Pneumopathies interstitielles au busulfan Analyse histologique, evolutive et par lavage broncho-alv( olaire de trois observations J.M. VERGNON*, S. BOUCHERON**, J. RIFFAT***, C. GUY****, P. BLANC*****, A. EMONOT*
RI~SUMI~
SUMMARY
La pneumopathie interstitielle diffuse au busulfan est une affection rare et grave, consid6r6e comme like h la toxicit6 pulmonaire directe du busulfan, antimitotique alcoylant, au niveau des cellules alv6olaires. Nous rapportons trois nouveaux cas, explores notamment par lavages broncho-alv~olaires it6ratifs et biopsies pulmonaires. Tous ces malades pr~sentaient des immuns complexes circulants, des anomalies capUlaroscopiques et surtout une alv6olite lymphocytaire ou mixte au lavage broncho-alv6olaire. L'6volution clinique et fonctionnelle a 6t6 favorable chez le patient porteur d'une alv~olite lymphocytaire. L'alv6olite a parall61ement r6gress6. L'~volution par contre a 6t6 d6favorable dans les cas d'alv~olite intense et plus riche en polynucl6aires. Histologiquement, les anomalies des pneumocytes II 6taient constantes avec rar6faction des pneumocytes I, ced6me interstitiel et fibrose pulmonaire au sein de laquelle les mastocytes tissulaires n'~taient pas identifiables. Les perturbations immunologiques retrouv6es dans les pneumopathies au busulfan pourraient amplifier une r6action toxique initiale et expliquer l'6volution souvent d(ffavorable des malades m6me ~ l'arr6t de l'antimitotique.
Busulfan lung. Broncho-alveolar lavage, histological data and follow-up in three cases. Busulfan-induced diffuse interstitial pneumonia is a rare hut serious disease attributed to a direct toxic effect of busulfan (an alkylating antimitotic drug) on alveolar cells. We report three new cases explored by repeated bronchoalveolar lavages and lung biopsies. All patients had circulating immune complexes, abnormalities at capillaroscopy and above all lymphocytic or mixed alveolitis at bronchoalveolar lavage. The clinical outcome was favourable with regression of the alveolar lesions in the patient with pure lymphocytic alveolitis. It was unfavourable in patients showing severe alveolitis with polymorphonuclear cells. Histology revealed constant abnormalities of type I pneumocytes and rarefaction of type I1 pneumocytes, together with interstitial (edema and pulmonary fibrosis in which tissue mast cells could not be identified. The immunological disturbances oberved in busulfan lung might enhance an initial toxic reaction and account for the often unfavourable outcome, even after withdrawal of busulfan.
Mots-cl6s : busulfan, pneumopathie interstitielle, lavage
broncho-alv6olaire, toxicit6 pulmonaire, immunologie. La pneumopathie interstitielle du busulfan (Misulban R) est une affection peu fr6quente. A notre connaissance, seulement 60 cas ont 6t6 rapport6s. Une revue r6cente de la litt6rature (1) en r6sume leur mauvais pronostic avec une survie moyenne de trois mois apr6s le diagnostic. L'arrSt du m6dicament n'influence g6n6ralement que peu l'6volution de la maladie et les cortico'~'des n'ont pas de r61e d6cisif (1). L'affection est consid6r6e comme li6e b, la toxicit6 puImonaire directe d u busulfan au niveau des pneumocytes I et II (2). * Service de pneumologie, hOpital nord, CHU St-Etienne, avenue A. Raimond, 42277 St Priest-en-Jarez Cedex ** Laboratoire d'anatomopathologqe, h6pital Bellevue, CHU St-Etienne, bd Pasteur, 42023 St-Etienne Cedex • *** Laboratoire d'exploration fonctionnelle respiratoire, h6pital nord, CHU de St-Etienne, avenue A. Raimond, 42277 St-Priesten-Jarez Cedex **** Centre de pharmaeovigilanee, h6pital Bellevue, bd Pasteur, 42023 St-Etienne ***** Laboratoire de biochimie (Pr Revol) CH Lyon S u d Tir6s ~t part : Dr J M Vergnon, adresse ci-dessus*.
R e v M e d Interne 1988 ; 9 : 377-83.
Le busulfan est un antimitotique alcoylant d0nt l'utilisation essentielle est le traitement de la leuc6mie my61dl"de chronique (LMC). Darts cette affection, il est utilis6 g6n6ralement en monoth6rapie. A p r o p o s de t r o i s n o u v e a u x cas de pneumopathie du busulfan, nous rapportons les r6sultats des lavages broncho-alv6olaires jusqu'~ pr6sent non encore publi6s dans cette affection, ainsi que les donn6es des biopsies pulmonaires. Ces r6sultats confront6s ~ l'6volution des malades permettent un abord diff6rent de la physiopathologie de l'affection.
I. POPULATION ET MI~THODES 1. Population Cette 6tude a 6t6 r6alis6e chez trois patients de sexe masculin, ~g6s respectivement de 68, 53 et 63 arts, recevant du busulfan pour une leuc6mie my61dl'de chronique chromosome philadelphie posiRegu le 10.6.1986. Renvoi pour correction le 24.10.1986. Acceptation d6finitive le 17.2.1988.
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tiL Les doses cumul6es regues 6taient respectivement de 3 150 mg en 10 ans pour le premier malade, 820 mg en 9 mois pour le second et 1 lOOmg en 4 ans pour le troisi6me. Les patients ne recevaient aucune autre th6rapeutique.
2. M6thodes Les patients ont b6n6fici6 d'examens radiologiques et fonctionnels respiratoires visant ~ pr6ciser l'atteinte interstitietle pulmonaire, de biopsies pulmonaires transbronchiques dans le cas n ° 1 et chirurgicales clans les cas n ° 2 et 3, avec analyse optique dans les trois cas, analyse en microscopie 61ectronique et en immunofluorescence dans les c a s n ° 2 et 3. Au moins un lavage broncho-alv6olaire a 6t6 r6alis6 chez chaque patient selon la m6thode conventionnelle, avec analyse cytologique, analyse par anticorps monoclonaux des sous-populations lymphocytaires, analyse prot6ique du surnageant non concentr6 et analyse phospholipidique. L ' a n a l y s e phospholipidique d6crite par ailleurs (3) comportait l'extraction des lipides du surnageant par solvant chloroforme-mgthanol, la s6paration des lipides neutres et acides sur colonne DEAE Sefadex A 25, puis l'analyse chromatographique et le dosage densitom6tfique des divers phospholipides neutres et acides sur plaque H P T L C silicagel (Merck). Les valeurs t6moins sont celles du laboratoire 6tablies chez 11 t6moins sains. Pour ces malades ont 6t6 r6alis6es 6galement une 6tude immunologique ~, la recherche d'autres 6tiologies de pneumopathie interstitielle diffuse, une recherche d'immuns complexes circulants par la technique du C1Q pr6cipit6, une capillaroscopie digital~i~ une recherche d'hypersensibilit6 in vitro au bus~lfan par test de transformation lymphoblastiqde (TTL), test d'inhibition de migration des leucocytes (TIML) et test de d6granulation des basophiles humains (TDBH). Le suivi a 6t6 r6alis6 par examen clinique, radiographique et fonctionnel respiratoire pendant plus de deux ans.
II, RI~SULTATS 1. R6sultats cliniques et fonctionnels respiratoires Chez les trois patients, l'affection s'est r6v616e de mani6re subaigu~ et chronique par une toux s6che, avec amaigrissement secondaire de 11 kilos en moyenne, associ6 a une dyspn6e d'exercice rapidement invalidante. Un 6tat subf6brile a 6t6 constat6 dans tous les cas, de m~me que la pr6sence de cr6pitants dans les deux champs pulmonaires. Radiologiquement, existait un syndrome interstitiel diffus et les explorations fonctionnelles respiratoires (tableau I) ont montr6 chez t o u s l e s
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malades un trouble ventilatoire restrictif pur mod6r6, une alt6ration significative du transfert du • CO en apn6e. Contrastant avec des alt6rations ventilatoires mod6r6es, existait une hypox6mie s6v6re (moyenne 50 mmHg), associ6e & une hypocapnie. Cette hypox6mie 6tait stable ou s'aggravait ~ l'exercice. La compliance pulmonaire statique 6tait effondr6e constamment. Sur un plan biologique, les immuns complexes circulants ?~ un taux hautement significatif ont 6t6 retrouv6s chez les trois malades, respectivement de 45, 47 et 42 p. 100 (normale inf6rieure & 27), avec pr6sence d'IgG, de C1Q et dans un cas d'IgM. La capillaroscopie digitale a montr6 des anomalies marqu6es, 6vocatrices d'une maladie de syst~me, avec rar6faction vasculaire et n6ovaisseaux. Ces anomalies 6taient d'autant plus nettes que les patients recevaient du busulfan depuis plus longtemps. Toute autre cause identifiable de pneumopathie interstitielle a 6t6 exclue chez les trois patients sur les donn6es de l'interrogatoire : absence de prise m6dicamenteuse, de radioth6rapie, de risque pneumoconiotique ou de contact antig6nique, pouvant provoquer une pneumopathie d'hypersensibilit6; TABLEAU I DONNF,ES FONCTIONNELLES RESPIRATOIRES IN1TIALES DES MALADES Trouble ventilatoire restrictif, alt6ration modeste du transfert du CO en apn6e. Gravit6 de l'hypox6mie stable ou aggrav6e a |'exercice. Compliances statiques abaiss6es. MALADES CV (% Th) CT (% Th) VEMS/CV
(%)
DLCO/VA (% Th) PaO2 (R) mmHg PaO~ (E) mmHg (50 W 10 ran) PaCO2 (R) mmHg PaCO2 (E) mmHg (50 W 10 mn) Compliance statique (% Th)
1
2
94,6 97
78,9 71,7
65 60
83,2
79,5
68
96
64,8
91
55
46
55
56
47
33,8
36
36,8 80
"*
3
28,5
32,6 50
31,5
CV : Capacit6 vitale - CT : Capacit6 totale VEMS : Volume expiratoire maximal seconde D L C O / V A : Diffusion de l'oxyde de carbone (apn6e) rapport6 au volume alv6olaire - PaO2 : Pression partielle art6rielle d'oxyg6ne - PaCO2 : Pression partielle art6rielle de CO2 - R : Repos - E : Exercice
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Num6ro 4
T A B L E A U II • DONNI~ES CYTOLOGIQUES DES LAVAGES BRONCH()-ALVI~OLAIRES Alv6olite mixte puis lymphocytaire pure, avec pr6dominance de T auxiliaires dans le 1Cr cas. Alv6olite lymphocytaire dans le second, mixte dans le 3 ~ cas.
OBSERVATIONS
Volume recueilli/ inject6 (cm~) Cellularit6 Macrophages (%) Lymphocytes (%)
Polynucl6aires neutrophiles % Polynucl6aires 6osinophiles
1
3
2
lO/85
VALEURS NORMALES
9/85 (sous cortic6ides)
6/86 (sans cortico'fdes)
9/85
12/85
62/150 13,5.10~ 44 36
78/150 90.10" 31 60 dont 65 CD3 + 59 CD4÷ 4 CD8÷ 2 Cel. B
40/150 3.10~ 61 36
20
9
3
1
5
64
~< 1
0
0
0
0
0
7
0
40/150 50/150 100/150 4,2.104 2,7.1@ 61.106 39 74 7 60 21 22
~< 10.10~ 85-90 10-15
T A B L E A U III DONNI~ES BIOCHIMIQUES DES LAVAGES BRONCHO-ALVI~OLAIRES Augmentation nette initiale des prot6"fnes totales dans les trois cas. Dans le c a s n o 2, normalisation progressive des prot6Ynes totales, hausse particuli6re des IgG, avec synth6se locale probable (rapport I g G / A l b ) . Perturbations phospholipidiques alv6olaires avec, globalement, hausse des phospholipides totaux. R6duction de la phosphatidy-choline au profit des sphingomy61ines. Hausse du phosphatidyl-inositol. OBSERVATIONS
Prot6mes totales (mg/100 ml) Albumine (rag/1 O0 ml) IgG (rag/100 ml) IgA (mg/100 ml) Phospholipides totaux nmol ph/ml , Phosphatidyl-choline (%) Sphingomy61ine (%) Phosphatidyl6tanolamine (%) Phosphatidyl-glyc6rol (%) Phosphatidyl-inositol (%)
VALEURS NORMALES n=ll
2 9/85 (sous cortico'fdes)
6/86 (sans cortico'rdes)
9/85
10/85
12/85
38 • 16 4,8 2,3
38 21,6 9,4 5,4
100 27,4 13,4 3,6
45 23,7 11,6 2,6
13 9,2 0,34 0,2
69,6 58,4 16,3
-
60 13,0
57 16,0
115 50 14,0
12,7 7,5 1,8
-
5,0 12 5,2
4,2 11 3,7
18,0 5,1 6,2
67 12,5 14,9 4,4
5,4 1,3 _ 0,7 0,58 _+ 0,3 0,5 + 0,3 13,6 +
34,9 + 10,8 67,4 + 2,6 7,1 ___ 1,3 10,9 + 2,1 8,4 + 1,9 1,3 + 0,6
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sur les donn6es biologiques : absence de pr6cipitines sp6cifiques, absence d'auto-anticorps. Une pathologie pulmonaire de type infectieux chez ces patients immunod6prim6s a 6galement 6t6 exclue, notamment par les recherches virales, examen direct et s6rologies, bact6riennes, parasitaires (Pneumocystis carinii) et fongiques sur le s6rum, le lavage broncho-alv6olaire et la biopsie pulmonaire. Une r6action immunoallergique in vitro au busulfan n'a 6t6 constat6e que chez le malade n ° 2, gr~.ce ~ un T I M E constatant une inhibition sp6cifique ~ la concentration de 0,10 microgrammes. II n'y avait pas d'inhibition de migration pour des concentrations plus hautes ou plus basses (gamme r6alis6e de 0,01 ~ 2 microgrammes). L'examen a 6t6 r6alis6 en l'absence de corticoth6rapie. Pour les patients n ° 1 et n ° 3 les tests in vitro sont rest6s n6gatifs mais ont 6t6 r6alis6s sous traitement cortico'l'de.
2. R6sultats des lavages bronchoalv6olaires Chaque malade a b6n6fici6 d'au moins un lavage broncho-alv6olaire (LBA) r6alis6 avant la biopsie pulmonaire. Le patient n o 1 a 6galement b6n6fici6 d'un second lavage au cours de l'6volution, tandis que le patient n ° 2 6tait surveill6 par 3 L B A successifs. Les donn6es des lavages sont regroup6es dans les tableaux II et III. On notait la pr6sence d'une alv6olite de type mixte, lymphocytaire et polynucl6aire neutrophile, darts le c a s n ° 1, alv6olite devenant en cours d'6volution et apras ar-
r6t des corticofdes plus intense, de type lymphocytaire, ~ pr6dominance T auxiliaire. Au niveau prot6ique, on constatait une 616vation stable des prot6ines totales et des immunoglobulines. II existait de plus des perturbations des phospholipide~ alv6olaires avec diminution de la phosphatid choline au profit des sphingomy61ines. Le patient n ° 2 a b6n6fici6 de 3 L B A mettant en 6vidence une alv6olite lymphocytaire pure, mod6r6e en intensit6, avec perturbations prot6iques intenses, 616vation particuli6re des immunoglobulines G. Ces perturbations disparurent au cours du temps sur les lavages ult6rieurs. Des alt6rations phospholipidiques identiques ont 6t6 constat6es. Le patient n ° 3 n'a b6n6fici6 que d'un seul lavage broncho-Mv6olaire montrant une alv6olite mixte ?~ pr6dominance de polynucl6aires. Les perturbations prot6iques et phospholipidiques 6taient de m6me nature.
3. Resultats des biopsies pulmonaires Le premier patient a b6n6fici6 d'une biopsie pulmonaire transbronchique, constatant une fibrose interstitielle collagbne peu cellulaire, avec hypertrophie des pneumocytes II. Le second patient a b6n6fici6 d'une biopsie pulmonaire chirurgicale constatant en optique un oed6me interstitiel consid6rable, une fibrose collag6ne, une hypertrophie pseudotumorale des pneumocytes II (fig. 1) et la disparition aux colorations-sp6cifiques des mastocytes intrapulmonaires. En microscopie 61ectronique, les pneumocytes II pr6sentaient une hypertrophie r6guli6re (taille multipli6e par 3). On
Fig. 1 Biopsie pulmonaire chirurgicale Malade N O2 : microscopie optique x 250 : hypertrophie pseudotumorale des pneumocytes II faisant saillie dans la lumi~re alv6olaire.
Tome IX
Pneumopathies interstitielles au busulfan
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Num6ro 4 notait une rar6faction des pneumocytes I e t une perte de recouvrement alv6olaire. Dans l'interstitium, existait une fibrose collag6ne avec nombreux myofibroblastes. Aucun d6pSt sp6cifique d'immunoglobulines ou de compldment n'6tait d6tect6 en immunofluorescence." Chez le troisi~me malade, la biopsie pulmonaire a montr6 une fibrose interstitielle irr6guli6re fi pr6dominance p6ribronchique associ6e fi une bronchiolite. L'hypertrophie des pneumocytes II a 6t6 constat6e avec desquamation de ceux-ci dans la lumi6re alv6olaire. On notait l'oblit6ration par une fibrose concentrique de nombreux vaisseaux art6riolaires. Les mastocytes n'ont pas 6t6 retrouv6s, ni en optique, ni en 61ectronique. En immunofluorescence aucun d6pSt sp6cifique n'a 6t6 constat6.
4. Analyse 6volutive Le premier patient est d6c6d6 d'insuffisance respiratoire et de surinfection broncho-pulmonaire opportuniste, deux ans apr6s le diagnostic de l'affection. Au cours des six premiers mois, on a assist6 5 une am61ioration spirom6trique avec normalisation des volumes, normalisation de la gazom6trie de repos mais persistance d'alt6rations marqu6es de la diffusion du CO et d'une hypox6mie d'exercice pour un effort minime (chute de 20 m m H g ) . Cette am61ioration initiale a 6t6 obtenue sous cortico'fdes associ6s fi des cures de CDP-choline 500 m g / I M par jour. Ce dernier traitement a 6t6 r6alis6 fi trois reprises sur des p6riodes de un mois et chaque fois a entrain6 une am61ioration de plus de 15 mmHg de la Pa02 de repos et d'exercice. Le gain gazom6trique s'est att6nu6 dans les p6riodes sans CDP-choline. L'image radiologique n'a cependant pas 6t6 modifi6e. Apr6s cette pdriode favorable, le trouble restrictif s'est progressivement aggrav6 sans influence favorable de l'intensification des cortico'fdes avec chute progressive du transfert du CO. La gazom6trie de repos est rest6e normale avec aggravation progressive ?a l'exercice. La compliance pulmonaire statique et dynamique est rest6e abaiss6e comme au d6but de l'affection. Le patient n ~' 2 a re~u initialement, apr6s arr6t du busulfan, un traitement cortico'l'de et de la CDP-choline pendant un mois, puis un traitement cortico'ide seul. L'6volution favorable est apparue rapidement avec normalisation de l'auscultation pulmonaire, de la radiographie pulmonaire et de l'exploration fonctionnelle en trois mois. La normalisation a port6 sur la spirom6trie, la gazom6trie de repos et d'exercice et la compliance pulmonaire statique. La diffusion du CO est rest6e 16g6rement alt6r6e. Tout traitement corticol'de a 6t6 arr6t6 au bout de trois mois. Le r6sultat actuel favorable se maintient deux ans apras le diagnostic. L'6volution du troisi6me patient a 6t6 d6favorable, malgr6 la corticoth6rapie, conduisant ?a son
d6c6s par insuffisance respiratoire restrictive terminale et surinfections opportunistes et nosocomiales quatre mois apr6s le diagnostic.
III. DISCUSSION Chez ces trois patients, le diagnostic de pneumopathie du busulfan a 6t6 retenu sur la notion de pneumopathie interstitielle, sans autre cause identifi6e chez des patients prenant du busulfan (4) et qui pr6sentaient histologiquement une hypertrophie pseudotumorale des pneumocytes II, anomalie histologique tr6s fr6quente sans 6tre pathognomonique de cette affection (1). Le tableau clinique des patients, les donn6es fonctionnelles et 6volutives correspondent aux donn6es de la litt6rature de la pneumopathie du busulfan (1, 2, 4). Deux des trois patients sont d6c6d6s de leur affection. La physiopathologie de la pneumopathie au busulfan fait intervenir, pour la plupart des auteurs, des ph6nom6nes toxiques (4, 5). Cependant, des ph6nom6nes immunoallergiques ont 6t6 discut6s, notamment par Oliner et coll. (6) dans l'observation princeps de l'affection, par Miyashita et coll. (7) sur les constatations histologiques. Les donn6es de cette 6tude apportent des arguments pour la mise en jeu de ph6nom6nes immunitaires. 1. La pr6sence de complexes immuns circulants fi un taux 61ev6 chez les trois patients, pr6sence non habituelle dans la L M C . Ces immuns complexes n'ont cependant pas 6t6 retrouv6s au niveau pulmonaire. 2. La pr6sence d'un TIML positif au busulfan chez le patient n o 2, test reconnu comme un des plus fiables dans la d6tection de r6action allergique m6dicamenteuse (4). 3. La pr6sence d'un lavage broncho-alv6olaire lymphocytaire, type d'alv6olite essentiellement retrouv6e dans les pathologies immunoallergiques ou dysimmunitaires (8). Cette alv6olite lymphocytaire semble d'ailleurs li6e au pronostic de l'affection, puisque le patient ayant gu6ri pr6sentait une telle alv6olite lymphocytaire corticosensible. 4. La disparition des mastocytes au niveau de la biopsie pulmonaire est un ph6nom6ne qui a 6t6 tr6s r6cemment d6crit (9). Les mastocytes sont en fait pr6sents mais d6granul6s et non d6tectables par les techniques histochimiques habituelles. Cette d6granulation mastocytaire est d'ailleurs essentiellement retrouv6e dans les fibroses et les pathologies d'ordre immunologique et jouerait un r61e dans la gen6se de cette fibrose (9, 10). 5. Dans le cas du patient n ° 1, la rechute fonctionnelle respiratoire s'est r6alis6e de fagon parall~le 5 une intensification de l'alv6olite lymphocy-
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taire, alors m6me que le patient ne recevait plus de busulfan depuis plus de neuf tools. Une aggravation de ce type, en l'absence de prise m6dicamenteuse toxique, 6voque plut6t l'intervention de ph6nomb, nes immunologiques p6rennisant l'affection de faqon ind6pendante d'un 6ventuel toxique initial. L'intervention de ces ph6nom~nes immunologiques 6ventuellement associ6s ~ des ph6nom6nes toxiques est d'ailleurs l'hypoth6se retenue actuellement dans la physiopathologie d'une autre pneumopathie m6dicamenteuse, la pneumopathie l'amiodarone (11, 12). Au cours de la pneumopathie au busulfan, un des m6canismes physiopathologiques propos6 par expliquer la fibrose est l'atteinte toxique des pneumocytes II, avec alt6rations quantitatives et qualitatives du surfactant, ced~me interstitiel et fibrose pulmonaire secondaire (5). Ces anomalies phospholipidiques du surfactant ont 6t6 constat6es chez nos patients, de m~me nature d'ailleurs que celles que l'on retrouve au cours des fibroses interstitielles diffuses (3), au cours de la pneumopathie pr6coce d'irradiation (13) ou au cours des atteintes interstitielles m6dicamenteuses l'amiodarone (14) ou ~t la bl6omycine (15). Ces anomalies paraissent donc ~tre assez ubiquitaires de l'agression pulmonaire interstitielle et non sp6cifiques de la fibrose au busulfan. Cette fibrose passe probablement par un stade initial d'ced6me interstitiel puis de fibrose ~. base de collag6ne III, phase r6versible sous l'effet des cortico'fdes (16). Notre second patient e n e s t l'exemple. Traits rapidement, son affection s'est av6r6e r6versible. I1 pr6sentait une affection aigu~, apr~s une dose cumul6e de busulfan faible et son tableau g6n6ral 6voquait assez une pneumopathie immunoallergique. Pour les deux autres patients, la fibrose beaucoup plus 6volu6e 6tait irr6versible ou 6volutive. Ces patients d'ailleers recevaient du busulfan depuis beaucou? plus longtemps, avec des doses cumul6es plus importantes. L'ensemble des auteurs (1, 17) s'accorde sur la n6cessit6 de faire un diagnostic aussi pr6coce que
possible de la pneumopathie au busulfan, de mani6re ~ se retrouver dans une phase r6versible de l'affection et on a propos6 la scintigraphie au gallium (17) pour une d6tection pr6coce. Le LBA semble ~tre aussi un moyen de d6tecter pr6cocement la r6action pulmonaire m6dicamenteuse. En cas d'affection d6clar6e, le traitement cortico'fde semble ~tre une th6rapeutique de choix et dolt ~tre utilis6 ~ dose importante (6). Nos r6sultats obtenus par la CDP-choline, notamment au niveau gazom6trique, sont conformes aux r6sultats obtenus dans les fibroses interstitielles (18). La CDPcholine corrige les anomalies du surfactant, am6liore le shunt gazom6trique, r6duit probablement l'oed6me interstitiel. Mais, il n'est pas possible d'affirmer, sur ces donn6es pr61iminaires, la possibilit6 d'un effet th6rapeutique de type physiopathologique.
En conclusion, ce travail montre la pr6sence, au cours des pneumopathies interstitielles du busulfan, d'une alv6olite lymphocytaire ou mixte faisant 6voquer la participation des ph6nom6nes dysimmunitaires dans la gen~se ou l'entretien de l'affection. La pr6sence d'une alv6olite lymphocytaire dans de tels cas paraR ~tre de meilleur pronostic que la d6tection d'une alv6olite plus riche en polynucl6aires. Le LBA .peut ~tre propos6 au m~me titre que la scintigraphie au gallium, comme moyen de d6tection pr6coce des pneumopathies m6dicamenteuses du busulfan. Les donn6es histologiques pulmonaires retrouvent, outre les classiques anomalies des pneumocytes I e t II, une probable d6granulation des mastocytes tissulaires qui peuvent participer ~t la fibrogen6se pulmonaire. REMERCIEMENTS
Nous remercions Mlle Evelyne Faure pour la pr6paration du manuscrit et le laboratoire Takeda pour son aide technique ~ la r6alisation des dosages phospholipidiques.
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Num6ro 4
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