Nodules en verre dépoli et adénocarcinome EGFR muté

Nodules en verre dépoli et adénocarcinome EGFR muté

Revue de Pneumologie clinique (2017) 73, 146—150 Disponible en ligne sur ScienceDirect www.sciencedirect.com CAS CLINIQUE Nodules en verre dépoli ...

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Revue de Pneumologie clinique (2017) 73, 146—150

Disponible en ligne sur

ScienceDirect www.sciencedirect.com

CAS CLINIQUE

Nodules en verre dépoli et adénocarcinome EGFR muté Multiple ground-glass opacities nodules D. Moreau , V. Gazaille , N. Allou , C. Fernandez , V. André , M. André ∗ Pneumologie, CHRU de la Réunion, Site Félix Guyon, allée des Topazes, CS 11021, 97400 Saint-Denis, France Disponible sur Internet le 14 avril 2017

MOTS CLÉS Cancer bronchique non à petites cellules ; Adénocarcinome ; EGFR ; Chirurgie ; Nodule en verre dépoli ; Hyperplasie adénomateuse atypique



Résumé Introduction. — Les nodules en verre dépoli sont détectés fréquemment avec les nouvelles techniques d’imagerie. Ceux-ci peuvent correspondre à des lésions bénignes ou à des lésions précancéreuses comme l’hyperplasie adénomateuse atypique, l’adénocarcinome in situ mais aussi à des lésions invasives. Leur présence chez des patients atteints de cancer bronchopulmonaire pose la question de la stratégie de traitement et de suivi. Observation. — Nous rapportons le cas d’une patiente de 72 ans suivie pour un adénocarcinome bronchopulmonaire EGFR muté du lobe supérieur droit stade IIB. Son scanner thoracique montre de multiples nodules en verre dépoli situés dans le même lobe que la tumeur primitive mais également dans les autres lobes. Sur la pièce de lobectomie, l’histologie de deux nodules en verre dépoli montre une hyperplasie adénomateuse atypique. Conclusion. — Les nodules en verre dépoli peuvent être retrouvés chez les patients présentant un cancer bronchopulmonaire primitif opérable. Ces anomalies peuvent parfois être multiples et correspondre à des lésions d’hyperplasie adénomateuse atypique mais aussi à des lésions carcinomateuses. La surveillance radiologique reste la norme. La stratégie de prise en charge chirurgicale en cas de lésion évolutive reste à définir en particulier en cas de lésions multiples pouvant nécessiter des chirurgies de résection itératives. © 2017 Elsevier Masson SAS. Tous droits r´ eserv´ es.

Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (M. André).

http://dx.doi.org/10.1016/j.pneumo.2017.02.005 0761-8417/© 2017 Elsevier Masson SAS. Tous droits r´ eserv´ es.

Nodules en verre dépoli et adénocarcinome EGFR muté

KEYWORDS Non small cell lung cancer; Adenocarcinoma; EGFR; Surgery; Ground-glass opacities; Atypical adenomatous hyperplasia

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Summary Introduction. — Ground-glass opacities nodules are frequently detected with the advances of radiological imaging. These can be preinvasive lesions such as atypical adenomatous hyperplasia but also invasive lesions. It leads to question in patients with lung cancer about treatment strategy and follow up. Case report. — We report the case of a 72 years-old woman followed for a lung adenocarcinoma with an EGFR mutation of the right upper lobe stage IIb. The CT scan shows multiple pure ground-glass opacities in the same lobe of the primitive tumor but also in the other lobe. On the piece of lobectomy, histopathology of two ground-glass opacities showed atypical adenomatous hyperplasia. Conclusion. — Ground-glass opacities nodules could be found in patients with an operable lung cancer. These can be multiple and match with atypical adenomatous hyperplasia but also carcinomas lesions. The radiological surveillance is still the standard. The strategy for surgical resection has to be defined especially in case of multiple lesions which can require repeated surgical resection. © 2017 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.

Introduction Les nodules en verre dépoli sont de plus en plus détectés avec les nouvelles techniques d’imagerie. Ces nodules peuvent être bénins ou malins. En l’absence de diagnostic histologique formel, il est difficile de déterminer une stratégie de traitement ou de suivi en particulier en cas de nodules pulmonaires multiples chez les patients présentant un cancer bronchopulmonaire primitif résécable.

Observation Madame H. âgée de 72 ans consulte pour une toux chronique et des épisodes infectieux pulmonaires à répétition. Elle présente comme antécédents une polyarthrite rhumatoïde traitée pendant 20 ans par corticoïdes et méthotrexate (sans traitement depuis 3 ans), un adénome pléïomorphe et 3 césariennes. Elle n’a jamais fumé. Elle n’a jamais été exposée á l’amiante. Lors d’un nouvel épisode infectieux, une radiographie pulmonaire montre une opacité du lobe supérieur droit. Le scanner thoraco-abdomino-pelvien injecté retrouve un nodule tissulaire excavé lobaire supérieur droit de 26 mm associé à 17 nodules en verre dépoli pur sans contingent solide mesurant de 4 à 12 mm situés dans tous les lobes (Fig. 1). Deux sont situés dans le lobe supérieur droit (Fig. 2). La tomographie par émission de positons au 18-fluorodésoxyglucose montre une fixation métabolique de la lésion du lobe supérieur droit (SUV max 5,2), sans argument pour une extension ganglionnaire et métastatique à distance. Le diagnostic est posé sur une ponction trans-thoracique sous scanner : il s’agit d’un adénocarcinome bronchopulmonaire TTF1+ bien différencié avec mutation L858R de l’exon 21 du gène EGFR. Elle bénéficie, après réunion de concertation pluridisciplinaire, d’une lobectomie supérieure droite associée à un curage ganglionnaire. La tumeur mesure 33 × 25 mm, l’exérèse est complète. Absence de métastases sur les 13 ganglions examinés. Elle est classée pT2aN0M0, stade IIB.

Figure 1. Nodules en verre dépoli situés dans le lobe inférieur droit (flèches).

Figure 2. Nodule en verre dépoli lobaire supérieur droit correspondant à une hyperplasie adénomateuse atypique (flèche).

Sur cette pièce d’exérèse, 2 nodules de 3 et 5 mm correspondants aux nodules en verre dépoli décrits sur le scanner sont analysés : il s’agit dans les deux cas d’une hyperplasie adénomateuse atypique dont une

148

D. Moreau et al. Tableau 2 Corrélations adénocarcinomes.

radio-histologiques

Nodules en verre dépoli pur

Figure 3.

Hyperplasie adénomateuse atypique.

à la limite de l’adénocarcinome lépidique in situ (Fig. 3). Les suites opératoires sont simples. Une surveillance est proposée sans indication de traitement adjuvant. Sur le scanner de surveillance à 12 mois, les nodules en verre dépoli persistent, sans modification de taille ou en nombre par rapport au scanner préopératoire. Nous retrouvons 15 nodules en verre dépoli résiduels. Qu’elle est la conduite à tenir face à une patiente ayant un adénocarcinome muté EGFR présentant de multiples nodules en verre dépoli purs ?

Discussion La prévalence des nodules en verre dépoli purs ou mixtes varie en fonction des études : entre 3 et 4,2 % dans les études de dépistage du cancer bronchopulmonaire chez des patients fumeurs [1,2]. Les études montrent que les nodules en verre dépoli ont un taux de malignité intermédiaire, supérieur aux nodules solides mais inférieur aux nodules mixtes. Le taux de malignité est de 63 %, 28 % et 7 % respectivement pour les nodules mixtes, les nodules en verre dépoli et les nodules solides [3]. Les nodules en verre dépoli purs peuvent être des lésions bénignes comme de la fibrose interstitielle focale, de l’inflammation ou des lésions hémorragiques (Tableau 1). Cependant, les lésions persistantes correspondent dans plus

Tableau 1

Étiologies des nodules en verre dépoli.

Bénignes

Malignes

Infection Inflammation Pneumonie chronique Fibrose localisée Lésions préinvasives Hyperplasie adénomateuse atypique Adénocarcinome mini-invasif

Adénocarcinome lépidique Adénocarcinome invasif mucineux Métastases Lymphome

Hyperplasie adénomateuse atypique Adénocarcinome in situ Adénocarcinome mini-invasif Adénocarcinome invasif lépidique Adénocarcinome invasif non lépidique (papillaire, acinaire, micro-papillaire, solide) Adénocarcinome mucineux

Nodules semi-solides

des Nodules solides

+

+

+

+

+ + +

±

de 80 % des cas à des lésions adénocarcinomateuses à différents stades d’évolutivité : hyperplasie adénomateuse atypique (HAA), adénocarcinome in situ (AIS), adénocarcinome invasif (AI) [4,5] (Tableau 2). Les nodules inférieurs à 5 mm correspondent le plus souvent à une HAA, entre 5 et 10 mm les trois types histologiques sont possibles, ceux supérieurs à 10 mm peuvent traduire un AIS voire un AI [6]. Il existe fréquemment une continuité entre HAA, AIS et AI [4—6]. Les nodules en verre dépoli purs ont une évolution lente [7] et nécessitent une surveillance prolongée. Tous les nodules en verre dépoli n’évolueront pas vers une forme invasive : 9 % augmentent de taille environ, 8 % voient apparaître un composant solide et 83 % restent stables pendant des années [8—10]. Cependant, des études récentes ont montré qu’environ 1 % des nodules en verre dépoli pur de taille inférieure ou égale à 5 mm évoluent vers un adénocarcinome et recommandent un suivi scannographique de ces nodules entre 3 et 4 ans [11]. Chez notre patiente, l’analyse histologique a permis de mettre en évidence 2 lésions d’HAA situées dans le même lobe que la tumeur primitive. Ceci ne présage pas de la nature des autres nodules en verre dépoli situés dans d’autres lobes. Dans la littérature, les données histologiques concernant les nodules en verre dépoli découverts chez les patients présentant un cancer bronchopulmonaire sont rares. La fréquence des lésions en verre dépoli chez des patients présentant un cancer bronchopulmonaire est d’environ 7 %. Elle est plus élevée que chez le patients fumeurs [12]. Les nodules en verre dépoli peuvent parfois être multiples (2 à 41 nodules par patient) et de taille variable [13].

Nodules en verre dépoli et adénocarcinome EGFR muté Les nodules en verre dépoli sont présents quasi exclusivement chez les patients présentant des tumeurs primitives de type adénocarcinome [14]. Un contingent en verre dépoli est le plus souvent associé à la tumeur primitive. Chez les patients présentant une tumeur primitive résécable, l’existence de multiples nodules en verre dépoli pose la question de leur potentiel évolutif et de leur prise en charge. Les études sont discordantes concernant leur bénignité et leur risque d’évolutivité. Les patients ayant une histoire de cancer non à petites cellules ont un risque accru que les lésions en verre dépoli augmentent de taille [15]. En cas de cancer bronchopulmonaire, 31 % des nodules grossissent alors que 21 % seulement grossissent en l’absence de cancer. Cependant, aucun des patients ne développe de métastase extra thoracique ou pulmonaire pendant la période de suivi [13]. Certains auteurs ont montré que ces lésions étaient peu évolutives [15,16]. Une étude a inclus 23 patients suivis sur 3 ans avec un cancer pulmonaire associé à de multiples nodules en verre dépoli. Le nombre de nodule en verre dépoli était de 2 à 41 par patient et le nombre total de nodules analysé est de 196. Les lésions réséquées dans le même temps correspondaient dans 11 cas à de l’HAA et dans 3 cas à de l’AIS. Lors de la surveillance, dans 95 % des cas la taille des nodules en verre dépoli associés à un cancer du poumon ne change pas pendant la période suivie. Dans 5 % des cas les nodules ont régressé ou de nouveaux nodules sont apparus. Lors de la surveillance, aucune confirmation histologique n’a été effectuée. Aucun nodule ne s’est transformé en lésion invasive [16]. Néanmoins, ces données rassurantes restent controversées. Une série chirurgicale [17] a effectué des résections et une analyse histologique des nodules en verre dépoli. 71 patients présentaient 84 nodules en verre dépoli, dont 41 ont été réséqués. Il s’agissait de lésions carcinomateuses dans 17 cas, d’AAH dans 11 cas et de lésions bénignes dans 13 cas. Sur les 43 nodules surveillés 7 (16 %) vont grossir, 4 d’entre eux seront des adénocarcinomes. Les auteurs posent la question de la prise en charge de ces patients pouvant nécessiter des chirurgies itératives et pour lesquels une chirurgie de résection limitée doit être envisagée. La surveillance radiologique attentive reste le standard [18]. Toutes les études confirment que la taille du nodule en verre dépoli est le principal facteur prédictif de malignité. Une étude a déterminé la taille pour laquelle la probabilité de malignité commence à devenir significative. Elle a retrouvé que pour les nodules en verre dépoli de taille supérieure à 8 mm, le risque de malignité est de 53 % alors que pour les nodules plus petits le risque de malignité était de 4 % [13]. Lors de la surveillance, la croissance de taille du nodule ou l’apparition d’un contingent solide doit faire discuter une prise en charge chirurgicale. Plusieurs études se sont intéressées au lien existant entre l’existence de nodules en verre dépoli chez des patients présentant des adénocarcinomes mutés pour l’EGFR. Le contingent en verre dépoli au sein des tumeurs primitives est plus important chez les patients mutés EGFR (74 % vs 57 %) [19]. Le contingent en verre dépoli est aussi plus important chez les femmes et les non-fumeurs. Il semblerait que les nodules en verre dépoli pur soient moins fréquents chez les patients présentant une mutation ALK ou KRAS que chez les patients EGFR mutés. Chez les patients mutés

149 EGFR, le risque d’évolution des nodules en verre dépoli est plus important [20,21]. L’existence de nodules en verre dépoli en grand nombre chez certains patients n’est pas expliquée.

Conclusion Les nodules en verre dépoli peuvent être retrouvés chez les patients présentant un cancer bronchopulmonaire primitif opérable. Ces anomalies peuvent parfois être multiples et correspondre à des lésions d’hyperplasie adénomateuse atypique mais aussi à des lésions carcinomateuses. Elles sont retrouvées quasi exclusivement lorsque l’histologie de la tumeur primitive est adénocarcinomateuse et semblent plus fréquentes chez les patients mutés EGFR. La surveillance radiologique reste la norme. La stratégie de prise en charge chirurgicale en cas de lésion évolutive reste à définir en particulier en cas de lésions multiples pouvant nécessiter des chirurgies de résection itératives.

Déclaration de liens d’intérêts Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts.

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