Nouveauté dans le remplacement valvulaire aortique : les valves cardiaques à déploiement rapide sans suture

Nouveauté dans le remplacement valvulaire aortique : les valves cardiaques à déploiement rapide sans suture

Actualités pharmaceutiques hospitalières Ř n° 27 Ř Août 2011 dispensation dispositifs médicaux 31 Nouveauté dans le remplacement valvulaire aortiqu...

97KB Sizes 0 Downloads 80 Views

Actualités pharmaceutiques hospitalières Ř n° 27 Ř Août 2011

dispensation dispositifs médicaux

31

Nouveauté dans le remplacement valvulaire aortique : les valves cardiaques à déploiement rapide sans suture Les nouvelles valves à déploiement rapide sans suture représentent une véritable évolution technologique compte tenu de leur mode d’implantation sans suture permettant un largage rapide et une durée de clampage courte. Selon les études, elles semblent très efficaces avec un bon taux de survie à un an, mais ces travaux concernent de petits échantillons. De plus, leur coût actuel en restreint le recours. Mots clés remplacement valvulaire aortique - valves sutureless - valve Perceval S® - valve Enable I®

L

e rétrécissement valvulaire aortique dégénératif est la première cause de maladie valvulaire cardiaque chez le sujet âgé. Sa prévalence est estimée à 2,5 % à 75-76 ans et à 8,1 % à 85-86 ans1. En cas de sténose serrée symptomatique, le traitement de référence est actuellement représenté par le remplacement valvulaire aortique (RVA) chirurgical. Il s’agit d’une procédure standard réalisée à cœur ouvert après sternotomie et nécessitant une circulation extracorporelle (CEC). En cas de comorbidités associées, les patients peuvent présenter une contre-indication au geste chirurgical conventionnel du fait du risque de complications postopératoires estimé par le score Euroscore (European system for cardiac operative risk evaluation). Dans ce contexte, et sous réserve d’un processus rigoureux de sélection des patients, il est possible de réaliser un remplacement valvulaire aortique percutané par largage d’une bioprothèse sous contrôle radiologique, après abord par voie rétrograde transfémorale ou antérograde transapicale. Il s’agit de procédures appelées communément “TAVI” (transcatheter aortic valve implantation) dont l’efficacité et la sécurité sont aujourd’hui bien démontrées2,3. Chez les patients considérés comme à haut risque chirurgical mais opérables, l’étude PARTNER a montré également l’intérêt des procédures TAVI par rapport à la chirurgie conventionnelle avec des profils de tolérance différents, les TAVI induisant par exemple davantage de complications vasculaires majeures4.

Parallèlement au développement des procédures percutanées, une nouvelle approche chirurgicale, consistant en l’implantation de valve cardiaque à déploiement rapide sans suture (valves dites sutureless) est en train d’émerger notamment pour prendre en charge des patients à haut risque chirurgical.

Description des dispositifs et de la technique À ce jour, deux valves sans suture sont disponibles sur le marché européen (marquage CE obtenu) : il s’agit de la valve Enable I®, commercialisée par la société Medtronic, et de la valve Perceval S®, commercialisée par la société Sorin. La première (figure 1) est composée d’une valve à base de péricarde équin montée sur un stent autoexpansible en nitinol. Le nitinol est un alliage de nickel et de titane qui présente, notamment, une propriété de mémoire de forme. Ce stent assure une double fonction : support de la valve et maintien de celle-ci une fois la prothèse larguée. La valve Enable I® est actuellement disponible sur le marché avec des diamètres allant de 16 à 29 mm. La valve Perceval S® (figure 2) est une bioprothèse constituée d’une valve de péricarde bovin montée sur un stent autoexpansible en nitinol ayant des propriétés et des fonctions voisines de celles de la valve Enable I®. Actuellement sont disponibles sur le marché les tailles S (19-21 mm) et M (21-23 mm). La technique chirurgicale d’implantation est relativement similaire selon la valve utilisée. Après un abord classique par sternotomie, une circulation extracorporelle est mise en place. Une fois l’ablation de la valve native réalisée, le chirurgien détermine le diamètre de valve à implanter après une mesure effectuée au moyen Ř Figure 1. Valve cardiaque autoexpansible Enable® (Medtronic).

Ř Figure 2. Valve cardiaque autoexpansible Perceval® (Sorin).

Actualités pharmaceutiques hospitalières Ř n° 27 Ř Août 2011

dispensation 32

Bibliographie 1. Armoiry X, Huot L, Ranchon F, Aulagner G. Dispositifs médicaux stériles en cardiologie interventionnelle, chirurgie cardiaque et neuroradiologie. Actualités pharmaceutiques hospitalières. 2009:5 (17):43-9. 2. Leon MB, Smith CR, Mack M et al. Transcatheter aortic-valve implantation for aortic stenosis in patients who cannot undergo surgery. N Engl J Med. 2010;363(17):1597-607. 3. Eltchaninoff H, Prat A, Gilard M et al. Transcatheter aortic valve implantation: early results of the FRANCE (FRench Aortic National CoreValve and Edwards) registry. Eur Heart J. 2011;32(2):191-7. 4. Smith CR, Leon MB, Mack MJ, et al. Transcatheter versus surgical aortic-valve replacement in high risk patients. N Engl J Med. 2011;364:2187-98. 5. Aymard T, Kadner A, Walpoth N et al. Clinical experience with the second-generation 3f Enable sutureless aortic valve prosthesis. J Thorac Cardiovasc Surg. 2010;140(2):313-6. 6. Martens S, Sadowski J, Eckstein FS et al. Clinical experience with the ATS 3f Enable® Sutureless Bioprosthesis. Eur J Cardiothorac Surg. 2011 Feb 20. [Epub ahead of print] 7. Shrestha M, Folliguet T, Meuris B et al. Sutureless Perceval S aortic valve replacement : a multicenter, prospective pilot trial. J Heart Valve Dis. 2009;18(6):698702. 8. Laborde T, Perceval S. A new innovation self anchoring bioprosthesis : the results of the first 180 patients at 2 years follow-up. 24th EACTS Annual Meeting. Geneva: 2010.

dispositifs médicaux

d’un calibreur. Une fois la taille de la valve définie, celle-ci est comprimée grâce à un adaptateur afin d’être insérée sur le système de pose. La valve est ensuite positionnée et libérée dans la racine aortique puis une solution saline à 37°C est appliquée pour permettre au stent en nitinol de prendre la forme anatomique de la racine aortique. Pour la valve Enable I®, l’insertion sur l’introducteur est réalisée après avoir plongé la valve dans un bain d’eau glacée et le positionnement final de la valve est achevé par l’application d’une solution saline chaude, permettant au nitinol de prendre la forme anatomique de la racine aortique. Pour la valve Perceval S®, la libération de la valve s’effectue en deux temps permettant un positionnement optimal. De plus, trois encoches sont présentes sur la valve dans lesquelles trois fils de prolène 4/0 sont insérés, facilitant ainsi le positionnement de la valve. Enfin, un ballon est introduit dans la valve et gonflé pendant 30 secondes à une pression d’environ 4 atm pour permettre un placement définitif de la valve.

Évaluation clinique Le développement clinique de la valve Enable I® repose sur plusieurs études cliniques dont deux sont présentées. Une équipe suisse a rapporté son expérience sur l’utilisation de cette valve chez 28 patients (âge moyen : 75,7 ans ; Euroscore moyen : 7,1 %)5. La correction de la sténose a été très efficace, comme en témoigne la diminution du gradient de pression transvalvulaire (44 mmHg avant chirurgie versus 10,4 mmHg 6 mois après) et la tolérance a été bonne (taux de mortalité à 30 jours : 3,5 % ; taux de survie à 1 an : 86,2 %). Le temps de clampage moyen rapporté était de 39 +/- 15 minutes. La deuxième étude, publiée par une équipe allemande, concerne l’évaluation prospective multicentrique de la valve Enable I® sur 140 patients (âge moyen : 76 ans ; 63 % avec classe NYHA III ou IV)6. Cette étude a également mis en évidence l’efficacité et la bonne tolérance de cette valve (mortalité à 30 jours de 3,6 %) avec un temps de clampage moyen rapporté court (36,8 +/- 7,8 minutes). Le développement clinique de la valve Perceval S® est représenté par deux études comprenant un premier volet de faisabilité (étude PILOT)7 et un volet évaluant la sécurité et l’efficacité à court terme (3-6 mois) (étude PIVOTAL). Les résultats de cette dernière étude multicentrique portant sur 180 patients inclus (âge moyen : 80,6 ans ; 97 % de classe NYHA III ; 3 % classe NYHA IV) ont été récemment communiqués8. Il a été montré une grande efficacité de la valve sur la correction du gradient (39 mmHg avant chirurgie versus 9 mmHg un an après) et une bonne tolérance postopératoire. Le temps de clampage moyen a été de 33,6 minutes (RVA seul ou associé à un pontage coronarien), apparaissant inférieur,

par comparaison à des données historiques sur les valves conventionnelles.

Enjeux actuels et perspectives Les études aujourd’hui disponibles semblent montrer la faisabilité de cette nouvelle technique ainsi que l’efficacité de ces valves en termes de correction du gradient valvulaire, cette dernière apparaissant du même ordre de grandeur que celle retrouvée avec l’implantation chirurgicale traditionnelle de valves aortiques. Ces valves représentent une véritable évolution technologique compte tenu de leur mode d’implantation sans suture permettant un largage rapide. Ainsi, et malgré l’absence à ce jour de données de comparaison directe, ces études rapportent des durées de clampage courtes témoignant de leur plus grande simplicité d’implantation. L’impact clinique réel, en termes de morbi-mortalité, de la diminution du temps de clampage rendu possible par ces valves reste cependant à préciser par des études de plus grande ampleur, en particulier chez des patients à haut risque chirurgical ou en cas de RVA associé à un pontage coronarien, par exemple. Par ailleurs, la diffusion de cette nouvelle technologie reste à ce jour limitée pour des raisons économiques puisque les valves sans suture ont un tarif de l’ordre de 8 000 à 10 000 € HT, soit un coût jusqu’à quatre fois supérieur aux valves classiques, non compensé actuellement dans le cadre de la tarification à l’activité. D’autres valves sont actuellement en cours de développement : la valve Enable II®, évolution de la valve Enable I®, développée par la société Medtronic, et la valve Odyssey®, développée par la société Edwards et dont l’obtention du marquage CE est attendue pour 2011. Les années à venir permettront, par le biais d’études en cours ainsi que par le développement de nouvelles valves, d’obtenir un recul clinique suffisant pour préciser la place de cette nouvelle technologie dans la prise en charge des sténoses valvulaires aortiques sévères.  Mélanie Paysant Service pharmaceutique, Hospices civils de Lyon, Groupement hospitalier Est

Jean-François Obadia Service chirurgie cardiaque, Hospices civils de Lyon, Groupement hospitalier Est

Gilles Aulagner Service pharmaceutique, Hospices civils de Lyon, Groupement hospitalier Est

Xavier Armoiry Service pharmaceutique, Délégation à la recherche clinique et à l’innovation, Cellule innovation, Hospices civils de Lyon, Groupement hospitalier Est [email protected]

Les auteurs n’ont pas déclaré de conflit d’intérêt en lien avec cet article.