D~s lots, il est naturel de se demander si ces commutations ne sont pas plus proches de troubles phondmiques que phon6tiques et si elles ne traduisent pas aussi sur le plan de l'apprdhension que de l'6mission une perte des traits distinctifs des phon6mes. c) D'autres

troubles du langage apparaissent enfiu dans Ie cadre plus gdndral d'une ddsintdgration motrice. Nous aurons plus en r u e les it6rations phon6miques proprement dites que les persdv6rations substitutives ou intoxications par le mot, qui paraissent par leur forme et par le contexte dans lequel elles se d6veloppent identiques ~ celles des aphasies par 16sions circonscrites. Les it6rations phon6miques ou logoclonies, plus rarement verbales que syllabaires, peuvent interrompre une 6mission de langage encore relativement bien structur6e. Elles peuvent aussi survenir spontan6ment ou accompagner toute raise en tension intentionnelle des organes bucco-phonatoires. Elles existent conjointement fi des it6rations graphiques et ~t d'autres it6rations tootrices telles que l'activit6 orale spontan6e non vocale, le travail de literie au niveau des mains, le pi6tinement, le croisement et le d6croisement des jambes. Elles existent aussi conjointement ~t u n d6sordre du tonus musculaire et g la r6apparition de conduites ou de r6flexes primitifs. Elles apparaissent g6n6ralement ~ un stade o/a le langage est profond~ment d6sorganis6. Mais cette d6sorganisation ne parait pas en ~tre la cause n6cessaire et suffisante. La ddsint~gration du langage dans les ddmences P.S. et ~t D.N.F. est donc le r6sultat de perturbations de natures diff6rentes. L'appauvrissement initial du vocabulaire, le m a n q u e du mot, les d6sordres de la syntaxe, les paraphasies s6mantiques et phon6miques, les logoclonies qui se manifestent avec l'aggravation de la d6mence, ne peuvent ~tre ainsi ramen6s ?~ u n commun d6nominateur. Ces d6ficits ne sont r6ductibles ni ~ un

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affaiblissement intellectuel global, ni tt des troubles purement instrumentaux. Ils r~,sultent de d6sorganisations conjointes. D. LES PRAXIES. Dans les d~mences h P.S. et D.N.F., les premiers d6ficits sont constructifs. Dans l'6tude des praxies constructives graphiques, qui servent habituellement de r6f6rence, la perspective du cube, d'abord reproduit spontan6ment, dispara~t progressivement sur imitation, alors que sont fournis plusieurs types de rabattements. La reproduction limit6e ~ deux faces, puis ~ une seule face du cube est ensuite r6alis6e, alors que les difficult6s d'articulation h la reproduction de la bicyclette ou du double hexagone ilnbriqu~ du test de Bender deviennent 6videntes. Enfin, sont perdus les rapports topologiques et apparait l'accolement au module. Des difficult6s d'imitation des gestes des mains, en particulier, le renversement, c'est-h-dire l'opposition de l'index et de l'auriculaire d'une main avec respectivement l'auriculaire et l'index de l'autre main, se manifestent avant les perturbations, dans la r6alisation spontan6e ou sur imitation, des gestes de la symbolique conventionnelle des praxies id~o-motrices (pied-de-nez, salut militaire, signe de croix, etc.). Les troubles praxiques id~atoires apparaissent quand l'apraxie id6omotrice est nette. Ils se pr6sentent sous la forme d'une impossibilit6 d'indiquer les gestes qui accompagnent l'utilisation d'un objet, puis de manipuler un objet sans et avec d6monstration pr6alable. La perte de la permanence de l'objet succ~de h l'apraxie id~atoire. Les troubles praxiques d'habillage se manifestent d'abord tl l'habillage, puis au d6shabillage. Certaines attitudes devant l'habillage, comme l'aspontan6it6 ou l'apragmatisme, la discontinuit6 de Faction, peuvent se retrouver dans d'autres conduites sans avoir une valeur s6m6iologique tr~s diff6rentielle. Mais elles peuvent aussi annoncer les premiers troubles sp~cifiques de l'habillage, tels que ceux de l'ordre des habits ~ mettre ou enlever, de l'enchainement des actes parcellaires n6cessaires pour l'habillage ou le d6shabillage d'un m~me vatement, les erreurs de position

RICHARD

du v~tement par rapport h lui-m~me ou par rapport au corps. Ils peuvent porter enfin sur la raise en relation d'une partie d'habit avec une autre partie du m~me habit ou avec un autre habit, la reconnaissance du v~tement et de son utilisation. L'atteinte des praxies bucco-faciales, quand elle existe, apparMt tr~s tardivement. C'est alors que certains troubles de la d6glutition semblent avoir Failure d'une aphago-apraxie. E. LEs GNOSIES. Les difficult6s se manifestent d'abord et tr~s t6t dans le domaine visuel. Elles portent essentiellement sur la reconnaissance des images d'objets et des figures m~16es, telles que celles propos6es par POPPELREUTER. La reconnaissance des objets reste tr~s longtemps conserv6e. Le classement des couleurs, mame ~ u n stade avanc6e, est encore possible. Nous avons d6jtt 6voqu6 l'importance de l'op6rativit6 dans l'exp!oration oculaire, qui conduit 'h la reconnaissance visuelle. Nous ne pourrons discuter ici de l'influence de l'atteinte de l'oculomotricit6 conjugu6e proprement dire sur cette m~me reconnaissance. Nous n'avons jamais constat6 d'agnosie auditive v6ritable. L'ast6r6ognosie, qui s'installe progressivement, est bilat6rale. Toutes les 6preuves 6tudiant l'hylognosie (conductivit6 thermique, r6sistance, rugosit6, poids, hydrom6trie) sont parfaitement ex6cut6es par les d6ments h P.S. et tt D.N.F., h condition d'utiliser, lorsque cela est n~cessaire, la m6thode du choix multiple sur un minimum de trois 616ments. Du point de vue morphognosique, - - les objets usuels n6cessitent une exploration beaucoup moins longue que les formes g6om6triques et ne donnent lieu h aucune erreur ; --toutes les formes tri-dimensionnelles sont reconnues lorsqu'il n'y a que quatre 616ments h choix et que ces 616ments sont tous diff6rents. Lorsque sont pr6sents trois 616ments de forme semblable et non sph6rique, mais de tailles diff6rentes, des erreurs apparaissent tardivement dans

NEUROPSYCHOLOGIE ET DEMENCES SENILES

l'6volution d6mentielle, ~ type de macro- ou micrognosie sans prddominance d'une forme plut6t que d'une autre. Les formes de grande taille sont toujours reconnues, mais les formes de moyenne et petite taille sont confondues dans un tiers des cas. Les spheres de tailles diff6rentes sont, par contre, toutes diff6renci6es ; l'identification des formes bi-dimensionnelles devient de plus en plus difficile. Les formes curvilignes et rectilignes, les plaques circulaires avec trou m6dian ou excentr6, les angles sortants et rentrants, puis les formes simples ne sont plus reconnus. La confusion de pi~ces, qui ont en commun un angle (cercle amput6 d'un quadrant confondu avec le carr6, cercle amput6 d'un secteur confondu avec le losange) est particuli6re au d6ment. Elle n'a pas 6t6 signal6e chez l'enfant. Par ailleurs, jusqu'g un stade avanc6 de la maladie, le temps d'exploration du d6ment est proportionnel ~t la difficult6 d'exploration. L'agnosie digitale est tr~s pr6coce sous forme d'une autotopoagnosie digitale bilat6rale. Elle se compl6te d'erreurs de la droite-gauche 6videntes h l'6preuve de PIAGET-HEAD. L'autotopoagnosie corporelle apparait ensuite. I1 semble bien que les modes de r6actions ?~ la douleur, qui apparaissent enfin, ne puissent ~tre tout g f a r interpr6t6s comme l'6quivalent de l'asyrnbolie ~ la douleur comme dans les l~sions corticales focales. En effet, au stade le plus avanc6 de la d6sint6gration d6mentielle, la douleur n'est plus percue en fonction d'un sch6ma pr6cis du corps. El!e n'est plus localis6e et s'exprime comme un sentiment diffus de souffrance et de d6sagr6ment, sans que le d6ment puisse alors organiser les gestes qui permettent de l'6viter. F. DI~SINTt~GRATION SIMULTANEE DES FONCTIONS OPERATOIRE, MNI~SIOUE, INSTRUMENTALE ET MOTRICE.

Cette d6sint~gration conjointe des fonctions suscitdes se fait de fa~on homog~ne dans les d~mences h P.S. et fi D.N.F. L'homog6n~it6 d'une d6sint6gration d~mentielle conjointe de plusieurs fonctions exige que, lors-

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qu'un signe apparait dans la d6sint6gration d'une fonction, un autre signe connu soit retrouv6 au m~me moment dans la d6sint6gration d'une autre fonction. Des t a b l e a u x cliniques de d6sintdgration conjointe homogbne peuvent ~tre d6crits entre les trois domaines opdratoire, instrumental et moteur. Mais, le tableau cliuique de d6sint6gration conjointe homog~ne le plus utile, en l'6tat actuel de nos connaissances, semble ~tre celui qui porte sur les atteintes conjugu6es du langage, des praxies et des gnosies et qui se limite donc au domaine instrumental. Dans ce dernier domaine, les stades de d6sint6gration sont les suivants : - - 1"" s t a d e : manques du mot, d6but d'apraxie constructive graphique qui atteint la perspective, difficult6s de reconnaissance visuelle d'images, d'objets d'abord incompl~tes, estompdes et m~16es et de localisation des doigts : - - 2 " s t a d e : p6riphrases d'usage, rabattements dans les reproductions praxiques constructives graphiques, difficult6s d'imitation des gestes complexes des mains, autotopoagnosie digitale constante ; --Y s t a d e : mot pour un autre, dessins de deux faces, puis d'une seule face du cube et d6fauts d'articulation dans les reproductions constructives graphiques, difficult6s praxiques id6o-motrices dans l'imitation des gestes de la symbolique conventionnelle et st6r6ognosiques bilat6rales ; --4" stade: mots ddform6s, acco!ement au rnodble dans la reproduction du cube, apraxie id6o-motrice, difficult6s praxiques id6atoires, autotopoagnosie corporelle et perte des r6actions habituelles ~ la douleur.

Cette notion d'hornogdnditO a une importance r6elle pour le diagnostic 6tiologique de la d6mence. Elle perrnet d'affirmer le plus souvent que le patient est bien atteint d'une d6mence P.S. et g D.N.F. Elle indique aussi que, dans les d6mences ?a P.S. et ?a D.N.F., l'installation du syndrome aphaso-apraxo-agnosique suit des r~gles relativement pr6cises, ce qui n'ezt pas le cas des autres formes de d6mences les plus fr6quentes, que sont les d~mences vasculaires ou mixtes.

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I. RICHARD

EN CONCLUSION, il importe de retenir que l'analyse structurale des 6tats ddmentiels offre, ~ la fois, l'avantage d'orienter le clinicien vers une 6tiologie connue et celui de lui permettre de situer, dans les ddmences h P.S. et D.N.F., le niveau de la d6sint6gration d6mentielle. Elle a d'ailleurs permis de proposer au patient et h son entourage les moyens d'adaptation actuellement les plus ad6quats, qui peuvent s'appuyer sur des apprentissages sp6cifiques et mSme des transferts d'apprentissage. Elle paralt ~tre une r6f6rence plus sfire pour l'6tablissement de raeilleures corr6lations entre la clinique et les diverses m6thodes d'investigation para-cliniques. Elle ne peut qu'enrichir nos proc6d6s d'6valuation thdrapeutique. I1 faut enfin remarquer que la pathologie d6mentielle nous astreint, qu'on le veuille ou non, h u n mode d'abord diff6rent de la s6m6iologie. En

contribuant ainsi ~ une meilleure compr6hension des m6canismes c6r6braux, elle propose une autre conception de la Neuro-Psychologie. BIBLIOGRAPHIE 1. CONSXANrINIDIS(].). IS Alzheimer's Disease a Major Form of Senile Dementia ? Clinical, Anatomical and Genetic Data. In: R. KATZMANN,R.D. TEgRV, K.L. BICK (eds), Aging (vol. 7), 15-25, !978, Raven Press, New York, 1978. 2. RICHARD (l.). Algunos problemas metodologicos propuestos para el estudio la cognicion del paciente anciano. Revista Espanola de Gcrontologia y Geriatria 1978, I, tomo XIII, 59-74. 3. R~CHARt~ (].). De la connaissance pratique ~ la pratique de la connaissance ou de la dynamique de la connaissance en psychiatrie g6riatrique. In <>, ABRAHAM G., ANDREOLI A., SIMEONE I., 1980, Ed. C.I.R. Roma (sous pressc).