Nodules pelviens chez une femme jeune : tout n’est pas de l’endométriose !

Nodules pelviens chez une femme jeune : tout n’est pas de l’endométriose !

J Gynecol Obstet Hum Reprod 46 (2017) 197–200 Disponible en ligne sur ScienceDirect www.sciencedirect.com Cas clinique Nodules pelviens chez une f...

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J Gynecol Obstet Hum Reprod 46 (2017) 197–200

Disponible en ligne sur

ScienceDirect www.sciencedirect.com

Cas clinique

Nodules pelviens chez une femme jeune : tout n’est pas de l’endome´triose ! Pelvic nodules in a young woman: All is not endometriosis! G. Buisson a,*, E. Maissiat a, G. Dubernard b, L. Boussel a a b

Service de radiodiagnostic et d’imagerie me´dicale, hoˆpital de la Croix-Rousse, 103, grande rue de la Croix-Rousse, 69004 Lyon, France Service de gyne´cologie-obste´trique, hoˆpital de la Croix-Rousse, 103, grande rue de la Croix-Rousse, 69004 Lyon, France

I N F O A R T I C L E

R E´ S U M E´

Historique de l’article : Rec¸u le 15 juin 2016 Rec¸u sous la forme re´vise´e le 24 octobre 2016 Accepte´ le 27 octobre 2016

La sple´nose est une pathologie survenant dans les suites d’une effraction capsulaire sple´nique traumatique ou post-chirurgicale. Nous rapportons ici le cas d’une patiente chez qui les nodules de sple´nose ont e´te´ initialement rapporte´s a` des le´sions d’endome´triose, cause la plus fre´quente de nodules pelviens. L’imagerie diagnostique de la sple´nose est de´taille´e ainsi que la prise en charge de cette pathologie, avec une revue de la litte´rature.

Mots cle´s : Endome´triose Sple´nose Nodules pelviens

Keywords: Endometriosis Splenosis Pelvic nodules

A B S T R A C T

Splenosis is a pathology resulting from a rupture of the spleen due to a trauma or a surgery. We report the case of a patient presenting with a splenosis, initially diagnosed as endometriosis-related pelvic nodules, the most frequent cause of pelvic nodules in women. We will describe the imaging strategy that led to the final diagnosis of splenosis.

Abre´viations TDM IRM MPR NC

tomodensitome´trie imagerie par re´sonance magne´tique reconstruction multiplanaire non communique´

Introduction La sple´nose correspond a` une auto-transplantation a` la surface du pe´ritoine, de cellules de pulpe sple´nique he´te´rotopiques viables, qui fait suite a` une effraction capsulaire traumatique ou non [1]. Environ une centaine de cas de sple´nose ont e´te´ de´crits dans la litte´rature mais peu d’articles rapportent une localisation pelvienne de cette pathologie [2], qui est encore trop souvent * Auteur correspondant. 137, rue Bugeaud, 69006 Lyon, France. Adresse e-mail : [email protected] (G. Buisson). http://dx.doi.org/10.1016/j.jogoh.2016.10.006 C 2017 Elsevier Masson SAS. Tous droits re ´ serve´s. 2468-7847/

me´connue et confondue avec des le´sions d’endome´triose en pre´ope´ratoire. Nous rapportons ici un cas de sple´nose abdominopelvienne de´couverte lors d’un bilan de douleurs pelviennes chroniques chez une patiente sple´nectomise´e. Observation Femme de 29 ans, consultant en gyne´cologie pour suspicion d’endome´triose pelvienne. Son seul ante´ce´dent me´dico-chirurgical est une maladie de Minkowski-Chauffard traite´e par sple´nectomie sous cœlioscopie dans l’enfance. A` l’interrogatoire, la patiente rapporte un cycle re´gulier de 28 jours, avec une dysme´norrhe´e mode´re´e et des me´trorragies survenant 7 jours avant les re`gles. Elle n’a pas de contraception. Ses douleurs pelviennes sont apparues a` l’aˆge de 18 ans, survenant a` l’effort et accompagne´es de malaises. Elles ne sont pas particulie`rement rythme´es par les re`gles. Elles sont associe´es a` des dyspareunies profondes d’intensite´ mode´re´e. Elle n’a pas de syndrome rectal ni de troubles urinaires catame´niaux.

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A` l’examen clinique l’abdomen est souple, le col ute´rin est sain, les culs-de-sac vaginaux sont sensibles. Les ligaments ute´ro-sacre´s sont difficilement examinables. Des e´chographies ont e´te´ faites dans le passe´, toutes normales.

[(Fig._1)TD$IG]

L’IRM pelvienne montre des nodules pelviens dont la forme arrondie, les limites nettes, le signal et la localisation ne sont pas e´vocateurs d’endome´triose (Fig. 1). Le diagnostic de sple´nose est alors e´voque´. Un scanner abdomino-pelvien sans puis apre`s injection de produit de contraste avec acquisition aux temps arte´riel et portal est re´alise´ en comple´ment (Fig. 2 et 3). Il met en e´vidence, en plus des nodules pelviens connus, de tre`s nombreuses formations nodulaires bien limite´es, de taille diffe´rente, se rehaussant apre`s injection, localise´es dans l’ensemble de la cavite´ abdominale ainsi que dans la paroi abdominale ante´rieure (en particulier sur le trajet

[(Fig._2)TD$IG]

Fig. 1. IRM coupes transversales en ponde´ration T2 (A) et T1 (B) montrant ce meˆme nodule (fle`che blanche) du cul-de-sac de Douglas en hyposignal T2 et isosignal T1, bien limite´, non re´tractile.

Fig. 2. TDM coupe transversale sans injection (A), aux temps arte´riel (B) et portal (C) de l’injection intraveineuse de produit de contraste iode´ : nodule (fle`che blanche) isodense (A) bien limite´, non re´tractile, avec un rehaussement intense et homoge`ne au temps arte´riel (B), persistant au temps portal (C).

[(Fig._3)TD$IG]

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Fig. 3. A. MPR, coupe coronale, de l’acquisition TDM au temps portal montrant de multiples nodules de sple´nose (fle`ches blanches) localise´s dans l’abdomen et le pelvis. B. TDM coupe axiale au temps portal : nodules de sple´noses localise´s sur un ancien trajet de cœlioscopie (fle`che blanche).

des trocards de cœlioscopie) ; leur aspect TDM est un argument diagnostique supple´mentaire en faveur de le´sions de sple´nose. Discussion Les douleurs pelviennes peuvent prendre naissance a` partir des organes ge´nitaux (ute´rus et annexes) mais e´galement des structures urinaires, digestives, vasculaires, nerveuses, oste´otendineuses, musculaires et du pe´ritoine. Les principales e´tiologies des douleurs pelviennes chroniques d’origine gyne´cologique sont

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l’endome´triose, l’ade´nomyose, le syndrome de congestion pelvienne, la pathologie inflammatoire chronique et les adhe´rences pelviennes [3]. Chez notre patiente, les caracte´ristiques IRM et la localisation des le´sions e´taient compatibles avec des nodules de sple´nose dont les caracte´ristiques e´chographiques, TDM et IRM sont les suivantes : parenchyme homoge`ne, forme variable, limites nettes, e´chostructure tissulaire homoge`ne ou pseudokystique [4,5], densite´ spontane´e tissulaire, tre`s rares calcifications associe´es, pas d’hyperhe´mie en mode Doppler, hyposignal T1, hypersignal T2 (hyposignal T2 possible en cas de surcharge en fer) avec un rehaussement apre`s injection de produit de contraste, similaire a` celui de la rate en TDM comme en IRM : rehaussement arte´riel pre´coce plus ou moins he´te´roge`ne s’homoge´ne´isant au temps portal. Ces nodules ne s’accompagnent pas d’infiltration de la graisse locore´gionale et leur taille est globalement stable dans le temps [6]. Ces caracte´ristiques s’opposent a` celles des nodules d’endome´triose profonde, diagnostic diffe´rentiel le plus probable dans le cas rapporte´ ici. A` l’IRM, ces derniers sont irre´guliers, re´tractiles, en hypo- ou isosignal T1, iso- ou hyposignal T2, parfois porteurs de spots en hypersignal T1 et T2. Par ailleurs, l’endome´triose atteint pre´fe´rentiellement les ovaires et la re´gion du torus uterinum, contrairement a` notre cas ou` la pre´dominance le´sionnelle est abdominale, sus-ombilicale [7,8]. Cependant, l’absence de le´sions IRM e´vocatrices d’endome´triose ne permet pas d’exclure ce diagnostic. On sait en effet que l’endome´triose superficielle, visible en cœlisocopie, ne l’est pas en IRM. Par ailleurs, Matonis et Luciano ont de´crit en 1995 un cas de sple´nose masquant des le´sions d’endome´triose [9]. La sple´nose a e´te´ de´crite pour la premie`re fois en 1939 par Bunchbinder et Lipkoff. Son incidence est estime´e jusqu’a` 67 % chez les patients sple´nectomise´s ou ayant eu un traumatisme sple´nique [10]. Les nodules peuvent s’implanter partout dans l’abdomen mais pre´dominent dans l’hypochondre gauche. On les trouve e´galement sur la se´reuse de l’intestin greˆle, le grand omentum, le pe´ritoine, le coˆlon, le me´sente`re et la face infe´rieure du diaphragme. Les localisations pelviennes et parie´tales, comme chez notre patiente, sont beaucoup plus rares. Ces nodules sont parfois symptomatiques et re´ve´lateurs de complications (occlusion, torsion d’implant sple´nique ou he´morragie), ne´cessitant une prise en charge chirurgicale [11]. Chez notre patiente, il n’y avait aucun signe radiologique de complication. D’un point de vue radiologique, les diagnostics diffe´rentiels a` e´voquer devant des nodules pelviens sont la carcinose pe´ritone´ale (en pre´sence d’un contexte carcinologique), l’he´mangiome ou le me´sothe´liome pe´ritone´al et plus rarement des nodules de rate accessoire. Dans ce dernier cas, les nodules se situent le plus souvent dans le hile sple´nique, proches du ligament sple´nopancre´atique ou du ligament gastro-sple´nique ; ils ont une plus petite taille que les nodules de sple´nose (rarement supe´rieure a` 1,5 cm) et leur nombre est habituellement infe´rieur a` six [10,12]. Dans les cas cliniques de sple´nose publie´s dans la litte´rature, le diagnostic est ge´ne´ralement e´tabli en postope´ratoire. Dans six cas publie´s de sple´nose pelvienne, le diagnostic pre´ope´ratoire e´voque´ a e´te´ l’endome´triose, le diagnostic de sple´nose n’ayant e´te´ obtenu qu’apre`s analyse histologique des nodules pelviens pre´leve´s lors de la chirurgie [4,9,13–15]. Les autres diagnostics e´voque´s en pre´ope´ratoire dans les cas cliniques publie´s sont : un sarcome ute´rin [16], une masse ovarienne [5,17]. La scintigraphie aux he´maties alte´re´es marque´es au TC-99 m permet d’e´tablir le diagnostic de´finitif dans les formes les plus atypiques de sple´nose [1]. La sple´nose est importante a` identifier car elle ne´cessite une prise en charge spe´cialise´e d’un point de vue infectieux. En effet, meˆme si les nodules de sple´nose sont parfois tre`s nombreux, leur

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nombre ne garantit pas obligatoirement une protection comple`te contre le syndrome septique post-sple´nectomie (overwhelming post-splenectomy infection [OPSY]) ; celui-ci est une pathologie grave, a` l’origine d’une mortalite´ rapide (en 48 h) dans 50 a` 70 % des ˆ a` la cas [18,19]. Ce de´faut de protection immunologique serait du petite taille des nodules sple´niques associe´e a` une vascularisation inade´quate qui limiteraient les contacts entre les antige`nes et les phagocytes sple´niques [20]. Notre patiente a ainsi be´ne´ficie´ d’une consultation spe´cialise´e en infectiologie ayant conduit a` une vaccination prophylaxique contre les principaux agents pathoge`nes : Streptoccocus pneumoniae, Haemophilus influenzae, Neisseria meningitidis et grippe saisonnie`re. En conclusion L’association du contexte clinique (ante´ce´dent de traumatisme sple´nique ou de sple´nectomie) et de l’imagerie (e´chographie, scanner et IRM) permet de suspecter puis de confirmer le diagnostic de sple´nose dans la majorite´ des cas. Cette pathologie doit eˆtre connue pour pouvoir la distinguer des autres causes fre´quentes de nodules abdomino-pelviens, principalement des nodules d’entrome´triose chez les patientes jeunes. Une exe´re`se chirurgicale est recommande´e en cas de complication, et peut eˆtre be´ne´fique sur les douleurs dans les formes non complique´es. L’inte´reˆt de la vaccination doit eˆtre discute´ en consultation spe´cialise´e. De´claration de liens d’inte´reˆts Les auteurs de´clarent ne pas avoir de liens d’inte´reˆts. Re´fe´rences [1] Lake ST, Johnson PT, Kawamoto S, Hruban RH, Fishman EK. CT of splenosis: patterns and pitfalls. AJR Am J Roentgenol 2012;199:W686–93. http:// dx.doi.org/10.2214/AJR.11.7896. [2] Lai T, Meng C. Silent pelvic splenosis: case report. Int J Surg Case Rep 2015;13:129–30. http://dx.doi.org/10.1016/j.ijscr.2014.10.100.

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