Rev Rhum [E´d Fr] 2000 ; 67 : 671-2 Pathophysiology of osteoarthritis – Joint Bone Spine 2000 ; 67 (in press) © 2000 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés S1169833000000302/REV
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Physiopathologie de l’arthrose Wim Van den Berg Service de rhumatologie, centre hospitalier universitaire Saint-Radboud, Nijmegen, Pays-Bas
arthrose / cartilage / synoviale osteoathritis / cartilage / synovial membrane
L’arthrose est définie par l’existence d’une lésion focale du cartilage articulaire associée à une réaction hypertrophique de l’os sous-chondral (ostéosclérose) et à la formation en périphérie des articulations de structures osseuses (ostéophyte). L’image d’ensemble de la pathogénie de l’arthrose peut être assimilée à un défaut de tentative de réparation. Il existe depuis de nombreuses années un débat concernant l’origine du processus arthrosique, à savoir l’os ou le cartilage. Le caractère hétérogène de la maladie complique d’autant plus la discussion. Il est généralement accepté que l’arthrose est la conséquence de multiples causes, traumatisme articulaire, surcharge biomécanique, anomalie congénitale ou acquise de la congruence articulaire, anomalie génétique d’une ou plusieurs protéines matricielles, déséquilibre de l’homéostasie synoviale. L’articulation a probablement une capacité limitée à réagir aux diverses agressions qu’elle peut subir, les lésions arthrosiques pouvant correspondre à un stade ultime commun. En revanche, les réactions synoviales et les médiateurs synoviaux impliqués dans la maladie diffèrent probablement durant les étapes initiales en fonction de la cause. Comme illustration de cette complexité, on sait que des lésions méniscales ou des ruptures ligamenteuses provoquent un changement brutal dans la répartition des charges biomécaniques subies par le cartilage et par l’os, mais entraînent aussi une tentative de réparation des tissus altérés, qu’ils soient ligamenteux ou cartilagineux. À partir des études de modèle de section du ligament croisé antérieur, il est admis que les premières modifications du cartilage articulaire consistent en une réaction hypertrophique, avec augmentation de syn-
thèse de la matrice et de son contenu. Ceci est suivi d’une augmentation du turn-over matriciel, aboutissant à une déplétion de ces composants matriciels, et finalement, à une altération et à une perte du réseau collagénique. Le stade hypertrophique précède clairement le stade lésionnel, avec la perte focale caractéristique du cartilage. Il ne fait aucun doute que dans les stades tardifs de l’arthrose, la réaction synoviale est entretenue par des particules d’usure et des microcristaux relargués du cartilage endommagé. Ces éléments vont stimuler les fibroblastes et les macrophages synoviaux, aboutissant à la synthèse de très nombreux médiateurs inflammatoires, comparables à ceux trouvés dans des arthrites inflammatoires telles que la polyarthrite rhumatoïde. Ce mécanisme peut également inclure des réactions immunes, par perte de la tolérance contre des autoantigènes du cartilage. Le concept général de l’arthrose s’appuie essentiellement sur l’activation directe du cartilage et de l’os, avec une faible participation du tissu synovial. La matrice modifiée par des contraintes, par exemple dues à des anomalies de répartition des charges ou à un traumatisme local, provoque une réaction chondrocytaire aboutissant à la formation de médiateurs chondrocytaires qui vont agir sur le cartilage par voie autocrine ou paracrine. De plus, ces médiateurs peuvent diffuser au tissu synovial, activant les macrophages et les fibroblastes synoviaux et contribuer ainsi à la perpétuation du phénomène. L’autre hypothèse pourrait être l’activation et la synthèse de médiateurs directement par le tissu synovial, à la suite d’une perturbation de son
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homéostasie, par exemple à la suite de la tentative de réparation de ligament rompu provoquant la génération de facteurs de croissance. Malgré l’absence de preuves directes de cette dernière hypothèse, il est maintenant généralement accepté qu’une synthèse excessive de facteurs de croissance est à l’origine de la fibrose tissulaire observée dans des maladies rénales ou hépatiques ainsi que dans les phénomènes de cicatrisation cutanée. Ce principe est appelé « la face cachée de la réparation tissulaire » et pourrait être appliqué également à l’arthrose. L’implication de métalloprotéases (MMP) ou d’aggrécanases dans les lésions arthrosiques reste encore débattue. Au stade final de l’arthrose humaine, on peut mettre en évidence dans le cartilage la présence abondante de néoépitopes provenant d’actions enzymatiques, le plus souvent en cas d’importante inflammation synoviale. Cependant, dans des modèles expérimentaux d’arthrose, l’implication de la stromélysine et de la collagénase (MMP 13) n’est observée qu’au pourtour des lésions focales, contrastant avec l’activité étendue de ces enzymes dans des lésions cartilagineuses de rhumatismes inflammatoires. Il a été suggéré que MMP 1 était indispensable au turn-over tissulaire normal, alors que MMP 13 serait impliqué dans les processus pathologiques. Récemment, il a été démontré que des lésions cartilagineuses arthrosiques pouvaient être induites par une surexpression locale de MMP 13 dans un modèle de souris transgénique. L’efficacité thérapeutique d’inhibiteurs de MMP 13 a été mise en évidence dans l’arthrose expérimentale mais leurs applications chez l’homme posent de gros problèmes en raison d’effets indésirables dus aux rôles physiologiques de cette enzyme. L’implication de cytokines destructrices paraît évidente, en particulier le rôle de l’IL-1, TNF, IL-17 ainsi que IL-18. Une surexpression des récepteurs à ces cytokines a été mise en évidence sur des chondrocytes arthrosiques, et les chondrocytes eux-mêmes produisent ces cytokines ce qui peut amplifier l’activité destructrice. L’inhibition de l’IL-1 dans des modèles d’arthrose chez des souris déficientes a montré effectivement l’implication de cette cytokine, même si son rôle paraît moins important comparé à celui qu’il a dans les rhumatismes inflammatoires. Les facteurs de croissance sont considérés comme des facteurs anaboliques cruciaux pour les chondrocytes articulaires. On ne sait pas encore clairement si l’arthrose est le résultat d’un défaut de stimulation de facteurs
de croissance ou au contraire provoquée par un excès d’activité de facteurs de croissance. Les chondrocytes arthrosiques ne répondent pas au principal facteur de croissance anabolique, l’IGF-1, en raison d’une production excessive d’IGF-binding proteins (IGF-BP). D’un autre côté, les chondrocytes arthrosiques ont une réactivité augmentée au TGF-β, compatible avec une exposition préalable à ce facteur de croissance. Ainsi, l’administration de cette cytokine pourrait être intéressante au stade précoce hypertrophique de l’arthrose. Le rôle du TGF-β dans la pathogénie de l’arthrose est renforcé par la preuve qu’il est capable d’induire des ostéophytes caractéristiques. Cependant, il faut attendre les essais thérapeutiques avec des inhibiteurs sélectifs du TGF-β avant de conclure sur son rôle pathogénique ou au contraire protecteur. De toute façon, étant donné les réponses perturbées des chondrocytes arthrosiques aux facteurs de croissance, il est probablement trop simple d’imaginer le traitement de l’arthrose par l’administration locale de facteurs de croissance. Les bone morphogenetic proteins (BMPs) et les cartilage-derived morphogenetic proteins (CDMPs) pourraient être plus appropriés pour améliorer spécifiquement la fonction chondrocytaire. Le dernier médiateur à mentionner ici est le métabolite oxygéné NO (monoxide d’azote). Le cartilage arthrosique produit de grandes quantités de NO, dues à la surexpression de la iNOS (NO synthase inductible). Cette surexpression de iNOS suggère une exposition préalable des chondrocytes à des cytokines telles que l’IL-1 ou l’IL-17. Le NO est également un stimulateur majeur de la synthèse de facteurs de croissance par les chondrocytes, aboutissant à une boucle de rétrocontrôle protectrice après exposition à des cytokines destructrices. En ce qui concerne le métabolisme du cartilage, le rôle exact du NO n’est pas clair puisqu’il inhibe les synthèses de protéoglycanes chondrocytaires, mais empêche également la rupture des protéoglycanes. En dehors de l’impact subtil sur les fonctions chondrocytaires, le NO pourrait être impliqué dans l’apoptose chondrocytaire. La mort cellulaire est un élément crucial des lésions érosives du cartilage arthrosique. Des études récentes sur des modèles expérimentaux d’arthrose dans des souris déficientes en iNOS suggèrent des améliorations majeures des lésions cartilagineuses arthrosiques en absence de NO. Il a d’ailleurs été rapporté des effets thérapeutiques bénéfiques des inhibiteurs de NO dans des modèles expérimentaux d’arthrose.