Rev MCd Interne 1999 ; 20 : 563-5 0 Elsevier. Paris
Pourquoi
kditorial
les crithes
diagnostiques
du diabkte
ont-ils 6t6 modifik
?
J.F. BlickE, J.M. Brogard SrnGr
de nz6decirze
infmre
B. h6pituu.u (Requ
urrivrnituirrs
de Strmhourg.
le 14 dCcembre
diabkte / byperglykmie modktie g jeun / intolhance diabetes mellitus / impaired fasting glucose / impaired
1998: accept6
1. place
de I’Hrjpitul,
le Icl avril
67091
Stvxbourg
cede& Frunce
1999)
au glucose / crithres diagnostiques glucose tolerance / diagnostic criteria
Deux groupes d’experts, l’un dCsignC par I’American Diabetes Association, l’autre par l’organisation mondiale de la santC (OMS) ont rtkemment propok, & quelques mois d’intervalle, une rCvision de la classification des diabktes prenant en compte 1’Ctat actuel des connaissances physiopathologiques et inkgrant en particulier les progrks de la gknktique, tout en faisant abstraction de considkrations d’ordre thCrapeutique. Ces mCmes experts ont pr6n6 un abaissement de la valeur seuil de la glyckmie B jeun dkfinissant le diabkte [ 1, 21. S’agit-il d’un changement arbitraire ou cette proposition repose-t-elle sur des bases rationnelles et quelles en seront les consCquences en termes de santC publique et d’kconomie ? Avant 1979, la plus grande confusion rkgnait dans les mkthodes d’exploration des troubles de la to16 rance au glucose, leur dkfinition et la terminologie employke. Le rapport du National Diabetes Data Group, suivi par celui de I’OMS en 1980 ont eu le mCrite, d’une part de fixer des bornes glyckmiques sur la base d’un test standardisk, I’hyperglyckmie provoqute par administration de 7.5 g de glucose (HGPO) avec dktermination de la glycCmie au temps 0 et B la deuxikme heure et, d’autre part, d’imposer des d&ominations universelles et cohkrentes [3 1. Le diabete ttait ainsi dCfini : - soit par I’existence d’une glyckmie casuelle sup& rieure ?I 2 g/L en prksence de signes cliniques ; - soit par une glyckmie ?3jeun supkrieure ou Cgale B I,40 g/L ; - soit par une glydmie 2 heures aprks charge orale en glucose (G,h) supkrieure ou Cgale & 2 g/L.
Les dosages Ctaient rkalisks sur plasma veineux par une mkthode & la glucose-oxydase. Le recours g l’HGP0 n’ktait nkcessaire que lorsque les deux premiers critkres faisaient dkfaut. L’Ctablissement du diagnostic nkcessitait dans tous les cas la confirmation par une seconde mesure concordante, rCalisCe en l’absence de situation d’agression aigug susceptible d’induire une hyperglycCmie. Ces crit&es ne sont pas rkellement remis en cause. La proposition des experts amkricains relkve pour I’essentiel d’une volontk de simplification. En effet, 1’HGPO est un test contraignant pour le patient, nkcessitant des conditions de rkalisation relativement strictes, coOteux par rapport B un simple dosage de la glyckmie et soumis B une variabilitk de rksultats nettement supkrieure B celle de la glyckmie B jeun [l]. Par ailleurs, et cela n’est pas propre B la France oti elle a fait l’objet de deux rkfkrences mCditales opposables d&s leur premikre Cdition, elle e’tait frkquemment employke B mauvais escient, alors que le diagnostic de diabkte Ctait dPja posC sur la simple glyckmie B jeun ou mCme dans le cadre de la surveillance d’un diabktique trait6 Inversement, elle Ctait peu utiliske dans la situation d’une augmentation mod&Ce de la glyce’mie B jeun ou dans l’exploration de patients g haut risque de diabkte. Enfin, son rCsultat n’Ctait qu’exceptionnellement confirm6 par une seconde kpreuve. Le seuil de 1,40 g/L avait tt6 choisi en 1979 en raison de sa spCcificitC voisine de 100 %. Sa sensibilitk Ctait en revanche faible, un quart seulement des
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dont la G,h Ctait superieure ou Cgale a 2 g/L ayant une glyceml’e a jeun excedant 1,40 g/L, d’oti la necessite d’un recours frequent a I’HGPO. La valeur de 1.40 g/L est done statistiquement superieure a celle de la glycemie a jeun d’une population definie par le critere G,h. Elle n’est par ailleurs pas reellement validee par les etudes de population analysant le risque de complications cardiovasculaires et microangiopathiques en fonction de la glycemie a jeun. Trois grandes etudes met-teessur des populations differentes ont fixe entre I,21 et I,26 g/L la valeur de la glycemie a jeun Cquivalant a la G,h de 2 g/L, a la fois en termes de prevalence du diabete et de risque de complications microangiopathiques (41. En effet, si la glycemie apparait comme une variable continue, pour laquelle il pourrait a premiere vue paraitre arbitraire de fixer des limites de normalit& il existe a l’evidence des valeurs seuils au-deli desquelles le risque de complications augmente de facon brutale 141. Entre la zone de normalite definie par une glycemie a jeun inferieure a I, 10 g/L et celle correspondant au diabete, il existe une frange de valeurs glycemiques intermediaires pour laquelle est proposee le qualificatif Nd’hyperglycemie moderee a jeun N (en anglais impcrired ,&sling gluct~sr). MalgrC certaines similitudes, l’hyperglycemie moderee a jeun n’est toutefois pas strictement superposable a l’intolerance au glucose definie par une G,h comprise entre I ,40 et 2 g/L 1.51.En dehors de la grossesse,il ne s’agit pas a proprement parler d’une entite clinique, mais plutcit d’une situation indiquant a la fois un risque d’evolution ulterieure vet-s un diabete et de morbidite cardiovasculaire. L’Ctude prospective parisienne a en effet bien montre une elevation brutale de la prevalence de I’hypertension arterielle et de l’hypertriglyceridemie B partir d’une valeur de glycemie a jeun de I ~10 g/L. Outre l’etablissement d’une meilleure concordance avec les don&es epidemiologiques, I’abaissement a I ,26 g/L de la valeur de la glycemie a jeun definissant le diabete trouve sa justification dans la proposition d’abandonner I’HGPO. Certes, le critere G,h. valid@ par de nombreux travaux epidemiologiques, reste valable pour definir le diabete et necessaire pour le diagnostic d’intolerance au glucose, mais les experts de 1’American Diabetes Association deconseillent son utilisation en routine clinique. L’OMS et I’Association de langue francaise pour l’etude du diabete et des maladies metaboliques (ALFEDIAM) adoptent sur ce point une position plus nuancee. lui gardant une place en epidemiologic ainsi que dans certaines situations oti il peut paraitre souhaitable de preciser la signification d’une d’hyperglycemie moderee a jeun : simple hyperglycemic a jeun, intolerance au glucose ou diabete debutant. S’il existe patients
en effet une equivalence du critere G,h a 2 g/L et de la glycemie a jeun a 1,26 g/L en termes de prevalence du diabete, les populations de patients reconnus par les deux criteres ne sont pas exactement identiques. Au vu des don&es europeennes 151,il semble que, statistiquement, les nouveaux criteres definissent une population plus obese et plus jeune. Cela n’a rien de surprenant car on sait qu’alors que la glycemie a jeun reste pratiquement stable au tours du vieillissement, la glycemie apres charge au glucose augmente d’environ 0,l g/L par decennie. L’HGPO surestime par consequent la prevalence du diabete dans les populations BgCeset, dans la mesure ou la prevalence estimCe par les deux criteres dans une population d’tige varie est equivalente, la glycemie a jeun represente un test plus sensiblede diagnostic chez les sujets jeunes. Bien qu’il existe statistiquement une bonne correlation entre le taux de l’hemoglobine glyquee (HbA,c) et la glycemie a jeun, deux obstacles majeurs s’opposent a l’utilisation de ce parametre comme critere principal de diagnostic des troubles de la tolerance au glucose: I’absence de standardisation de la methode de dosage et le manque de fiabilite diagnostique du parametre qui est influence par l’existence d’hemoglobinopathies et par toute situation s’accompagnant d’une reduction de la duree de vie globulaire. Par ailleurs, l’HbA,c est un examen beaucoup plus coQteux que la glycemie et nettement moins largement repandu. Ses variations sont relativement faibles pour des valeurs glycemiques a .jeun comprises entre 0.90 et 1,30 g/L, ce qui rend necessaireune technique irreprochable. Dans la mesureou la valeur de I ,26 g/L (7,0 mmol/L) correspond a la limite superieure de la zone d’equivalence de G,, de 2 g/L, l’adoption des nouveaux crit&es devrait theoriquement s’accompagner d’une discrete diminution de la prevalence du diabete. En pratique, on peut toutefois plutot s’attendre a une augmentation du nombre de cas diagnostiques du fait d’un meilleur depistage (frequence ClevCe de realisation de la glyctmie a jeun dans un bilan de routine et sous-utilisation de I’HGPO). II est vraisemblable que cette augmentation de prevalence, variable selon les populations etudiees, ne correspondra qu’a un phenomene passager,les sujets depistes par une glycemie a I ,26 g/L etant fondamentalement les mCmesque ceux qui seront detect& quelques mois ou annees plus tard avec le critere de 1,40 g/L. La frequence de I’existence de complications au moment de la decouverte du diabete, temoignant d’un retard diagnostique moyen de 5 a 7 ans, souligne l’intCr@t de tirer plus precocement la sonnette d’alarme: detection des facteurs de risque associeset mise en place de mesures hygienodietetiques des le stade d’hyperglycemie mode&e a jeun; prise en charge Cnergique de I’en-
Criteres
diagnostiques
semble des facteurs de risque et surveillance specifique du diabete pour une valeur de glycemie a jeun de I,26 g/L confirmee par une seconde mesure. La premiere &ape incontournable de cette prise en charge est d’ordre hygienodietetique. Aussi, afin d’eviter I’instauration d’un traitement medicamenteux abusif, les experts de I’ALFEDIAM [6] ont recommande d’etablir une distinction Claire entre le critbe diagnostique (la glydmie a jeun) et le critere majeur de decision therapeutique (l’Hb,Ac par HPLC). En proposant l’abandon de l’HGP0 et en fondant essentiellement le diagnostic des troubles de la tokrance au glucose sur la glycemie a jeun, les experts de I’American Diabetes Association et de I’OMS ont fait une demarche allant dans le sens de la simplicite et de l’efficacite diagnostique. Celle-ci rendait indispensable l’adoption d’une valeur seuil de glycemie a jeun en concordance avec la glycemie de 2 g/L deux heures apres charge orale en glucose et avec les don&es Cpidemiologiques concernant les complications du diabete. PlutBt que d’inciter a une prescription abusive d’agents antidiabetiques oraux, l’adoption de ces nouveaux critbes devrait conduire h une prise en charge hygienodietetique plus precoce du diabete et des fac-
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du diahtte
teurs de risque vasculaires qui lui sont associes et contribuer ainsi B ameliorer son pronostic a long terme. RtiFkRENCES The Expert Committee on the Diagnosis and Classification of Diabetes Mellitus. Report of the Expert Committee on the diagnosis and classification of diabetes mellitus. Diabetes Care 1997 ; 20 : I 183-97. Alberti KGMM, Zitnmet PJ for the WHO Consultation Group. Definition and classification of diabetes mellitus and ita complications. Part I: diagnosis and classification of diabetes mellitus. Provisional report of a WHO consultation. Diahetes Med 199X ; 1s : 5X9-53. National Diabetes Data Group. Classification and diagnosis of diabetes mcllitus and other categories of glucose intolerance. Diabetes I979 ; 28 : 1039-57. Charles MA, Simon D, Balkau B. Eschwege E. Revision des criteres diagnostiques du diabirtc : les raisons et les consequences. Diabetes Metab 1998 ; 24 : 75-9. The Decode Study Group on Behalf of the European Diabetes Epidemiology Study Group. Will new diagnostic criteria for diabetes mellitus change phenotype of patients with diabetes‘? Reanalysis of European epidemiological data. Br Med J 1998 ; 317: 371-s. Drouin P, Blickle JF, Charbonnel B. Eschwege E. Guillausseau JP, Plouin PF, et al. Diagnostic et classification du diahete sucre. Diabetes Metab 1999 ; 25 : 72-83.