Nutrition périopératoire : protocoles de soins

Nutrition périopératoire : protocoles de soins

Nutrition clinique et métabolisme 24 (2010) 210–216 Revue générale Nutrition périopératoire : protocoles de soins Perioperative nutrition care proto...

166KB Sizes 1 Downloads 89 Views

Nutrition clinique et métabolisme 24 (2010) 210–216

Revue générale

Nutrition périopératoire : protocoles de soins Perioperative nutrition care protocols Pierre Senesse a,∗ , Cécile Chambrier b a b

Unité de gastronutrition, CRLC Val d’Aurelle-Paul Lamarque, rue des Apothicaires, 34298 Montpellier, France Unité de nutrition clinique intensive, groupement hospitalier Nord, hospices civils de Lyon, 69004 Lyon, France Rec¸u le 1er octobre 2010 ; accepté le 5 octobre 2010 Disponible sur Internet le 24 novembre 2010

Résumé L’objectif de ce travail est de proposer, à partir des textes rédigés par les experts, une démarche nutritionnelle pratique pour les cliniciens, en fonction de l’état nutritionnel des patients et de l’évaluation du risque chirurgical. Aider les cliniciens au quotidien nous semble fondamental de fac¸on à ce que les patients puissent bénéficier très tôt, dans le cursus thérapeutique, d’un soutien nutritionnel ciblé. Tout patient dont le grade nutritionnel est supérieur ou égal à 2 doit bénéficier d’une prise en charge nutritionnelle. En effet, les données bibliographiques actuelles confirment qu’une prise en charge nutritionnelle précoce, préopératoire, et réalisée pour des chirurgies à risque, permet de réduire de fac¸on significative, d’une part, la morbidité postopératoire pour les patients non dénutris (immunonutrition en chirurgie carcinologique digestive), d’autre part, la morbimortalité pour les patients dénutris (nutrition artificielle si possible par voie entérale). En l’absence d’évaluation nutritionnelle (et donc de prise en charge ciblée) préopératoire, une nutrition artificielle postopératoire précoce (si possible par voie entérale) doit être proposée aux patients dénutris sévères devant bénéficier d’une chirurgie à risque (grade nutritionnel 4). Concernant l’alimentation orale, en périopératoire immédiat, le jeûne préopératoire maximum conseillé est de deux à trois heures pour les liquides clairs et six heures pour un repas léger. L’apport d’hydrates de carbone sous forme de maltodextrine à 12,5 % est recommandé (sauf chez le patient diabétique). En postopératoire, l’alimentation orale précoce (dans les 24 heures) est recommandée en l’absence de contre-indication chirurgicale. © 2010 Publi´e par Elsevier Masson SAS. Mots clés : Chirurgie ; Immunonutrition ; Pharmaconutrition ; Dénutrition ; Nutrition artificielle

Abstract Based on texts written by experts, the objective of this paper is to propose a practical approach to nutrition for clinicians, according to the nutritional status of patients and the evaluation of surgical risk. Any patient with a nutritional grade greater than or equal to 2 should benefit from nutritional support. Indeed, current data confirm that preoperative and early nutritional support in surgery at risk can reduce significantly postoperative morbidity for patients with non-malnourished (immunonutrition in cancer surgery GI), and the morbidity and mortality in malnourished patients (enteral nutrition when possible). A preoperative oral intake is recommended 2 to 3 hours before elective surgery for clear fluids and 6 hours for a light meal. Moreover, a preoperative oral intake of carbohydrates (maltodextrin 12.5%) is recommended (except in diabetic patients). Postoperatively, early oral feeding (within 24 hours) is recommended in the absence of cons to surgery. Glutamine is recommended in case of postoperative complications. © 2010 Published by Elsevier Masson SAS. Keywords: Malnutrition; Immunonutrition; Nutritional support; Preoperative fasting elderly

1. Introduction Si la plupart des cliniciens sont d’accord sur le fait que la dénutrition est un facteur de risque de morbi-mortalité pério-



Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (P. Senesse).

0985-0562/$ – see front matter © 2010 Publi´e par Elsevier Masson SAS. doi:10.1016/j.nupar.2010.10.008

pératoire, l’évaluation systématique de l’état nutritionnel des patients et la prise en charge nutritionnelle restent insuffisantes. En conséquence, la prise en charge nutritionnelle est réalisée trop tardivement, le plus souvent lorsque les complications sont en place. Les raisons de ces pratiques sont probablement multifactorielles. Ce document propose, à partir des textes rédigés par les experts, des protocoles de soins adaptés à chaque patient en fonction du geste chirurgical prévu et de l’état nutritionnel

P. Senesse, C. Chambrier / Nutrition clinique et métabolisme 24 (2010) 210–216

du patient. L’objectif est que chaque patient puisse bénéficier précocement, avant le geste chirurgical, d’une démarche nutritionnelle cohérente visant à l’amélioration de la qualité des soins et ainsi à une réduction de la morbi-mortalité périopératoire mais aussi une amélioration de la qualité de vie. 2. Protocoles de soins Les protocoles sont définis dans les Tableaux 1–4. Le texte ci-dessous argumente les tableaux et tient compte du travail des experts. 2.1. Nutrition préopératoire 2.1.1. Pour quels patients ? La prise en charge nutritionnelle dépend de l’évaluation nutritionnelle initiale et du geste chirurgical (à risque ou non à risque). Selon les experts, « tout patient dont le grade nutritionnel (GN) est supérieur ou égal à 2 doit bénéficier d’une prise en charge nutritionnelle » : • patient non dénutri et absence de facteurs de risque de dénutrition et chirurgie à faible risque de morbi-mortalité (GN 1) : une nutrition préopératoire spécifique n’est pas recommandée ; • patient non dénutri et présence d’au moins un facteur de risque de dénutrition ou chirurgie avec un risque élevé de morbidité (GN 2) : une évaluation des apports oraux est nécessaire. En cas de diminution des apports, il est proposé l’utilisation de compléments nutritionnels hypercaloriques à la posologie de deux par jour en collation, en dehors des repas, compléments sans ajout d’immunonutriment. Trois études randomisées de phase III ont été publiées en périopératoire [1–3]. Les compléments hypercaloriques (1,5 kcal/1 mL) étaient débutés soit en périopératoire [3] soit en postopératoire [1,2]. En chirurgie sous-mésocolique (n = 152), la prise des compléments nutritionnels en périopératoire ou en postopératoire était associée à une réduction significative des complications mineures postopératoires (p < 0,05) [3]. En chirurgie carcinologique digestive (n = 100), la prise de compléments nutritionnels était associée à une réduction des complications postopératoires (p < 0,05) [1]. En chirurgie digestive polypathologique (n = 98, dont 40 % de tumeurs digestives) et dénutris (perte de poids > 5 %), les résultats objectivaient une diminution du taux d’infection postopératoire (p < 0,05) et une meilleure qualité de vie (p < 0,001) [2]. Si les apports oraux sont inférieurs à 60 % des besoins ou en cas de jeûne supérieur à trois jours, un support nutritionnel artificiel doit être proposé : • patient dénutri et chirurgie sans risque élevé de morbidité (GN 3) : bien qu’aucune publication spécifique au périopératoire ne soit disponible (dénutrition et chirurgie à faible risque), la dénutrition sévère augmente de fac¸on significative les risques d’infections nosocomiales [4]. En conséquence,

211

un avis diététique spécialisé est souhaité dans cette situation, le plus précocement possible dans la prise en charge, indépendamment du geste chirurgical ; • patient dénutri et chirurgie avec un risque élevé de morbidité (GN 4) : il est recommandé une nutrition artificielle préopératoire pendant au moins dix jours, si possible par voie entérale, et si nécessaire de décaler le geste chirurgical (à adapter selon le degré d’urgence) [5]. Il n’est pas recommandé de poursuivre les compléments nutritionnels oraux en cas de nutrition artificielle.

2.1.2. Quels apports en nutrition artificielle ? Les apports recommandés sont de 25 à 30 kcal/kg par jour dont 0,20 à 0,25 g d’azote/kg avec un rapport glucido-lipidique d’environ 60/40. L’alimentation orale est libre en sus de la nutrition artificielle. En cas d’impossibilité à s’alimenter per os, les apports caloriques du support nutritionnel doivent être de 30 kcal/kg par jour. Une large étude prospective randomisée de phase III permet de confirmer que la nutrition artificielle pouvait réduire de fac¸on significative la morbidité et la mortalité postopératoires pour des patients opérés de cancers digestifs [6]. Quatre cent soixante-huit patients modérément ou sévèrement dénutris étaient pris en charge pour un cancer du côlon ou de l’estomac avec intervention chirurgicale. La dénutrition était définie sur le score du Subjectif Global Assessment de grade B ou C. Les patients étaient randomisés entre huit à dix jours de nutrition préopératoire et sept jours de nutrition postopération entérale ou parentérale (25 kcal/kg par jour et 0,25 g d’azote/kg avec un rapport glucido-lipidique d’environ 60/40 et une alimentation par voie orale libre) versus un groupe témoin (nutrition orale standard préopératoire et en postopératoire un apport de 600 kcal hors protéine et 60 g d’acides aminés). Les complications survenaient pour 18,3 % des patients recevant une nutrition artificielle contre 33,5 % dans le groupe témoin (p = 0,012). Quatorze patients sont décédés dans le groupe témoin et cinq dans le groupe recevant une nutrition artificielle (6,0 % vs 2,1 %, p = 0,003). La nutrition entérale doit être favorisée principalement en raison du risque d’infection associé aux manipulations des cathéters veineux centraux. Il est souhaitable de choisir un soluté hyperprotéiné pour avoir un apport protéique suffisant : 20 % de la ration énergétique. Si la nutrition entérale est prévue sur une durée inférieure à trois semaines, la mise en place d’une sonde naso-gastrique de Charrière 7 à 10 en silicone ou polyuréthane est la technique la plus appropriée. Une radiographie est recommandée après la pose pour vérifier le positionnement de la sonde [7]. Si la nutrition entérale est de durée prévisible supérieure ou égale à trois semaines, la mise en place d’une gastrostomie percutanée ou d’une jéjunostomie est souhaitable, à prévoir avant l’intervention chirurgicale. En cas de refus de la nutrition entérale, une nutrition parentérale doit être discutée au cas par cas avec le patient en l’informant des avantages et inconvénients de chaque technique. L’utilisation systématique d’oméga-3 ou d’antioxydants n’est pas recommandée.

212

P. Senesse, C. Chambrier / Nutrition clinique et métabolisme 24 (2010) 210–216

Tableau 1 Protocole de soins du patient GN 1 (patient non dénutri et pas de facteur de risque de dénutrition et chirurgie sans risque de morbidité élevé). Chirurgie programmée (ou postopératoire si urgence)

Obésité morbide (IMC ≥ 40)

Diabétique

Personne âgée (≥ 70 ans)

Préopératoire

Pas de support nutritionnel

cf. GN2, 3, 4.

cf. GN2, 3, 4.

Préopératoire immédiat

Jeûne préopératoire maximum 2 à 3 h pour les liquides clairs et 6 heures pour un repas léger. Alimentation orale précoce débutée au plus tard dans les 24 h (si pas de contre-indication chirurgicale) En l’absence d’alimentation orale : apports 1,5 à 2,5 L/24 h de solution de glucosé à 5 % (soit 75 à 125 g de glucose) avec 50 à 100 mmol de NaCl/24 h + 40 à 80 mmol de KCl/24 h Si apports oraux prévisibles < 60 % des besoins pendant 7 jours : assistance nutritionnellea

Pas de régime amaigrissant avant la chirurgie. cf. chirurgie programmée

cf. GN2, 3, 4.

cf. GN2, 3, 4.

cf. chirurgie programmée

cf. GN2, 3, 4

cf. GN2, 3, 4

Postopératoire

Pas d’alimentation hypocalorique

Surveillance nutritionnelle rapprochée

Les besoins nutritionnels sont calculés sur le poids normalisé pour un IMC théorique de 25 à 30

Si complications postopératoires graves : assistance nutritionnelle et discuter l’apport de glutamine IVb Pas de micronutriments à dose pharmacologique.

.

a

Assistance nutritionnelle : par voie entérale si possible avec soluté hyperprotéiné à 25 à 30 kcal/kg/j dont 1,2 à 1,5 g de protéines/kg. Si sonde naso-gastrique, utiliser une sonde Charrière 7 à10 en silicone ou polyuréthane. Pas de sonde de Salem. Par voie parentérale, 25 à 30 kcal/kg/j dont 0,20 à 0,25 g d’azote/kg/j avec ajout d’électrolytes (apports recommandés de 50 à 100 mmol de NaCl/24 h + 40 à 80 mmol de KCl/24 h), de vitamines et d’oligoéléments. b 0,3 g/kg/j sans dépasser 21 jours de traitement.

Dès l’initiation de la nutrition parentérale, un complément en micronutriments (vitamines, oligoéléments) et électrolytes est recommandé (dans les poches industrielles, absence de vitamines, de micronutriments et électrolytes parfois absents et si présents alors le plus souvent inadaptés aux besoins), non pas à but antioxydant, mais pour couvrir avec les apports nutritionnels conseillés. 2.1.3. Cas particuliers 2.1.3.1. Cancérologie. En cas de chirurgie carcinologique digestive à risque (GN 2 et 4), il est recommandé l’apport d’immunonutriments dans les sept jours qui précèdent le geste chirurgical indépendamment de l’état nutritionnel et des apports recommandés ci-dessus (prescription sur ordonnance pour médicament d’exception). Un apport de 1000 kcal/j (trois briquettes par jour d’Oral Impact® ) est recommandé en privilégiant la voie orale. En cas d’impossibilité, la voie entérale est justifiée. Ces recommandations reposent sur trois études randomisées de phase III avec une réduction significative de la morbidité postopératoire par l’utilisation d’immunonutriments spécifiques et uniquement pour la chirurgie carcinologique digestive « du tube » [8–10]. Dans le cas des patients de GN 4, l’apport des pharmaconutriments complètera le support nutritionnel artificiel en place, entéral si possible à base de nutriments standard, pour avoir un apport calorique total (immunonutrition + support nutritionnel) de 25 à 30 kcal/kg par 24 heures dont 0,20 à 0,25 g azote/kg par jour.

2.1.3.2. Patients très sévèrement dénutris et prévention du syndrome de renutrition. Les patients très sévèrement dénutris (IMC ≤ 13, perte de poids > 20 % en trois mois, apports oraux négligeables pendant 15 jours ou plus) sont à très haut risque de développer un syndrome de renutrition lors de leur prise en charge nutritionnelle. Ce syndrome associant souvent une rétention hydro-sodée et des perturbations hydro-électrolytiques (hypokaliémie, hypophosphorémie et hypomagnésémie) graves peut imposer un transfert dans une unité de réanimation. Ces perturbations étant attendues, il est assez facile de les prévenir. Il est donc recommandé de débuter très prudemment une nutrition artificielle et de prévoir un acte chirurgical au mieux 21 jours après. La nutrition initiale ne devra pas excéder au début 10 kcal/kg par 24 heures en augmentant très progressivement pour atteindre les besoins en une semaine [11,12]. Quelle que soit la voie d’administration, un ajout systématique par voie orale, entérale ou injectable de micronutriments (100 % des apports nutritionnels recommandés), vitamines (200 % des apports nutritionnels recommandés), thiamine (200 à 300 mg/j à débuter avant la mise en route de la nutrition), potassium (1–3 mmol/kg par 24 heures), phosphore (0,5–0,8 mmol/kg par 24 heures) et magnésium (0,2 mmol/kg/24 heures en intraveineux ou 0,4 mmol/kg/24 heures per os) est proposé. Un bilan biologique sera réalisé avant tout apport puis un contrôle sera nécessaire quatre à six heures après. Les apports seront adaptés aux

P. Senesse, C. Chambrier / Nutrition clinique et métabolisme 24 (2010) 210–216

213

Tableau 2 Protocole de soins du patient GN 2 (patient non dénutri et présence d’au moins un facteur de risque de dénutrition ou chirurgie avec un risque de morbidités élevé).

Préopératoire

Chirurgie programmée ou postopératoire si urgence

Obésité morbide (IMC ≥ 40)

Diabétique

Personne âgée (≥ 70 ans)

Évaluation des apports oraux

Pas de régime amaigrissant avant la chirurgie

Optimiser le traitement diabétique En cas de support nutritionnel, les besoins calorico-azotés doivent être couverts et le traitement antidiabétique adapté

Cf. chirurgie programmée

Cf. chirurgie programmée

Si gastroparésie, jeûne préopératoire.

Cf. chirurgie programmée

Cf. chirurgie programmée

Cf. chirurgie programmée

Cf. chirurgie programmée

Pas d’alimentation hypocalorique

En cas de support nutritionnel, les besoins calorico-azotés doivent être couverts et le traitement antidiabétique adapté

Surveillance nutritionnelle rapprochée

Si diminution des apports oraux : conseil diététique et compléments nutritionnels oraux hypercaloriques normo ou hyperprotidiques (2/j en collation en dehors des repas)

Préopératoire immédiat

Postopératoire

Chirurgie carcinologique digestive : Oral Impact® : 3 briquettes par jour pendant 5 à 7 jours avant le geste chirurgical (ordonnance de médicament d’exception) Discuter de la mise en place éventuelle d’un abord pour l’assistance nutritionnelle postopératoire. Jeûne préopératoire maximum 2 à 3 heures pour les liquides clairs et 6 heures pour un repas léger. Alimentation orale précoce débutée au plus tard dans les 24 h (si pas de contre-indication chirurgicale) En l’absence d’alimentation orale : apports de 1,5 à 2,5 l/24 h de solution glucosé à 5 % + 50 à 100 mmol de NaCl/24 h + 40 à 80 mmol KCl/24 h À 48 h, si apports oraux prévisibles < 60 % des besoins : conseils diététiques et compléments nutritionnels hypercaloriques normo ou hyperprotidiques (2/j en collation) À 7 jours, si apports oraux prévisibles < 60 % des besoins : assistance nutritionnellea Si complications postopératoires graves : assistance nutritionnelle et discuter l’apport de glutamine IVb Pas de micronutriments à dose pharmacologique

Les besoins seront calculés sur le poids normalisé pour un IMC théorique de 25 à 30

Si fracture de hanche :

Prescription de compléments nutritionnels oraux jusqu’à la fin de la rééducation Besoins énergétiques et protéiques estimés à 30-40 kcal et 1,2-1,5 g protéines/kg/j Vitamine D : 800–1200 UI/j

a Assistance nutritionnelle : par voie entérale si possible avec soluté hyperprotéiné à 25 à 30 kcal/kg/j dont 1,2 à 1,5 g de protéines/kg. Si sonde naso-gastrique, utiliser une sonde Charrière 7 à 10 en silicone ou polyuréthane. Pas de sonde de Salem. Par voie parentérale, 25 à 30 kcal/kg/j dont 0,20 à 0,25 g d’azote/kg/j avec ajout d’électrolytes (apports recommandés de 50 à 100 mmol de NaCl/24 h + 40 à 80 mmol de KCl/24 h), de vitamines et d’oligoéléments. b 0,3 g/kg/j sans dépasser 21 jours de traitement.

contrôles biologiques qui seront réalisés quotidiennement pendant les trois premiers jours. 2.1.3.3. Patients diabétiques. Un texte spécifique a été élaboré. « Il est recommandé de rechercher des carences spécifiques (zinc, sélénium, vitamines C et E) chez le patient diabétique dénutri. En périopératoire, il est recommandé de couvrir les besoins calorico-protéiques du patient diabétique et d’optimiser

en conséquence son traitement antidiabétique ». Des recommandations formalisées d’experts sur le contrôle de la glycémie en réanimation et en postopératoires ont été publiées en 2009 [13]. 2.1.3.4. Patients obèses. Un texte spécifique a été élaboré. Nous rappelons les éléments essentiels pour la période préopératoire : respecter une période de stabilité pondérale avant l’intervention, contrôler l’absence de carence en micronutri-

214

P. Senesse, C. Chambrier / Nutrition clinique et métabolisme 24 (2010) 210–216

Tableau 3 Protocole de soins du patient GN 3 (patient dénutri et chirurgie sans risque de morbidité élevé).

Préopératoire

Préopératoire immédiat

Postopératoire

Chirurgie programmée ou postopératoire si urgence

Obésité morbide (IMC ≥ 40)

Diabétique

Personne âgée (≥ 70 ans)

Pas d’assistance nutritionnelle systématique Évaluation des apports oraux Si diminution des apports oraux : compléments nutritionnels oraux hypercaloriques normo ou hyperprotidiques (2/j en collation en dehors des repas), nutrition entérale ou parentérale Planifier la voie d’abord éventuelle pour une assistance nutritionnelle postopératoire Jeûne préopératoire maximum 2 à 3 heures pour les liquides clairs et 6 heures pour un repas léger Alimentation orale précoce dans les 24 premières heures (si pas de contre-indication chirurgicale) Conseil diététique et compléments nutritionnels hypercaloriques normo ou hyperprotidiques (2/j en collation)

Pas de régime amaigrissant avant la chirurgie

Optimiser le traitement diabétique

Cf. chirurgie programmée

Cf. chirurgie programmée

Si gastroparésie, jeûne préopératoire

Cf. chirurgie programmée

Cf. chirurgie programmée

Cf. chirurgie programmée

Cf. chirurgie programmée

Pas d’alimentation hypocalorique

En cas de support nutritionnel, les besoins calorico-azotés doivent être couverts et le traitement antidiabétique adapté

Si apports oraux prévisibles < 60 % des besoins : assistance nutritionnellea

En cas de support nutritionnel, les besoins seront calculés sur le poids normalisé pour un IMC théorique de 25 à 30

Si complications postopératoires graves : assistance nutritionnelle et discuter l’apport de glutamine IVb Pas de micronutriments à dose pharmacologique a

Assistance nutritionnelle : par voie entérale si possible avec soluté hyperprotéiné à 25 à 30 kcal/kg/j dont 1,2 à 1,5 g de protéines/kg. Si sonde naso-gastrique, utiliser une sonde Charrière 7 à 10 en silicone ou polyuréthane. Pas de sonde de Salem. Par voie parentérale, 25 à 30 kcal/kg/j dont 0,20 à 0,25 g d’azote/kg/j avec ajout d’électrolytes (apports recommandés de 50 à 100 mmol de NaCl/24 h + 40 à 80 mmol de KCl/24 h), de vitamines et d’oligoéléments. b 0,3 g/kg/j sans dépasser 21 jours de traitement.

ments si suspicion de diminution des apports, éviter tout régime hypocalorique avant une intervention. En cas de nutrition artificielle, les besoins seront calculés sur le poids normalisé pour un IMC de 25 à 30. Enfin, il existe un risque spécifique de carence en thiamine, nécessitant, pour les patients dénutris, une complémentation systématique lors de la nutrition artificielle.

En l’absence de diabète, la prise d’hydrate de carbone (glucose ou maltodextrine à 12,5 %), 800 mL (100 g) la veille au soir et 400 mL (50 g) deux heures avant l’induction anesthésique est probablement recommandée. Pour les chirurgies digestives majeures, l’apport hydrosodé devra être limité car une balance positive hydro-sodée avec prise de 3 kg en périopératoire réduit la récupération des fonctions gastro-intestinales.

2.2. Nutrition périopératoire immédiate (la veille et le lendemain de la chirurgie)

2.3. Nutrition postopératoire

En chirurgie programmée, non à risque d’inhalation, le jeûne préopératoire durant la nuit précédant la chirurgie programmée n’est pas recommandé. En chirurgie programmée, en l’absence de risque de régurgitation, les patients peuvent boire des liquides « clairs » (sans lipide et sans protéines, non lactés) jusqu’à deux heures et manger (repas léger) jusqu’à six heures avant la chirurgie. Il est recommandé d’arrêter la nutrition entérale préopératoire, six heures avant la chirurgie.

2.3.1. Pour quels patients ? Les apports quotidiens recommandés en volume hydroélectrolytiques sont de 1,5 à 2,5 L/24 h (voie orale et/ou entérale et/ou parentérale), des apports en sodium de 50–100 mmol/24 h et de potassium de 40–80 mmol/24 h. Ces volumes comprennent une nutrition artificielle si nécessaire [14]. En référence au texte long sur la nutrition postopératoire, « il est recommandé de reprendre le plus rapidement possible, au cours des 24 premières heures postopératoires, une alimenta-

Tableau 4 Protocole de soins du patient GN 4 (Patient dénutri et chirurgie avec un risque de morbidités élevé).

Préopératoire

Postopératoire

Dénutrition très sévèrec

Obésité morbide (IMC ≥ 40)

Diabétique

Personne âgée (≥ 70 ans)

Assistance nutritionnellea (si possible nutrition entérale) pendant 10 à 14 joursa Chirurgie carcinologique digestive : Oral Impact® : 3 briquettes par jour pendant 5 à 7 jours avant le geste chirurgical (ordonnance de médicament d’exception). Utiliser Enteral Impact® si l’oral impossible Discuter de la mise en place d’un abord pour l’assistance nutritionnelle postopératoire.

Cf. chirurgie programmée

Cf chirurgie programmée

Cf. chirurgie programmée

Nutrition préopératoire 21 jours minimum

Pas de régime amaigrissant avant la chirurgie

Optimiser le traitement diabétique Les besoins calorico-azotés doivent être couverts et le traitement antidiabétique adapté

Nutrition initiale très progressive avec ajout systématique de micronutriments, vitamines, thiamine, potassium, phosphore, magnésium avec évaluation biologique quotidienned

Les besoins seront calculés sur le poids normalisé pour un IMC théorique de 25 à 30

Jeûne préopératoire maximum 2 à 3 heures pour les liquides clairs et 6 heures pour un repas léger Alimentation orale précoce (si pas de contre-indication chirurgicale) Assistance nutritionnelle systématiquea

Cf. chirurgie programmée

Cf. chirurgie programmée

Si gastroparésie, jeûne préopératoire.

Cf. chirurgie programmée

Cf. chirurgie programmée

Cf. chirurgie programmée

Cf. chirurgie programmée

Cf. chirurgie programmée

En l’absence de nutrition préopératoire, mêmes recommandations qu’en préopératoire

Pas d’alimentation hypocalorique

Les besoins calorico-azotés doivent être couverts et le traitement antidiabétique adapté

Si fracture de hanche :

Chirurgie carcinologique digestive : Impact® (Oral ou Enteral) 1000 mL/24 h et complémentation orale standard ou nutrition entérale à hauteur des besoins estimés Si complications postopératoires graves : poursuite de l’assistance nutritionnelle et discuter la glutamine IVb . Pas de micronutriments à dose pharmacologique

Les besoins seront calculés sur le poids normalisé pour un IMC théorique de 25 à 30 Complémenter systématiquement en thiamine 200 à 300 mg/24 h

Prescription d’une nutrition entérale Besoins énergétiques et protéiques estimés à 30–40 kcal et 1,2–1,5 g protéines/kg/j vitamine D : 800-1200 UI/j

P. Senesse, C. Chambrier / Nutrition clinique et métabolisme 24 (2010) 210–216

Préopératoire immédiat

Chirurgie programmée ou postopératoire si urgence

a Assistance nutritionnelle : par voie entérale si possible avec soluté hyperprotéiné à 25 à 30 kcal/kg/j dont 1,2 à 1,5 g de protéines/kg. Si sonde naso-gastrique, utiliser une sonde Charrière 7 à 10 en silicone ou polyuréthane. Pas de sonde de Salem. Par voie parentérale, 25 à 30 kcal/kg/j dont 0,20 à 0,25 g d’azote/kg/j avec ajout d’électrolytes (apports recommandés de 50 à 100 mmol de NaCl/24 h + 40 à 80 mmol de KCl/24 h), de vitamines et d’oligoéléments. b 0,3 g/kg/j sans dépasser 21 jours de traitement. c IMC ≤ 13, perte de poids > 20 % en 3 mois, apports oraux négligeable pendant 15 jours ou plus. d Par voie entérale si possible, débuter à 10 kcal/kg/j en augmentant très progressivement pour atteindre les besoins en une semaine. Quelle que soit la voie d’administration ajouter systématiquement par jour : thiamine (200 à 300 mg), phosphore (0,5–0,8 mmol/kg), magnésium (0,2 mmol/kg en IV–0,4 mmol/kg per os), potassium (1–3 mmol/kg), vitamines et oligoéléments (200 % des ANR).

215

216

P. Senesse, C. Chambrier / Nutrition clinique et métabolisme 24 (2010) 210–216

tion orale, selon la tolérance du patient, sauf contre-indication chirurgicale ». De fac¸on similaire au préopératoire, la prise en charge sera adaptée au statut nutritionnel et au geste chirurgical :

2.3.2.2. Patients diabétiques et obèses. Les recommandations sont identiques au préopératoire.

• patient non dénutri et absence de facteurs de risque de dénutrition et chirurgie sans risque élevé de morbidité (GN 1) : un support nutritionnel artificiel sera proposé uniquement pour les patients dont les apports oraux à sept jours restent inférieurs à 60 % des besoins ; • patient non dénutri mais présence d’au moins un facteur de risque de dénutrition ou chirurgie avec un risque élevé de morbité (GN 2) : il est recommandé un conseil diététique et l’utilisation de compléments nutritionnels hypercaloriques à la posologie de deux par jour en collation, en dehors des repas, compléments sans ajout d’immunonutriment [1–3]. À 48 h du geste chirurgical, si les apports oraux prévisibles sont inférieurs à 60 % des besoins, il sera proposé une nutrition artificielle ; • patient dénutri et chirurgie sans risque élevé de morbité (GN 3) : il est recommandé un conseil diététique et l’utilisation de compléments nutritionnels hypercaloriques à la posologie de deux par jour en collation, en dehors des repas, compléments sans rajout d’immunonutriment [1–3]. Si les apports oraux prévisibles sont inférieurs à 60 % des besoins, il sera proposé une nutrition artificielle ; • patient dénutri ET chirurgie avec un risque élevé de morbidité (GN 4) : Une nutrition artificielle est recommandée à débuter dans les 24 heures suivant le geste, si possible par voie entérale. Les apports calorico-azotés, électrolytiques, en vitamines et oligoéléments sont identiques à la phase préopératoire.

Le Dr P. Senesse déclare des conflits d’intérêt avec les laboratoires Baxter, B Braun, Fresenius-Kabi, Nestlé, Nutricia. Le Dr C. Chambrier déclare des conflits d’intérêt avec les laboratoires Baxter, B Braun, Fresenius-Kabi.

2.3.2. Cas particuliers En cas de complications postopératoires majeures et indépendamment du statut nutritionnel, il est recommandé de prescrire de la glutamine (voie parentérale par Dipeptiven® ) en complément d’une nutrition entérale et/ou d’une nutrition parentérale : 0,3 à 0,6 g/kg par jour sans dépasser 21 jours de traitement (cf. texte spécifique sur les pharmaconutriments). 2.3.2.1. Cancérologie. En chirurgie digestive oncologique programmée, chez le patient non dénutri, il n’est pas recommandé de prescrire, en postopératoire, un mélange nutritif utilisable par voie digestive contenant une association de pharmaconutriments. Chez le patient dénutri avec chirurgie digestive à risque, (GN 4), il est recommandé un apport de 1000 mL Impact® (oral ou entéral) complété par un support nutritionnel, entéral si possible à base de nutriments standard afin d’obtenir un apport calorique total (immunonutrition + support nutritionnel) de 25 à 30 kcal/kg par 24 heures dont 0,20 à 0,25 g N/kg par jour.

Conflit d’intérêt

Références [1] Keele AM, Bray MJ, Emery PW, Duncan HD, Silk DB. Two phase randomised controlled clinical trial of postoperative oral dietary supplements in surgical patients. Gut 1997;40:393–9. [2] Beattie AH, Prach AT, Baxter JP, Pennington CR. A randomised controlled trial evaluating the use of enteral nutritional supplements postoperatively in malnourished surgical patients. Gut 2000;46:749–50. [3] Smedley F, Bowling T, James M, Stokes E, Goodger C, O’Connor O, et al. Randomized clinical trial of the effects of preoperative and postoperative oral nutritional supplements on clinical course and cost of care. Br J Surg 2004;91:983–90. [4] Schneider SM, Veyres P, Pivot X, Soummer AM, Jambou P, Filippi J, et al. Malnutrition is an independent factor associated with nosocomial infections. Br J Nutr 2004;92:105–11. [5] Weimann A, Braga M, Harsanyi L, et al. ESPEN guidelines on enteral nutrition : surgery including organ transplantation. Clin Nutr 2006;25:224–44. [6] Wu GH, Liu ZH, Wu ZH, Wu ZG. Perioperative artificial nutrition in malnourished gastrointestinal cancer patients. World J Gastroenterol 2006;12:2441–4. [7] Soins et surveillance des abords digestifs pour l’alimentation entérale chez l’adulte en hospitalisation et à domicile. HAS 2000; http://www.has-sante.fr/portail/jcms/c 272139/soins-et-surveillancedes-abords-digestifs-pour-l-alimentation-enterale-chez-l-adulte-enhospitalisation-et-a-domicile. [8] Braga M, Gianotti L, Radaelli G, Vignalli A, Mari G, Gentilini O, et al. Perioperative immunonutrition in patients undergoing cancer surgery: results of a randomized double-blind phase 3 trial. Arch Surg 1999;134:428–33. [9] Senkal M, Zumtobel V, Bauer KH, Marpe B, Wolfram G, Frei A, et al. Outcome and cost-effectiveness of perioperative enteral immunonutrition in patients undergoing elective upper gastrointestinal tract surgery: a prospective randomized trial. Arch Surg 1999;134:1309–16. [10] Gianotti L, Braga M, Nespoli L, Radaelli G, Beneduce A, Di Carlo V. A randomized controlled trial of preoperative oral supplementation with a specialized diet in patients with gastrointestinal cancer. Gastroenterology 2002;122:1763–70. [11] Stanga Z, Brunner A, Leuenberger M, Grimble RF, Shenkin A, Allison SP, et al. Nutrition in clinical practice-the refeeding syndrome: illustrative cases and guidelines for prevention and treatment. Eur J Clin Nutr 2008;62:687–94. [12] Boateng AA, Sriram K, Meguid MM, Crook M. Refeeding syndrome: treatment considerations based on collective analysis of literature case reports. Nutrition 2010;26:156–67. [13] Recommandations formalisées d’experts. Contrôle de la glycémie en réanimation et en anesthésie. Ann Fr Anesth Reanim. 2009;28:410–5. [14] Powell-Tuck J, Gosling P, Lobo DN, et al. British Consensus Guidelines on Intravenous Fluid Therapy for Adult Surgical Patients (GIFTASUP). London: NHS National Library of Health. http://www.ics.ac.uk/downloads/2008112340 GIFTASUP%FINAL 3110-08.pdf.