Annales Médico-Psychologiques 170 (2012) 202–207
DÉVELOPPEMENT PROFESSIONNEL CONTINU
Place des thérapies comportementales dans la prise en charge des insomnies The role of behaviourist therapies in insomnia treatments Isabelle Poirot Unité de sommeil, pôle psychiatrique, CHRU, rue André-Verhaeghe, 59037 Lille cedex, France
Résumé L’insomnie est une plainte fréquente dans la population générale, mais la prise en charge repose encore trop souvent sur le traitement symptomatique par hypnotiques, le plus souvent pris au long cours. Pourtant, des méthodes thérapeutiques alternatives existent et la littérature internationale en est riche. La prise en charge repose tout d’abord sur la caractérisation du type d’insomnie (insomnie d’endormissement, troubles du maintien de sommeil, éveils précoces) et de ses conséquences diurnes (fatigue, troubles attentionnels. . .) par l’entretien et la réalisation d’un agenda de sommeil. La première étape repose sur le traitement de la cause du trouble du sommeil et la correction de l’hygiène de sommeil. Dans un second temps, les thérapies comportementales (restriction de sommeil et contrôle du stimulus) ou les thérapies cognitivo-comportementales peuvent aider à la résolution de problème. D’autres outils sont également proposés : relaxation, biofeedback. . . Le traitement de l’insomnie est donc une démarche de soin personnalisée et compte tenu de l’hétérogénéité du trouble, elle ne peut pas être généralisée. Néanmoins, les thérapies comportementales et cognitivocomportementales sont désormais des gold standards. ß 2012 Publié par Elsevier Masson SAS. Abstract Insomnia is among the most common health complaints in medical practice and the most prevalent of all sleep disorders. Generally, hypnotics and sedative drugs are widespread used, despite new knowledge in medical literature. Chronic insomnia can be a symptom, a syndrome and co morbid disorder. Its diagnostic relies on subjective reports from patient and sleep diary. Different subtypes of insomnia are defined: prolonged sleep latency (sleep onset insomnia), difficulties in maintaining sleep (sleep maintenance insomnia), early insomnia or a mix of different sleep complaints (mixed insomnia). Beside nights complaints, diurnal consequences are reported, include fatigue, mood disruption impaired attention. . . First, identification and treatment of primary psychiatric disorders or medical conditions or specific sleep disorders (apnea syndrome or periodic limb movement) are essential and associated with sleep hygiene (therapeutic education). If this first step is not sufficient, behavioral therapy (BT) (stimulus control and sleep restriction) or cognitive-behavioral therapy (CBT) of insomnia have demonstrated considerable efficacy within randomized clinical trials. Other techniques exist: relaxation, biofeedback. . . But CBT or BT is gold standard. Nevertheless, treatment of insomnia is an individual course of care. ß 2012 Published by Elsevier Masson SAS. Mots clés : Hygiène veille-sommeil ; Hypnotiques ; Insomnie chroniques ; Prise en charge ; Thérapies cognitivo-comportementales ; Thérapies comportementales Keywords: Behavioral Therapy; Chronic insomnia; Cognitive-behavioral Therapy; Course of care; Hypnotics; Sleep Hygiene
Adresse e-mail :
[email protected]. 0003-4487/$ see front matter ß 2012 Publie´ par Elsevier Masson SAS. doi:10.1016/j.amp.2012.02.015
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L’insomnie est une plainte fréquente : 10 % de la population est touchée par un problème d’insomnie chronique. Tous les âges sont concernés, de l’enfance aux sujets âgés, mais le problème augmente avec l’âge [14,17]. C’est une plainte subjective de mauvais sommeil : troubles de l’endormissement, difficultés de maintien de sommeil, éveils trop précoces, plaintes nocturnes ayant des conséquences diurnes souvent non négligeables, irritabilité, troubles de concentration, troubles attentionnels. L’insomnie pose un premier problème : son hétérogénéité, séméiologique, anamnestique et étiologique (Fig. 1). Le second problème concerne la prise en charge : une consultation dédiée au trouble est indispensable. La prise en charge ne peut être que personnalisée. Le diagnostic d’insomnie repose sur une démarche active de la part du médecin, notamment par un interrogatoire précis. L’approche ne peut être que multimodale : évaluation somatique, psychologique, environnementale.
Facteur physique empêchant le sommeil (bruit, lumière, température).
Modifications des repères chronologiques (horaires de sommeil, siestes, travail posté, jet lag, activité insuffisante)
Evénements responsables d’hyperéveil (stress, hyperactivité, soucis…)
Deux modèles expliquent actuellement l’émergence d’une insomnie : modèle neurocognitif [3,20] et modèle psychobiologique [9]. Un terrain (« facteur favorisant ») favorise l’éclosion de l’insomnie : génétique, éducation, croyances par rapport au sommeil véhiculées dans la population générale (notion de sommeil réparateur en cas de maladie, besoin de huit heures de sommeil pour être en forme. . .). Un « facteur précipitant » va déclencher le processus (événements de vie, changement d’habitude de sommeil. . .). Un « facteur pérennisant » permet de perpétuer l’insomnie. Un cercle vicieux s’installe, à l’origine d’un éveil conditionné, associant les stimuli propres au sommeil à l’incapacité à dormir. Les attitudes et pensées dysfonctionnelles se développent progressivement, enfermant le patient dans un cercle vicieux inextricable, quelle que soit l’origine du trouble. Les théories d’hyperéveil et d’hyperactivation globales (cognitives, émotionnelles et comportementales) sont l’objet de nombreuses publications
Cause environnementale : Eliminer le facteur environnemental, règles d’hygiène veille-sommeil ± hypnotique pour une durée brève
Troubles du rythme circadien : Prise en charge spécifique
Insomnie d’ajustement : Régulation de l’hygiène de sommeil et ± hypnotique ou anxiolytique de courte durée.
Cause iatrogène ou substances défavorables au sommeil
Insomnie médicamenteuse : Sevrage progressif ou modification thérapeutique. Arrêt des toxiques.
Affection médicale
Insomnie secondaire à un trouble somatique traitement de la cause et hypnotique possible
Troubles psychiatriques
Insomnie liée à une affection psychiatrique : Traiter la cause, avis psychiatrique possible ± hypnotique de courte durée Thérapie cognitivo-comportementale possible si insomnie persistante
Suspicion d’un trouble spécifique du sommeil (troubles respiratoires nocturnes, syndrome de jambes sans repos, syndrome de mouvements périodiques du sommeil.)
Pensées et attitudes dysfonctionnelles par rapport au sommeil, efforts excessifs pour dormir, tension, ruminations. Fig. 1. Plainte d’insomnie (inspirée des recommandations de l’HAS).
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Insomnie secondaire à un trouble spécifique du sommeil : Adresser le patient à un centre de sommeil.
Insomnie psychophysiologique. Thérapie cognitivo-comportementale ± hypnotique transitoire. (Avis spécialisé en TCC)
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(analyses des fréquences électroencéphalographiques [EEG], en IRM fonctionnelle) : les processus de désengagement de l’éveil sont mis à mal, les processus de sommeil sont dérégulés [5].
1. CARACTÉRISER ET ÉVALUER L’INSOMNIE Le type d’insomnie (troubles de l’endormissement, difficultés de maintien de sommeil, éveils précoces, impression de mauvais sommeil), la présence ou non d’un événement ou facteur déclenchant, la durée de l’insomnie (aiguë ou chronique), les conséquences diurnes (retentissement professionnel, social ou familial), les traitements antérieurs ou actuels, sont autant de paramètres importants à déterminer et permettent de porter le diagnostic d’insomnie selon les critères de la classification internationale des troubles du sommeil [10] (Tableau 1). L’insomnie peut être aiguë (moins d’un mois) ou chronique (plus d’un mois) et touche au moins deux à trois nuits par semaine. Si l’entretien caractérise l’insomnie, l’utilisation d’un agenda de sommeil (Fig. 2) reste indispensable. L’agenda de sommeil est un outil précieux : analyse de plusieurs nuits (et journées), compréhension du trouble, réflexion du patient (prise de conscience des attitudes erronées par rapport au sommeil, mise en place des modifications comportementales) et mise en exergue du suivi évolutif de la prise en charge. L’implication du patient dans la prise en charge est renforcée par l’utilisation continue de cet outil.
Fig. 2. Exemple d’agenda de sommeil.
Tableau 1 Critères diagnostiques de l’insomnie. Le patient rapporte une ou plusieurs des plaintes suivantes Difficultés à s’endormir Difficultés à rester endormi Réveil trop précoce Sommeil durablement non réparateur ou de mauvaise qualité Les difficultés ci-dessus surviennent en dépit d’opportunités et de circonstances adéquates pour dormir Au moins un des symptômes diurnes suivants relatif au sommeil nocturne est rapporté par le patient Fatigue, méforme Baisse d’attention, de concentration, de mémoire Dysfonctionnement social, professionnel ou mauvaise performance scolaire Instabilité d’humeur, irritabilité Somnolence diurne excessive Baisse de motivation, d’énergie ou d’initiative Tendance aux erreurs, accidents du travail ou lors de la conduite automobile Maux de tête, tension mentale et/ou symptômes intestinaux en réponse au manque de sommeil Préoccupations excessives par rapport au sommeil
2. DÉFINIR LES CONDITIONS DE SOMMEIL Les critères diagnostiques d’insomnies établis dans l’ICSD 2 [11] stipulent notamment des conditions de sommeil adéquates. . . Rythme de vie, environnement, activités diurnes et vespérales, habitudes de vie, autres facteurs extérieurs (loisirs, obligations sociales et professionnelles) entrent en interaction avec le sommeil. Il est alors important de
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différencier périodes de travail, périodes de week-end ou repos et périodes de vacances.
3. DÉTERMINER L’ÉTIOLOGIE DE L’INSOMNIE Deux types d’insomnie coexistent : l’insomnie « symptôme » et l’insomnie « syndrome », cette dernière répondant aux critères proposés par le DSM-IV-R [2]. Dans le cadre des insomnies comorbides, le trouble du sommeil évolue dans un contexte particulier ; seule la résolution de la pathologie responsable peut atténuer leur impact sur la qualité du sommeil [10,16]. Les étiologies psychologiques sont de loin les plus fréquentes : les troubles dépressifs, les troubles de l’humeur, les troubles anxieux (troubles anxieux généralisés, troubles obsessionnels compulsifs, troubles phobiques). Si certaines pathologies viennent perturber les processus de régulation du sommeil (addictions, dépressions et horloge biologique par exemple), les traitements psychotropes peuvent également altérer la qualité du sommeil, comme la dérive de l’hygiène veille/sommeil. Certaines échelles d’anxiété ou de dépression peuvent être utiles. Nombreuses sont les pathologies organiques également responsables d’insomnie, par leurs conséquences directes, par leurs traitements, par leur retentissement psychologique (pathologies neurologiques, rhumatologiques, cardiovasculaires, endocrinologiques, néphrologiques, gastro-intestinales. . .). Les traitements et toxiques sont incriminés : psychostimulants, psychotropes (anxiolytiques, antidépresseurs, antipsychotiques. . .), neurotropes (anti-parkinsoniens, antiépileptiques. . .), cardiotropes, pneumotropes, hormonothérapie, anti-inflammatoires, sels d’or. . . Mais aussi tabac, alcool, cannabis. . . Les troubles respiratoires nocturnes (syndrome d’apnée du sommeil ou syndrome de résistance des voies aériennes supérieures), les troubles neurologiques du sommeil (syndrome de jambes sans repos ou syndrome de mouvements périodiques du sommeil) sont parfois révélés par la plainte d’insomnie. Leur recherche est de mise et doit être évoquée si la prise en charge spécifique de l’insomnie n’a pas le résultat attendu. L’ICSD 2 répertorie enfin les insomnies primaires : insomnie psychophysiologique, insomnie paradoxale (ou mauvaise perception du sommeil), insomnie idiopathique. Ces pathologies représentent le modèle cognitif et comportemental de l’insomnie. Si rechercher des croyances, représentations ou pensées dysfonctionnelles entraînant des conditionnements mentaux défavorables au sommeil (par exemple : lien entre la volonté de dormir « il faut que je dorme » et la certitude de l’échec) paraît logique dans le bilan des insomnies primaires, cela ne doit pas être omis dans les autres cas (Tableau 2). Cette démarche active sera reconduite tout au long de la prise en charge. Toute évolution inattendue ou insatisfaisante devra faire reconsidérer le diagnostic systématiquement (Fig. 1).
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Tableau 2 Orientation diagnostique. Insomnie d’ajustement insomnies occasionnelles et transitoires durant moins de 3 mois liée à un événement ou un stress (insomnies aiguës) Insomnie chronique sans comorbidité (anciennement insomnie primaire) Insomnie psychophysiologique : existence d’un conditionnement mental empêchant le sommeil, en dehors de toute autre cause Insomnie paradoxale ou mauvaise perception du sommeil : la plainte d’insomnie n’est pas corrélée aux résultats d’enregistrement de sommeil qui sont normaux Insomnie idiopathique : début dans l’enfance Insomnie chronique avec comorbidités (anciennement insomnies secondaires) Insomnie liée à une pathologie mentale Insomnie liée à une pathologie physique Insomnie liée à un médicament ou une substance perturbant le sommeil
4. QUAND AVOIR RECOURS À UN SPÉCIALISTE DU SOMMEIL ? Lorsque les situations sont complexes ou rebelles à une prise en charge classique, ou lorsque l’on suspecte des troubles organiques du sommeil, il est nécessaire d’avoir recours à un avis spécialisé. Si le diagnostic d’insomnie est avant tout clinique, le recours à certaines explorations est parfois nécessaire. La polysomnographie n’est indiquée en pratique courante qu’en cas de suspicion de trouble organique du sommeil (syndrome d’apnée du sommeil, syndrome de hautes résistances des voies aériennes supérieures, syndrome de mouvements périodiques du sommeil), de troubles du comportement pendant le sommeil (rythmies du sommeil, somnambulisme, troubles du comportement en sommeil paradoxal. . .), de troubles du rythme circadien, dans le cadre du bilan d’une somnolence diurne excessive, mais également lorsque l’on suspecte une mauvaise impression subjective du sommeil, ou en cas de traitement bien conduit mais inefficace. Dans certains protocoles de recherche, l’étude polysomnographique du sommeil analyse les caractéristiques architecturales et de la microstructure du sommeil. Deux ou trois nuits consécutives sont souvent nécessaires pour éviter l’effet première nuit en laboratoire [4,18]. L’actimétrie (accéléromètre, détecteur de mouvements, que le patient doit porter pendant plusieurs jours) associée à un calendrier de sommeil permet de comprendre les rythmes d’activité et de repos et reflète ainsi le rythme veille/sommeil et l’hygiène de sommeil. L’actimétrie est surtout utile lorsque le patient a un travail à horaires décalés ou lorsque l’entretien n’est pas informatif. Elle n’est pas nécessaire en première intention. 5. QUEL TRAITEMENT PROPOSER ? Une fois le diagnostic étiologique posé, le traitement de la cause doit être proposé. Néanmoins, quelle que soit l’origine de l’insomnie, des mesures d’hygiène veille/sommeil simples doivent être instaurées (éducation thérapeutique). Il est nécessaire de rechercher avec le patient ce qui dans ses comportements ou dans son environnement peut nuire au
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Tableau 3 Consignes d’hygiène veille-sommeil. Horaires de coucher et de lever réguliers, adaptés à la physiologie de chacun Respect du temps passé au lit propre à chaque individu (petit/ moyen/ gros dormeurs) Respect de la typologie circadienne de chacun (typologie matinale/ intermédiaire/ vespérale) Respect de l’environnement : chambre fraîche, aérée, calme, silencieuse, plongée dans l’obscurité. La literie doit être régulièrement changée Éviter les activités comme regarder la télévision, l’ordinateur, voire la lecture dans son lit. Éviter les excitants : tabac, alcool, café, thé, chocolat, sucreries, protéines. . . Privilégier des activités calmes pendant la soirée Privilégier une alimentation équilibrée Privilégier les activités éveillantes la journée : douches chaudes, exercices physiques, ambiance lumineuse soutenue le matin, augmentant ainsi le contraste entre sommeil et éveil par l’intermédiaire des synchroniseurs extérieurs En cas d’insomnie, la sieste doit être évitée. Notons que dans tout autre cas, si elle est brève et située en début d’après-midi, elle peut être bénéfique Ne pas regarder l’heure pendant la nuit
sommeil et l’amener à modifier ses habitudes. Les règles d’hygiène veille/sommeil sont établies à partir des connaissances physiologiques concernant la régulation du sommeil. Le sommeil est en effet soumis à deux systèmes de régulations distincts dont l’harmonisation, propre à chaque individu, est la garantie d’un sommeil de bonne qualité et réparateur : le système homéostasique (« dette de sommeil » dépendant de l’éveil précédant l’endormissement) et le système circadien (horloge biologique). Vouloir organiser son temps de sommeil sans tenir compte de sa propre réalité physiologique est de loin l’erreur la plus fréquente. Il s’agit dès lors de trouver un compromis entre les exigences socio-économiques, les loisirs et les biorythmes propres à l’individu (Tableau 3). La thérapie comportementale repose sur le contrôle du stimulus et la restriction de sommeil. Au fur et à mesure de l’évolution de l’insomnie, le sommeil et tout ce qui s’y rapporte est devenu un stimulus aversif, conditionnant le patient à être dans l’incapacité à dormir dans un lieu et à une heure normalement dédiés au sommeil. Les thérapies comportementales visent à rétablir le lien entre l’environnement du sommeil que représentent la chambre, l’heure de sommeil et le sommeil. Le contrôle du stimulus [6] permet la réappropriation des stimuli habituels de sommeil et vise à en détacher l’anxiété et la frustration liées à l’incapacité à dormir (Tableau 4). L’insomniaque, en général, augmente le temps passé au lit afin d’essayer de récupérer et sous-estime souvent le temps de sommeil effectif. La restriction du sommeil renforce les processus de la régulation homéostasique du sommeil, le sommeil dépendant de la durée d’éveil précédant l’endormissement [20]. À heure de lever constante, on demande à l’insomniaque de se coucher tardivement, de façon à ce que le temps passé au lit corresponde au temps de sommeil estimé par le patient. L’heure de coucher est adaptée alors progressivement de façon à ce que l’index d’efficacité de sommeil soit toujours égal ou supérieur à 85 % (Tableau 4).
Tableau 4 Thérapies comportementales : contrôle du stimulus et Restriction de sommeil. Consignes du contrôle du stimulus Se coucher seulement en cas de somnolence. Si éveil ou difficultés d’endormissement prolongés, se lever et quitter la chambre. Ne retourner se coucher qu’en cas de somnolence. Répéter l’étape précédente autant de fois que nécessaire. Se lever tous les matins à la même heure. Pas de sieste la journée. Consignes de la restriction de sommeil Restreindre le temps passé au lit au temps de sommeil estimé. Heure de lever fixe. Ne pas restreindre le temps passé au lit en deçà de 5 heures. Augmenter le temps passé au lit de 15 minutes en avançant l’heure du coucher, quand l’index d’efficacité de sommeil est supérieur ou égal à 85 %.
Une place particulière doit être laissée aux techniques de relaxation [13]. Ces dernières sont intéressantes dans le cadre de la maîtrise de l’état d’hyperéveil qui caractérise l’insomniaque. Elles sont particulièrement indiquées dans le cadre de l’hyperstimulation des systèmes d’éveil induite par l’hyperactivité diurne et donc les mauvaises gestions du stress, le surmenage, l’anxiété. La relaxation permet de limiter l’impact de l’hyperéveil, de contrôler les tensions psychiques et physiques. Elle favorise l’induction et le maintien du sommeil. Toutes les techniques sont possibles : training autogène de Schultz, technique de Jacobson. . . On peut également citer les techniques de biofeedback [7], l’exposition à la lumière [12] ou l’activité physique [15]. Le but n’est pas d’obtenir le sommeil mais de rechercher la détente et dédramatiser le fait de ne pas dormir. La détente peut secondairement amener le sommeil et, en cas de succès, permettre au sujet de reprendre confiance dans ses capacités à dormir. Les thérapies cognitivo-comportementales sont utilisées dans le cadre d’attitudes mais surtout de pensées dysfonctionnelles par rapport au sommeil. Parfois, les techniques précédemment citées suffisent à estomper les plaintes d’insomnie et provoquent l’extinction des pensées dysfonctionnelles par rapport au sommeil. Dans les autres cas, un programme complet doit alors être proposé. L’éducation thérapeutique (hygiène de sommeil), les thérapies comportementales sont enrichies d’un travail cognitif. Ce dernier vise à l’identification et à la critique des attitudes et croyances erronées par rapport au sommeil (utilisation des colonnes de Beck), selon un programme structuré. Les TCC peuvent être réalisées en groupe ou en individuel. Les sept ou huit séances hebdomadaires sont souvent suffisantes. Toute insomnie peut répondre à ce type de prise en charge. Leur efficacité n’est pas à démontrer : efficacité clinique subjective mais également objective (modification des fréquences EEG) [8], variations du débit cérébral en sommeil lent [19] ou modification de l’imagerie fonctionnelle (IRMf) [1]. Les traitements hypnotiques ne constituent qu’un traitement d’appoint et ne doivent être prescrits que pour une durée limitée. Les effets secondaires des hypnotiques ou anxiolytiques pris au long cours sont connus : allégement et déstructuration
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du sommeil, effets résiduels la journée, troubles de mémoire et d’attention, mais surtout dépendance, accoutumance et sevrage ! Les caractéristiques pharmacologiques de ces médicaments ne sont pas toujours congruentes avec les caractéristiques du cycle veille/sommeil physiologique (concentration maximale obtenue trop tardivement par rapport à la prise, demi-vie du médicament beaucoup trop prolongée. . .). Ils sont indiqués en cas d’insomnie aiguë ou de façon sporadique dans l’insomnie chronique (l’arrêt doit alors être stipulé dès la première prescription, ce qui nécessite une éducation thérapeutique sans faille). Les antidépresseurs sédatifs (miansérine) sont une alternative intéressante pour les difficultés de maintien de sommeil, en courte « cure ». 6. CONCLUSION La prise en charge des insomnies répond donc à une démarche de soins personnalisée. Seul le degré de motivation du patient et donc son accompagnement permettront la résolution du problème. Les consultations spécialisées sont potentiellement nécessaires, notamment en cas d’insomnies complexes, sévères ou d’évolution non attendue. Hélas, les interventions de psychiatres spécialisés dans les troubles du sommeil sont rares et se doivent d’être développées. On ne peut limiter la prise de traitements psychotropes sans proposer une alternative adaptée. Le changement passe par la formation des médecins, l’implication des psychiatres dans ce domaine, le relais dans une certaine mesure avec les médecins généralistes, le relais avec des psychologues et la formation grand public. Le diagnostic d’une insomnie est un acte complexe compte tenu de son caractère polymorphe et multidisciplinaire. En cas d’insomnie d’ajustement ou d’insomnie récente, il suffit souvent de passer un cap. Ce type d’insomnie est le plus souvent lié à une situation nouvelle, stressante, un conflit, un abus passager de psycho-stimulants ou le début d’une décompensation somatique. La prise en charge repose alors sur l’analyse du contexte, la dédramatisation du trouble, le soutien psychologique. Le traitement de la cause de l’insomnie et la régulation de l’hygiène veille/sommeil sont dès ce stade indispensables, associés parfois à un traitement hypnotique, donné si besoin ou pour une durée prédéterminée et limitée. Cette prise en charge nécessite au moins une première consultation dédiée à l’insomnie et une seconde consultation d’évaluation de l’évolution du trouble. En cas d’insomnie chronique, l’efficacité des traitements hypnotiques à long terme n’a pas été démontrée ; en revanche, accoutumance et dépendance sont dès lors plus que probables, ce d’autant plus que les hypnotiques sont des facteurs d’entretien de l’insomnie. Le sevrage progressif en traitements hypnotiques doit être envisagé, mais cela nécessite le plus souvent une prise en charge spécifique de l’insomnie. Si la prise en charge des insomnies avec comorbidités repose sur le traitement des troubles associés, il n’est pas rare que ces dernières, comme les insomnies sans comorbidités, nécessitent des thérapies comportementales
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ou cognitivo-comportementales, selon un suivi programmé et personnalisé. DÉCLARATION D’INTÉRÊTS Investigateur lors de protocole thérapeutique : Lundbeck, GSK, Sanofi-Synthelabo, UCB, Cephalon, Shering-Plough. Activités de formation financées : Malakoff Médéric, Lundbeck, Lilly. Financements de congrès :GSK, UCB, Sanofi-Synthelabo, Céphalon, France Oxygène, Sysmed, Vitalair. RÉFÉRENCES [1] Altena E, Van der Merf YD, Sanz-Arigita EJ, Voorn TA, Rombouts SA, Kuijer JP. Prefrontal hypoactivation and recovery in insomnia. Sleep 2008;31:1271–6. [2] American Psychiatric Association. Diagnostic and statistical manuel of mental Disorders. In: Text Revision (DSM-IV-TR)Fourth Edition, Washington: American Psychiatric Association; 2000. [3] Bastien CH, Vallières A, Morin CM. Precipitating factors of insomnia. Behav Sleep Med 2004;2:50–62. [4] Bastien CH, Guimond S, Lemelin S, St-Jean G, Turcotte I. Signs of insomnia in borderline personality individuals. J Clin Sleep Med 2008;4:462–70. [5] Bastient CH. Insomnia: Neurophysiological and neuropsychological approaches. Neuropsychol Rev 2011;21:22–40. [6] Bootzin RR, Epstein D, Wood JM. Stimulus control instructions. In: Hauri P, editor. Case studies in insomnia (p. 19–28). New York: Plenum Press; 1991. [7] Bootzin RR, Rider SP. Behavioural techniques and biofeedback for insomnia. In: Pressman MR & Orr WC (Eds). Understanding sleep: The evaluation and treatment of sleep disorders (p. 315-38). APA; 1997. [8] Cervena K, Dauvilliers Y, Espa F, Touchon J, Matousek M, Billiard M. Effect of cognitive behavioural therapy for insomnia on sleep architecture and sleep EEG power spectra in psychophysiological insomnia. J Sleep Res 2004;13:385–93. [9] Espie CA. Insomnia: Conceptual issues in the development, persistence, and treatment of sleep disorders in adults. Ann Rev Psychol 2002;53:215–43. [10] HAS. Service des recommandations professionnelles et service d’évaluation médico-économique et santé publique, décembre 2006. [11] ICSD 2. Classification internationale des troubles du sommeil, révisée en 2004. [12] Lack LC, Wrigth HR. Treating chronobiological components of chronic insomnia. Sleep Med 2007;8:637–44. [13] Lichstein KL. Relaxation. In: Lichstein KL, Morin CM, editors. Treatment ok late-life insomnia (p 185–206), Thousand Oaks: Sage; 2000. [14] Morin CM, LeBlanc M, Daley M, Gregoire JP, Mérette C. Epidemiology of insomnia: Prevalence, self-help treatments, consultations, and determinant of help-seeking behaviors. Sleep Med 2006;7:123–30. [15] Martin JL, Marler MR, Harker JO, Josephson KR, Alessi CA. A multicomponent nonpharmacological intervention improves activity rhythms among nursing home residents with disrupted sleep/wake patterns. J Gerontol Series A Biol Sci Med Sci 2007;62:67–72. [16] National Institute of Health. Natinal Institutes of Health State of the Science Conference statement on manifestations and management of chronic insomnia in adults. Sleep 2005;28:1049–57. [17] Ohayon MM. Epidemiology of insomnia: What we know and we still need to learn. Sleep Med Rev 2002;6:97–111. [18] Pennestri M, Adam B, Paquet J, Denesle R, Montplaisir J. First-night effect in severe psychophysiological insomnia. Sleep 2003;26:A311–2. [19] Smith MT, Perlis ML, Chengazi VU, Soeffing J, McCann U. NREM sleep cerebral blood flow before and after behavior thrapy for chronic primary insomnia: Preliminary single photon emission computed tomography (SPECT) data. Sleep Med 2005;61:93–4. [20] Spielman AJ, Saskin P, Thorpy MJ. Treatment of chronic insomnia by restriction of time in bed. Sleep 1987;10:45–56.