Ouvrir le dialogue pour comprendre l’activité. Un exemple de méthode en psychologie du travail

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ScienceDirect Psychologie du travail et des organisations 23 (2017) 77–84 www.em-consulte.com

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Ouvrir le dialogue pour comprendre l’activité. Un exemple de méthode en psychologie du travail Opening dialogue to understand activity. An example of method in occupational psychology B. Lessault EA 4132, CRTD, Inetop-Cnam, CIO, 55, rue Notre-dame-de-la-Recouvrance, 45000 Orléans, France Reçu le 17 janvier 2017 ; accepté le 17 janvier 2017

Résumé Les investigations en psychologie du travail sont conditionnées par la manière dont on observe et interprète les évènements. Lorsqu’on aborde la subjectivité, il faut comprendre ce qui est caché. Et l’angle par lequel on pose le regard détermine l’analyse. Il s’agit de mettre en avant la signification de l’action. Celui qui travaille interprète les situations, ainsi il ne peut être réduit à son action. Mais comment accéder au sens d’une conduite ? Le problème de l’interprétation se pose. Comprendre l’activité, c’est tenter d’en partager le contenu avec le sujet investigué. Du coup, l’observation directe d’un comportement n’est pas synonyme d’objectivité. À travers deux exemples de la phase préparatoire de nos enquêtes, nous présentons des personnes qui nous exposent leur activité professionnelle. Dans ces échanges, ce qui est dit dépend du mode d’entrée. L’objectif est d’engager le sujet à expliquer son travail pour le comprendre et le transformer. Pour cela, la méthodologie ne peut être qu’indirecte. Les méthodes qui en découlent permettent au sujet de parler de ce qu’il fait et de revenir sur son activité pour se développer. # 2017 AIPTLF. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Mots clés : Observation ; Interprétation ; Subjectivité ; Action ; Développement

Abstract The investigations in occupational psychology are conditioned by the way events are observed and interpreted. When we approach subjectivity, it is necessary to understand what is hidden. And the angle from which we look at determines the analysis. This is to highlight the significance of the action. Those who work interpret situations, so they cannot be reduced to their action. But how can we reach the sense of a

Adresse e-mail : [email protected]. http://dx.doi.org/10.1016/j.pto.2017.01.002 1420-2530/# 2017 AIPTLF. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

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behaviour? The problem of interpretation arises. Understanding the activity, is trying to share the contents with the subject investigated. Therefore, the direct observation of a behaviour is not synonymous with objectivity. Through two examples of the preparatory phase of our inquiries, we present persons who explain us their professional activity. In these exchanges, what is said depends on the mode of entry. The objective is to engage the subject to explain his work to understand and transform. For this, the methodology can only be indirect. The resulting methods enable the subject to talk about what he does and come back on his activity to develop. # 2017 AIPTLF. Published by Elsevier Masson SAS. All rights reserved. Keywords: Observing; Interpreting; Subjectivity; Action; Development

1. Introduction Ces dernières années nous avons réalisé des recherches visant à reconstituer le rapport subjectif au travail dans deux grands secteurs d’activité : le BTP et l’automobile. Le sens de cet article est d’essayer de comprendre l’observation et l’interprétation des situations. Il s’adresse aux personnes qui mettent en place des investigations en psychologie du travail. Quand on s’intéresse à la subjectivité, on sait en psychologie du travail que l’entrée par laquelle on peut s’avancer a son importance. C’est de cette entrée dont nous allons débattre. Les phénomènes, événements et comportements ont pour particularité d’être peu visibles, ambigus ou paradoxaux. Pour les comprendre, il faut passer par un travail interprétatif. Ce texte se limitera à présenter deux approches différentes : une directe et l’autre indirecte. L’objectif général est de permettre au sujet d’expliciter ce qu’il fait pour se repositionner. Mais avant d’aborder plus précisément ces points, un détour théorique sur les notions de travail s’avère nécessaire pour nos investigations. 2. Comprendre et interpréter l’activité Les auteurs en analyse du travail (Clot, 1999, Dejours, 2003) ont été conduits à opérer une distinction conceptuelle indispensable pour rendre compte du travail en situation ordinaire : audelà même de la distinction traditionnelle entre la tâche prescrite et l’activité réalisée (Leplat et Hoc, 1983), l’activité réalisée et le réel de l’activité ne se recoupent pas. L’observation a toute son importance. Arrêtons-nous un instant pour rappeler cette distinction entre tâche prescrite et activité réalisée. 2.1. L’analyse traditionnelle du travail Il s’agit de la distinction entre le travail prescrit et le travail réel. Les recherches et réflexions à ce propos sont parties du constat de la nécessité de distinguer entre, d’une part, le travail qui correspond à la consigne donnée par l’entreprise (la tâche) et, d’autre part, le travail réel, tel qu’il est exécuté par le travailleur (l’activité). L’étude de nombreuses situations de travail a montré que le travail réel peut s’écarter du travail prescrit, ceci a été largement démontré tant par l’ergonomie (Daniellou, Laville, & Teigner, 1983) que par la théorie des organisations. Cet écart découle de plusieurs facteurs qui ne seront pas détaillés ici, car ce n’est pas l’objectif de notre réflexion. On peut citer néanmoins « les interprétations » faites par les travailleurs, « les réaménagements » en fonction d’aléas, l’existence d’exigences contradictoires, etc.

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Les observations montent que ces écarts visent souvent à rendre le travail « possible », à permettre d’atteindre les objectifs attendus par l’organisation. Alors comment caractériser l’observation en psychologie du travail ? 2.2. L’activité n’est pas seulement ce que l’on fait L’analyse du travail, pour des raisons qui tiennent aux évolutions en cours dans la société, rencontre nécessairement l’énigme des rapports entre activité et subjectivité dans le travail humain. En effet, l’activité est à la fois contrainte et ressource pour le sujet, possibilité ou non pour lui de faire sa place comme de s’en défaire, occasion ou pas de se « déplacer » même à son insu. Pour le travailleur, la signification de l’action ne correspond pas au modèle de la tâche prescrite. Si l’activité professionnelle n’est pas seulement ce que les hommes font dans leur travail avec d’autres, mais tout autant ce qu’ils ne font pas, ce qu’ils ne peuvent y faire, ce qu’ils sentent possible de faire, voire ce qu’ils savent pouvoir faire ailleurs aussi, avec d’autres, alors on comprend que « l’opérateur » soit toujours plus grand que l’opération. Comme nous l’avons décrit plus haut, l’activité réelle du sujet peut s’écarter de l’activité « réalisée » dans la tâche qu’il accomplit. « De ce point de vue, même une inactivité manifeste peut trahir une activité psychologique débordante » (Clot, 1996, p. 27). 2.3. Le réalisé n’a pas le monopole du réel Ce qui se fait, et que l’on peut considérer comme l’activité réalisée, n’est jamais que l’actualisation d’une des activités réalisables dans la situation où elle voit le jour. Or dans cette situation le développement de l’activité qui a vaincu (Vygotski, 1925/1994) est gouverné par les conflits entre activités rivales éliminées qui auraient pu, sans doute à d’autres coûts, réaliser la même tâche. Le réel de l’activité a plusieurs destins possibles qu’aucune réalisation particulière ne peut prétendre résumer à elle seule. « Le comportement tel qu’il s’est réalisé est une infime part de ce qui est possible. L’homme est plein à chaque minute de possibilités non réalisées » (Vygotski, 1925/1994, p. 41). Lorsqu’une tâche est en cours de réalisation, des directions sont prises, des choix sont effectués pour suivre le cheminement. Les idées, les concepts sont confrontés, sont triés et ne peuvent être exposés de manière exhaustive. Les choix sont déterminants, ils pourraient être autres, connus et écartés ou encore inconnus. 3. Les séquences dialogiques 3.1. L’entrée en matière : deux exemples d’approches Nous engageons nos démarches investies des concepts énoncés. Lors de la phase préparatoire à l’analyse de l’activité de nos enquêtes, nous avons enregistré des témoignages de personnes qui nous ont expliqué leur travail. Notre objectif dans ce travail de « conception partagée » (Clot, 1999 p. 144) était d’essayer de comprendre et d’interpréter avec elles leur activité et de retenir des situations pour l’analyse. Mais nous nous sommes heurtés à la difficulté qu’ont eue les sujets de parler de leurs compétences, obstacle mis en évidence par J. Boutet (1995) cité par Dejours (2003, p. 19). Les mots pour désigner, décrire, caractériser des savoir-faire sont chroniquement déficitaires.

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3.2. L’approche directe La question qui nous préoccupe à terme est d’offrir aux sujets les moyens d’exposer leurs choix dans leur activité. Nous avons tenté par une approche directe de les aborder dans ce premier exemple. Dans l’extrait qui suit, un coordinateur de chantier nous décrit son métier et les contraintes qu’il gère. Son rôle consiste à prévoir les interventions des différents corps de métiers lorsqu’une route va être en travaux : Chercheur (1) : « Pouvez-vous nous parler de votre métier, de ce que vous faites et comment cela se passe ? » P.C. (2) : « Ca va être un peu long ! » Chercheur (3) : « Vous travaillez dans le BTP ? » P.C. (4) : « Oui, j’ai une formation de bureau d’études BTP. Je travaille dans des activités liées au transport d’énergie en réseau. Je suis passé d’une activité sédentaire en bureau d’études à une activité avec des déplacements à l’extérieur pour une partie et en bureau pour une autre. Je fais un certain nombre de démarches avec les communes et les riverains, j’ai une autonomie totale dans la gestion de mon temps ». (silence). Chercheur (5) : « Comment apprend-t-on le métier ? » P.C. (6) : « Sur le tas, on apprend beaucoup tout seul ». (silence). Chercheur (7) : « Comment pourriez vous le qualifier ? » P.C. (8) : « C’est un métier qui laisse beaucoup d’autonomie. Quand on connaît bien son sujet, on arrive à gérer son temps. Au jour d’aujourd’hui, j’ai des comptes une fois par mois à rendre. » Chercheur (9) : « Si c’est possible, pourriez vous décrire ce que vous faites quand vous traitez un chantier ? » P.C. (10) : « Je reçois un dossier ou un document qui a des informations et c’est moi qui contacte le client lors de réunions préparatoires avant le début des travaux. Ce sont des chantiers qui vont de quelques mètres de terrassement jusqu’à une distribution complète du réseau. » Chercheur (11) : « C’est une sous-traitance de EDF ? » P.C. (12) : « Ce sont des marchés qu’on a avec eux, on a la prestation complète pour l’électricité, le gaz, l’eau et France Télécom. » Chercheur (13) : « Si vous deviez confier à quelqu’un le chantier sur lequel vous êtes actuellement, quelles consignes lui donneriez-vous ? » P.C. (14) : « Déjà je ne lui confierais pas ce genre de projet parce qu’il est trop important. Parallèlement à l’aspect technique on a une partie administrative que l’on doit faire auprès des riverains, pour prendre les rendez-vous, leur expliquer ce que l’on va faire et si le cas se présente et qu’on doit mettre des coffrets chez eux voir ce que l’on peut faire. Il faut avoir à l’esprit que le tracé sur l’ordinateur est très facile, mais après il faut se projeter au niveau de la réalisation et voir ce qui est le plus intéressant, le plus rapide et avoir la notion de gain de temps ou de gain d’argent pour l’entreprise. » Chercheur (15) : « Vous dites là qu’il y a un décalage entre l’activité sur le terrain et le projet. » P.C. (16) : « Oui, un projet tient sur une feuille et c’est à moi de trouver les solutions en fonction de ce qui existe déjà. Il est quelquefois plus judicieux de faire une tranchée sous la route où il n’y a pas d’obstacle plutôt que de la faire sous le trottoir où il faudra éviter une canalisation ou un branchement gaz. » La première consigne que je donnerais serait de suivre toujours le courant : « partir de la source et aller vers le client. Vous suivez le réseau de distribution et vous répartissez les branchements. »

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Lorsque je confie une partie du projet à un collaborateur, je définis bien le cadre dans lequel il va travailler et ce que je lui demande, sachant qu’après, il me redonne le produit et qu’on le regardera ensemble, on valide ou on corrige si on a besoin comme un puzzle pour que le projet puisse être présenté. » Chercheur (17) : « Celui qui a peu d’expérience dans ce domaine ne pourrait pas comprendre le travail, même s’il en a un descriptif ? » P.C. (18) : « Disons qu’il va passer beaucoup de temps, l’expérience est difficilement transmissible. Avoir une pioche dans le coffre de sa voiture est nécessaire si on doit soulever une plaque pour savoir si on ira à droite ou à gauche. Quand on arrive sur le terrain on connaît déjà le schéma que l’on va développer. . . » 3.3. Une mise en route difficile Nous pouvons dire que le mode d’entrée dans l’échange est déterminant. Ce mode d’approche directe par des questions comme (10 ) « Pouvez-vous nous parler de ce que vous faites ? » a eu tendance à arrêter la tentative d’explication. Il ressort une certaine résistance dans ce dialogue. Au début, le sujet n’est pas arrivé à entrer dans l’exposé de son activité, ni à la faire partager. Les silences et les expressions comme (20 ) « Ca va être long ! » et (140 ) « Je ne lui confierais pas ce genre de projet. . . » sont représentatifs d’une défense. Le travail de co-conception s’est trouvé suspendu un moment. C’est seulement vers la fin qu’il a réussi à nous présenter son travail et ce qu’il fait, à donner quelques conseils et à proposer et commenter une délégation partielle de son activité (160 ). Le travail de conception partagée va commencer. Nous nous sommes heurtés aux difficultés d’énonciation. Le problème méthodologique qui se posait à Vygotski était d’inventer un dispositif, « une méthode indirecte », il faut donc repenser les modalités de l’investigation car plus on cherche à saisir ce qui est engagé dans le travail plus il est nécessaire de pénétrer dans l’expérience vécue de celui ou celle qui travaille. Les mots se dérobent lors d’une approche directe. Pour y avoir accès des méthodes ont été élaborées et décrites (Clot, 1999, 2001a). 3.4. L’approche indirecte S’inspirant de la méthodologie de l’analyse du travail pour amorcer l’explication des savoirsfaire, nous avons interrogé un groupe de professionnels du secteur de la maintenance automobile qui sont spécialisés dans les poids lourds (véhicules industriels). Ce deuxième exemple utilise cette fois-ci une approche indirecte. Les échanges dans le groupe ont commencé par la projection d’un film court qui présente le secteur de la maintenance automobile et poids lourd. On y voit des professionnels en train d’accueillir des clients, d’intervenir sur des véhicules, de contrôler, de diagnostiquer. . . Cette plaquette de présentation est composée de plusieurs parties : la réception, le diagnostic, la réparation des véhicules particuliers et industriels. Les séquences concernant les camions sont sous-représentées par rapport aux séquences montrant des voitures. Après la projection, pour lancer la discussion, nous avons demandé si cette vidéo correspondait à leur vision de la maintenance automobile et poids lourd, et ce qu’ils pouvaient en dire suivant leur pratique : C.L. (10 ) : « Cette cassette a été faite par des spécialistes automobiles et non des spécialistes VI (Véhicules Industriels) comme toujours. »

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J.M. (20 ) : « Tout est sous forme de gros, ils nous font voir de gros arrache-roulements, le gars qui peine à lever la cabine, alors que non ce n’est pas ça la maintenance VI. » Chercheur (30 ) : « Et qu’est ce que c’est ? » J.M. (40 ) : « Maintenant dans la maintenance poids lourd, pour lever une cabine, on appuie sur un bouton, c’est électrique. Et puis ce n’est pas si dur que ça de lever une cabine. » F.C. (50 ) : « Et par rapport à l’automobile, la cassette montre plus de deux minutes sur l’explication du diagnostic, alors qu’en VI le diagnostic n’est pas montré, il n’existe pas, il n’y a pas de diagnostic . . . » J.M. (60 ) : « Rien que l’en-tête : ‘‘des véhicules énormes’’. » C.L. (70 ) : « La technologie des véhicules industriels est actuellement en train de dépasser le niveau de technologie automobile et dans chaque intervention que l’on fait, on utilise une valise dialogue, on ne peut pas faire autrement. » Chercheur (80 ) : « C’est une valise pour le diagnostic ? » C.L. (90 ) : « Oui, c’est ce que le jeune du film a présenté au début pour le VP (Voitures Particulières). Aujourd’hui le camion arrive, on branche et on regarde. Tout est paramétré par des calculateurs. » J.M. (100 ) : « Si tu vas chez Renault Trucks, ils ont changé le terme, c’est plus international que véhicules industriels (VI), le passage diagnostic est un tunnel. Le camion entre dans le tunnel, le gars branche la valise, il va pianoter et il a tout l’historique et les problèmes. Le camion sort du tunnel et est dirigé vers des ateliers spécialisés : diesel, train avant, freinage pneumatique ou freinage dur . . . L’atelier est séparé par des ateliers spécialisés, le diagnostic fait parti d’un atelier spécialisé. » C.L. (110 ) : « Généralement quand le camion arrive, c’est une société qui laisse son véhicule à une entreprise de réparation. Ce véhicule doit rester le moins longtemps possible pour des questions de coûts. Un véhicule perd de l’argent s’il est immobilisé. » F.C. (120 ) : « Il faut qu’il roule. » C.L. (130 ) : « L’intérêt d’un technicien, c’est qu’il soit précis dans son diagnostic et qu’il fasse l’intervention rapide pour que le véhicule soit arrêté le moins de temps possible. » J.M. (140 ) : « Un camion rapporte entre deux à trois mille francs (300 et 450 euros) par jour et la plupart du temps il est à crédit. S’il ne roule pas, il ne rapporte rien. Dès qu’un camion entre dans l’atelier, il faut prendre ça en considération. » Chercheur (150 ) : « Vous disiez tout à l’heure que dans le VI les domaines d’études sont plus large que dans le VP. » J.M. (160 ) : « Oui, en VP le freinage c’est de l’hydraulique et on intervient très peu sur le circuit, alors que pour le VI, le freinage c’est du pneumatique. . . » C.L. (170 ) : « À chaque passage du véhicule on fait un contrôle sur le pneumatique. » J.M. (180 ) : « C’est bien plus compliqué le circuit, il y a énormément de sécurité. Un camion a trois systèmes de freinage différents : un sur les roues, un sur l’échappement et un sur la sortie de boite de vitesse. . . » C.L. (190 ) : « On n’a pas discuté du dépannage. En mécanique industrielle, on a du dépannage à faire. Ca veut dire que quand un véhicule tombe en panne, la société de réparation envoie un dépanneur qui doit dans la plupart des cas réparer sur place, en situation extrême le ramener à l’atelier, mais c’est très rare . . . » J.M. (200 ) : « Et cela jour et nuit. » C.L. (210 ) : « Jour et nuit, quelquefois autoroute ou pas. » J.M. (220 ) : « Toutes les grandes concessions ont des dépanneurs 24 h/24 h qui assurent l’assistance et dès qu’il y a un problème, il y en a un qui y va. »

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Cyril (230 ) : « La différence avec l’automobile, c’est que la société d’assistance envoie un dépanneur qui emmène la voiture à la concession et là on fait la réparation. En poids lourds, la personne qui fait ce dépannage doit prévoir les pièces en fonction de la panne et réparer sur place. » J.M. (240 ) : « C’est une des différences avec l’automobile, ce n’est pas facile, l’opinion publique se tourne vers l’automobile. » F.C. (250 ) : « Parce que c’est beaucoup plus près. Régulièrement les jeunes voient leurs parents conduire, tout le monde conduit des voitures. Le camion personne n’y pense. » C.L. (260 ) : « Mais dès qu’il a un accident, on incrimine les poids lourds. » J.M. (270 ) : « Les camions qui bloquent les routes, qui gênent, qui polluent, n’ont pas bonne réputation. » C.L. (280 ) : « Les gens sont quand même bien content de trouver les camions qui apportent les yaourts. » 3.5. Un démarrage sans obstacle Le dispositif mis en place ici n’expose pas les sujets directement. Cette plaquette de promotion des métiers de la maintenance automobile est destinée normalement aux jeunes ; son objectif est de présenter la découverte de cette activité. Cet angle d’attaque a permis à l’équipe des techniciens de se décentrer pour se centrer sur la réflexion menée. Tout au long de l’échange, cette vidéo a été le support du dialogue. L’enjeu était de les faire discuter entre eux sur leur métier, d’échanger leur vision et d’expliquer ce qu’ils font. On peut constater que le discours reste ouvert, les sujets ne se sentent pas menacés, le déroulement est fluide. Ils invitent même à communiquer et à partager la réflexion (190 ), le travail de co-analyse commence. 4. Conclusion Dans le cadre de cet article, nous ne pouvions pas présenter complètement les dialogues, ils seraient trop longs. Nous avons sélectionné juste les débuts des échanges pour montrer l’impact du mode d’entrée. Ces investigations ont fait l’objet d’un travail sur les compétences (Lessault, 2008). L’expérience peut très difficilement faire l’objet d’un témoignage. Elle n’est pas transparente et se signale même par une opacité qui pourrait la faire regarder comme énigmatique. Il faut donc réunir certaines conditions pour s’y frayer une voie. Son expression par le langage se heurte à la barrière de protection des stratégies défensives (Dejours, 2003). Le principe méthodologique ici utilisé pour tenter de lever cette difficulté accorde une place importante au mode d’entrée dans les séquences dialogiques. Ce dispositif à lui seul reste bien sûr insuffisant, notre réflexion se rapporte aux travaux de Clot pour « La clinique de l’activité » (Clot, 2001b) et aux travaux de Dejours pour la « Psychodynamique du travail » (Dejours, 1980, 1996). Si ceux qui travaillent apprivoisent les épreuves que les situations leur imposent par des « moyens détournés », l’analyse du travail use, elle aussi de « moyens détournés » pour accéder au réel de l’activité des sujets. Les méthodes en analyse du travail consistent à organiser la reprise de l’expérience vécue. En donnant l’occasion au sujet de transformer son activité en langage, elle se réorganise et se modifie. Portant sur le développement de l’activité et le développement du sujet, la méthodologie ne peut être qu’indirecte.

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Déclaration de liens d’intérêts L’auteur déclare ne pas avoir de liens d’intérêts. Références Boutet, J. (1995). Travail sémiotique dans le dialogue. Communication au colloque d’analyse des interactions, Aix-enProvence, Septembre 1991. Texte ronéote, 14 p. In J. Boutet (Ed.), Paroles au travail. Paris: L’Harmattan 268 p. Clot, Y. (1996). Les histoires de la psychologie du travail. In Approche pluri-disciplinaire. Toulouse: Octarès (2e éd. Augmentée, 1999 et 3e éd. 2002). Clot, Y. (1999). La fonction psychologique du travail. Paris: PUF (2e éd., 2000). Clot, Y. (2001a). Méthodologie en clinique de l’activité. L’exemple du sosie. In M. Santiago Delefosse (Ed.), Les méthodes qualitatives en psychologie. Paris: Dunod. Clot, Y. (2001b). Clinique de l’activité et pouvoir d’agir. In Éducation permanente (pp. 7–16) (no spécial 146). Daniellou, F., Laville, A., & Teigner, C. (1983). Fiction et réalité du travail ouvrier : Documentation française. Les cahiers français, 209, 33–45. Dejours, C. (1980). Travail, usure mentale. Essai de psychopathologie du travail. Nouvelle édition augmentée (2e éd., 1993). Bayard 2000. Dejours, C. (1996). Psychologie clinique du travail et tradition compréhensive. In Y. Clot (Ed.), Les histoires de la psychologie du travail. Toulouse: Octarès. Dejours, C. (2003). L’évaluation du travail à l’épreuve du réel. Paris: Inra. Lessault, B. (2008). Les compétences techniques et pédagogiques dans la relation école-entreprise. In L’enseignement de la mécanique poids lourd. Thèse. INETOP-CNAM. Leplat, J., & Hoc, J. M. (1983). Tâche et activité dans l’analyse des situations. Cahiers de psychologie cognitive, 3/1(46), 63. Vygotski, L. (1925/1994). Le problème de la conscience dans la psychologie du comportement. Société française, 50, 32– 47 (trad. F. Sève).