Plaque nodulaire du menton

Plaque nodulaire du menton

Formation médicale continue Cas pour diagnostic Ann Dermatol Venereol 2006;133:811-2 Plaque nodulaire du menton E. KHELIFA, R. BENMOUSLY, S. FENNICH...

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Formation médicale continue Cas pour diagnostic

Ann Dermatol Venereol 2006;133:811-2

Plaque nodulaire du menton E. KHELIFA, R. BENMOUSLY, S. FENNICHE, S.B. JANNET, I. MOKHTAR

U

n homme de 41 ans, sans antécédents notables, agriculteur, originaire du nord du pays, nous a consulté pour une tuméfaction érythémateuse siégeant au niveau de la région sous-mentonnière qui évoluait depuis

4 mois. L’examen cutané a retrouvé une plaque papulo-nodulaire, érythémateuse, à surface croûteuse, faisant 3 × 4 cm de diamètre (fig. 1). Le reste de l’examen somatique était sans particularité.

Service de Dermatologie, Hôpital Habib Thameur, Tunis, Tunisie. Tirés à part : E. KHELIFA, Résidence Héla, Villa n° 10, 2078 Gammarth Supérieur, Tunisie. E-mail : [email protected]

Quelles sont vos hypothèses diagnostiques ? Inscrivez-les dans le cadre ci-dessous.

Fig. 1.

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E. KHELIFA, R. BENMOUSLY, S. FENNICHE et al.

Les hypothèses diagnostiques du Comité de Rédaction ont été : – leishmaniose, – kérion, – actinomycose.

Commentaires Une pyodermite bactérienne a été suspectée, en premier lieu, mais éliminée devant la non amélioration de la lésion sous plusieurs antibiothérapies non spécifiques. Un sycosis mycosique de la barbe a été évoqué et un prélèvement mycologique demandé est revenu négatif. Devant l’origine du patient, sa profession, l’aspect nodulaire de la lésion, l’évolution prolongée et la résistance aux antibiotiques, nous avons demandé un examen parasitologique qui a isolé plusieurs corps de Leishman dans leur forme amastigote, libres et à l’intérieur des macrophages (fig. 2). Le diagnostic retenu était celui d’une leishmaniose cutanée. Étant donné le siège de la lésion et sa grande taille, notre patient a été mis sous antimoniate de méglumine (Glucantime®) par voie intramusculaire à la dose de 60 mg/kg/j pendant 15 jours avec un affaissement notable de la lésion au bout de 15 jours de traitement. La leishmaniose cutanée pose encore un problème de santé publique dans notre pays [1]. Chaque année, 1,5 million de nouveaux cas sont diagnostiqués dans le monde, parmi lesquels, 90 p. 100 surviennent en Afghanistan, Algérie, Iran, Irak, Arabie Saoudite, Syrie, Brésil et Pérou [2, 3] ; la menace concerne 350 millions d’humains dans 88 pays différents [4]. Elle est contractée par l’inoculation à la peau d’un protozoaire du genre Leishmania, à l’occasion de la piqûre d’un phlébotome. Elle est caractérisée par son polymorphisme clinique qui peut être expliqué par la diversité des espèces de leishmanies et la variabilité de la relation hôte-parasite. En

Tunisie, trois formes clinico-épidémiologiques ont été individualisées [5] : la forme sporadique du nord due à Leishmania infantum caractérisée par une lésion unique, ulcérée et croûteuse de la face entourée d’une importante zone d’infiltration, comme observée chez notre patient. La forme zoonotique est épidémique dans le centre et le sud du pays, où les lésions sont multiples et affectent fréquemment les membres. Cette forme est due à Leishmania major. La troisième forme est la leishmaniose cutanée anthroponotique, endémique dans le sud-est et due à Leishmania tropica. Le diagnostic de leishmaniose cutanée peut être rendu difficile, étant donné le polymorphisme des lésions. Celui-ci varie en fonction du siège touché, de l’immunité de l’hôte et du parasite. Ce diagnostic est d’autant plus difficile lorsque la leishmaniose survient dans une zone non endémique, où les médecins en ont une expérience limitée. La confirmation diagnostique peut se faire par l’examen direct ou la biopsie cutanée. Mais malgré la spécificité de ces deux examens, le diagnostic de leishmaniose cutanée et notamment dans les zones d’endémie, doit demeurer clinique [6]. Le but essentiel du traitement est la cicatrisation de la lésion et la diminution du risque de circulation du parasite. Notre patient a bien répondu au Glucantime® par voie générale. Les leishmanioses cutanées sont des affections parasitaires encore fréquentes dans notre pays. Leur pronostic est bon et le préjudice est essentiellement esthétique. En Tunisie, le Glucantime® (voie locale ou générale) reste le traitement le plus prescrit.

Références 1. Kharfi M, Benmously R, El Fekih N, Daoud M, Fitouri Z, Mokhtar I, et al. Childhood leishmaniasis: report of 106 cases. Dermatol Online J 2004;10:6. 2. Hepburn NC. Cutaneous leishmaniasis. Clin Exp Dermatol 2000;25: 363-70. 3. Ashford RW, Desjeux P, Deraadt P. Estimation of population at risk of infection and number of cases of leishmaniasis. Parasitol Today 1992; 8:104-5. 4. Jones JM, Vega Lopez F, Higgins E, Bowling J. Cutaneous leishmaniasis in children. A case series. J Am Acad Dermatol 2004;50:3(Suppl):175. 5. Chaffai M, Ben Rachid MS, Ben Ismail R, Ben Osman A, Makni N. Formes clinico-épidémiologiques des leishmanioses cutanées en Tunisie. Ann Dermatol Venereol 1988;155:1255-60.

Fig. 2. Corps de Leishman dans leur forme amastigote (frottis).

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6. Zakraoui H, Ben Salah A, Ftaiti A, Marrakchi H, Zaatour A, Zaafouri B, et al. Évolution spontanée des lésions de leishmaniose cutanée à Leishmania major en Tunisie. Ann Dermatol Venereol 1995;122:405-7.