Ostéoporose transitoire de la tête fémorale

Ostéoporose transitoire de la tête fémorale

Revue du Rhumatisme 76 (2009) 173–179 Ostéoporose transitoire de la tête fémorale Transient osteoporosis of the hip Charles Masson ∗ , Claire Lassall...

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Revue du Rhumatisme 76 (2009) 173–179

Ostéoporose transitoire de la tête fémorale Transient osteoporosis of the hip Charles Masson ∗ , Claire Lassalle , Béatrice Bouvard , Emmanuel Hoppé , Maurice Audran Pôle ostéoarticulaire, service de rhumatologie, CHU d’Angers, 49933 Angers cedex 9, France Accepté le 19 avril 2008 Disponible sur Internet le 20 janvier 2009

Mots clés : Ostéoporose transitoire ; Algodystrophie ; Syndrome douloureux régional complexe ; Fractures trabéculaires ; Ostéonécrose aseptique Keywords: Transient osteoporosis; Algodystrophy; Complex regional pain syndrome; Trabecular fractures; Osteonecrosis

1. Introduction L’ostéoporose transitoire de la hanche est la localisation la plus fréquente de l’ostéoporose régionale transitoire, migratrice [1–6]. Elle est au cœur de discussions nosologiques souvent passionnées depuis une trentaine d’années. Elle pose la question de ses liens soulevée par Lequesne avec l’algodystrophie de survenue spontanée et aussi les fractures trabéculaires, l’ostéoporose de la grossesse et l’ostéonécrose aseptique à son stade précoce. 2. Expression clinique Dans l’ostéoporose régionale transitoire de la hanche, les patients, plus fréquemment des hommes que des femmes, jeunes ou d’âge moyen, développent de fac¸on rapide et le plus souvent sans notion de traumatisme antérieur, ou bien après un traumatisme modéré, une chute assez anodine, un effort musculaire inhabituel, un mouvement brusque d’amplitude maximale, ou encore une radiculalgie, un syndrome douloureux régional [1–6]. Le site affecté est l’épiphyse fémorale supérieure ou une partie ou une parcelle de cette épiphyse, parfois la métaphyse ou une partie de la diaphyse fémorale supérieure. Le clinicien est attiré vers l’origine « coxofémorale » de la symptomatologie par l’analyse de la douleur révélatrice. La douleur se situe à l’aine, irradie à la racine ou à la face antérieure de la cuisse, parfois (de fac¸on fréquente dans l’expérience initiale de ∗

Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (C. Masson).

Lequesne) au genou. La douleur est accentuée avec l’utilisation de l’articulation, à la limite des mouvements possibles, dès la mise en charge, rendant du même coup la marche difficile ou impossible, avec une boiterie, situation conduisant à demander un avis rhumatologique rapide. La différenciation avec une cruralgie radiculaire, une atteinte de la symphyse pubienne ou sacro-iliaque est parfois délicate. La boiterie marquée oblige le patient en quelques jours ou semaines à esquiver presque totalement l’appui sur le membre atteint et pour le mettre en décharge il s’appuie vigoureusement de toutes ses forces sur une ou deux cannes. Une amyotrophie régionale est possible. La douleur est rare ou modérée en décubitus. La vitesse de sédimentation et la C-réactive protéine sont normales ou subnormales. La douleur quantifiée de fac¸on subjective sur une échelle visuelle analogique devenue maximale au deuxième et au troisième mois s’atténue ensuite pour disparaître le plus souvent en plusieurs mois (deux à six mois, parfois plus). Une allodynie, correspondant à une sensation de douleur pour une stimulation qui n’est pas douloureuse chez un sujet sain, peut être déclenchée par une pression locale modérée. L’effleurement, l’application d’un élément modérément chaud ou froid (thermodynie) ne sont pas utilisables à la hanche. L’hyperalgésie provoquée par une stimulation douloureuse par le pique-touche déclenchant une réponse anormalement et intensément douloureuse n’est pas non plus utilisable à la hanche. En revanche, les patients ont parfois une hyperpathie se traduisant par une expression douloureuse intense, en particulier après essai de mobilisation de la hanche qui subsiste après avoir arrêté la mobilisation ou le mouvement, expliquant un refus relatif par le patient de l’examen clinique par le médecin, qui ne peut pas faire son examen totalement (avec

1169-8330/$ – see front matter © 2008 Société Franc¸aise de Rhumatologie. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.rhum.2008.04.022

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un risque d’interprétation d’inorganicité). L’anesthesia dolorosa réalisant un contraste entre l’absence de sensations tactiles et une douleur vive dans la zone lésée n’est pas rapportée à la hanche. Une décompensation thymique est possible en raison du handicap fonctionnel, de la durée d’évolution et d’une douleur qui réapparaît dès la mise en charge. 3. Examens d’imagerie Les résultats des explorations d’imagerie permettent une visualisation de signes objectifs : • une hyperfixation scintigraphique homogène est présente sur l’épiphyse fémorale supérieure (parfois dans d’autres sites osseux) dès le début de la symptomatologie, à la fois aux temps précoces et tardifs (Fig. 1) [6–9] ; • un épanchement synovial est assez souvent retrouvé en échographie ou IRM ; • une ostéoporose radiologique homogène est visible au bout de quelques semaines à la hanche, particulièrement à l’épiphyse fémorale supérieure (Fig. 2). La corticale de la tête fémorale a un aspect volontiers estompé (mais pas celle de l’acétabulum). La hauteur de l’interligne articulaire est conservée. Il n’y a pas d’érosions ou de géodes. La déminéralisation est parfois plus étendue régionalement (acétabulum, branches ilio-ischiopubiennes, extrémité supérieure du fémur). Il n’y a pas de liséré d’ostéonécrose aseptique ni de cal fracturaire trabéculaire ; • la classique « plasmostase rosée intramédullaire de Rutishauser » est mise en évidence sur l’IRM avec des séquences T1 (hyposignal), T2 (hypersignal) FFE ou STIR (hypersignal). L’œdème médullaire est localisé à l’épiphyse fémorale supérieure ou bien il est plus diffus : sur la partie supérieure du fémur, sur l’épiphyse, la métaphyse et une partie de la diaphyse avec des limites inférieures floues. En son sein ou en région sous-chondrale, il est assez fréquent de mettre en évidence des signes correspondants à des impactions trabéculaires (fissures ou fractures trabéculaires) dont

Fig. 1. Hyperfixation scintigraphique sur la tête fémorale.

Fig. 2. Aspect fantomatique de la tête fémorale en radiologie standard.

on se demande si elles sont la cause ou la conséquence de l’ostéoporose régionale. Mais, si l’IRM réalisée assez rapidement après la constatation des signes cliniques montre des signes de microfractures trabéculaires, le diagnostic est alors celui d’une fracture trabéculaire avec son évolution propre et sa démarche clinique et paraclinique adaptée (Fig. 3). Ultérieurement, l’œdème intramédullaire laisse place à une fibrose et la zone osseuse qui a été le siège de l’œdème médullaire est celle de la déminéralisation apparaissant avec retard sur la radiographie standard. Deux signes IRM négatifs sont importants : il n’y a pas le liseré caractéristique de démarcation de l’ostéonécrose aseptique (Fig. 4) et l’interligne articulaire est conservé (absence d’atteinte du cartilage). En règle générale, l’IRM sur le plan osseux ne détermine qu’une atteinte

Fig. 3. Fractures trabéculaires avec œdème médullaire sur la tête fémorale en imagerie par résonance magnétique, séquence T1.

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Fig. 5. Même patient que Fig. 1. Normalisation après quelques mois de la fixation scintigraphique.

Fig. 4. Ostéonécrose aseptique de la tête fémorale en IRM sur une vue sagittale : la zone de démarcation est nette.

de l’extrémité supérieure du fémur : il n’y a pas d’œdème médullaire à l’acétabulum. 4. Valeur de la densité minérale osseuse La densité minérale osseuse évaluée chez quelques patients par absorptiométrie biphotonique des deux hanches montre une diminution à l’épiphyse fémorale supérieure ou au col fémoral pathologique par rapport au côté sain [6,10,11]. La différence est parfois de moins de 10 %, mais le plus souvent de 10 à 20 %, voire de 30 % ou plus, en quelques semaines. Un retour à des valeurs normales survient en plusieurs mois ou années (retardé par rapport à la guérison clinique).

de Lequesne et al., la guérison survient en moyenne en quatre mois (extrêmes deux mois, un an) [3]. Des migrations locales ou dans d’autres sites sont possibles. 6.1. Migration locale Une migration locale sur la même extrémité du fémur est possible, visualisée à la hanche non pas tant par des cartographies scintigraphiques répétées, mais par le scanner ou l’IRM dans quelques observations privilégiées. La progression de la déminéralisation de type homogène s’est faite sur trois scanners successifs à la hanche à un mois d’intervalle d’abord aux deux tiers postérieurs de la tête fémorale, puis à l’ensemble de l’épiphyse fémorale supérieure [6]. Un signal anormal IRM initialement dans l’aire antérieure, puis dans la zone postérieure, a été décrit tandis que le signal redevenait normal dans l’aire antérieure [6]. Cette même migration locale a été prouvée par

5. Données histologiques Les données biopsiques [12–14] sont rares, la démarche diagnostique ne justifiant pas une biopsie osseuse. Mais des documents sont fournis lors de forages biopsiques de la tête fémorale ou après chirurgie pour fractures transcervicales secondaires. Leurs résultats sont assez homogènes. Il existe les premières semaines une plasmostase intramédullaire, suivie par une colonisation fibroblastique. La déminéralisation paraît acellulaire, une activité ostéoblastique est souvent retrouvée, avec formation d’un os nouveau dans les aires qui ont été œdématiées. Les ostéoclastes sont présents ici et là, mais en règle générale en faible nombre et parfois on les décrit face à un os lamellaire « mort ». 6. Formes évolutives L’ostéoporose transitoire de la hanche a comme son nom l’indique, une évolution favorable, le plus souvent en quelques mois, avec normalisation de la scintigraphie osseuse (Fig. 5) et reminéralisation (Fig. 6) [15,16]. Dans l’expérience importante

Fig. 6. Même patient que Fig. 1. Reminéralisation de la tête fémorale.

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scanners ou IRM répétés dans des cas plus fréquents aux genoux ou au pied et à la cheville [15].

Tableau 1 Huit points communs à considérer pour l’algodystrophie, l’ostéonécrose aseptique et les fractures trabéculaires de la hanche pendant la grossesse.

6.2. Migrations dans d’autres sites

Survenue au troisième trimestre de la grossesse, parfois avant, parfois en post-partum Changement transitoire des conditions biomécaniques : prise de poids, modification de la répartition des charges, rapidité de ces modifications Modifications métaboliques : augmentation du cortisol, augmentation des lipides circulants, inondation hormonale estroprogestative, variations phosphocalciques Expression d’une douleur intense en charge, avec boiterie, contrastant avec la pauvreté de l’examen clinique Difficultés des moyens d’exploration : pas de radiographies standard, pas de scintigraphie osseuse pendant la grossesse IRM possible au deuxième et troisième trimestres, mais sans injection de gadolinium (injection contre-indiquée aussi pendant la lactation) En attendant l’IRM, mise en décharge dès la suspicion d’un des trois diagnostics, à visée antalgique et pour éviter des complications (fractures sous-chondrales, fractures corticales) Complément éventuel d’imagerie après la délivrance et selon l’évolution

Certains patients ont une migration à l’autre hanche ou dans d’autres sites essentiellement aux membres inférieurs [6,15,16]. La hanche controlatérale est l’aire préférentielle, suivie par le genou, la cheville et le pied. Le pronostic est ainsi fonction de la survenue d’autres épisodes, la récurrence étant fréquente sur l’épiphyse analogue controlatérale ou sur des sites autres du même membre ou du membre controlatéral : 41 % des patients dans une revue ont au moins un autre épisode [4]. Ces formes sont à mettre en parallèle avec des formes d’emblée plurifocales qui ne sont pas sans évoquer des fractures trabéculaires multiples, certains patients ayant à la fois des atteintes vertébrales et aux membres inférieurs. 6.3. Formes avec rétraction. Formes rebelles Dans le cours évolutif, la colonisation par les fibroblastes se substitue à la plasmostase rosée de Rutishauser (intramédullaire), à l’œdème des parties molles, de la membrane synoviale et de la capsule articulaire [6]. Cette substitution explique la survenue de lésions de fibrose créant des rétractions synoviales ou capsulaires, avec pour cette dernière localisation, un aspect proche de celui de la capsulite rétractile. L’engainement par les fibroblastes de structures nerveuses pourrait être une explication aux douleurs qui perdurent chez certains patients. 7. Forme de la femme enceinte Elle a été décrite [17] pour la première fois en 1959 sous le titre de déminéralisation transitoire de la hanche au cours de la grossesse par Curtiss et Kincaid [2]. Un nombre assez élevé en a été rapporté depuis. Elle représente possiblement trois pour cent des formes étiologiques [3]. L’IRM, autorisée pendant le deuxième et troisième trimestres de la grossesse, confirme le diagnostic en montrant l’œdème médullaire fémoral supérieur, souvent un épanchement articulaire. Le rehaussement de la zone en hyposignal par l’injection intraveineuse de gadolinium ne peut être recherché que quand l’IRM est faite après la délivrance et en l’absence d’allaitement, l’injection de gadolinium étant contre-indiquée pendant la grossesse et l’allaitement. La scintigraphie osseuse pratiquée après l’accouchement (si elle reste nécessaire, selon l’avis du clinicien) retrouve l’hyperfixation régionale de la hanche aux temps précoces et tardifs. D’autres sites d’hyperfixation sont parfois mis en évidence sur le même membre inférieur ou le membre controlatéral avec ou sans manifestations cliniques. Les radiographies standard réalisées après la délivrance et à distance du début de la douleur (plusieurs semaines) montrent une déminéralisation plus ou moins nette de la tête fémorale, parfois plus étendue, « régionale ». La constatation d’un méplat localisé du contour de la tête fémorale fait discuter une possible fracture sous-chondrale ou une ostéonécrose aseptique de la tête fémorale. Des formes se compliquant de fractures franches

du col fémoral sont décrites de fac¸on non exceptionnelle (Tableau 1). 8. Rapprochement de l’ostéoporose régionale transitoire et de l’algodystrophie Lequesne, dès son travail princeps de dix cas en 1968, a rapproché l’ostéoporose transitoire de la hanche de l’atrophie de Südeck dans sa forme spontanée (non traumatique) [1]. L’atrophie de Südeck (ou dans son terme accepté algodystrophie) se manifeste classiquement les premières semaines ou mois par une phase chaude suivie pendant également quelques semaines ou mois par une phase froide, avec ensuite guérison chez la majorité des patients, mais possibilité chez certains d’une phase atrophique séquellaire. La douleur régionale n’est pas confinée à un territoire neurologique spécifique ou à un dermatome. L’importance et la durée de la déminéralisation locale avec un aspect homogène dans l’ostéoporose transitoire sont indiscutables et inhabituelles dans une fracture non compliquée. L’hyperhémie régionale constatée en scintigraphie osseuse, les signes vasomoteurs qui peuvent apparaître secondairement (sur des sites plus superficiels), la déminéralisation secondairement plus régionale et préférentiellement alors mouchetée, parfois un enraidissement localisé pouvant aller jusqu’à une rétraction capsulaire sont autant d’arguments laissant penser que l’ostéoporose régionale transitoire et l’algodystrophie sont proches. La lésion initiale osseuse douloureuse se complique comme dans d’autres pathologies osseuses douloureuses d’une dystrophie réactionnelle. La terminologie actuelle de syndrome complexe régional douloureux (CRPS) avec les nouveaux groupes de critères pose toutefois problème pour la localisation à la hanche. Compte tenu de la profondeur anatomique de la hanche, les symptômes ou signes si expressifs sur les régions distales des membres algodystrophiques ne sont ici pas décelables cliniquement. Les patients souffrant d’une algodystrophie de la hanche ne peuvent pas remplir les critères actuellement définis par les algologues, que ce soit les critères diagnostiques de l’IASP,

C. Masson et al. / Revue du Rhumatisme 76 (2009) 173–179 Tableau 2 CRPS : critères diagnostiques de l’IASP modifiés selon Mersky et Bogduk, 1994. Présence d’un évènement délétère déclenchant ou d’une cause d’immobilisation Douleur continue, allodynie ou hyperalgésie, avec une douleur disproportionnée par rapport au facteur déclenchant Preuve à certains moments d’un œdème, de modification du flux circulatoire cutané ou anomalies de l’activité sudoromotrice dans la région douloureuse Le diagnostic de CRPS est exclu en présence d’une condition qui pourrait expliquer autrement le degré de douleur et les troubles de la fonction Deux types de CRPS sont isolés. Type I : sans preuve d’une lésion d’un gros tronc nerveux. Type II : avec preuve d’une lésion d’un gros tronc nerveux.

modifiés selon Mersky et Bogduk en 1994 (Tableau 2), les critères de Veldman et al. (Tableau 3) [18] ou les deux nouvelles versions de critères diagnostiques modifiés proposées par Harden et Bruehl (Tableau 4) [19]. Tous excluent de facto la forme d’algodystrophie isolée à la hanche. Les quatre catégories de troubles sensoriels, vasomoteurs, sudoromoteurs et moteurs/trophiques, acceptés comme symptômes (présence alléguée par le patient des symptômes) ou comme signes (mêmes anomalies, mais prouvées car constatées au moment de l’évaluation) échappent en partie à l’analyse clinique de l’atteinte de la hanche. Les troubles moteurs algodystrophiques tels que faiblesse, tremblement, dystonie ont une expression clinique plus démonstrative sur les territoires distaux des membres. Mais les stades évolutifs algodystrophiques (non repris dans les nouveaux critères), typiquement une phase chaude puis une phase froide, avec ensuite parfois une phase dite atrophique sont bien illustrés dans l’algodystrophie de la hanche d’après les données IRM (avec toutefois cette restriction d’atteinte à l’épiphyse fémorale supérieure). La déminéralisation apparaissant secondairement (au bout de quelques semaines) locale ou régionale est objectivée par la radiographie standard, (ou le scanner demandé pour une autre raison) ou par la densitométrie réalisée à l’extrémité supérieure du fémur de fac¸on comparative. La scintigraphie osseuse aux trois temps montre typiquement une hyperfixation régionale aux temps précoces et tardifs. La forme d’algodystrophie froide d’emblée n’est pas décrite dans la localisation à la hanche. Les formes d’algodystrophie créées expérimentalement [20] ne permettent pas non plus l’étude de l’algodystrophie de la hanche.

Tableau 3 Critères diagnostiques de Veldman et al. Critère 1 : présence d’au moins quatre des cinq symptômes suivants Douleur Différence de température par rapport à l’autre côté Asymétrie de volume par rapport à l’autre côté Asymétrie de coloration par rapport à l’autre côté Limitation dans l’étendue des mouvements actifs Critère 2 : apparition ou accentuation des symptômes pendant ou après l’exercice Critère 3 : présence des symptômes dans une région plus étendue que le traumatisme déclenchant primaire et en aval de ce dernier

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Tableau 4 CRPS : critères diagnostiques cliniques modifiés proposés selon Harden et Bruehl. Douleur continue, disproportionnée par rapport à n’importe quel élément déclenchant Présence signalée par le patient d’au moins un des symptômes dans trois des quatre catégories suivantes Troubles sensoriels : hyperalgie et/ou allodynie Troubles vasomoteurs : asymétrie thermique et/ou modifications de la couleur de la peau, et/ou asymétrie de la coloration cutanée Troubles sudoromoteurs/œdème : œdème et/ou sudation modifiée et/ou sudation asymétrique Troubles moteurs/trophiques : diminution de la mobilité et/ou troubles moteurs (faiblesse, tremblement, dystonie) et/ou troubles trophiques portant sur les poils, les ongles ou la peau Présence constatée à l’examen au moment de l’évaluation d’au moins un signe dans deux ou plus des catégories suivantes Troubles sensoriels : hyperalgie (à la piqûre) et/ou allodynie (à l’effleurement léger ou à la pression somatique profonde) Troubles vasomoteurs : asymétrie thermique et/ou changements de la coloration cutanée, et/ou asymétrie de la coloration cutanée Troubles sudoromoteurs/œdème : œdème et/ou sudation modifiée et/ou sudation asymétrique Troubles moteurs/trophiques : diminution de la mobilité et/ou troubles moteurs (faiblesse, tremblement, dystonie), et/ou troubles trophiques (cheveux, ongles, peau) Les signes et symptômes ne sont pas mieux expliqués par un autre diagnostic Remarque. Les critères diagnostiques de recherche modifiés selon Harden et Bruehl sont écrits de fac¸on identique. La seule différence pour remplir les critères est la nécessité de la présence signalée par le patient d’au moins un des symptômes dans les quatre catégories définies (pour l’item 2).

9. Diagnostics différentiels Outre les problèmes nosologiques ci-dessus avec l’algodystrophie, les diagnostics différentiels sont classiquement une lésion tumorale bénigne ou maligne, une arthrite en particulier infectieuse (tuberculose), une ostéomyélite, une ostéochondromatose synoviale à forme déminéralisante, mais surtout ces dernières années les fractures trabéculaires isolées et l’ostéonécrose aseptique de la tête fémorale. 9.1. Fractures trabéculaires La localisation à l’épiphyse fémorale supérieure des fractures (ou fissures) trabéculaires est fréquente en siège sous-chondral ou plus en profondeur. Leur traduction par une douleur survenant en charge, sans anomalie sur les radiographies standards les premières semaines est analogue à celle de l’ostéoporose transitoire de la hanche. Mais l’hyperfixation scintigraphique est très localisée, l’IRM montre un œdème médullaire focal avec les signes de la fracture trabéculaire (cf. l’article de Chagnaud dans cette double monographie) et la radiographie au bout de quelques semaines objective le cal trabéculaire signant la guérison, qui survient en quelques semaines si la hanche a été mise en repos ou décharge. Quand le diagnostic de fracture trabéculaire est méconnu, les patients continuent à marcher malgré la douleur et un certain nombre d’entre eux peut développer une fracture corticale devenant chirurgicale et d’autres une algodystrophie réactionnelle « secondaire » avec apparition

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des signes ou symptômes suivants : déminéralisation régionale, hyperfixation régionale, modification de la douleur pouvant devenir nocturne, hyperpathie. À l’inverse, certains patients algodystrophiques ayant une déminéralisation régionale importante risquent d’avoir une fracture dans cette région pour un traumatisme modéré. Un homme de 62 ans développa une ostéoporose régionale migratrice avec huit épisodes à un ou deux sites toujours aux membres inférieurs sur une période de huit ans, avec deux épisodes de fractures pendant la sixième et septième année d’évolution [21]. C’est aussi classiquement le cas chez la femme enceinte. 9.2. Ostéonécrose aseptique La différenciation ostéoporose régionale transitoire et ostéonécrose [22] à un stade précoce (type I et II de Ficat) est difficile et certains pensent qu’il s’agit de la même maladie [23]. Cependant, les troubles circulatoires ischémiques avancés n’entraînent pas une ischémie osseuse d’amplitude identique à celle de l’ostéonécrose aseptique où l’ischémie est définitive. Les travaux de Rutishauser ont montré qu’une ischémie chronique modérée ostéomédullaire entraîne les mêmes signes histologiques que ceux décrits plus hauts. Des troubles lipidiques sanguins sont retrouvés dans des cas d’ostéoporose régionale transitoire migratrice [24] et doivent y être recherchés (alors qu’ils n’ont pas une fréquence augmentée dans l’algodystrophie au sens large). L’IRM initiale apporte les meilleures indications diagnostiques et évolutives. Une aire sous-chondrale en hyposignal T2 assez profonde ou étendue, ou encore (même signification) non rehaussée (c’est-à-dire non vascularisée) après injection intraveineuse de gadolinium en pondération T1 témoigne d’une ostéonécrose aseptique épiphysaire irréversible. Le liseré périnécrotique arciforme (signe de l’arc noir) en bas signal T1 et T2 qui entoure cette aire est caractéristique (cf. l’article de Lafforgue dans cette double monographie). 10. Traitement de l’ostéoporose transitoire de la hanche Le rééducateur physiothérapeute apporte une aide certaine dans la prise en charge des patients aux différents stades et dès le début avec des techniques pour favoriser les gestes de la vie de tous les jours, surtout les conditions de la marche, la mobilité et la préservation de la force musculaire [25,26]. Les traitements antalgiques n’ont pas une efficacité spectaculaire. Le recours à des antalgiques de niveau OMS 3 est parfois proposé, mais l’efficacité est douteuse. Le traitement anti-inflammatoire par un AINS est inopérant. La corticothérapie systémique est proposée par certains pendant les premières semaines avec des doses rapidement régressives mais elle est discutée. La corticothérapie locale rarement utilisée à la hanche est peu ou non efficace. La thyrocalcitonine, de mécanisme d’action incertain, a perdu l’AMM dans l’algodystrophie, depuis avril 2004, mais garde l’indication « prévention de la perte osseuse aiguë liée à une immobilisation soudaine, notamment chez les patients avec des fractures ostéoporotiques récentes ». Le paradigme « une algodystrophie implique une prescription de calcitonine » est donc

devenu obsolète, mais il est d’autant plus difficile pour le rhumatologue ou les médecins de fac¸on générale de l’accepter que ce paradigme n’a pas été remplacé par un autre. Les bisphosphonates ont été relancés par plusieurs études qui sont colligées dans l’Actualité Rhumatologique 2006 [26]. Les différents produits : pamidronate, alendronate [27], clodronate restent toutefois en prescription hors AMM dans l’algodystrophie. Le rôle prépondérant des ostéoclastes n’est pas clair dans l’ostéoporose régionale et le mécanisme d’action bénéfique des bisphosphonates, si cette action bénéfique existe bien, pourrait être autre qu’une action sur les ostéoclastes. Les traitements antidépresseurs sont à considérer chez des patients ayant une dépression réactionnelle à leur état douloureux chronique. La dépression réactionnelle ne doit pas être prise pour le primum movens ou de fac¸on générale pour la raison de l’échec des thérapeutiques. Ce qui est vrai aussi s’il existe des facteurs événementiels intercurrents de fréquence assez banale. Les blocs épiduraux, qui ne sont pas sans danger, pourraient aider la réalisation d’une rééducation plus active. Lors d’un bloc thérapeutique veineux régional, anatomiquement, une action sur l’atteinte de la hanche est envisageable s’il y a un relargage secondaire du produit administré, une fois le garrot levé. Une des difficultés provient de la reconnaissance des mécanismes en jeu variables, selon les patients et pour un même patient en fonction du temps écoulé au moment de la prise en charge. En phase chaude, les données sont en faveur d’une réponse ambivalente du système sympathique : un défaut locorégional de la réponse sympathique, auquel s’oppose une hypersensibilité locorégionale des récepteurs noradrénergiques aux monoamines circulantes, dont la sécrétion est fonction du stress, de la douleur, de l’état général du patient. Des blocs ayant pour but d’inhiber le système sympathique à la phase de début ne pourraient être efficaces que sur cette deuxième anomalie (en aggravant même la première composante). Certains pratiquent dans l’ostéoporose régionale transitoire de la hanche un forage biopsique pour lutter contre l’hyperpression localisée intra-osseuse épiphysaire fémorale supérieure, avec un soulagement rapide [23]. La prostacycline, puissant vasodilatateur, est proposée par une équipe avec des résultats comparables à celui du forage biopsique [28,29]. Son indication est actuellement hors AMM. L’analyse des résultats et la lecture des différentes études doivent tenir compte de la terminologie variable. Ainsi, le mot clé « ostéoporose régionale transitoire » ne fait pas partie d’une étude épidémiologique et de synthèse portant sur le syndrome douloureux régional complexe et l’ancienne dystrophie sympathique réflexe, les patients restant dans une entité à part [30].

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