Obstruction d'une bronche lobaire par un comprimé de sucralfate: une cause rare d'insuffisance respiratoire aiguë

Obstruction d'une bronche lobaire par un comprimé de sucralfate: une cause rare d'insuffisance respiratoire aiguë

Ann Fr An&h Rkznim 0 Elsevier, Paris 1998 ; 17 : 123-5 Cas clinique Obstruction d’une bronche lobaire par un cornprim de sucralfate : une cause rar...

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Ann Fr An&h Rkznim 0 Elsevier, Paris

1998 ; 17 : 123-5

Cas clinique

Obstruction d’une bronche lobaire par un cornprim de sucralfate : une cause rare d’insuffisance respiratoire aigu8 PH Delesalle I, P Herbecq2*, G Vignozzi *, MA Babe l, C Lemaire

*

1Service des urgences, 2service de Ganimation m&dicale, centre hospitalier de Roubaix, h6pital Victor-Provo, boulevard Lacordaire, BP 359, 59056 Roubaix cedex 1, France

Rl%UMc Nous rapportons deux cas d’asphyxie aigue par obstruction d’une bronche lobaire, apr&s inhalation d’un comprim6 de sucralfate par des patients insuffisants respiratoires chroniques. Chez I’adulte, I’inhalation d’un corps &ranger est rarement responsable d’une insuffisance respiratoire aigu6 par obstruction trach6obronchique. Le cornprim de sucralfate, par sa propri6tte d’expansion volumique au contact d’une surface humide, telle que celle d’une muqueuse, peut apr&s inhalation, obstruer une bronche de gros calibre et btre & I’origine d’une insuffisance respiratoire aigu6. Chez les patients & risque de fausses routes, I’utilisation d’une autre forme galgnique (granules pour suspension buvable) doit 6tre recommand6e. 0 1998 Elsevier, Paris sucralfate I inhalation / insuffisance obstruction bronchique

respiratoire

aiguii /

sucralfate bronchial

I aspiration obstruction

/ acute

respiratory

failure

I

Autant une dktresse respiratoire aigug chez l’enfant doit faire rechercher systkmatiquement une occlusion trachkobronchique par un corps ktranger inhalk, autant cette pathologie est rare chez l’adulte. En effet, chez celui-ci les corps &rangers passant par la glotte ont rarement une taille suffisante pour obstruer une bronche souche ou lobaire. Nous rapportons deux cas d’asphyxie chez des insufflsants respiratoires chroniques suite & l’inhalation d’un comprimC de sucralfate, qui 2 la propriCtC tout B fait particulike d’augmenter de volume au contact de I’eau ou d’une surface humide.

OBSERVATIONS ABSTRACT Obstruction of a lobar bronchus by a sucralfate tablet: a rare cause of acute respiratory failure. We report two cases of patients with chronic respiratory disease who experienced an asphyxia after aspirating a sucralfate tablet that occluded a lobar bronchus. In adults, a foreign body is a rare cause of acute respiratory failure from tracheobronchial occlusion. The sucralfate tablet has the physical property of expanding rapidly when wet (contact with mucosa). After aspiration, the tablet expands to a larger size and can occlude a lobar bronchus, causing acute respiratory failure. In patients at risk of aspiration, we recommend the use of sucralfate in liquid or suspension form. 0 1998 Elsevier, Paris ReGu le. 16 juillet

1997 ; accept6 aprks rkvision

*Correspondance et tires c?part

le 8 dkembre

1997

Cas no 1 Un homme de 65 ans a Ctk adressk aux urgences pour dtcompensation respiratoire aigu&. 11 ttait insuffisant respiratoire chronique par bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO) post-tabagique, Cthylique chronique et avait une surcharge pond&ale. 11a et15optrt pour prothbse totale de hanche bilatkrale, ainsi qu’une cataracte plusieurs annCes auparavant. Transitoirement amCliorC par une thdrapeutique associant oxygbne, bCta2-mimktiques par akrosols et corticoth&rapie par voie g&kale, il Ctait admis en r&animation 48 heures plus tard, avec des signes d’enctphalopathie respiratoire. Une ventilation assistCe a CtC immkdiatement dtbutte. Une hCmorragie digestive basse massive, avec choc hypovo-

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PH Delesalle

lemique, like a une diverticulose sigmo’idienne, a necessite une h&nicolectomie gauche au 5Oe jour d’hospitalisation. L’alimentation par voie orale a CtC reprise a j65, le patient ttant sous assistance respiratoire par tracheotomie. Aucune fausse route n’a ttC signal&e a cette date. Au 68e jour est apparue une detresse respiratoire avec encombrement bronchique. La radiographie de thorax a revelt un pneumothorax gauche, necessitant un drainage pleural, associt a un trouble de ventilation lobaire sup& rieur gauche. Comme celui-ci persistait apres correction du pneumothorax, une fibroscopie a Ctt effect&e. Elle mit en evidence, apres aspiration de pus, un corps ttranger blanch&e et friable sous la pince, ressemblant & un cornprime et obstruant la bronche lobaire superieure gauche. Le cornprime a ete fragment6 puis aspire apres lavage endobronchique par du serum sale isotonique. L’enquete Ctiologique a conclu a l’inhalation d’un comprime de sucralfate. Le debut du traitement remontait B 8 jours. I1 Ctait destine ii prevenir les ulcbres de stress, Aucun syndrome de penetration n’avait ttt signale lors de l’administration des cornprimes. Seuls quelques episodes de toux, retrospectivement notes, avaient CtC mis sur le compte d’un encombrement bronchique important.

Secondairement

apparaissait une infection pulmonaire

nosocomiale. Le patient decbdait I mois plus tard dans un tableau de defaillance multivisctrale.

Casn”2 Un homme de 73 ans a Cte adresst en &animation pour dttresse respiratoire aigue et &at de choc necessitant une ventilation mkcanique. On retenait dans ses antecedents

une BPCO post-tabagique, un Cthylisme chronique, deux episodes de pleuresie gauche, une fracture des 1Oe et 1 le &es gauches. En reanimation, la radiographie pulmonaire objectivait une opacitt complete du poumon gauche. La ponction pleurale rarnenait un liquide purulent sterile. Sous l’effet de l’antibiotherapie, la corticothtrapie et le drainage pleural, l’etat du patient s’am&orait progressivement. Au 43” jour, une premiere tentative d’extubation a CchouC en raison de fausses routes. Le patient a tte sevrt definitivement du ventilateur B j47. L’examen laryngt apres l’extubation a montre un defaut

d’adduction des cordes vocales consecutive a une intubation prolong&e et pouvant &tre responsable de fausses routes. Une alimentation en&ale a &tC prudemment et progressivement reintroduite, d’abord par un regime (>. A j63, le patient s’alimentait completement

par voie orale avec un regime pgteux, sans fausse route.

et al

,k j67, une fausse route alimentaire compliquee d’une detresse respiratoire et d’un trouble de ventilation lobaire inferieur gauche motivait une fibroscopie en urgence. Celle-ci mit en evidence un corps &ranger blanch&e et friable evoquant un cornprime de sucralfate et obstruant complttement les branches lobaires inferieures gauche et

droite. Le sucralfate prescrit 3 jours auparavant comrne protecteur gastrique, avait ete administre quelques minutes avant la detresse respiratoire. La fibroscopie a permis la dtsobsttuction par fragmentation a la pince et aspiration apres lavage par du serum sale isotonique. L’etat respiratoire necessitait quelques jours de ventilation mecanique suivis d’une tracheotomie. 11 Ctait par la suite transfer6 en pneumologie pour poursuite du traitement anti-infectieux, decanulation et reapprentissage de la deglutition. Cela permit un retour a domicile apres

4 mois d’hospitalisation.

DISCUSSION En dehors des obstructions laryngkes, l’inhalation de corps &angers chez l’adulte est rarement responsable d’une symptomatologie respiratoire aigue [ 1, 21. Le diagnostic est en g&r&al port15 devant un syndrome de penetration ou des manifestations respiratoires trainantes [ 1, 21. L’absence de symptomatologie aigu&, apr&s l’inhalation d’un corps Ctranger par un adulte s’explique simplement: la taille du corps &ranger inhal ne peut exceder celle de la glotte (6 a 9 mm), ce qui est insuffisant pour obstruer un tronc souche (11 mm a gauche et 13 mm a droite) [3]. L’obstruction se situe done plus en peripherie, au niveau d’une bronche distale. Chez un adulte en bonne Sante, celle-ci ne peut Ctre responsable d’une dktresse respiratoire. Le cornprime de sucralfate, largement utilise dans la pathologie ulcereuse tisogastroduodCnale, a la propriM

physique

d’augmenter

rapidement

de

volume lorsqu’il est au contact d’une solution aqueuse [4]. Cette propriktc d’expansion est suivie d’une dissolution sous forme visqueuse, donnant un gel en suspension sur la muqueuse dans des conditions normales d’utilisation. En cas d’inhalation, il semble que l’expansion du comprimc au contact de la muqueuse bronchique s’arr&e m&aniquement une fois la bronche obstruee, empCchant sa dissolution. Cette obstruction peut aller jusqu’a fermer complctement une bronche souche, quelques minutes apres l’inhalation, et determiner

Inhalation

de cornprim

une detresse respiratoire aigue [3]. D’autres corps &rangers augmentent de volume apres inhalation. C’est le cas des cacahuetes, mais l’augmentation est mod&e, progressive, a l’origine de troubles de ventilation plusieurs semaines apres l’inhalation [5]. Les deux cas rapport& ici illustrent bien la gravite de l’inhalation d’un cornprime de sucralfate, responsable d’un trouble de ventilation avec pneumothorax sous ventilation mecanique chez le premier patient et d’une detresse respiratoire aigue necessitant le recours a la ventilation chez le deuxieme. Notons que le terrain Ctait particulier. I1 s’agissait de patients insuffisants respiratoires chroniques avec troubles de deglutition favorises par la tracheotomie (patient no 1) et une intubation prolongee (patient no 2) [2]. Le diagnostic et le traitement reposent sur la tibroscopie bronchique, qui doit Ctre systematique devant un trouble de ventilation avec insufftsance respiratoire associee [6]. Elle permet la desobstruction des branches g&e a une pince a biopsie qui fragmente le sucralfate friable. Des lavages au serum sale isotonique permettent d’aspirer une bonne par-tie du cornprime fragment&

de sucralfate

125 CONCLUSION

Les cornprimes de sucralfate inhales accidentellement peuvent, grace a leur propriete d’expansion volumique, obstruer une bronche de gros calibre et determiner une detresse respiratoire aigue. Chez les patients presentant des risques de fausses routes, la prescription de sucralfate sous forme de suspension buvable devrait Cviter ces accidents dramatiques. RtiFIkENCES 1 Nouvet G, Thiberville L, Dominique S. Pathologie respiratoire des fausses routes. Encycl Mtd Chir (Elsevier, Paris). Pneumologic, 6-065-A-10. 1996 : 8 p 2 Limper AH, P&ash USB. Tracheobronchial foreign bodies in adults. Ann Intern Med 1990 ; 112 : 604-9 3 Overdahl MC, Wewers MD. Acute occlusion of a mainstem bronchus by a rapidly expanding foreign body. Chest 1994 ; 105 : 1600-2

4 McCarthy DM. Sucralfate. NEngl J Med 1991 ; 325 : 1017-25 5 Francois M, Thach-toan, Maisani D, Prevost G, Rouleau P. Endoscopie pour recherche de corps &rangers des voies driennes inferieures chez l’enfant: a orouos de 668 cas. Ann Otolaryngol Chir Cervicofac 1985 ; 102 : 433-41 6 Marquette CH, Wermert D, Wallet F, Saulnier F, Ramon P. Fibroscopie bronchique en reanimation. Rev Ma1 Resp 1997 ; 14 : 101-11