Ostéotomie patellaire par fermeture latérale pour luxation patellaire habituelle sur dysplasie majeure

Ostéotomie patellaire par fermeture latérale pour luxation patellaire habituelle sur dysplasie majeure

Revue de chirurgie orthopédique et traumatologique 101 (2015) 583–586 Disponible en ligne sur ScienceDirect www.sciencedirect.com Fait clinique Os...

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Revue de chirurgie orthopédique et traumatologique 101 (2015) 583–586

Disponible en ligne sur

ScienceDirect www.sciencedirect.com

Fait clinique

Ostéotomie patellaire par fermeture latérale pour luxation patellaire habituelle sur dysplasie majeure夽 Patellar lateral closing-wedge osteotomy in habitual patellar dislocation with severe dysplasia C. Choufani ∗ , O. Barbier , G. Versier Service de chirurgie orthopédique et traumatologique, hôpital d’instruction des armées Bégin, Saint-Mandé, France

i n f o

a r t i c l e

Historique de l’article : Rec¸u le 31 janvier 2015 Accepté le 20 juillet 2015 Mots clés : Patella Luxation habituelle Dysplasie patellaire Osteotomie patellaire

r é s u m é Le traitement chirurgical « à la carte » de l’instabilité patellaire développé par l’école lyonnaise est bien connu. L’analyse préopératoire des anomalies morphologiques permet de planifier les gestes de correction à envisager. La dysplasie patellaire est un des facteurs d’incongruence fémoropatellaire les plus difficiles à corriger. Nous rapportons un cas d’instabilité patellaire habituelle avec dysplasie patellaire sévère ayant nécessité un programme chirurgical complexe dont une ostéotomie patellaire par fermeture latérale pour améliorer la congruence fémoropatellaire. Ce traitement a montré son efficacité en termes de stabilité et de fonction. Ce geste technique complémentaire peut s’avérer utile dans certains cas de dysplasie fémoropatellaire majeure. © 2015 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

1. Introduction La prise en charge chirurgicale de l’instabilité patellaire objective repose sur une chirurgie dite « à la carte ». Elle résulte de l’analyse préopératoire radioclinique des anomalies morphologiques permettant la planification des différentes corrections à réaliser [1–6]. Les luxations patellaires habituelles ou permanentes apparaissent souvent dès l’enfance et sont le stade ultime des ces instabilités patellaires. Elles se caractérisent par une luxation permanente et totale de la patella en flexion et par des douleurs en cas de lésions chondrales associées. Dans ce cas, il existe une incongruence fémoropatellaire majeure avec une dysplasie fémorale et patellaire sévère. Même si les indications de patelloplasties ou d’ostéotomie patellaire sont exceptionnelles, ces techniques peuvent s’avérer utiles et méritent d’être connues. Elles visent à augmenter la congruence fémoropatellaire et à ralentir l’évolution vers une arthrose précoce. Actuellement, il existe deux techniques principales de patelloplastie. Saragaglia

DOI de l’article original : http://dx.doi.org/10.1016/j.otsr.2015.07.019. 夽 Ne pas utiliser, pour citation, la référence franc¸aise de cet article, mais celle de l’article original paru dans Orthopaedics & Traumatology: Surgery & Research, en utilisant le DOI ci-dessus. ∗ Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (C. Choufani). http://dx.doi.org/10.1016/j.rcot.2015.09.418 1877-0517/© 2015 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

et al. [7] ont décrit récemment une technique de patelloplastie médiale avec résection du bombement patellaire médiodistal et Morscher [8,9] a décrit une ostéotomie sagittale patellaire par fermeture antérieure. Nous rapportons ici une technique originale d’ostéotomie patellaire par fermeture latérale réalisable en cas de patella concave. Cette technique permet de rétablir efficacement la morphologie patellaire et s’intègre dans un traitement « à la carte » d’une dysplasie fémoropatellaire sévère. 2. Cas clinique Une femme de 29 ans s’est présentée pour luxation habituelle de la patella droite. Elle ne pratiquait pas d’activité sportive. Elle avait été opérée du genou droit à l’âge de 12 ans pour une luxation patellaire habituelle par une technique dite « de la baguette molle ». Elle présentait une récidive de la luxation patellaire avec une luxation habituelle à la flexion du genou dès 90◦ avec des gonalgies mécaniques antérieures chroniques invalidantes (IKDC subjectif à 44/100 et Kujala score à 53/100). Cliniquement, on ne pouvait pas corriger la luxation en position fléchie au-delà de 90◦ . Les mobilités étaient normales et symétriques (flexion 130◦ sans flessum) (Video). Les radiographies (Fig. 1) et le scanner (Fig. 2) montraient une subluxation latérale de la patella (TAGT = 24 mm, tilt patellaire 18◦ ), une patella basse (indice de Caton et Deschamps [ICD] = 0,7), une

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Fig. 2. Scanner coupe transversale : mesure TAGT.

Fig. 1. A. Radiographies préopératoires face. B. Profil. C. Radiographie préopératoire axiale avec planification de correction de l’angle patellaire.

dysplasie trochléenne stade D et une patella concave avec un angle trochléen préopératoire de 225◦ (valeur normale = 140◦ ) (Wiberg 2 [10]). L’intervention chirurgicale consistait en : • une médialisation-proximalisation de la tubérosité tibiale antérieure (TTA) avec section du retinaculum latéral, en raison de la patella basse ; • une trochléoplastie de creusement ; • une plastie d’Insall du muscle vaste médial ; • et une ostéotomie patellaire latérale afin de corriger sa concavité dysplasique.

En préopératoire, sur une radiographie à 100 %, nous avions calculé l’importance de la résection latérale à réaliser (Fig. 2). Le but était de rétablir un angle patellaire de 140◦ . Techniquement, par la voie latérale, une ostéotomie patellaire latérale à la scie oscillante guidée sur broches pour soustraction latérale de 4 mm était réalisée en allant jusqu’au cartilage qui était respecté (Fig. 3). Après fermeture, la fixation était réalisée par 2 points transosseux non résorbables. La patella étant stable et centrée jusqu’à 120◦ de flexion, il n’y a pas eu de reconstruction du ligament patellofémoral médial. La marche avec appui soulagé, protégé par une attelle, était immédiatement autorisée, la flexion étant limitée à 80◦ pendant 45 jours. À un an, la patiente n’avait aucune douleur de repos ou d’effort. Les flexions active et passive étaient à 120◦ sans flessum. La patella était stable. L’imagerie montrait une bonne consolidation osseuse des ostéotomies et un bon centrage de l’appareil extenseur (Fig. 4). L’angle patellaire postopératoire était de 140◦ . La patiente était satisfaite. L’IKDC fonctionnel était de 92 pour 44 en préopératoire et le score de Kujala passait de 53 à 94/100. 3. Discussion Le but de ce cas était de décrire une technique originale d’ostéotomie patellaire latérale dans le cas d’une patella concave.

Fig. 3. Ostéotomie latérale patellaire sur broches ostéosuturée.

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fémoropatellaire qu’il ne faut pas négliger même si l’indication d’un geste chirurgical patellaire est rare. Deux types de techniques « patellaires » ont été déjà rapportées mais avec un taux de complications souvent important. L’ostéotomie de Morsher [9], ostéotomie sagittale de fermeture antérieure, est la plus connue. Elle restaure une patella à deux facettes. Cette technique présente un taux important d’échec (10 % de résultats insuffisants) et de complications (nécrose, pseudarthrose) [18]. Saragaglia et al. [7] proposent une patelloplastie médiale (résection des 2/3 distaux de la facette médiale à la scie oscillante pour obtenir une anatomie patellaire normale proche du Wiberg 1) et obtient des résultats encourageants dans sa série avec dysplasie type facette médiale convexe. Ce cas est le premier cas rapporté d’ostéotomie patellaire par fermeture latérale pour la correction d’une dysplasie patellaire sévère. Cette technique présente les avantages suivants par rapport aux techniques précédentes :

Fig. 4. Radiographie postopératoire. A. Vue axiale avec angle patellaire corrigé. B. Vue de face. C. Vue de profil.

Cette technique doit être intégrée dans le cadre d’un traitement complet « à la carte » [11–17] de l’instabilité patellaire habituelle afin de rétablir une congruence fémoropatellaire et un alignement du système extenseur. Les 4 principaux facteurs généralement considérés sont la dysplasie trochléenne, la patella alta, le défaut d’alignement de l’appareil extenseur (mesuré par la TAGT) et la bascule patellaire excessive. Les techniques chirurgicales classiques visent à les corriger en associant plusieurs gestes [4]. Cependant, la dysplasie patellaire représente aussi un facteur d’incongruence

• d’un point de vue biomécanique, elle est plus logique car elle vise à rétablir une morphologie normale de la patella de fac¸on autostable et favorise la consolidation grâce aux forces de compression antéropostérieure au niveau de la patella en flexion de genou (contrairement à la technique de Morscher qui soumet le trait d’ostéotomie à des forces de distraction responsable de pseudarthrose) ; • techniquement, elle est simple et fiable : ◦ elle peut être réalisée par la même voie d’abord latérale que l’ostéotomie de médialisation de la TTA qui comporte une section du retinaculum latéral. Cet abord évite de fragiliser d’avantage la plan ligamentaire médial et d’endommager la vascularisation patellaire médiale (limite le risque de nécrose et de pseudarthrose), ◦ l’épaisseur de la facette latérale étant plus importante que celle de la facette médiale, elle permet de réaliser une ostéotomie de fermeture plus importante dans les formes sévères, ◦ dans la patelloplastie latérale, la résection est facilement planifiable. Nous recommandons de guider le trait d’ostéotomie par deux broches afin de limiter les risques d’erreur de coupe (Fig. 5), ◦ enfin, cette ostéotomie est autostable et ne nécessite pas de matériel d’ostéosynthèse du fait des forces de compression. L’ostéosuture au fil est suffisante. Les indications d’ostéotomie patellaire sont rares. De plus, ce geste, dans ce contexte de dysplasie sévère, est associé à d’autres gestes de correction et il est ainsi difficile d’évaluer la part de chacun

Fig. 5. Trajet de broches guidant l’osteotomie. A. Vue axiale. B. Face. C. 3/4.

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dans le résultat fonctionnel final. Comme la trochléoplastie [19], il peut parfois être réalisé comme geste de seconde intention [20–22]. Le but est de traiter à la fois l’instabilité mais aussi de diminuer les douleurs liées à l’atteinte chondrale, Ce geste présente cependant des complications potentielles à ne pas négliger [5–23] : fracture ostéochondrale, détachement distal, incongruence patellaire, sur- ou sous-correction. L’ostéotomie de Morscher est indiquée en cas de dysplasie patellaire type patella plate. La technique décrite par Saragaglia est intéressante en cas de dysplasie patellaire type facette médiale convexe. Notre technique est réalisable probablement dans tous les cas de dysplasie patellaire, des formes les plus sévères avec une patella concave au formes plus modérées. Déclaration de liens d’intérêts Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts. Annexe A. Matériel complémentaire Le matériel complémentaire (vidéo) accompagnant la version en ligne de cet article est disponible sur http://www. sciencedirect.com et doi:10.1016/j.rcot.2015.09.418. Références [1] Dejour H, Walch G, Nove-Josserand L, Guier C. Factors of patellar instability: an anatomic radiographic study. Knee Surg Sports Traumatol Arthrosc 1994;2:19–26. [2] Dejour H, Walch G, Neyret P, Adeleine P. Dysplasia of the femoral trochlea. Rev Chir Orthop 1990;76:45–54. [3] Dejour D, Le Coultre B. Osteotomies in patellofemoral instabilities. Sports Med Arthrosc Rev 2007;15:39–46. [4] Dejour D, Prado R, Mercado J. L’instabilité rotulienne chez l’adulte. In: EMC; 2007. [5] Dejour D, Saggin P. The sulcus deepening trochleoplasty – the Lyon’s procedure. Int Orthop 2010;34:311–6. [6] Dejour D, Byn P, Ntagiopoulos PG. The Lyon’s sulcus-deepening trochleoplasty in previous unsuccessful patellofemoral surgery. Int Orthop 2013;37: 433–9.

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