Plus qu’un bref moment de gloire, Monsieur Romanow

Plus qu’un bref moment de gloire, Monsieur Romanow

PLUS QU'UN BREF MOMENT DE GLOIRE, MONSIEUR ROMANOW Jeffrey A. Nisker, MD, FRCSC Redacteur en chef Lun de mes anciens etudiants de medecine est venu m...

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PLUS QU'UN BREF MOMENT DE GLOIRE, MONSIEUR ROMANOW Jeffrey A. Nisker, MD, FRCSC Redacteur en chef

Lun de mes anciens etudiants de medecine est venu me voir pour s' excuser de sa decision de « debarquer » du « navire en detresse » qu' est Ie systeme de sante canadien, pour se joindre a la pratique medicale americaine OU Ie travail est bien remunere et Ie mode de vie, agreable. Ii voulait repayer ses « prets d' etudes astronomiques » et profiter d'un mode de vie que ne peuvent mener ses mentors au Canada. Ii sentait Ie besoin de s' excuser parce qu'il avait epouse les principes de mon cours « Compassion 101 », cons:u pour empecher les bons sentiments de se noyer dans Ie flot d' encre medicale et dans ces horaires de service de 1'education medicale qui vous devorent,l et parce qu'il avait Ie sentiment de me trahir en refusant de se sacrifier a l' autel du systeme de sante canadien. Evidemment, ses excuses n' etaient pas necessaires. Nous sommes deja fort habitues a voir nos collegues et nos condisciples off"rir leurs talents aux populations du sud. Certes, Ie Canada passerait pour hypocrite s'il pretendait avoir droit aux services des medecins qu'il forme pendant qu'il soutire a 1'Europe de 1'Est, a 1'Mrique du Sud et aux pays en developpement les medecins dont ils ont eux-memes un besoin urgent. Je 1'ai rassure en lui disant: « Tu seras un medecin compatissant, mais ce sera pour un plus petit nombre de patients, de patients americains. » Mais, dans mon fors interieur, je me fais du souci parce que Ie Canada perd un autre medecin qui a du creur, au moment OU notre pays a Ie plus besoin de medecins qui ont du creur. Et je me fais du souci pour un systeme de soins de sante qui fait partir ses medecins vers Ie sud, ou les pousse a quitter les soins obstetricaux, ou meme la medecine tout court. Dans mon cours « Compassion 10 1 », les « soins axes sur la personne »2 sont presentes comme l' ultime etape de l' evolution des soins axes sur Ie patient. Le systeme de sante canadien a abandonne aussi bien la personne soignee que la personne soignante. Tout comme les fournisseurs de soins doivent d'abord voir les personnes que sont leurs patients s'ils veulent que leurs soins soient compatissanrs,2les responsables des politiques de la sante doivent voir la personne qu' est Ie fournisseur de soins : ils doivent s'assurer que les soins que nous off"rons sont bien les soins qu' on nous a appris a off"rir et comprendre aussi que la reduction des services de sante mene et Ie systeme et les fournisseurs de soins a l' epuisement. Cet etat d'epuisement creuse un Fosse entre nous et les personnes que nous soignons, non seulement a la dinique, dans la salle d' accouchement ou de chirurgie, mais aussi au foyer. Les medecins sont frustres, eux qui doivent epauler un systeme de sante impose par des elus qui condamnent leurs electeurs JOGC

a une penurie de medecins, de soins hospitaliers et a domicile et a une formation professionnelle inadequate en matiere de prevention des maladies, tout en utilisant des dollars qui pourraient servir aux soins de sante pour reduire plutot les impots. Les patientes sont frustrees parce qu' elles doivent attendre pour nous consulter, attendre pour recevoir les resultats de leurs analyses et attendre pour etre traitees. Ces attentes multiplient leurs douleurs et peuvent raccourcir leur vie. Nous continuons de recevoir leurs mercis non necessaires pour les soins donnes, mais nous ne pouvons plus avoir la satisfaction essentielle de savoir qu'elles ont res:u les meilleurs soins possibles. Notre pratique est prise d' assaut, a la fois par les exigences de plus en plus lourdes qu'impose notre science et Ie temps de plus en plus limite que nous pouvons consacrer a notre art. Nous pratiquons en nous rappelant notre desir et notre espoir d'etre plus que de simples techniciens, manipules par les ficelles couts-efficacite. Certes, on peut apprendre aux futurs etudiants de medicine que les soins axes sur Ie cout sabordent les soins axes sur la personne, 2 sabordent les soins axes sur la patiente, 3 sabordent les irnperatifS de ProMEDS 2000,4 sabordent « Les quatre principes de la medecine familiale »,5 et la formation des futurs medecins en Ontario.6 Les futurs erudiants de medecine pourront peut-etre se contenter de soins axes sur Ie couto Mais nous, nous ne Ie pouvons pas. On dit qu'une societe compatissante se definit par la fas:on dom elle s' occupe de ses membres les plus vulnerables. Pendant un « bref moment de gloire »,7.8 qui a peut-etre dure 20 ans, Ie systeme de sante canadien s'est penche sur Ies besoins de nos compatriotes les plus vulnerables d'une maniere qui a fait du Canada un modele d'inspiration pour les autres nations. Pendant que notre systeme de sante degringole en tournoyant, comme un oiseau a l'aile cassee, les medecins se doivent d' essayer de Ie guerir avant qu'il ne s'ecrase sur Ie sol. Car, notre systeme de sante n' est pas un phenix capable de renaitre de ses cendres dans toute sa gloire. II y a de fortes chances que la creature qui renaitra soit a 1'image de ceux qui om permis ala glorieuse creature d'erre mise au bucher. Certes, nous enseignons a nos etudiants de medecine a defendre les droits de leurs patients et cette formation est maintenant aussi irnportante que celle des connaissances diagnostiques et therapeutiques. Pourtant, nous ne leur apprenons pas a defendre les droits de notre systeme de sante ou ceux des medecins. D'ailleurs, nous ne l'avons pas appris nous-memes. Notre nouveau systeme de sante doit retourner aux principes de notre ancien systeme et donner aux medecins Ie temps et Ies ressources necessaires a des soins de haute qualite. JANVIER 2002

Il doit garantir de bons soins de sante a toutes les femmes, des soins libres de ces prejuges qui ont fait leur apparition dans les soins de la reproduction au Canada et qui condamnent les femmes moins instruites et economiquement defavorisees a un manque d' acces aux traitements de l'infecondite,9 a des issues obstetricales inferieures IO- 12 et a de plus longues attentes avant d'etre traitees pour Ie cancer. 13 Plutot que de chercher a elever pour tous les normes minimales des soins dans la recherche de normes optimisees, les gouvernements provinciaux semblent determines a« offrir plus de choix pour les soins de sante », ce qui veut dire plus de choix a ceux et celles qui peuvent s'offrir, grace a l' argent, de meilleurs choix pour leurs soins de sante. La multiplicite de choix existe deja pour ceux et celles qui ont les moyens financiers d'aller aux Etats-Unis pour leur IRM ou leur prothese de hanche ou leur chirurgie cardiaque ou Ie traitement de leur cancer, ou ceux qui, au Canada meme, peuvent payer pour avoir un meilleur traitement de fecondite 9 ou un IRM « apres la fermeture » ou un traitement rapide de leur cancer. C' est parce que les Canadiens les plus influents ont ces choix qu'ils ont, par accident, contribue au deciin du systeme de sante canadien et a 1'injustice inherente a ce deciin, plutot que d' exiger de bons soins pour tous. Il y a quelque temps, j'ai rencontre la personne qui a 1'honneur d'etre responsable de rebatir Ie systeme de sante canadien. M. Romanow a pose les bonnes questions, sans I' arrogance, les idees precon<;:ues et 1'interet personnel que nous attribuons aux politiciens d' aujourd'hui et d'hier. M. Romanow nous donne, achacun d'entre nollS, l'occasion, peut-etre la derniere, de faire connaitre notre vision, personnelle et collective, d'un systeme de sante de haute qualite pour tous les Canadiens et Canadiennes. La Societe des obstetriciens et gynecologues du Canada a presente ses vues aM. Romanow: 14

Ajoutez votre voix a celles qui fa<;:onneront Ie rapport de M. Romanow parce que Ie systeme de soins de sante que nous voulons que M. Romanow donne aux Canadiens fa<;:onnera l'avenir de la societe canadienne. II est de notre devoir envers nos patientes de demander la mise en place d'un systeme de sante canadien fonde sur la compassion; il est de notre devoir envers les medecins de demander des nombres de medecins et des ressources qui permettront d' offrir un systeme de sante canadien fonde sur la compassion. II est aussi de notre devoir de « parler au nom de ceux qui nont pas de voix, » 15 Ies infirmes, les pauvres, les enfants et les vieillards, pour aider M. Romanow a faire preuve de la sagesse de Salomon dans la definition d'un systeme de sante canadien qui soit tel que Ia societe canadienne pourra briller pendant tout ce siecie et meme davantage. REFERENCES I. 2. 3.

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Au Canada, Ie nombre de naissances est demeure relativement stable, mais Ie nombre de pourvoyeurs de soins continue de diminuer. .. Les longues heures de travail et des compensations inadequates ont ete citees comme les raisons pour lesquelles les jeunes medecins de famille evitent de choisir la pratique de I'obstetrique et pour lesquelles moins de medecins choisissent de se specialiser en obstetrique ... II faut reconnaitre l'importance de retenir les professionnels en soins maternels et neonataux et il faut mettre en place des strategies pour ce faire, en tenant compte de facteurs tels que la qualite de vie, notamment, des temps de repos reguliers, des remunerations justes et une aide adequate face aux questions medicolegales... Des fosses de plus en plus larges se creusent au niveau de I' acd~s aux soins, notamment aux soins de maternite, au niveau de la confiance du public, de I'etat de crise cree par Ie manque de ressources humaines, notamment d' obstetriciensgynecologues, et d'une dependance dangereuse sur des soins fournis par des femmes exploitees. Tous ces facteurs menacent serieusement la survie de notre systeme public. JOGe

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I I. 12.

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