ÉDITORIAL
OBÉSITÉ-PRÉVENTION : N’A-T-ON PAS OUBLIÉ QUELQUE CHOSE ?
C’est à juste titre que la prévention de l’obésité occupe de plus en plus de place dans les politiques de santé et mobilise de plus en plus d’acteurs… non sans un certain désordre. La dimension réelle de « l’épidémie » reste en partie imprécise : la médiane de la distribution de l’IMC est modestement augmentée, la moyenne modérément, l’étirement vers la droite de la courbe de Gauss le phénomène majeur, indépendant de la race, du sexe et de l’âge. Tout le monde se dit maintenant convaincu que l’obésité est multifactorielle, hétérogène, chronique, en grande partie irréversible. On reconnaît sans peine qu’elle relève, à parts égales (100 % pour chacun) de l’interaction de prédispositions génétiques constitutionnelles ou acquises (empreinte, épigénétique,…) et de multiples déterminants environnementaux, au sein desquels réduction de l’activité physique et sédentarité, certains aspects des offres et des consommations alimentaires occupent la première place. Chercher à modifier ces comportements « à risque » (pour tous ?), soit ! Par la seule vertu de l’information et de « l’éducation », n’est-ce pas oublier quelque chose ? Que l’activité physique dépend de l’organisation spatiale de la cité ? Que les comportements plongent leurs racines bien au-delà du cognitif et du volontarisme, dans l’inconscient individuel et collectif ? Que les « repères », même s’ils se veulent souples, sont en eux-mêmes stigmatisants et parfois délétères ou contre-productifs ; inaccessibles pour beaucoup faute de moyens ? Que les besoins de chacun, de toute nature, sont fort divers et ne peuvent se satisfaire de messages généraux ? Ne faudrait-il pas tout autant chercher à agir sur l’offre, sans diaboliser l’industrie mais en continuant à encourager ses efforts potentiels, à rendre cohérentes politique nutritionnelle et politique agricole, comme vient de s’en préoccuper l’IFN, pour agir sur l’offre qualitative très en amont ? Et que dire des multiples autres facteurs « additionnels », intelligemment listés dans un article de l’IJO (2006, 30, 1585), dont la pression convergente a très probablement un impact et dont peu semblent facilement modifiables ? Sans oublier, non plus de rechercher les effets subtils de certains ingrédients sur la machinerie métabolique. Entendons-nous bien : on n’est pas hostile au PNNS, la critique est facile même si elle est possible, mais il ne faudrait pas l’utiliser à tort et à travers, croire qu’il suffira. Ni ne prévaloir trop tôt de ses effets. On ne peut résoudre un problème de société par la seule éducation de consommateurs jugés irresponsables ou déviants et la prévention de l’obésité ne pourra se juger qu’à long terme, d’autant plus que nous assistons peut-être aux conséquences actuelles d’événements anciens. Pessimisme ou lucidité ? Bernard GUY-GRAND
Cah. Nutr. Diét., 42, 6, 2007
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