Notes sur quelques apports de l'anthropologie dans le champ de la clinique ≪ interculturelle ≫

Notes sur quelques apports de l'anthropologie dans le champ de la clinique ≪ interculturelle ≫

6~01 Psychiatr 2000 ; 65 : 741-61 0 2000 Editions scientifiques et mkdicales Elsevier Tow droits rkservks SAS. Solitudes Notes sur quelques apports...

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6~01 Psychiatr 2000 ; 65 : 741-61 0 2000 Editions scientifiques et mkdicales Elsevier Tow droits rkservks

SAS.

Solitudes

Notes sur quelques apports de I’anthropologie dans le champ de la clinique <
Summary - Anthropology and its current contribution to clinical crosscultural psychology. - In this study, a historical and epistemiological review has been made of the similarities and differencesbetween anthropology and clinical psychoanalysis.Mental disordersin individuals from another culture confronted with stressfulsituationsin an environment to which they arenot fully accustomedhave beenexamined,asbehavior is alwaysassociatedwith acultural context. Culturecanto someextent be defined asa meansof providing the membersof any society with a ‘guide’ or seriesof ‘codes’,this being limited in that societies exist and function within an ever-changing world, with a constantredefinition of socialandcultural values. The current situation has been examinedin detail, andan analysismadeof the problemsencounteredby psychotherapistsconfrontedby anotherculture, involving statesof exile or exclusion, brutal cultural change,acculturationandthe anxiety of not being within their own field of reference (traditional social and cultural context). The symptoms and periods of crisis, particularly during adolescence, have beendescribed.Thereis an increasing tendency towards using an intercultural

* Olivier Douville,psychanalyste, maitredeconferences en psychologie clinique,universitedeParis-XNanterre,Laboratoire depsychologie cliniquedesfaitsculturels,directeurdepublication dePsychologie clinique, 22ruedela Tour-d’Auvergne, 75009Paris,France. Regx le 20 septembre 1999 ; accept6 le 12 janvier 2000

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gences entre anthropologie et clinique psychanalytique, l’auteur engage une rCflexion sur le statut actuel des symptames et des crises (en particulier le moment de I’adolescence) en clinique interculturelle. Q 2000 Cditions scientifiques et mkdicales Elsevier SAS

psychological approach to treat this specific patient population. 8 2000 Cditions scientifiques et mkdicales Elsevier SAS

adolescence I anthropologie inconscient I psychanalyse ralisme I symptSme

adolescence I anthropology I ethnopsychiatry psychoanalysis / rite / structuralism I symptom I the unconscious mind

L

/ ethnopsychiatrie I I rites / structu-

I

es recherches contemporaines autour des cliniques de I’exil, de l’exclusion et des changements culturels brusques ravivent des problkmatiques anciennes autour du thkme (( Psychopathologic et culture H du fait du dkplacement de la psychiatric et du savoir psychopathologique occidental hors du cadre europken ou anglo-saxon [I, 21. Ce genre de problkmatiques peut trouver un nouvel essor, en donnant naissance A des confrontations ouvertes entre psychanalyse, psychiatrie et anthropologie. L’actualitk des ph6nomknes massifs d’occidentalisation [3], les surgissements, en rksistance B cette globalisation, d’identitks communautaristes locales et compactes [4,5] ou encore des phknomknes de rksistances locales A I’imposition de systhmes de soins et de prise en charge de la santC mentale issus de la mondialisation [6, 71, l’ampleur des migrations, enfin, et la diversitk des situations objectives et subjectives d’exil [S-IO] forment un ensemble de situations humaines en rupture et en mutation qui retiennent I’attention des anthropologues et des cliniciens [4]. Le soin psychique entretient des rapports avec le culturel, mais il en entretient surtout avec le politique. Situation inconfortable mais inkvitable du fait que prendre soin du psychisme est aussi assumer la responsabilitk de penser et de favoriser le rapport B l’autre, A l’ktranger essentiel, celui qui est fondateur de la sub.jectivitk et de la culture [I l-131. L’objet de cet article sera d’effectuer un rep&age orient6 des questions que rencontrent des cliniciens qui se mettent h l’kpreuve de la culture G de I’autre H. Comment B la fois situer et entendre les rkfkrences culturelles, dent nous pensons I’organisation en terme de collectif, et se rendre sensible A l’effet langagier et imaginal d’un sujet singulier ? VoilA deux questions que les prises en charge thbapeutiques des sujets en rupture - rupture de lieux, et ruptures de g&k-ations - nous imposent de rencontrer. Les migrations, les diverses figures d’imposition de la modernitk et l’interpCn& tration des populations et des cultures qui en dkoule, interpellent les sociCtCs non seulement par rapport aux modes d’insertion sociale et professionnelle Ii& aux niveaux d’acculturation et aux parcours d’adaptation, non seulement aussi & cause des expressions identitaires ethnico-culturelles mais questionne les approches cliniques et thkrapeutiques sur la validit de leur systkme.

Apports

actuels

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Le sujet en errance dans ses montages identitaires demande a (( avoir lieu )). Avoir lieu exige une articulation possible entre un espace et un temps ; c’est une construction individuante, douloureuse, laborieuse, sans cesse retardee, devant Ctre Claboree par un sujet qui n’est pas situ6 - en presence d’une alterite - en face de sa parole. Des que la rencontre clinique accueille l’experience de l’exil elle rencontre l’etranger non plus comme l’embleme de la victime (du monde occidental) ou de l’exotique (a preserver de tout brouillage identitaire). En France, depuis la fondation du centre Minkowska, il existe des facons diverses de prises en charge interculturelles. N’indiquons brievement ici que la consultation bilingue des hopitaux universitaires de Strasbourg, la Maison de toutes les couleurs a Paris, les anciennes consultations du Centre d’etudes de documentation et d’entraide Antilles, Guyane et Reunion, a Paris, la Case de DCmCter dans l’Essonne, 1’Institut Ethnopsy Antilles Afrique (IEPAA) de Paris, le programme de recherche clinique sur les troubles psychiatriques des populations refugiees du Sud-Est asiatique, programme lance par 1’Association de Sante mentale du 13” arrondissement de Paris, les consultations ethnoculturalistes du Centre G. Devereux (universite Paris-VIII) ou de l’hopital Avicennes a Bobigny.. . Ces consultations sont loin de se ressembler et quant a la definition de ce qu’est un symptome, un bilinguisme, un metissage, une interaction therapeutique, quant aux theories ou aux amorces de theories justifiant les dispositifs et les interventions soignantes ou supposees telles, il y a entre elles les memes heterogeneites et les memes disparites qu’entre plusieurs Ccoles ou plusieurs centres differents de psychotherapie, qu’ils soient en direction des migrants ou non. Du cot6 des patients Venus d’ailleurs, modifications et des symptomes et des modes de demander le soin et peut-etre aussi mise en souffrance des fondements symboliques sont des facteurs au point de depart d’un fourmillement d’idees ou d’initiatives dans les dispositifs d’ecoute et de soin. I1 convient encore de ne pas oublier que de nombreux jeunes d’origine &rang&e et leurs parents consultent des therapeutes dans le cadre standard des dispositifs de soin de type (( secteur )) ou dans le prive, a leur initiative, ce qui donne lieu a des Cchanges et des reflexions de travail entre psychanalystes et psychotherapeutes francais et Ctrangers [ 14, 151. Certains migrants peuvent etre curieux, legitimement curieux, d’essayer nos systemes therapeutiques autochtones. 11s peuvent Ctre curieux de l’etranger que nous sommes pour eux, si nous acceptons l’echange.

Une anthropologie

psychanalytique

? Situation

de quelques

dbbats Retracons, et denses partir de manquent

en un premier temps, les lignes de force des debats theoriques anciens qui eurent lieu autour de culture et psychisme, et tentons de situer a ces debats les lignes de force des controverses pratiques qui ne guere.

0. Douville

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La psychologie

culturelle

Les discussions actuelles sur les diffkences entre les sciences interculturelles (au premier rang desquelles se trouve la psychologie interculturelle) et les sciences humaines qui ne sont pas interculturelles mettent en relief la survivance d’une sCrie de (( grands partages H [16]. Sur le mode de l’opposition entre nature et culture, la civilisation s’opposait au (( primitivisme H. La force de ces oppositions fut dkterminante pour la genkse de la pensCe anthropologique, dits la Renaissance, avec notamment Pit de La Mirandole et son ouvrage De la dignitk de 1‘homme [ 171. Cet humaniste italien, issu d’une famille princike, se forme ri i’universitk de Bologne, une des plus anciennes d’Europe, avec Oxford, Saragosse et la Sorbonne. 11 frkquente 4 Florence les cercles nkoplatoniciens et g Padoue les milieux aristotkliciens. A Florence, il bCnCficie de la protection de Laurent le Magnifique. Cette figure embkmatique de la Renaissance a mCditC et &zrit sur la nature des liens entre la condition humaine et son crkateur, introduisant des notions proches de celle du (( libre arbitre H et, surtout, il a fait dialoguer entre eux des textes ksotkiques, des textes r&Cl& et des fragments d’anciennes religions perses [ 181. Sa tolkrance et son Crudition lui valent peut-&re de mourir empoisonnC g 1’8ge de 3 1 ans. Le dCbat entre (( homme nature 1) et (( homme culture lb, (( homme universe1 )) et (( homme particulier H est, en son fondement, un d&bat thkologique dkpendant trGs Ctroitement des rhktoriques de la fmitude et du salut opposant l’homme prCdestinC g l’homme libre. Sans passer sous silence quelques Ccrits humanistes et inspires par les thkses des Lumikres faisant valoir l’universa1itC de la raison humaine ou soulignant, du moins, la non-exclusivitg de la raison dans l’occident et la vanitC de toute conversion for&e - on pense ici li Diderot et ri son Supplkment au voyage de Bougainville [ 19]-, il faut attendre les apports du structuralisme pour en finir avec I’illusion archai’que et kvolutionniste, celle qui promeut l’kquation : (( primitif = enfant = n6vrosC )) [20, 2 I]. Si autrui n’avait pas CtC ainsi ramenC d 1’Ctat d’enfant que l’on doit assister ou de primitif vestige d’une humanitk dksenchantke mais progressiste, on aurait pu reconnaitre dans les productions de cet autrui des faits de culture, en ses coutumes des institutions, en ses guerres la complexit& de sa pens&e politique et en ses rGveries l’expression d’une philosophie sur l’origine du monde et sur la sexuation de l’humain. I1 existe aujourd’hui, et de plus en plus, une tendance dans les recherches de psychologie i ouvrir leur horizon vers la psychologie interculturelle, ptiisque tout comportement est toujours englobk dans un contexte culture1 - jusqu’aux modes de dkviance ou de folie, modkles d’inconduite en rapport avec tel ou tel type de lien social. L’expression de (( modkle d’inconduite H a CtC c&e par le sociologue amkricain Ralph Linton et dksigne des comportements de folie ou de dkviance Ctroitement tributaires d’un contexte culture1 donnk. Tout se passe comme si, explique Linton, chaque culture tenait au H candidat )) g la folie ou d la dkviance un discours paradoxal form6 des deux tnoncks paradoxaux suivants : I/ Nul n’a le droit d’entrer en crise de folie ou en dkviance ; 2/ Mais si un membrc du groupe doit le faire, qu’il le fasse ainsi [22]. L’exemple le plus connu est celui de

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l’amok : ce terme malais designe un ensemble de manifestations aigues observees en Malaisie et en Indonesie, dont le trait commun est une course frenetique, plus ou moins automatique, dans un &at de fureur de destruction, le plus souvent a caractere homicide. Le (( coureur d’amok )) Ctait regulierement tue. On peut encore titer le koro, mot qui serait d’origine malaisienne signifiant la (( tortue )>, et qui designe un trouble particulier consistant en une crise d’angoisse aigue associee a une conviction delirante de retrecissement du penis que le sujet sent disparaitre dans son bas-ventre, avec la crainte d’une mort imminente. Survenant souvent par Cpidemie, il se rencontre en Malaisie et dans le sud de la Chine, en Asie du Sud-Est et en Assam. En Chine, les croyances en un tel desordre peuvent se rapporter a un esprit des morts envieux de s’emparer du principe vital contenu dans le sperme des vivants. Rentre aussi dans ce cadre le windigo, syndrome depressif culture1 d&it chez les Indiens Crees, Ojibwas et Saulteaux du Canada, consistant en un retrait depressif accompagne d’un d&gout de la nourriture, de la conviction d’etre possede par un monstre cannibale, et d’impulsions homicides ou suicidaires. Ce syndrome desormais historique, qui refletait les preoccupations des Indiens a propos de l’anthropophagie, Ctait saris doute l’expression d’une pathologie depressive. Une premiere definition fera de la culture un ensemble qui fournit aux membres de toute societe un guide ou un lot de codes indispensables pour les circonstances de la vie. On voit que cette definition est t&s restrictive. D’une part, les societes doivent exister et fonctionner dans un monde qui change saris cesse ; d’autre part, ce que nous (( donne H la culture fonctionne souvent a notre insu et ne peut se definir comme un mode d’emploi. En France, la tradition universitaire ,de la psychologie culturelle est ancienne et pour cette raison est-elle assez infeodee a d’anciens p&jug&. En France paraissent, en 19 10 et 19 12, deux livres de Lucien Levy-Bruhl : Les Fonctions men&es duns les socie’t& infe’rieures et La Mentalite’ primitive. Les psychologues, nombreux a lire ces textes, se saisissent de l’interrogation posee par Levy-Bruhl sur les rapports entre les cadres sociaux et les processus psychiques : cognition et affect ‘. Des lors, la psychologie comparee va se developper vers ce qu’il fut courant de nommer la psychologie ethnique. Ce courant aboutira avec I. Meyerson a la creation d’un Centre de recherches de psychologie comparative historique qui exercera une grande influence sur l’anthropologie historique. Cette derniere Ctudie l’effet de l’evolution historique des contextes de vie sur le developpement des institutions et des mentalites. Elle prend naissance avec les travaux de Marc Bloch (1886- 1944). Cet auteur a ouvert l’histoire aux methodes des autres sciences sociales et avec Lucien Febvre a fonde les Annales d ‘histoire tfconomique et

1. Levy-Bruhl reviendra sur certains aspects G Cvolutionnistes D de ces thkses. Avec M. Mauss et P. Revet, il fonde I’lnstitut d’ethnologie (1927). Mauss et Revet introduisent une approche modeme qui, venant des pays angle-Saxons, rompt avec 1’6volutionnisme et prbne une approche empirique.

0. Dowlle

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sociale (1932). I1 fkt fusillk par les nazis. L’anthropoiogie historique anticipe le courant de l’anthropofogie du contemporain, courant anthropologique qui lui est encore proche et qui est reprCsent6 en France par les travaux de Marc AugC [5]. En France, la tradition anthropologique est assez peu pragmatique. Jusqu’8 Balandier [23] et son actuel prolongement repkent par G. Althabe [24] et M. Selim, en dCpit aussi de quelques tentatives d’anthropologie marxiste, la rkgle pour la recherche gravitait autour de la question des invariants. De nos jours, les cliniciens, pour la plupart, connaissent ou situent ma1 l’histoire des rencontres et des confrontations entre anthropologie et clinique. 11sse retrouvent soit indiffkrents, soit tirailk entre une anthropologie structurelle et une psychologie ethnique qualifike d’ethnopsychiatrie ou d’ethnopsychanalyse, ce alors que les recherches en psychanalyse sur les groupes et I’identitk [25] sont en net essor et que nous assistons au renouveau des abords anthropologiques [24, 26-281. Enseignements

freudiens

Le travail de I’inconscient interfkre tout autant dans le discours et done le lien soFia1 que dans le fonctionnement psychique au singulier. A partir de quelle division devenons-nous sujet de la parole ? Passage redoutable, central, que Freud illustre par le mythe gkkalogique et politique de Totem et tuho~ (I 9 12-l 9 13) : meurtre et ingestion du P&e [29]. Rude et p&is travail de nos lointains ancitres, ces fils rebelles qui firent projet d’en finir avec le sujet de la jouissance absolue : le Pkre de la horde. Et n’ayons crainte de saluer dans leur cannibalisme I’Cciosion d’une ingknieuse trouvaille qui les fit devenir les fabricants d’une substance paternelle ingkrke. Circule, dans chaque corps et dans le corps social, une substance diffkrente de celle propre aux objets maternels. Ainsi se crCe du corps pluriel enchksd dans une pluralitk de mises en relations. La consommation totkmique &we I’objet perdu 6 la dignit de la face active de la reference. Le p&-e n’est pas partag& entre les fils, comme on le fait d’un h&itage morcelk plus ou moins Cquitablement. I1 est inventi. C’est ainsi que s’kige I’instance au nom de quoi sont posks les interdits qui gouvement le rkseau des tkhanges et des rkciprocitk Freud avance que c’est par l’irruption dans la psych& d’une culpabilitk soudaine que les parricides, assembk autour des restes de l’ancetre, ont ktk conduits B s’kprouver mutuellement dans I’idkal d’expiation que le refoulement comtnande. Le r&it mythique impressionne par la force narrative par quoi altement les skquences de la violence originaire et de I’instauration de la Loi primordiale. Accouchement de l’ordre des raisons et amour du pacte, et surtout histoire de la culpabilitk et omniprksence de la terreur. La frayeur devant le tabou dkfinit un affect non dialectisable, non romanck, qui s’annonce pour le noyau dur de la mkmoire de la violence originaire. L’assomption du symbolique par le meurtre et la signifiance humaine des affects qui s’en dCduit constituent, eux, le point symptomatique structural de la remkmoration. Cependant, la construction logique de ce texte dkoncerte car elle reste circulaire, comme le sont tant d’essais qui

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actuels

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tendent de rendre compte de l’originaire sous la for-me d’une fiction. Comment faire de la loi a la fois le resultat d’un processus et le principe transcendant au nom de quoi ce processus se met en Cpreuve ? La est le dilemme sur quoi achoppe la mise en r&it. Et vouloir rechercher dans le conflit ambivalentiel le ressort de cette conversion des fils a l’eprouve du (< Malaise )) et au culte de la Reference n’est pas non plus satisfaisant. Si Freud fonde l’interdit sur la culpabilite des fils, c’est qu’il tient que dans l’inconscient de chacun la Loi s’articule a une instance idealisee en laquelle Lacan verra un pur signifiant [30]. k partir de la, une disjonction est a supposer entre Loi symbolique et lois ; les majuscules des premieres laissent entendre qu’elles dominent les autres - celles de la cite, du milieu, du social. Cette distinction entre Loi symbolique et regle sociale est ancienne : le premier rep&e en Occident a degager la Loi comme transcendance des lois tel un (( rapport necessaire qui derive de la nature des chases )) fin construit par Montesquieu. L’invention freudienne fait ici symptome qui interroge, non saris mal, l’absence de mesure entre la Loi comme imperatif et les lois comme ensembles de dispositifs non transcendants de mise en rapport des uns aux autres permettant la socialisation. Cette difficulte a formaliser l’absence de rapport entre ces deux types de loi n’a-t-elle pas men6 Freud a sauvegarder la place d’une transcendance dans la quasi-divinisation de la dimension paternelle ? La bande des f&es, dans son aspect compact, ressemble trop a un seul appareil psychique (( m&a )) fonctionnant a l’unisson dans l’amour de ce per-e divinise dont la presence tresse le d&sir a la Loi. C’est oublier toutefois que Freud ne nous laisse pas en presence d’une telle reussite. Les anthropologues chez qui il puise le theme du systeme patriarcal du totemisme (William Robertson Smith 2, et de l’horreur de l’inceste (Edvard Westermarck 3, batissent de hardies constructions autour de l’evolution de l’espece humaine. Mais Freud ne va pas y souscrire jusqu’au bout de son raisonnement. Totem et tubou est unique en raison de ses contradictions qui sont propres a sa structure de mythe politique. Si l’equation entre primitif et nevrose y sert encore comme un point d’appui, le lecteur contemporain s’aveugle a ne retenir que ce seul trait. C’est justement dans le refus de l’evolutionnisme que resident la profonde verite du texte ainsi que sa modernite. L’institution totemique importe A Freud bien moins comme un modele exotique et spectaculaire propre aux dits primitifs que comme une surviVance interne a l’ensemble des religions. Et deux hypotheses qu’il fit surgir, de facon lacunaire mais decisive, n’ont plus grand rapport avec l’evolutionnisme. Soit d’abord la plus connue : celle qui donne a lire le theltre antique avec le r&it de la horde sacrifiante. D’un cot6 le chceur et de l’autre le heros : la tragedie 2. Malgre un Cvolutionnisme tout a fait obsolete aujourd’hui, W.R. Smith a introduit dans le domaine du rituel et de l’analyse de la parent6 des considerations et des modtles d’analyse subtilement architectures sur le sacrifice et la fondation. On lui doit aussi I’essentiel des notions autour du totemisme dont Freud s’inspira. 3. Edvard Westermarck, sociologue et anthropologue tinlandais, auteur de The Origin and Development of rhe Moral Ideas (1905-1908) ob, prolongeant ses vues sur I’interdit de l’inceste, il tente de fonder une science des idees morales rompant avec le subjectivisme. II a eu l’ambition de fonder une sociologic embrassant les don&es culturelles et les fondements biologiques des comportements humains.

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0. Douville

grecque extrait et isole le rkdempteur - le hkros tragique - qui est lui-meme la faute dont il doit se charger pour innocenter le chceur. Th&me du bout Cmissaire, mais surtout figuration d’une rdpktition fondant la memoire de I’acte. La s&e tragique permet 2t Freud d’exposer et de dkplier sa propre thCorie de I’acte. Un des meurtriers doit prendre la place du sacrifik originaire. Alors, et seulement alors, l’affect de culpabilitk, l’intransigeance de la tentation de I’innocence et I’invention de la rCf&ence originaire peuvent se transmettre dans la memoire culturelle des hommes. Comment comprendre cela ? En quoi meurtre et ingestion n’ont pas suff~ ? Pourquoi faut-il un redoublement pour inventer l’origine ? Ce qui permet ri l’homme de la horde de rentrer dans l’humain c’est d’avoir perdu et d’en 6tre hank Si c’est, pour Freud, l’invention d’un p&e dans l’aprkscoup du meurtre primordial, qui permet de dkfinir l’harmonisation, c’est done l’aprbs-coup qui ouvre g la temporalitk. Le sujet est alors fond6 comme un sujet &park, par son acte, d’une jouissance dite H originaire )). De cette perte dkpendent aussi bien le manque qui cr6e le dCsir que la demande qui conditionne les modes d’accks et d’adresse du langage. Dans le mythe freudien. l’objet a une place : celle du cadavre du p&e autour duquel les tils sont rassemblks. Ce mort, premier mort trait6 et prCpar6, on n’imagine pas de cklkbration funkaire avant le repas cannibalique, est peut-etre le premier mort qui manque aux w-vivants. Ce n’est qu’en prkence du Pkre mort imposant soudain au sujet la prkence d’une absence dksormais re%lCe que se dkvoile alors la dimension de la mort, seule $ m6me de fonder la fonction symbolique ellem2me nkessaire lil garantir la loi et sa reconnaissance. Ainsi le p&e fut clivC en instance rCf&entielle et en prksence increvable, objet insupportable et indigeste, reste rejetk dans le dehors, hantise et dkchet ‘. Voici l’autre - et la plus forte -- des constructions spdculatives par lesquelles Freud se dimarque radicalement de tout optimisme kvolutionniste. Voila oti l’aporie circulaire d&rite plus haut trouve sa solution. C’est sur l’insupportable retour de l’objet aboli que ie dksir force, et que la Loi s’kcartkle entre soumission au d&sir et cklkbration instituante du refoulk Freud fait enfin valoir que la crise ontogktique, par le biais de laquelle chacun s’humanise en se rCaf?kmant sujet g sa parole, reprendra non le drame primitif mais le complexe d’adipe, car seule la castration permet la transmission de la batterie signifiante du Non et du Oui. Sont likes B ce moment-18 I’instance qui garantit I’idkal g I’instance qui sanctionne. Les objets pulsionnels du p&e deviennent d’autant plus supports de trait identificatoire que sa prksence intimante s’estompe, qu’il laisse en paix le: fils et les filles avec la question de l’origine de son 6tre et de son corps rkel. A ce prix, sa consistance rCelle est relayke par du r&it social et culturel.

4. Alain krwrrfen

Didier-Weill prkcisa, lors de son skminaire il y a plusieurs annCes de cela, que Freud utilise pour dCsigner cette part du complexe patemel rejetC au dehors.

le mot

Apports

actuels

de I’anthropologie

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A titre d’illustration de l’actualite de la fiction freudienne, on peut, avec M. Boucebci [31], J. Le Roy [2g, 321 ou M. Auge [5], noter que lorsque les societes connaissent des mutations culturelles brutales et que la figure du pere semble ne plus trouver credit dans l’actuel, alors le rapport a la genealogie vacille. L’adolescent ne sait plus comment en appeler a la figure des p&es et des anciens, ne sait plus se fabriquer du pbre en lui demandant de se reinventer. L’effet traumatique des ruptures culturelles a l’adolescence jouerait lorsque l’appel au Tiers pour ne pas sombrer dans le cauchemar de l’autofondation est mis en Cchec au point de ne plus pouvoir etre reeu. On touche la a la question de la fondation anthropologique, celle que rencontre tout adolescent lorsqu’il interroge la competence de la culture (ou des cultures), dans laquelle (ou lesquelles) il vit, a interpreter le meurtre, l’origine, le r&it. Faute de quoi l’ancestralite sauvage revient sur le sujet, l’aine sait oti trouver son insertion et sa legitimite, l’enfant redevient non I’ancetre mais se conjoint a cette part impossible, impensable et increvable de l’ancestralite : le tabou porteur de mauvais desir, de mauvaise jouissance et qui risque de se mettre ou d’etre mis en exclusion. 11se reduirait au sujet qui, se remsant a l’echange langagier, devient le non-initiable par excellence. Ainsi Jaak le Roy, presentant a I’ARAPS 5 ses films toumes a Kinshasa @DC), nous confiait qu’il y avait de plus en plus d’enfants et d’adolescents vises par des accusations de sorcellerie, reputes etre des ancetres malefiques, cannibales et vampires. Omar N’Doye, psychologue clinicien au Centre hospitalier specialise de Fann, a Dakar, m’informa lors d’un sejour que je Iis la-bas en decembre 1997 que les rituels d’exorcisme du N’Dop concemaient davantage des populations jeunes : jeunes adultes et, surtout, adolescents. Faisons maintenant retour sur cette idee, somme toute peu developpee, que Freud expose en 1921 dans (( Psychologie des foules et analyse du Moi )) [33], et qui fait de la psychanalyse le champ d’etude des processus sociaux. Dans ces annees de bouleversement theorique profond, Freud ceuvre a la creation d’une seconde topique offrant par sa theorie du dualisme pulsionnel une nouvelle lecture de l’appareil psychique. La these freudienne d’un (( malaise dans la civilisation )) fait droit a un malaise inherent au processus meme de la civilisation. Les remaniements de la metapsychologie freudienne sont correles aux differents moments de la theorie psychanalytique de la culture. L’entree de la pulsion de mort dans le champ clinique Cl&e le G malaise )) au rang d’une categoric de lecture du collectif. C’est aussi au plan du collectif que devient possible une lecture clinique des effets de Thanatos. La speculation freudienne sur le travail psychique de la liaison (Bindung) d&hire tout le regard socio-anthropologique qui portait sur les cristallisations des affects collectifs et des sentiments d’appartenance aux foules institutionnalisees. Le champ socio-anthropologique devient, lors des an&es 1920, un terrain d’application et un des lieux de (( mise en reserve )) des nouvelles theories des montages et des machines pulsionnelles. Le 5. Association Paris.

Rencontre

Anthropologie

et Psychanalyse

sur les processus

de socialisation,

rue de Bikvre,

750

0. Douville

Moi se fait trait bien plus que centre, et I’identitC compacte s’ichafaude en rempart contre la panique politique, contre la dCliaison. L’Ctude des structures anthropologiques dCbouche sur la question du lien social et du politique [33]. Nous sommes loin de cette vision sotte et fade d’un Freud folkloriste ou uniquement prCoccup6 par l’anthropologie du lointain. Etablir comment ce qui commence par le P&e pourrait ne pas s’achever par la Masse compte au nombre des questions freudiennes plus connues que m6ditCes. La dimension des enjeux culturels de l’adolescence est concernCe Totem et tabou et Psychologie u’rs ,foules et analyse CIU A4oi laissent des indications actuelles qui font vivement pressentir et dCcrire la dangerositk d’une forme de socialisation massificatrice oti s’enkyste et s’anomise le (( travail de la culture ~1, ce qui n’est pas saris incidences pour penser un avatar funkbre de la socialisation g l’adolescence : celle qui regroupe une union de frkres autour d’un leader qui serait enfin le p&e dklivr6 de la castration, imago mirobolante et pompe aspirante des knergies libidinales. I1 est encore loisible de prCtendre que c’est bien autour non du paternalisme mais de la forclusion de I’instance tierce que fit retour dans le Se1 ce cauchemar d’un P&e primordial, grand ordonnateur des partitions et des ripartitions et qui rendait impkrativement inscriptible dans le politique la passion de transformer I’altkit6 en ennemi puis en rien. I1 faut entin remarquer que les thises freudiennes re$urent un accueil tr6s diffir?nt suivant les traditions anthropologiques. Revenons au livre princeps. Aux Etats-Unis, Totem et tabou qui y fut traduit d&s 1918 suscita des critiques mesurCes et argumentkes, dont la plus fameuse, qui date de 1920, est due B Kroeber [34]. 11 a vu en ce texte (( un livre qu’aucun ethnologue ne peut se permettre de negliger )) mais aussi un manifeste de l’&olutionnisme bien trop conjectural. De plus, 1’hCritage de Boas impose prCcist5ment aux anthropologues du Nouveau Monde de d&elopper des &udes monographiques sur le terrain afin de s’affranchir de tout prPjugC 6volutionniste. Nous ne pouvons pas accepter comme un progrks dans les mkthodes de I’ethnologie transfert grossier d’une nouvelle mkthode partiale d’investigation psychologiyue I’individu aux phCnomPnes sociaux ([35], p. 3211.

le de

En France, le d6bat avec le travail freudien s’instaurera bien plus tardivement, ce qui peut s’expliquer par la mlfiance rigoureuse des fondateurs de 1’6cole sociologique envers toute interprdtation psychologique des faits sociaux ---au premier plan desquels Emile Durkheim [36, 371. C’&ait une attitude tr&s tranchie, dClibSe. Quant g I’un des principaux fondateurs de l’anthropologie, Marcel Mauss, s’il Porte le plus haut intCr& B ce qui fait convergence entre les analyses psychologiques, physiologiques et sociologiques de l’activitk symbolique, c’est pour tenter un dialogue avec les recherches de la psychologie expkrimentale (Head g propos de I’aphasie et Georges Dumas, fondateur de la psychologie exp& rimentale).

Apports

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La dimension politique de l’aeuvre freudienne n’avait pas CtC entendue, comprise, exploitee. Mais, en France, les resistances a l’anthropologie psychanalytique furent les plus vives, si on fait exception des ambitions anthropologiques de l’ephemere College de sociologic, precede, on le sait, par la creation de la SociCtC de psychologie collective (qui rassemblait P. Janet, mais aussi R. Allendy et A. Borel, fondateurs de la SociCtC psychanalytique de Paris, ainsi que P. Schiff, D. Jury et D. Lagache). Ces tentatives furent infructueuses, de sorte que loin de renouveler les modeles et les objets de l’anthropologie, l’apport freudien et son modele d’intelligibilite de l’inconscient se figerent dans un decodage p&visible des symboles, des rites et des mythes, renvoyant aux conceptions nebuleuses d’bme collective ou d’inconscient ethnique, modeles dont Bataille a su souligner toutes les difficult& et toutes les apories [36, 371. Les actuels contrastes propres au champ ethnopsychiatrique, les derives culturalistes qui s’y donnent jour peuvent etre consider&s comme les enfants de ces malentendus. L ‘ethnopsychia

trie en question

Georges Devereux (de son nom Gyijrgy ou Georg Dob6) tend a promouvoir une theorie universelle de la culture et formalise des wit&es de (( normal H et d’cc anormal H en dehors des cadres erratiques d’un relativisme culture1 toujours anecdotique. Devereux est un personnage Cnigmatique, cultive, contradictoire, original. En France, M.-C. Beck [38], S. Valantin-Charasson et A. Deluz [39] et E. Roudinesco [40] ont Ccrit sur sa personne, ses exigences et sur son style. L’impressionnante d&i&e de la psychologie du Moi vers l’anthropologie fait une part belle a la dimension d’identite culturelle et elle reste d’inspiration humaniste. 11 est vrai que la premiere attitude d’un clinicien en face d’un patient d’origine &rang&e peut etre de vouloir devenir un quasi-ethnologue. 11 est aussi vrai que toute l’extreme sensibilite que manifeste et theorise Devereux quant au rep&age et au maniement du contre-transfert faisait de lui un clinicien beaucoup plus complexe et prudent que ses actuels disciples francais. Mais l’engouement pour le traitement trans- ou interculturel de la (( difference )) comporte en retour un risque : que tout l’abord interculturel situe son inertie dans la fascination commode pour la notion d’identite, voire dans son engouement a la produire, la suggerer ou la prescrire ; ce qui est different que de mettre a I‘oeuvre les contradictions dont elle resulte. Soucieux a son tour de modeliser la nature des rapports entre une approche clinique et une approche anthropologique (ou sociologique) des conduites symptomatiques, Devereux, dans son Ethnopsychanalyse complbmentariste, invente une Cpistemologie [4 11. Pour designer les univers de pertinence de ces deux discours, il introduit la notion de complementarisme appelee a un succes durable. Rappelons-en la logique : le complementarisme ethnopsychanalytique Cdicte l’autonomie conceptuelle absolue du discours sociologique (ou ethnologique) et du distours psychologique, mais aussi leur totale interdependance en ce qu’ils se rapportent aux memes faits empiriques pertinents. Cette distinction est directement

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h&&e du principe de Heisenberg-Borg 6 qu’elle gCn&alise aux sciences humaines. Dans cet effort pour disjoindre l’explication ethnologique de l’explication clinique, il entre de la rigueur et du souci pour le trait singulier de chaque cas. L’kpistkmologue se sent reconnu, les penchants 21 diagnostiquer en terme de psychopathologic des modkles culturels trouvent 18 une contention salutaire. Pour autant, et d’un strict point de vue CpistCmologique, l’effort du fondateur de l’ethnopsychanalyse aboutissait aussi ii une mise en skiation souvent artificielle. De plus, le complkmentarisme qui est d’abord une position d’observateur doit supposer des appartenances culturelles stables et quasiment atemporelles. En cela, il est impuissant A distinguer les registres de l’rmaginaire ou du Symbolique au sein desquels jouent les rCf&ences culturelles pour un sujet ou pour un autre, et A statuer sur eux. Le complkmentarisme s’ktend, il est vrai, au-de18 d’une attitude Cpistkmologique. Les constructions de l’anthropologie, pas davantage que celles de la sociologic, ne pouvaient rkpondre B i’ambition de G. Devereux A vouloir mettre en place un modcle d’interprktation qui puisse A la fois informer sur I’anthropologie du psychisme du sujet (( indigkne )) et sur celle de l’anthropologue/thbapeute qui entrait en lien transfkrentiel avec le premier. L’ethnopsychiatric de G. Devereux ouvrait un espace subjectif et subjectivant ouvert A tout ce qu’une comprkhension du CCdedans )) pouvait crker comme matCrie1 psychique neuf, surface de recoupement et de dkvoilement de deux appareils psychiques appartenant A des sujets de culture difftrente. En ce sens, si la rkduction de l’ethnopsychiatrie A une psychot&apie ethnique est une faute, la riifkation du complCmentarisme en principe de mkhodes d’observations est une erreur. I1 importe done de saisir aujourd’hui avec rigueur en quoi les deux discours, anthropologique et psychanalytique, peuvent 2tre travailk l’un par I’autre. On n’omettra g&e de souligner que le complkmentarisme est une attitude de prudence en 6. II s’agit des relations d’inCgalit6 (ou d’incertitude). Ces relations d’inCgalit6 indiquent la limite de pertinence des concepts macroscopiques classiques, quand on veut les appliquer aux objets microscopiques. Le sens de ces relations est piut6t ouvert et il est parfois controversk par les physiciens car eiles rkpondent et klairent plusieurs conditions : elles sont g la fois descriptives, heuristiques et done op6rationnelles. SchCmatisons par une strie de propositions : Ii Les concepts de la physique newtonienne perdent leur validitC lorsque I’on tente de les appliquer a des objets microscopiques ; 2/ II y a deux grands paradigmes qui rkgissent la physique classique : le concept de particule et celui d’ondc. Uric particule cst une singularit& un point localisable avec une prkision tklevde, alors que I’onde s-&end sur tout I’espace (exemple : le son et la lumiire qui ne sont pas localisablcs). Ces concepts cardinaux perdent a\ec Ileisenberg et Borg de leur validit& et leur existence est remise en question. Pour I’ancienne micaniyue newtonienne, tout observateur peut dire et la position et la vitesse de mute particule. En mtcanique quantiquc, ii est impossible d’allouer simultanknent B un objet une particule et une vitesse. La connaissance de I’un limite celle que I’on peut avoir de I’autre. Le produit de la precision de mesure de la position par la prkision de mesure de la quantitd de mouvement ne peut &tre infkrieur g une quantite fondamentale (de I’ordre de grandeur de la constante de Plan& divisge par deux). Le produit des deux n’est done jamais Cgal B z&o, ce qui etait le cas dans la mkanique classique. 31 Ces relations d’inkgalitt! ne sont pas limit&es B la position ou a la quantite de mouvement, on sait dtfinir des quantitCs canoniquement conjuguPes (exemple I’@nergie et le temps). On lit souvent que 1’011 mesure des particules de duke de vie extr&ement b&e : IO puissance moins 22 secondes. C’est un principe heuristique. Ce qui importe peut-t?tre davantage pour des cliniciens est que Niels Bohr fut le premier g Blargir cette relation d’iGgalit6 au langage, et A proposer comme variables conjugukes la V&it& et la Clart6 : si c’est vrai. ce n’est pas clair et 5i c’est clair, ce n’est pas vrai (en allant un peu vite).

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mat&e de diagnostic, quasiment un vade-mecum d’cc expert )) (apte a distinguer le materiel (( culture1 H d’un materiel (< idiosyncrasique )k), mais ce distinguo est de faible pertinence pour les cliniques qui nous importent : celles dues aux crises et aux brutales modifications du et dans le lien social [5,24, 28,421. C’est en Italie que l’idee qu’il Ctait utopique - et fatalement reactionnaire - de parler de culture saris parler de lien social a trouve son essor le plus consequent. Les an&es 1960 voient trois sortes de voyageurs d’exception aller vers le sud de la botte. Psychiatres, anthropologues et psychanalystes mettent leurs pas dans ceux des jesuites du XW sibcle. Le sud de Naples avec ses escarpements montagneux figure le grand Ailleurs. Et sur ces memes terres prennent naissance les demarches transdisciplinaires qui valoriserent l’interpretation des troubles psychiques et des psychopathologies likes a l’exil et a l’arrachement, en tenant compte du culturel, du social et du politique. Figure marquante de ce voyage vers une nouvelle rationalite, E. De Martino, anthropologue et specialiste de l’histoire des religions, disjoint le pathologique du medical [43]. 11 tient a situer les flambees de difficult& psychiques en fonction des connaissances qu’il a de l’histoire religieuse de cette partie ma1 connue, a ce moment-la, de la peninsule latine. Ses travaux sont en Europe une entreprise isolee et aujourd’hui trop oubliee. Les enfants spirituels du grand Gramsci sont soucieux de fonder une (( ethnosocioanalyse )) ou les conflits au sein des fondations symboliques et des structures religieuses peuvent Ctre Ctudies. Pour la doxa francaise, ces chercheurs s’inscrivent vraiment en avance. Peu les ont suivis. La tentation exotique francaise, qui vient globalement de la colonisation et de la psychiatric coloniale, toujours desireuse de contempler des unites culturelles factices oublie encore de lier le politique au psychique et au culturel. La plus insidieuse des consequences de ce retard est que la dimension potentiellement politique de l’ethnopsychanalyse fut a peu prbs totalement refoulee. Le culturalisme peut, a ce prix, avoir droit de cite, c’est-a-dire qu’il prend place dans les institutions en se reduisant a du therapeutique plus ou moins folklorique. Chemin faisant, rapidement, l’ethnopsychanalyse devient reservee au seul migrant, groupe de (( specialistes )) a l’appui. Mis a part l’exception italienne, il est possible de dire qu’apres Devereux l’ethnopsychiatrie est devenue une anthropologie ethnique. L’utopie ethnopsychanalytique qui a l’histoire en horreur et la geographie urbaine en passion n’a pas tarde a faire l’apologie du ghetto 7. C’est du deni du politique le prix a payer [44]. De m&me, voulant (( rehabiliter )) les cosmogonies et les nosologies ancestrales, les consultations ethnopsy sont devenues des centres de traitement de tout porteur de difference culturelle, dans un mimetisme hasardeux des consultations de guerissages coutumikes, saris que le therapeute ethnopsy ait ete coutumierement initie a cela. 11 faut B ce genre de dispositifs une theorie dramatisee de l’exil. Le but est alors, C&t F. Benslama, 7. Cf: L’influence pi p&it. ” Dans les sociktks a forte tmigration, il faut favoriser les ghettos - oui je le dis haut et clair -, afn de ne jamais contraindre une famille g abandonner son systtme culturel. ”

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d’kliminer les conskquences du diplacement, de faire accroire au migrant souffrant qu’il peut garder intacte sa culture d’origine et se replier dans des ghettos oti il serait mieux protCge ([45], p. 61).

Qu’un

thkapeute occidental explique ses interventions auprks de patients sur le mode de ce qu’il dit &tre celui des thkrapies traditionnelles, Cvoquant les djinns, les esprits, les possessions ou prescrivant des objets magiques, et nous sommes dans la simplification [2,8,46,47]. Injecter systkmatiquement la suspicion d’un sort jet& dont il faut trouver l’origine et inhiber I’effet, permet, non de libkrer une parole qui, dans son errance, peut donner corps j l’errance du patient, mais d’obtenir un r&eau tout B fait codif% de skquences qui offrent prise g une technique du lien et de l’influence. S’il est indeniable que la figure de l’ktranger suggkre et klaire les contours de I’altCritC, il n’est g&e exclu qu’une rCponse objectivante en referme aussitdt l’accks. Nous tenons done g une autre conception de I’origine que celle du hasard ou du site de naissance. Notre affaire n’est pas tant celle de l’autre dans sa diversit6 mais celle d’une permanence de la condition humaine prise dans des positions de sujets repkrables. Dans le lien des parents aux enfants, il ne s’agit plus d’hkriter de l’origine mCme, pleine et entikre, cette origine B quoi on ne croit faire retour que parce qu’on I’a perdue. Circule l’ardente nkcessitk d’hkiter du travail de perte et d’ktrangement que reprkente la situation d’exil et le d&sir qui s’y est mis en jeu ou en pari. La question aussi est kpistkmique g partir du moment oti il est prktendu qu’une psychopathologic vkritablement scientifique ne devrait plus Stre alors que la description la plus fine des thkrapeutes et des techniques thkrapeutiques [44]. On le voit : l’epistkmologie qui a toujours quelque chose d‘un peu raide et abrupt est abandonnke au profit d’une forme molle de sociologic de la science quand elle n’est pas oublike au profit de considkations banales sur les malheurs qu’entrainent la science et l’irruption de son discours dans les mondes humains. Le crCdit de l’ethnopsychiatrie est done fortement critiquable et critique. De plus, pour certains, cette discipline ne saurait exister en Ctant disjointe d’une psychiatrie transculturelle. Ainsi, pour les auteurs anglo-Saxons l’ethnopsychiatrie ne rCRre pas au dispositif de consultation connu en France sous ce nom-k Cette discipline serait une faGon de vouloir accoler (( anthropologie H et “ psychiatric ” pour rkpondre g la volontk d’une approche descriptive des maladies mentales -~ mais I’ethnopsychiatrie n’a jamais pu donner consistance i une nosologie intrinskque. Pour d’autres encore, elle poss&de le statut plus flou de rkfutation des prCtentions universalistes et universalisantes de la psychologie et de la psychiatric, cette dkfinition s’inspire du relativisme culture1 qu’elle se borne trop souvent h reproduire tel quel [ 1, lo]. R&up&e par le culturalisme, la postCritC frangaise de Devereux kvoluera vers l’apologie d’un communautarisme pur et dur. Mais il est trop commode et trop rkducteur de se dksoler des dkrives, des mkonnaissances, des emprunts dkaisonnablement CclatCs qui ont, il est vrai, terriblement affadi et d&ournC la pen&e &angers

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du fondateur de l’ethnopsychiatrie. 11 faut aussi envisager que le savoir de Devereux lui-meme est, par nombre de ses aspects, resolument prefreudien. L’altCritC n’y fin jamais degagee comme la dimension lice a l’alterite fondatrice du langage. Devereux ne fit jamais totalement rupture avec l’objectivation d’autrui comme objet de discours comportementaliste, et l’usage du contre-transfert comme tout usage de ce concept fourre-tout - preconise une attitude mentale et morale vertueuse et courageuse mais ambigue. Cette analyse du contre-transfert peut aussi bien mener le chercheur au plus pres de sa division subjective ‘, division qu’annonce et recouvre l’angoisse, que l’encourager a adopter une position totalisante ou il est assure, de par la ruse trompeuse d’une introspection du legitime de sa position d’emprise et de maitrise. Nous rejoignons ce qu’ecrivent S. Valantin-Charasson et A. Deluz : G. Devereux n’a pas fond& d’kcole : la double rCf&ence d’une formation et d’une pratique anthropologique et psychanalytique vkues par lui jusqu’aux limites de son kpoque et que les corpus scientifiques d’alors autorisaient n’est plus concevable de nos jours

u391,p. 615).

De plus, assimiler des productions culturelles a des mecanismes de defense et/ ou de construction de l’identite debouche sur un montage theorique critiquable. Aujourd’hui, le modele de personnalite que les abords culturalistes substituent a l’appareil psychique freudien se decrit comme un empilement d’inconscients segment& et qui, bien que de nature differente, semblent fonctionner de la meme facon. La pensee theorique ethnoculturaliste est devenue substantielle. A cause de cela, elle ne peut se &lamer que d’une theorie technicienne de la parole. Un autre point peut maintenant &tre souligne. Voyez comme il est frequent de constater, dans les litteratures cliniques qui parlent des exiles, des mises en serie de presentations de cas, tirant justification de leur enumeration de vignettes cliniques par le motif qu’il s’agit de patients de meme nationalite ou de meme aire culturelle. Qu’est-ce qui justitie l’etablissement de telles collections ? Sinon l’epinglage du trait (( identitaire )) consider& ce qui reste abstrait. Cet ordre de methode aboutit a une clinique fi-ustre que dissimule un grand flou anthropologique. Trop souvent le seul rep&age de l’appartenance a une meme culture Ctrangere fait comparer des cas qui n’ont pas necessairement lieu de l’etre. C’est l’effet de ce mouvement qui fait chercher dans l’ethnographie (souvent fantasque) une sorte de sens a imprimer, precisement au moment oh la direction de l’ecoute et du soin connait ses inevitables et feconds moments de doute. 11 n’est en rien legitime de supposer qu’il faille recourir a de l’information ethnologique pour colmater le point ou le clinicien ne comprend pas ce qui se passe dans une relation psychotherapeutique. Le clinicien aura beau avoir a sa disposition les meilleures 8. Ce qui fait tout le prix du classique Psychothe’rapie Paris : Fayard

; 1998 (prkface

d’E. Roudinesco).

d’un indien des plaines

(Reality

and dream)

[1982].

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informations possibles sur telle ou telle culture, il doit savoir que cela ne sufflt pas. Aussi gagne-t-on 6 s’informer du c6tC ethnologique, non pour comprendre mais pour supporter de ne pas comprendre le singulier du cas. Perspectives

~pist~~ol~giqwes

Quels voisinages CpistCmologiques peut-on entretenir relativement & la question anthropologique ? On doit certes cultiver le questionnement gCnCra1 des etudes ethnologiques mais sans jamais croire en leur possibilitk de rkpondre pleinement B la question ni accepter l’effacement discret de la dimension particulikre que vise l’anthropologie, ce qu’elles rkalisent trop souvent et sans nous en prkvenir jamais. L’ethnologie now renseigne en priorit sur ce qu’il en est des visages et des rites qui constituent la mise en tension de l’autre et du m$me ; sur cette Claboration qui en distribue les figures en termes d’autres peuples, d’autres cultures ou d’autres mondes, et qui riialise ainsi le rapport d’&ranglitk, de diffkrenciation et d’emprunt ; bref, de mutuel positionnement, CgrenC dans toutes ses variables dialectiques. On ne saurait faire l’impasse sur ces modalit& de marquage et de dksignation qui mettent en sckne les images prkvalentes pour chaque groupe. Mais cette dimension ethnologique de la diffkence et de l’emprunt - qu’il vaut mieux remarquer comme tels - ne saurait rkpondre spkifiquement g la question de l’anthropos. Celle-ci khappe a ce registre et elle ne saurait que s’y actualiser, certainement pas s’y fonder. Or, un axe se dkgage en ce domaine. Claude LCviStrauss pointe que Marcel Mauss est un moderne lorsqu’il refuse d’expliquer les difTErents types ethnologiques en terme de psychopathologic et qu’il prCfkre r&owner la problCmatique. Avec lui, nous dirons en effet que ce ne sont pas les structures psychopathologiques qui nous renseignent sur la typologie des groupes tnais bien que ce sont les groupes qui font apparaitre des lois symboliques qui les structurent, g quoi les types psychopathologiques sont eux-memes subordonrks. Cette dimension constitue le cadre d’approche des phknomknes culturels et ethnologiques et de leurs rapports aux categories du morbide. Les Ctudes de L&i-Strauss, quelles que soient les ambivalences puis les hostilit& de cet auteur & l’$gard de la psychanalyse, intkessent beaucoup l’CpistCmologie des cliniciens. A cela, au moins une raison : avec l’approche structuraliste en anthropologie, l’identitk ne se congoit pas sans le rapport avec l’altkitk. AltCritC du prochain et du semblable, certes, mais aussi altCritC radicale de la langue et de la structure du social. Sans rCf&ence ti cette notion d’altCritC (entendue & la fois comme l’autre c’est & dire le diffkrent, et l’Autre, ce lieu qui existe avant moi : lieu de la langue, du symbolique, de la loi.. .), il ne peut se produire de psychologie interculturelle digne de ce nom. L’ethnologie qui est une des sciences humaines avec qui dialogue le plus cette psychologie interculturelle serait, si elle se privait de cette notion d’altCrit6, rCduite g un essai descriptif et classificatoire de particularit locales, de mceurs et de coutumes et, de mGme la linguistique ne serait plus que le fait de collectionneur des langues.

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S’il se fit un passage de Freud a Lacan, ce passage opera dans le sens d’un retour et dans le souci dune fidelite mais qui provoquerent neanmoins glissements et radicalisations. Avec la perspective lacanienne, la loi ne s’articule plus a un ensemble de disposition pleines garanties par l’ancetre totemique et menace par les spectres et les tabous. Elle vient a se deplier a partir d’un vide de la symbolisation. Elle suppose une fabrique de l’hominisation a partir du travail du negatif. L’essentiel de l’interdit de l’inceste ne reside pas, pour la comprehension psychanalytique, dans son caractere positif que traduit l’echange social des femmes. Toute sock% donne de l’interdit une interpretation par les formes de prohibition avec quoi elle Ctablit le licite de l’alliance et designe le possible de la parent& Fondamentalement l’interdit gate l’au-dela. 11 est un acte par lequel est separe le sujet de la jouissance de 1’Autre. La pensee de Levi-Strauss est, sur ce point, aux antipodes puisqu’elle minimise la fonction separatrice de l’interdit de l’inceste et s’accorde a supposer un inconscient sans sujet ancre dans le biologique. Rien de tel pour la psychanalyse. Le refoulement freudien reste constitutif de l’inconscient individuel, alors que le registre du latent pour Levi-Strauss contient les modeles semantiques qui structurent des emotions et des significations partagees. Cela Ctant, peu d’analystes, hormis Lacan, ont su ne pas psychologiser l’enjeu freudien [48]. Foisonnerent les interpretations psychologisantes de l’interdit de l’inceste, comme celles qui amen&rent Devereux a exposer comment la prescription positive permet aux hommes d’echanger le feminin. La psychanalyse devenait le complement humaniste de l’ethnologie, elle ne voulait plus rien savoir du lien logique et intime entre desir et loi. La loi interdit l’autoerotisme du bouclage de la pulsion pour ouvrir au desir. Privative, elle dessine en creux le lieu de la metaphore paternelle preservant le manque dans 1’Autre et la division subjective. Et il y a division, non pas parce que le sujet se complait au mensonge mais parce que d’un cot6 le langage est de part en part traverse par la question de la v&it6 puisque la parole ne se soutient que de s’y referer et que, de l’autre, il y a impossibilite de la dire.. .

Cliniques

-

Ici, en terre d’exil occidental, le clinicien va s’apercevoir que la possible force de delocalisation du lien a la tradition comporte ce risque (stase ou franchissement) de faire co’incider le sujet avec un seul des traits de la fiction, avec un seul des vecteurs des rituels, avec un seul des modes d’etre &ranger. I1 s’agit de la question metapsychologique de la fondation de et dans l’alterite. En ce point nous posons que l’apport freudien, seul a disjoindre le sujet (en ses montages pulsionnels) du collectif, seul a ne pas centrer une reflexion anthropologique sur des recherches d’invariants positifs, ne peut etre tenu pour depasse. Autrement nous sacrifierions au fantasme ravageur de la psychologisation particulariste du culturel, fantasme qui fait que chaque individu reste indivis, uniquement concu au seul

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plan ethnologique, comme alter et alter ego. Aussi faut-il indiquer quelques chemins vers une (( anthropologie clinique )) digne de ce nom, et adaptke ?t l’anthropologie du contemporain et de ses malaises. Un postulat nous guide : l’ethnologie qui renseigne sur la mise en fiction et en institution du groupe, cette ethnologie ne peut rien nous dire de l’kconomie pulsionnelle subjective qui emprunte ces voies trackes mais qui ne s’y fonde pas. En bref, il convient de penser la distinction de l’autre et du m$me en ce qu’elle est articulie essentiellement B un principe de perte initiale, qui arrache la pulsion au besoin et Cl&e cette dernikre au rang de dCsir. Alors l’anthropologie qui pense l’homme et la psychanalyse qui pense ce qui manque g l’homme trouveront occasion de dialoguer.. . La question anthropologique gagnera tout B penser le fait humain en tant qu’il intkgre un principe de perte, de skparation qui l’inscrit dks lors dans le discontinu et dont toutes les manifestations sont aussi variables dans leur forme. C’est alors la clinique qui indique que la question anthropologique centrale (celle qui pour Levi-Strauss dialectise le passage de la nature ZI la culture, celle qui pour Freud rend compte de la civilisation comme Kdtur) ne saurait faire l’impasse sur le double aspect des modes d’articulation de l’autre et de la perte : - I’aspect fictionnel, qui rkgente I’illusion d’&tre du mGme au mime situ6 dans une communautk de f&es ; - l’aspect de division subjective, avec un rapport non collectivisable g l’objet perdu. Division que le fait de se trouver dans un autre site fictionnel que celui de l’origine fait emerger comme souffrance. 11s’agit alors de comprendre les cliniques de l’exil et des changements culturels brutaux comme des cliniques de ce que les expdriences d’expatriements et d’acculturations rapides rkveillent, au singulier, du lien du sujet ri ses expiriences de perte. Beaucoup de troubles du lien et du lieu, beaucoup d’actions posent la question du sujet, et ce, non pas tant immkdiatement au plan de sa n&rose infantile : positions et gestes sacrificiels en automutilations, apathies, toxicomanies, mises en avant d’un corps vtcu comme g jamais 16~6.. . C’est de la prkaritk de l’ensemble des opkrations narcissiques et symboliques de la fondation de sa personne dans 1’Cpreuve du dkplacement dont tkmoignent ces symptomatologies. L’ouverture g de tels probkmes n’est pas neuve, seule la problkmatique peut l’etre, car il n’est point souhaitable que la rkfutation des cornmod&% de l’universalisme se paye d’une adhdsion g tout discours massificateur de l’identitk Oti l’on rencontrera alors la question de I’angoisse, coin&e entre l’imminence de la pksence du d&sir de 1’Autre et la collusion du corps malade avec le registre de la Chose, de I’Originaire brut. L’on peut comprendre que I’angoisse va se dklarer plus particulikrement pour un individu quand se rkvble emp&zhC, diffltile ou inconsistant un transfert de sens [2, 8, 491. Et c’est la dimension du moderne, done du politique qui surgit aussi ici en amplificateur. Les nouvelles donnes symptomatiques supposent que le patient et ceux qui l’koutent favorisent davantage qu’auparavant la mise en r&it singulikre de cette difficult6 psychique qui sidkre les corps. La maladie qui ne re$oit que dans un second temps son sens collectif peut aussi &re analysCe comme une

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manifestation de dissidence par rapport a la pression du pouvoir, a l’injonction de rentrer dans le rang. Tomber malade est une conduite, non un defaut ou un deficit [4, 501. Et c’est le destin des coherences traditionnelles, leurs consistances et leurs impacts que les maladies de l’exil ou de l’acculturation mettent en Cpreuve toujours et en Cchec de temps a autre. La mediation culturelle est en crise. Les artifices et savoirs ancestraux se sont deforrnes, reduits a des savoirs de classes ou de strates. Les utopies messianistes, les lieux de spectacle et de mascarade du social (the&e, communautes prophetiques, agora et forums) r&lament de nouvelles facons de prbentifier la souffrance [4, 7, 28, 511. L’eclairage et l’abord d’une souffrance par le pathologique nosologique ou par l’abord anthropologique neutre, expertal et atemporel sont deux entrees en matiere totalement desdtes. Nous savons bien qu’une &rite subjective refoulee continue a parler aussi au singulier dans ces troubles d’allure (( ethnologique H [8, 10, 26, 42, 451. Et que cette verite parlant au singulier est d’autant plus audible que sociologiquement les montages identitaires sont en crise. Voila pourquoi on delaisserait trop sa position de clinicien en s’illusionnant et en prenant au pied de la lettre les informations ou les signes ethnologiques apportes par un patient. Pour le reste, les tableaux de grandes psychopathologies sont a peu pres les memes partout, et il s’agit de ne pas confondre les souffrances d’exil et d’acculturation et les classiques tableaux de psychopathologies infantiles (psychose et autisme de l’enfant, n&roses phobiques.. .). On le voit, aucune explication culturaliste massive qui voudrait mettre en correlation fixe (( culture du sujet >)- si tant est qu’il n’y en ait qu’une, ce qui est assez faux surtout dans la modernite - et psychopathologie tombe a l’eau [52].

1 Rechtman R, Raveau FHM. Fondements anthropologiques de I’ethnopsychiatrie. Encyclopedie Medico-Chirurgicale (Elsevier, Paris), Psychiatric, 37-715-A-10, 1993, 8 pages. 2 Douville 0, Galap J. Sante mentale des migrants et refugies en France. Encyclopedic Medico-Chirurgicale (Elsevier, Paris), Psychiatrie, 37-880-A-10, 1999, 11 pages. 3 Gerber M. L’enfant africain dans un monde en changement. Paris : PUF, toll. (( Les champs de la Sante )), 1998. 4 Audisio M, Cadoret M, Douville 0, Gotman A. Anthropologie et psychanalyse : une rencontre a construire. Journal des anthropologues 1996 ; 64-65 : 127-42.

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