Gynécologie Obstétrique & Fertilité 39 (2011) 392–393
DÉBAT
Pour la résection systématique d’une cloison utérine avant toute grossesse Systematic section of uterine septum before any pregnancy: Pros S. Oden Service de gynécologie-obstétrique, CHU Charles Nicolle, 1, rue de Germont, 76000 Rouen, France Disponible sur Internet le 18 mai 2011
Mots clés : Cloison utérine ; Hystéroscopie ; Résection ; Fertilité Keywords: Uterus septa; Hysteroscopy; Section; Fertility
L’existence d’une malformation utérine, et plus précisément d’une cloison intracavitaire, est source d’inquiétude pour les patientes et pose un problème de prise en charge. Si la gestion de ces cloisons est désormais consensuelle après plusieurs épisodes de fausses couches précoces ou tardives, ou encore après un accouchement très prématuré, elle reste débattue lorsqu’il s’agit d’une découverte « fortuite » avant tout projet de grossesse [1]. Il faut alors prendre en compte les différents éléments de la balance bénéfices/risques avec d’un côté les risques chirurgicaux et de l’autre les bénéfices attendus sur la fertilité et la prématurité. Le risque chirurgical comprend essentiellement les complications peropératoires, les synéchies à distance et les ruptures utérines en cas de grossesse. Les complications opératoires sont dans la revue de la littérature de Nouri et al. [2] de 1,7 %, principalement dues aux perforations utérines (1,1 %). Dans cette revue de 18 études regroupant 1501 patientes, seulement 15 % des résections étaient accompagnées d’une cœlioscopie concomitante, sans que cette pratique n’entraîne une diminution du taux de perforation utérine. Cependant, cette option chirurgicale nous semble pertinente sur plusieurs points : elle permet une exploration de la cavité pelvienne (dans les cas de douleurs chroniques ou d’infertilité), de faire un diagnostic précis du type de malformation (et de redresser un diagnostic d’utérus bicorne par exemple), de contrôler la résection
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hystéroscopique sous deux angles de vue et, en cas de perforation, d’en faire le traitement immédiat. Certains ont proposé la section de cloison sous contrôle échographique, ce qui permet de mieux apprécier l’épaisseur de myomètre restant mais non d’explorer la cavité péritonéale [3]. Dans les semaines suivant une résection hystéroscopique de cloison utérine le risque de synéchies est très faible : dans les séries étudiées par Nouri [2], les taux observés sont compris ente 0 et 3,1 %. Pour les éviter, la prise d’œstrogènes en postopératoire n’a pas fait preuve de son efficacité et les agents antiadhérentiels sont encore en phase d’essai. Afin d’en faire le diagnostic, un contrôle échographique ou hystérographique est possible, mais le contrôle hystéroscopique souple a notre préférence puisqu’il permet dans le même temps de faire le traitement d’une éventuelle synéchie. Enfin, à distance d’une résection hystéroscopique de cloison, le risque de rupture utérine existe comme l’ont souligné Sentilhes et al. [4], mais reste exceptionnel avec seulement neuf cas de ruptures utérines publiées entre 1980 et 2004. Cependant, la connaissance d’une section de cloison utérine doit faire considérer l’utérus comme cicatriciel avec les mesures de précaution nécessaires avant et pendant le travail, sans pour autant justifier la césarienne systématique. Dans tous les cas, les complications décrites sont très probablement largement surestimées car le matériel utilisé a évolué : il ne devrait plus être question d’utiliser le glycocolle et le résecteur imposant des dilatations cervicales délabrantes. Le courant bipolaire et l’hystéroscope de 3 mm de diamètre sont à privilégier pour
1297-9589/$ see front matter ß 2011 Elsevier Masson SAS. Tous droits re´serve´s. doi:10.1016/j.gyobfe.2011.04.008
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réaliser non pas une résection mais bien une section de la cloison utérine. Les risques encourus étant faibles, quels bénéfices peut-on attendre d’une résection hystéroscopique de cloison chez une patiente nulligeste ? Aucune étude n’a à l’heure actuelle tenté de répondre à cette question par un travail prospectif randomisé comparant l’abstention thérapeutique à la section préventive de cloison. Cependant Mollo [5] a comparé les taux de grossesses et d’enfants nés vivants entre deux groupes de couples infertiles : le premier après section de cloison lorsqu’elle est la seule cause retrouvée, le second sans aucune cause d’infertilité retrouvée. Cette étude prospective contrôlée a ainsi retrouvé respectivement 38,6 % de grossesses et 34,1 % d’enfants nés vivants dans le groupe section contre seulement 20,4 % et 18,9 % dans le groupe-témoin. Ainsi, même si l’on ne retrouve pas plus d’anomalies müllériennes parmi les patientes stériles [6], la section de ces cloisons ne pourra qu’augmenter la fertilité de ces couples. Parmi les patientes nulligestes ayant une découverte fortuite de cloison utérine, nombreuses sont celles qui auront une infertilité ou des complications obstétricales en l’absence de geste de résection, avec selon Raga 26 % de fausses couches précoces, 6,3 % de fausses couches tardives et 14,8 % d’accouchements prématurés [7]. À ces complications s’ajoutent les retards de croissance intra-utérins et les présentations du siège ou transverses. Dans sa méta-analyse de 2000 reprenant 658 patientes avant et après métroplastie, Homer retrouvait 88 % de fausses couches et 9 % d’accouchements prématurés avant traitement contre respectivement 14 et 6 % après traitement [8]. Certaines patientes ne tireront peut-être aucun bénéfice d’une prise en charge précoce de ces malformations, mais le raisonnement est le même que celui d’une chimiothérapie adjuvante administrée à une patiente sur un simple risque métastatique : une situation à risque peut faire recommander un traitement préventif. Ainsi une résection de cloison prophylactique doit permettre d’éviter chez ces patientes de nombreuses fausses couches précoces ou tardives et des naissances prématurées avec la morbi/mortalité néonatale résultante. La découverte fortuite d’une cloison utérine chez une patiente nulligeste est rare. En effet, le plus souvent, un examen d’imagerie pelvienne est prescrit pour un bilan de douleurs ou d’infertilité. Chez ces patientes symptomatiques, en dehors de toute grossesse, une exploration cœlioscopique sera le plus souvent proposée, associée à une hystéroscopie pour étayer le diagnostic de cloison utérine. La question posée est celle de la légitimité d’une prise en charge chirurgicale de cette cloison utérine par résection hystéroscopique avant même que l’utérus n’ait fait l’expérience d’une grossesse. À l’époque où seule existait l’intervention de Brett-Palmer, on conçoit que l’on n’intervenait qu’après plusieurs complications obstétricales. Cette technique délabrante n’est en rien comparable aux frappes chirurgicales modernes que constituent les sections de cloisons par hystéroscope de 3 mm de diamètre. Ces
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techniques sont sans danger et ont prouvé leur efficacité. Puisque la fertilité est améliorée dans les études comparant la section à l’abstention thérapeutique chez les couples infertiles, elle sera au pire inchangée pour les patientes qui auraient une fertilité normale malgré leur malformation utérine ! Il en est de même pour le risque de fausses couches : elles sont diminuées après traitement des cloisons chez les patientes aux antécédents de fausses couches à répétition, elles ne seront certainement pas augmentées chez celles n’ayant jamais eu de grossesse. Si la section prévient ne serait-ce qu’une prématurité à 30 semaines d’aménorrhée (SA) ou moins, avec tout ce que cela comporte, cela n’a pas de prix : est-il éthique de ne proposer un traitement que quand l’accident est survenu ? Et dans ce cas, comment définir précisément l’antécédent obstétrical justifiant un traitement de la malformation : une fausse couche, deux fausses couches, trois fausses couches ? Un antécédent de prématurité à 30SA, à 32SA, à 34SA ? À l’évidence un traitement préventif peut s’avérer parfois inutile mais un traitement curatif aussi. . . les exemples en médecine sont nombreux ! Pour tous ces arguments la section hystéroscopique de cloisons utérines sous contrôle cœlioscopique, avec mise en place d’un produit anti-adhérentiel de type acide hyaluronique, puis un contrôle hystéroscopique souple à distance nous semble être une méthode reproductible, efficace, sûre, moderne et éthique qui évitera un très grand nombre de drames à des couples ayant un désir de grossesse. DÉCLARATION D’INTÉRÊTS L’auteur déclare ne pas avoir de conflits d’intérêts en relation avec cet article. RÉFÉRENCES [1] Yazbeck C, Fauconnier A, Pouly JL. Reproductive surgery. J Gynecol Obstet Biol Reprod (Paris) 2010;39(8 Suppl 2):S75–87. [2] Nouri K, Ott J, Huber JC, Fischer EM, Stogbauer L, Tempfer CB. Reproductive outcome after hysteroscopic septoplasty in patients with septate uterus–a retrospective cohort study and systematic review of the literature. Reprod Biol Endocrinol 2010;8:52. [3] Querleu D, Brasme TL, Parmentier D. Ultrasound-guided transcervical metroplasty. Fertil Steril 1990;54(6):995–8. [4] Sentilhes L, Sergent F, Roman H, Verspyck E, Marpeau L. Late complications of operative hysteroscopy: predicting patients at risk of uterine rupture during subsequent pregnancy. Eur J Obstet Gynecol Reprod Biol 2005;120(2):134–8. [5] Mollo A, De Franciscis P, Colacurci N, Cobellis L, Perino A, Venezia R, et al. Hysteroscopic resection of the septum improves the pregnancy rate of women with unexplained infertility: a prospective controlled trial. Fertil Steril 2009;91(6):2628–31. [6] Acien P. Incidence of Mullerian defects in fertile and infertile women. Hum Reprod 1997;12(7):1372–6. [7] Raga F, Bauset C, Remohi J, Bonilla-Musoles F, Simon C, Pellicer A. Reproductive impact of congenital Mullerian anomalies. Hum Reprod 1997;12(10):2277–81. [8] Homer HA, Li TC, Cooke ID. The septate uterus: a review of management and reproductive outcome. Fertil Steril 2000;73(1):1–14.