Préparation cutanée avant prothèse de hanche en urgence versus prothèse de hanche programmée : analyse bactériologique comparative

Préparation cutanée avant prothèse de hanche en urgence versus prothèse de hanche programmée : analyse bactériologique comparative

Revue de chirurgie orthopédique et traumatologique (2013) 99, 550—556 Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com MÉMOIRE ORIGINAL Préparation c...

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Revue de chirurgie orthopédique et traumatologique (2013) 99, 550—556

Disponible en ligne sur

www.sciencedirect.com

MÉMOIRE ORIGINAL

Préparation cutanée avant prothèse de hanche en urgence versus prothèse de hanche programmée : analyse bactériologique comparative夽 Skin preparation before hip replacement in emergency setting versus elective scheduled arthroplasty: Bacteriological comparative analysis

N. Bonnevialle a,∗, L. Geiss a, L. Cavalié b, A. Ibnoulkhatib a, X. Verdeil c, P. Bonnevialle a a

Institut de l’appareil locomoteur, CHU de Toulouse, place Baylac, 31059 Toulouse cedex, France Inserm, UMR 1043, service de bactériologie-hygiène, CHU de Toulouse, place Baylac, 31059 Toulouse cedex, France c Service épidémiologie et hygiène hospitalière, CHU de Toulouse, place Baylac, 31059 Toulouse cedex, France b

Acceptation définitive le : 25 avril 2013

MOTS CLÉS Arthroplastie ; Hanche ; Bacteriologie ; Infection ; Fracture

Résumé Introduction. — L’arthroplastie de hanche peut être réalisée en urgence après fracture cervicale vraie alors que la préparation cutanée préopératoire du membre est rendue difficile par la douleur et peut s’avérer incomplète. À ce jour, aucune étude n’a analysé le statut bactériologique cutané du patient dans ces conditions opératoires. Hypothèse. — La flore cutanée bactérienne est quantitativement et qualitativement différente dans le contexte traumatique comparativement à une intervention programmée d’arthroplastie pour coxopathie chronique. Matériel et méthode. — Deux groupes de patients devant bénéficier d’une arthroplastie de hanche ont été prospectivement comparés : 30 patients opérés en urgence pour fracture (groupe A) et 32 patients opérés en chirurgie programmée (groupe B). Le groupe A n’avait aucune

DOI de l’article original : http://dx.doi.org/10.1016/j.otsr.2013.04.004. Ne pas utiliser, pour citation, la référence franc ¸aise de cet article, mais celle de l’article original paru dans Orthopaedics & Traumatology: Surgery & Research, en utilisant le DOI ci-dessus. ∗ Auteur correspondant. Adresses e-mail : [email protected], [email protected] (N. Bonnevialle). 夽

1877-0517/$ – see front matter © 2013 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. http://dx.doi.org/10.1016/j.rcot.2013.04.005

Analyse bactériologique cutanée

551 désinfection cutanée avant l’entrée dans le bloc opératoire alors que le groupe B suivait un protocole prédéfini. Les prélèvements cutanés étaient réalisés sur gélose à trois moments (avant puis après détersion, en fin d’intervention) et sur deux sites (inguinal et grand trochanter). L’analyse bactériologique était réalisée après 48 heures d’incubation. Résultats. — Avant détersion, le groupe A était 3,6 fois plus colonisé que le groupe B dans la région trochantérienne et 2,7 fois plus en inguinal. Après détersion, le taux de contamination en région trochantérienne était proche dans les deux groupes (groupe A : 10 %, groupe B : 12,5 %), mais différent en région inguinale (groupe A : 33 %, groupe B : 3 % ; p = 0,002). En fin d’intervention, aucune différence n’était identifiée. Le Staphylococcus coagulase negative et Bacillus cereus représentaient respectivement 44 % et 37 % des bactéries isolées. Par ailleurs, la fréquence des bactéries non saprophytes pathogènes était supérieure dans le groupe A (38 %) par rapport au groupe B (6 %). Au recul moyen de 9,7 mois (8—11), aucune infection du site opératoire n’a été identifiée. Conclusion. — La flore dermique est plus abondante et différente lors de la prise en charge en urgence. Bien qu’efficace en zone trochantérienne, la détersion cutanée au bloc opératoire est insuffisante en zone inguinale et la fréquence des bactéries pathogènes justifie une rigueur identique de préparation préopératoire dans toutes les situations. Niveau de preuve. — Niveau III, étude prospective cas témoin. © 2013 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Introduction

Matériel et méthode

L’arthroplastie de hanche totale ou partielle est une intervention fréquente en urgence après fracture cervicale vraie du sujet âgé [1]. Dans ce contexte la préparation cutanée préopératoire du membre fracturé est rendue difficile par la douleur et peut s’avérer incomplète du fait de l’immobilisation imposée. En chirurgie programmée pour coxopathie chronique, la flore cutanée est souvent incriminée dans les infections profondes des arthroplasties [2,3]. En 2004, la conférence de consensus de la Société franc ¸aise d’hygiène hospitalière sous le regard de la Haute Autorité de santé a établi des recommandations concernant la préparation cutanée du patient opéré [4,5]. Cependant dans le cas d’une prise en charge en urgence d’un patient algique, à mobilité très réduite, ces recommandations peuvent être incomplètement appliquées. Par ailleurs, le contexte traumatique justifiant la réalisation d’une arthroplastie de hanche en urgence a été identifié comme une situation exposant à un risque supérieur d’infection du site opératoire (ISO) par rapport à une intervention programmée [6,7]. Outre certains facteurs de risque préopératoires identifiés comme l’âge, le diabète, le score de l’American Society of Anesthesiologists (ASA) et l’obésité, il n’a pas été pris en compte à ce jour le statut bactériologique cutané du patient au moment de l’intervention [7—13]. Notre hypothèse était que la flore cutanée de la zone opératoire et à sa proximité immédiate, était quantitativement plus importante et qualitativement différente au moment de l’intervention chez des patients pris en charge en urgence par rapport à celle de patients en chirurgie programmée. Le but de cette étude était de comparer la flore cutanée bactérienne de patients traités en urgence (pour fracture) et en chirurgie programmée (pour coxopathie ou changement prothétique) lors de la mise en place d’une arthroplastie de hanche.

Critères d’inclusion et d’exclusion Du 1 février au 30 avril 2012, les patients bénéficiant d’une arthroplastie de hanche ont été inclus prospectivement de manière continue et non randomisée dans deux groupes :

• groupe A : intervention réalisée en urgence (moins de 12 h après admission du patient), suite à une fracture récente du col du fémur ou une fracture autour d’une prothèse ; • groupe B : intervention réalisée lors d’une chirurgie programmée pour une coxopathie chronique ou changement d’une arthroplastie après complication mécanique. Dans ce groupe, les patients étaient hospitalisés la veille de l’intervention, après un bilan préopératoire réalisé trois semaines auparavant (négativité du bilan urinaire, état buccodentaire sain, bilan inflammatoire biologique normal).

Ont été exclus tout patient intolérant à la polyvidone iodée, présentant une affection dermatologique diagnostiquée, une infection active documentée (osseuse ou extra-osseuse), une bactériurie asymptomatique ainsi que ceux sous traitement antibiotique pour une raison quelconque au moment de la prise en charge. Par ailleurs, les patients traités pour une polyarthrite rhumatoïde ou les reprises précoces d’arthroplasties de moins de six mois ont été également exclus. Les patients (ou leur tuteur) ont donné leur consentement pour la réalisation de cette étude ; le comité d’éthique n’a pas été spécifiquement consulté cette étude étant observationnelle sans changement des protocoles de soin.

552

Patients L’âge, le score de l’ASA, l’index de masse corporelle (IMC), l’existence d’un diabète, et la durée opératoire ont été retenus comme critère de comparabilité des groupes de patients. Leur suivi a été réalisé de manière prospective cliniquement avec une attention spécifique concernant la survenue d’une infection du site opératoire (ISO).

Préparation cutanée préopératoire et technique de prélèvement La préparation du patient avant l’entrée au bloc opératoire était réalisée de la fac ¸on suivante : • groupe A : aucune préparation cutanée particulière (pas de douche préopératoire) ; • groupe B : application du protocole préopératoire défini par le Comité de lutte contre les infections nosocomiales (CLIN) comprenant une douche antiseptique à la polyvidone iodée (Bétadine® scrub 4 %) corps entier la veille et le jour de l’intervention [4]. En revanche, la prise en charge au bloc opératoire était similaire dans les deux groupes, avec une antibioprophylaxie préopératoire par céphalosporine de 1re génération réalisée au moment de l’installation du patient [14]. Ce dernier sous anesthésie générale ou locorégionale était positionné en décubitus latéral et l’ensemble du membre inférieur concerné était préparé de la fac ¸on suivante : • détersion de la zone opératoire par solution de polyvidone iodée (Bétadine® scrub 4 %) ; • rinc ¸age à l’eau stérile ; • séchage avec des compresses stériles ; • application de la première couche d’une solution antiseptique dermique alcoolique de polyvidone iodée (Bétadine® alcoolique 5 %) avec un temps de contact jusqu’à ce que la peau soit sèche avant application de la seconde couche ; • application par le chirurgien habillé stérilement d’une seconde couche d’antiseptique dermique alcoolique de polyvidone iodée (Bétadine® alcoolique 5 %).

N. Bonnevialle et al. cette raison seule la région trochantérienne correspondant à la zone opératoire était accessible (T3). L’incubation des boites de gélose était réalisée pendant 48 h à 37 ◦ C avant évaluation quantitative en unité formant colonies (UFC) et qualitative des différentes souches bactériennes.

Méthodes statistiques L’analyse statistique a fait appel au logiciel Statview 5.0 (SAS Institute, Cary, North Carolina). Les tests de Chi2 et de Fischer ont été utilisés pour comparer des données catégorielles. La distribution des données quantitative a été analysée avec le test d’Agostino-Pearson. Leur analyse a fait appel au test de t de Student et le test U de Mann-Whitney. Le seuil de significativité retenu était de p < 0,05.

Résultats Population étudiée Sur la période d’inclusion, 86 patients ont été opérés pour arthroplastie prothétique de hanche : 62 patients ont été inclus dans cette étude selon les critères prédéfinis (Fig. 1). Parmi les 30 patients du groupe A, 26 (87 %) ont bénéficié de la mise en place d’une arthroplastie après fracture cervicale déplacée et quatre patients ont eu un changement prothétique pour fracture récente autour d’un implant descellé. Ont été mises en place 23 prothèses intermédiaires et sept à double mobilité. Parmi les 32 patients du groupe B, 17 patients ont bénéficié d’une arthroplastie totale pour coxopathie chronique et 15 patients (47 %) d’une reprise aseptique d’arthroplastie pour complication mécanique. Toutes les arthroplasties ont été réalisées par voie postérolatérale. Au recul minimum de 8 mois (moyenne 9,7 ± 1,06 (8 à 11 mois)), aucune ISO n’a été enregistrée dans les deux groupes lors du suivi postopératoire prospectif. Entre les deux groupes, il n’avait été mis en évidence de différence significative pour les critères sexe, score ASA, temps opératoire. En revanche les patients du groupe A étaient statistiquement plus âgés, plus fréquemment diabétique mais avec un IMC plus faible (Tableau 1).

Méthode d’évaluation Résultats quantitatifs Les prélèvements cutanés ont été réalisés par application de géloses contact TSA Contact + LTH-RT (heipha Dr Müller GmbH, Eppelheim, Allemagne) de 25 cm2 . Le contact était maintenu pendant 10 secondes sur deux zones différentes : région inguinale (I) et région trochantérienne (T). Ces prélèvements ont été réalisés à trois moments pour chaque patient : • à l’entrée dans le bloc opératoire, patient installé en décubitus latéral (T1, I1) ; • après la détersion initiale à la polyvidone iodée, avant désinfection finale et installation des champs stériles (T2, I2) ; • en fin d’intervention, une fois la fermeture cutanée assurée et avant d’avoir retiré les champs stériles (3). Pour

Les données quantitatives des deux groupes sont rapportées dans le Tableau 2. Au temps 1, avant détersion, il y avait 3,6 fois plus en moyenne d’UFC bactériennes chez les patients du groupe A que chez ceux du groupe B dans la région trochantérienne et 2,7 fois plus en région inguinale. Après détersion, il n’existait plus de différence significative entre les deux groupes. L’analyse du taux de prélèvements contaminés après la phase de détersion (temps 2 et 3) (Fig. 2), prouvait cependant que les plis inguinaux (I2) des patients du groupe A étaient plus fréquemment contaminés que ceux du groupe B (n = 9, 33 % vs n = 1, 3 % ; p = 0,002). En revanche, la différence n’était pas significative en région trochantérienne (T2) et en fin d’intervention (T3).

Analyse bactériologique cutanée

553 Arthroplasties Prothétique de Hanche N=86

Arthroplasties en urgence (<12 h) N=36

Arthroplasties programmées N=50 Exclusion Infection avérée ou antibiothérapie N=10 Bactériurie N= 4 Affection dermato. N=4 Reprise <6mois N=6

Groupe A N=30

Groupe B N=32

Douche antiseptique iodé la veille et le matin de l’intervention Entrée au bloc opératoire

Entrée au bloc opératoire Prélèvements 1 (T et I)

Préparationselonprotoc ole du CLIN [4] Prélèvements 2 (T et I)

Fin d’intervention

Prélèvement 3 (T)

Figure 1 Flowchart et méthodologie des prélèvements. T : trochanter ; I : inguinal ; CLIN : Comité de lutte contre les infections nosocomiales.

Résultats qualitatifs Les micro-organismes identifiés lors des prélèvements ont été classés en trois groupes : bactéries appartenant à la flore cutanée commensale, bactéries provenant de la flore digestive et bactéries saprophytes d’origine environnementale (Tableau 3). Dans le groupe A en zone trochantérienne et avant détersion, chacun de ces trois groupes représentaient respectivement 81,5 % (44/54), 11,1 % (6/54) et 7,4 % (4/54) des bactéries identifiées ; dans le groupe B la répartition était de 83,6 % (46/54), 3,7 % (2/54) et 12,7 % (7/54) (p < 0,05).

Avant détersion et en zone trochantérienne (T1), les staphylocoques à coagulase négative, les microcoques et les Bacillus cereus étaient les bactéries les plus fréquemment retrouvées soit respectivement 93,3 % (28/30), 43,3 % (13/30), et 13,3 % (4/30) dans le groupe A et 84,4 % (27/32), 34,4 % (11/32), et 12,5 % (4/32) dans le groupe B auquel se rajoutait 18,75 % (6/32) de prélèvements positifs à Corynebacterium acnes (p > 0,05). Après détersion en zone trochantérienne (T2), trois prélèvements du groupe A étaient positifs à B. cereus auxquels s’ajoutent trois cas staphylocoques à coagulase négative en fin d’intervention (T3). Dans le groupe B,

554

N. Bonnevialle et al.

Tableau 1

Analyse des effectifs du Groupe A (traité en urgence) et B (chirurgie programmée).

N Âge moyen (années) Sexe ratio (H/F) Score ASA moyen IMC Nombre de patients diabétiques (%) Temps opératoire moyen (minutes)

Groupe A

Groupe B

p

30 77,1 (45—94 ; ± 14,9) 0,87 (H = 14 ; F = 16) 2,3 (1—3 ; ± 0,66) 22 (18—28 ; ± 3) 8 (26,7) 78 (30—150 ; ± 35)

32 68,4 (33—90 ; ± 14,5) 0,88 (H = 15 ; F = 17) 2,1 (1—3 ; ± 0,7) 26 (17—34 ; ± 4,3) 1 (3,2) 105 (50—300 ; ± 51)

0,02* 0,56 0,08 0,0002* 0,049* 0,07

Score ASA : American Society of Anesthesiologists ; IMC : index de masse corporelle. * : différence significative.

35%

*

coli et un cas de Proteus mirabilis (bactéries d’origine digestive).

33%

30%

Discussion 25%

22%

20% GroupeA 15%

12.50% 10%

13%

GroupeB

10% 5%

3%

Figure 2 Comparaison de la fréquence des prélèvements contaminées après détersion (temps 2 et 3) dans la région inguinale (I) et trochantérienne (T). * différence significative (p < 0,05) Groupe A (traité en urgence) et B (chirurgie programmée).

après détersion de la zone trochantérienne (T2), tous les prélèvements étaient stériles sauf deux identifications de Micrococcus species et deux B. cereus. En fin d’intervention (T3), il était identifié en plus cinq cas de staphylocoque à coagulase négative. Par ailleurs outre les bactéries précédemment citées, il était retrouvé en zone inguinale après détersion dans le groupe A, deux cas de prélèvements positifs à Escherichia

Tableau 2

Il T1 I2 T2 T3

L’arthroplastie de hanche est fréquemment réalisée en urgence après fracture du fémur proximal chez des patients âgés et fragiles [1]. La préparation cutanée préopératoire du membre est souvent rendue difficile par la douleur et peut s’avérer incomplète, ce qui pourrait augmenter le risque de complication infectieuse postopératoire [7—13]. Cette étude a confirmé notre hypothèse : dans ces conditions, la flore cutanée bactérienne initiale est trois plus abondante que celle des patients ayant été préparés pour une intervention programmée selon les recommandations en vigueur [4]. Cependant, la détersion au bloc opératoire semble être suffisamment efficace pour corriger l’excédent bactérien en zone trochantérienne. La région inguinale reste quant à elle, significativement plus contaminée. Cette étude présente un certain nombre de limites. La première revient à la comparabilité des deux groupes de patients étudiés. En effet, les patients pris en charge en urgence étaient logiquement plus âgés puisque présentant une fracture cervicale fémorale. En revanche, le groupe A se caractérisait par un IMC plus faible et une prévalence du diabète plus importante que les patients opérés en chirurgie programmée. Ce biais de sélection totalement involontaire et lié au hasard de la période d’inclusion pourrait être probablement corrigé par un collectif plus important sur

Résultats quantitatifs en UFC/100 cm2 . Groupe A UFC moyen (max—min ; écart type)

Groupe B UFC moyen (max—min ; écart type)

p

900 (24—4000 ; ± 1045) 812 (32—4000 ; ± 1053) 74 (0—200 ; ± 313) 0,3 (0—4 ; ± 1) 0,8 (0—12 ; ± 2,5)

336 (4—2000 ; ± 630) 228 (2—1516 ; ± 417) 1,5 (0—44 ; ± 8) 0,5 (0—4 ; ± 1,3) 20 (0—400 ; ± 78)

0,003* 0,007* 0,1 0,4 0,09

UFC : unité formant colonie ; T : trochanter ; I : inguinal ; 1 : avant détersion ; 2 : après détersion ; 3 : fin d’intervention. * : différence significative.

Analyse bactériologique cutanée Tableau 3

555

Résultats qualitatifs exprimés en nombre de prélèvements positifs à un micro-organisme donné. Groupe A

N = 30

Groupe B

N =32

T1

I1

T2

I2

T3

T1

I1

T2

I2

T3

28 1 2 13 0 44

26 1 6 7 0 32

0 0 0 0 0 0

3 0 0 0 0 3

3 0 0 0 0 3

27 1 6 11 1 46

29 3 3 3 0 38

0 0 0 2 0 2

1 0 0 0 0 1

5 0 0 2 0 7

Micro-organismes provenant de la flore digestive Klebsiella pneumoniae Klebsiella oxytoca Escherichia coli Enterococcus faecalis Proteus mirabilis Morganella morganii levure Total

1 1 3 0 0 1 0 6

1 0 4 0 2 0 0 7

0 0 0 0 0 0 0 0

0 0 2 0 1 0 0 3

0 0 0 0 0 0 0 0

1 0 0 1 0 0 0 2

1 0 0 0 0 0 1 2

0 0 0 0 0 0 0 0

0 0 0 0 0 0 0 0

0 0 0 0 0 0 0 0

Micro-organismes environnementaux Bacillus cereus Rhodococcus Pseudomonas oryzihabitans Total

4 0 0 4

5 0 0 5

3 0 0 3

5 0 0 5

3 0 0 3

4 1 1 7

3 1 0 4

2 0 0 2

2 0 0 2

2 0 0 0

Micro-organismes provenant de la flore cutanée commensale Staphylococcus coagulase négative Staphylococcus aureus Corynebacterium acnes Micrococcus species Streptococcus viridans Total

T : trochanter ; I : inguinal ; 1 : avant détersion ; 2 : après détersion ; 3 : fin d’intervention.

une plus longue période. Si certains de ces critères sont reconnus comme facteurs de risque d’infection du site opératoire, seul le diabète pourrait avoir une influence sur la flore cutanée bactérienne du membre inférieur [7,10—13]. La seconde limite est liée au recul de ce travail, qui est insuffisant pour affirmer définitivement l’absence d’évolution septique. Cependant, l’objectif n’était pas de déterminer l’évolution des arthroplasties réalisées et ce recul est suffisant pour éliminer un accident cicatriciel. En tout état de cause, au recul maximum et avec une exhaustivité complète de révision, l’ensemble des patients des deux groupes ne présentait pas de signe d’infection. Enfin nous n’avons pas identifié les patients provenant d’une institution pour personnes âgées qu’elle soit médicalisée ou non. Cela peut induire un biais car les patients vivant en institution sont porteurs d’une quantité et qualité de bactéries différentes. Cependant notre étude se rapproche au mieux de la prise en charge de la personne âgée victime d’une fracture et nous avons pris soin d’exclure les reprises précoces de moins de six mois ces patients ayant été exposés à des bactéries hospitalières. La zone inguinale restait après détersion significativement plus contaminée que la zone trochantérienne dans cette étude. Pourraient être incriminées, soit un défaut de préparation, soit un surabondance naturelle bactérienne dans cette région [15]. Ce site inguinal est proche des abords chirurgicaux antérieurs de hanche, qui n’ont cependant pas été utilisés pour la mise en place de l’arthroplastie chez nos patients [16]. Malgré ce constat, à ce jour, aucune étude n’a démontrée que le type d’abord chirurgical pouvait influencer la survenue d’une ISO [10].

Les solutions antiseptiques cutanées disponibles pour la préparation du patient opéré sont de compositions variables et ont une efficacité donnée en pourcentage de diminution des micro-organismes. Chaque soin permet donc d’augmenter l’efficacité de l’application suivante [17]. Cependant, Ellenhorn et al. [18] n’ont pas trouvé de différence sur la survenue d’une ISO, entre une préparation de la peau au bloc opératoire par savonnage puis application polyvidone iodée par rapport à une application unique d’une solution antiseptique. Dans une méta-analyse, Webster et Osborne [19] ont identifié quant à eux sept études incluant plus de 10 000 patients comparant l’efficacité d’une préparation préopératoire avec un savon antiseptique cutané (chlorhexidine) face à l’absence de préparation ou une préparation avec un savon non antiseptique. Ces auteurs n’ont pas pu démontrer clairement la supériorité de l’utilisation de la chlorhexidine lors des douches préopératoires sur la prévention des ISO. Cependant, aucune de ces études ne concernait des patients destinés à une intervention chirurgicale d’arthroplastie de membre inférieur, où l’apparition d’une ISO peut être tardive. La tendance à une présence supérieure de bactéries cutanées d’origine digestive ou environnementale chez les patients non préparés reste préoccupante dans notre étude. Le B. cereus est le plus souvent de provenance tellurique et la polyvidone iodée comme la chlorexidine utilisées de manière courante, ne réduisent que de 1,5 logs la quantité de bactérie, ce qui est insuffisant [20,21]. En conséquence, la multiplication des applications d’antiseptique semble nécessaire pour éradiquer au mieux ce type de bactérie. Par ailleurs, la présence d’E. coli et P. mirabilis en zone

556 inguinale n’a rien de surprenant du fait de l’origine orofécale de ce type de bactérie et de la proximité du site anal et urogénital. L’antibioprophylaxie systématique et obligatoire lors de l’implantation d’une arthroplastie de hanche requiert l’administration d’une céphalosporine de 1ére génération [14]. Alors que B. cereus n’est pas sensible à cette gamme d’antibiotique, E. coli et P. mirabilis ont une prévalence de résistance de 10 à 30 %. Il existe donc un risque d’inefficacité de l’antibioprophylaxie classique en cas de contamination du site opératoire par ces micro-organismes.

Conclusion La flore cutanée est plus abondante et potentiellement plus pathogène chez les patients pris en charge en urgence sans préparation locale par douches successives d’un savon antiseptique à l’instar des patients opérés en programmé : l’hypothèse de départ est vérifiée par cette étude. Bien qu’efficace en zone trochantérienne, la détersion cutanée unique au bloc opératoire est insuffisante en zone inguinale comme l’atteste la persistance d’une flore cutanée d’origine digestive. Il semble nécessaire d’insister sur l’application des recommandations de préparation cutanée en toutes circonstances.

Déclaration d’intérêts Paul Bonnevialle ne déclare pas de conflits en relation avec cet article mais déclare être consultant pour Amplitide. Nicolas Bonnevialle, Laurent Geiss, Laurent Cavailé, Aissa Ibnoulkhatib, et Xavier Verdeil ne déclarent aucun conflit en relation directe ou sans relation directe avec cet article.

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