Urgences 1997;XV1:53-62 0 Elsevier, Paris
Science du danger
Prhsentation
de la science
du danger*
M Lesbats’, J DOSSantosl, P Perilhone*, et le groupe
des dysfonctionnements dans les systemes a’ (MADS) ’ D6partement
Hygi&e et s&wit&, ‘CEA-CENG,
universitg Bordeaux avenue des Mar7yrs,
ROsum6 - L’objectif de cet expose est de cette occasion, la problematique d’analyse objectifs qui president a la constitution de constitue la base de notre reflexion et de systemes complexes. science
I danger
/ 6vknement
I, Domaine universitaire, 33405 85X, 3804 1 Grenoble, France
Talence
cedex
;
contribuer a l’elaboration dune science du danger. Nous explicitons, a des dysfonctionnements dans les systemes. Apres une presentation des cette nouvelle science, nous exposons la problematique systemique qui notre action en matiere de regulation des dysfonctionnements dans les
/ probkmatique
I mkthodologie
- Presentation of the science of danger. The aim of this paper is to contribute to the elaboration of a science of danger. Hereby we explain the problematicsused when analysing the malfunctioningof systems. After having presented the objectives that made us create this new science, we explain the systemic approach that constitutes the basisof our reflection and action as regards the regulation of malfunctionsin complex systems.
Summary
science
/ danger
I event I problematics
/ methodology
DU GROUPE MADS...
Le contenu de cet expose est le fruit des reflexions du groupe MADS (Methodologie d’analyse des dysfonctionnements dans les systemes). Ce groupe, constitue en 1989, rassembleles experiences et les competences developpees depuis une vingtaine d’annees, separement jusqu’en 1980, puis conjointement, par des ingenieurs du CEA : JL Ermine (responsable des enseignements *Conference presentee dans le cadre du congres de la Societe francaise de medecine de catastrophe, Amiens, decembre 1996.
informatique, CEA INSTIN Saclay), P Perilhon (charge des enseignements securite, CEA INSTIN Grenoble), JM Penalva (chef du laboratoire d’informatique appliquee, CEA Marcoule), par des professeurs-chercheurs de I’universite Bordeaux I : S Charbonneau (juriste), J DOSSantos (physicochimiste), Y Dutuit (physicien), M Lesbats (biologiste). ... a L’iLABORATION D’UNE SCIENCE DU DANGER L’observation des milieux socioprofessionnels fait apparaitre une grande diversite dans les modes d’apprehension du danger selon que I’interet est centre sur I’homme, sur la population, sur la nature ou sur le patrimoine. La diversite de ces centres d’interet a entraine I’apparition d’activites et de techniques d’etudes et de preventions differentes (ergonomie, securite et hygiene industrielle, fiabilite humaine, securite des installations, sirrete de fonctionnement, genie sanitaire, krcologieappliquee, epidemiologic, toxicologic industrielle, gestion de
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M Lesbats
crise...) qui coexistent mais s’ignorent le plus souvent. La professionnalisation de ces activites a suscite la creation de diverses formations conduisant a des diplomes varies et des metiers qui demeurent tres cloisonnes. Cet &at de fait, tres dommageable notamment a notre epoque caracterisee, en patticulier, par une internationalisation accrue des regles de prevention des risques, en vue de mieux proteger les travailleurs, les populations, I’environnement et le patrimoine, nous invite a mener une reflexion, conduisant a la definition d’une problematique commune aux differents modes d’apprehension du danger susceptible de faire emerger un nouveau champ de connaissances : la science du danger. Cette reflexion
poursuit
un triple
objectif.
Objectif pkdagogique Nous cherchons a elaborer des strategies pedagogiques tenant compte des aspects transdisciplinaires de la science du danger et a concevoir un diplbme europeen delivre par unites de valeurs capitalisables dans les etats membres de I’Union europeenne. Objectif ophrationnel Nous serons conduits a proposer, developper et/au discriminer des methodes et des outils d’identification, d’evaluation des maitrises et des gestions des risques. Le groupe a initialement pris pour support une methode operationnelle d’analyses des risques technologiques (methode MOSAR) elaboree dans les an&es 70 par Perilhon. La reflexion a port6 sur I’integration de cette methode dans une approche plus g&-r&ale de la securite faisant appel a la problematique et la methodologie systemique. Objectif culture/ L’objectif de la science du danger est d’ameliorer le niveau, reel et percu, de securite de I’homme face, en particulier, au developpement de la technoscience. Or nous pensons [l] que cette <
>.Toute contribution a l’elaboration d’une science du danger doit, pour etre credible, contenir et developper une analyse critique relative aux objectifs, aux fonctionnements, aux decisions
et al
de la technoscience et democratique, la decision des experts et le choix des citoyens [2]... La science du danger doit ainsi developper une culture du risque adequate aux enjeux de notre epoque. DlkFINITIONS Nous entendons
par (s science
)a...
Nous eviterons le debat epistemologique qui consisterait a expliciter des criteres discriminants permettant d’attribuer le label qualite science a telle ou telle forme de connaissance ; nous retiendrons seulement, avec P Valery, les criteres minimaux : << science, cela veut dire : mise au net, ordre, classification pure... elle est dans I’accroissement d’organisation, de conscience et de connexions.. . La science est de chercher dans un ensemble la partie qui peut exprimer tout I’ensemble... >>. Problematique, methodologie, methode, outil, les sens que nous retenons : - problematique : ensemble des problemes que pose un domaine particulier de la connaissance, une certaine facon de poser un ou des problemes propres a une notion ou a un domaine de connaissance ; une problematique se definit par les limites de I’horizon ideologique dans lequel elle est produite ; - methodologie : reflexion qui a pour objet d’examiner la nature, la valeur et le choix des materiaux avec lesquels nous pouvons construire notre connaissance en vue de determiner a quels usages ils sont propres ou impropres ; - methode : programme reglant d’avance une suite d’operations a accomplir et signalant cettains errements a eviter, en vue d’atteindre un resultat determine ; - outil : procede technique de calcul ou d’experimentation utilise pour la mise en ceuvre des suites d’operations dune methode. . . . Et par science
du danger
La science du danger est le corps de connaissances qui a pour objet d’apprehender des evenements non souhaites. Nous appelons evenements non souhaites les phenomenes susceptibles de provoquer des effets non souhaites sur I’individu, la population, I’ecosysteme, les installations. Ils sont issus de et s’appliquent a la structure, I’activite, I’evolution des systemes naturels et artificiels. Cette definition explicite deux categories d’evenements non souhaites : ceux attribues aux systemes - sources mais aussi les effets que ces derniers provoquent sur les systemes cibles. Nous appelons installation tout etablissement humain et toute construction fixe ou mobile (etablissement industriel, etablissement urbain, etablissement agricole, moyen de transport).
Prkentation
de la science
Le verbe apprehender signifie pour nous : representer, modeliser, identifier, evaluer, maitriser, gerer (gestion tactique), manager (gestion strategique). Ceci constitue la methode g&r&ale de connaissance et d’action utilisee par la science du danger. Elle peut Qtre mise en ceuvre a priori ou a posteriori. La science du danger est constituee de connaissances appartenant a des techniques du danger variees, structurees autour de problematiques de methodes et d’outils identifies (ergonomie, securite et hygiene industrielle, fiabilite humaine, securite du travail, securite des installations, surete de fonctionnement, genie sanitaire, 6cologie appliquee, Qpidemiologie, toxicologic industrielle, gestion de crise, risque naturel...). Ces techniques du danger puisent elles-memes les connaissances qui les constituent dans un grand nombre de disciplines appliquees (physiologie du travail, ecologic, toxicologic, droit au travail, de I’environnement, ingenierie, epidemiologic, psychosociologie du travail, sociologic des organisations...). Les disciplines appliquees &ant A leur tour liees aux disciplines fondamentales (mathematiques, physique, chimie, biologie, droit, economic, ecologic, sociologic...).
Science du danger et complexit En precisant les mots-cl& de la definition, en apparence anodine, que nous avons proposee, nous pouvons cemer l’etendue de la problematique de la science du danger et degager tous les ingredients qui caracterisent la complexite (fig 1). Les disciplines classiques etudient principalement les processus repetitifs, reproductibles, controlables, permanents, reversibles, elles ont fait leurs preuves, leur efficacite est constitutive du progres qui definit notre sock% industrielle. La science du danger etudie des evenements, c’est-a-dire, en premiere analyse, I’imprevisible, le peu probable, I’accidentel, le non controlable, I’irreversible, le <... ; de nombreuses diff icultes apparaissent.. . [5]. La notion d’evenements non souhaites est une notion anthropocentrique ; le meme type d’evenements peut, selon les epoques, les milieux socioculturels, les strategies ou les roles individuels, etre non souhaite pour les uns, paraitre indifferent A d’autres et meme... souhaite par certains. Si I’on declare vouloir (bdes evenements, on pose par principe methodologique qu’ils ne sont pas le fruit du hasard. L’evenement est le produit d’associations, combinaisons, interrelations d’elements, qui ont lieu dans des echelles de temps tres varies (court terme, moyen, long termes) au tours de la renconfre ou de la perturbation d’ensembles structures. Etudier I’evenement c’est, en quelque sorte, <( resoudre le paradoxe qui consiste a demontrer comme ineluctable ce
55
du danger
mfz&iiqm v
v
Complexit
v
- Syst&me
- Systimique
de la &writ6
: la s&wit6
I
1
Fig 1. Probl6matique action...
? un Btat, une
une discipline.
I
I
Fig 2. Homme
- environnement
: processus
- systhmes.
qui en, premiere analyse, etait consider6 comme imprevisible >>. La possibilite d’apprehender les evenements est subordonnee a la pertinence du mode de representation des systemes naturels et artificiels (ecosystemes, systemes technologiques, socioeconomiques, ideologiques). Ce mode de representation implique I’identification des processus subis et/au provoques par I’homme (processus cognitifs, relationnels, naturels, artificiels) (fig 2). Compte tenu des remarques ci-dessus, on imagine sans peine que le corps basique de connaissances relatif a la science du danger est tres etendu (sciences de la matiere, de la nature, sciences humaines...), heterogene (reference a une ethique, connaissances theoriques et empiriques). L’enseignement de ce corps de connaissances necessite, au prealable, une reflexion epistemologique afin de degager un langage unitaire, des concepts transversaux.. Extreme quantite d’interactions et d’interferences entre des grands nombres d’unites... incertitude, indetermination, phenomenealeatoire... representation, modelisation... heterogeneite des connaissances, des niveaux d’organisation... tels sont les ingredients des systemes complexes (fig 3). La gestion de la complexite necessite des approches nouvelles de comprehension et d’intervention [5].
56
M Lesbats
Fig 3. Les ingrklients
de la complexit&
Fig 4. Histoire
de la syst6mique
Fig 5. Syst&me
: repksentation
De la complexitd
classique
:! la systbmique...
Les connaissances recourues par la reference a I’approche systemique constituent selon nous, la source recherchee. Outre son ambition d’ceuvrer a I’elaboration d’un langage permettant de coordonner les connaissances issues de disciplines diverses, I’approche systemique propose des principes methodologiques d’investigations des systemes naturels et artificiels dans le but d’ameliorer leur conception, leur fonctionnement, leur gestion (fig 4). Une approche est dite systemique si elle fonde sa demarche sur le concept de systeme
et al
et sur le concept associe de mod&e, construit pour apprehender un phenomene percu complexe. Le concept de systeme a toujours ete << une notion socle pour designer tout ensemble de relations entre constituants formant un tout s>. Traiter un <>en tant que systeme consiste, en premiere analyse, a poser que la connaissance de cet ensemble est subordonnee a la connaissance des parties qui constituent le tout, des interactions entre les parties, des interactions avec I’environnement, des objectifs de I’obsetvateur/acteur de I’ensemble (fig 5). En ce qui nous concerne, c’est dans I’ouvrage Thdorie du Syst&me g&n&a/ de Le Moigne [4] que nous avons decouvert la source la plus riche pour combler notre attente. Nous avons trouve dans cet ouvrage, I’aspect epistemologique necessaire pour c< penser soi-m&me dans la complexite ‘B [5] et pour developper la didactique de la science du danger. Nous avons egalement trouve <, instrument que nous considerons de premiere importance pour la pedagogie de la science du danger. Le paradigme systemique tel que le fait emerger Le Moigne, exprime les multiples articulations entre les conceptsdes (activite, structure, evolution, finalite, environnement) que I’on trouve, implicit&, dans les differentes acceptions du mot systeme. Cette construction theorique, artificielle est baptisee systeme general (figs 6 et 7). Le concept de base de la modelisation systemique n’est pas I’objet, ou la combinaison d’objets stables (structure), mais I’action que I’on representera systematiquement par la boite noire. La caracterisation de I’action passe commodement par la notion g&r&ale de processus (fig 8). Un processus peut Qtre defini comme I’ensemble ordonne des changements qui affectent la position dans le temps (T), I’espace (E), la forme (F) ou la nature (N), une famille d’objets identifies [3]. Le concept de processus evoque toujours : une dualite objets processes (qui subissent le changement)/objets processeurs (qui produisent le changement) ; une description des changements affectant les objets processes. Tout modele d’un objet dans son environnement, tout modele de son q>peut etre conceptualise par un processus. De plus, tout objet peut, a priori, etre identifie dans les processus. On le representera au sein de ces processus (qu’il y soit acteurou agi, ou les deux) parses transactions a chaque instant avec ceux-ci, par une c< boite noire >arecevant, ou prelevant d’autre objets actionnes par les processus : les intrants a I’instant f, et les emettants ou restituants apres processement, les extrants a I’instant t. La relation du systeme avec I’environnement est caracterisee par deux phenomenes : une transaction du systeme avec I’environnement,
Presentation
Fig 6. Systkrne
: le paradigme
syst~mique
(D’aprh
de la science
JL Le Moigne).
Fonctions
Environnements
Finaliti
Reprhentation d’un phbnomhe actif percu identifiable par sea projets dans un environnement actif, dans lequel il fonctiome ef se transfonne . .. Fig 7. Forme JL Le Moigne).
canonique
du systhme
g&&al
(SG)
(D’aprh
otte
noire = processeur i\
Inert+n
nz&Extranr
Environnement Mo&lisation Prccessus
systhique 0 Action 0 Processus process& + objets processeurs)
(objets
Fig 8. Modelisation
syst6mique.
sous forme de matiere, d’energie ou d’information que nous appellerons flux ; un deplacement de l’equilibre (de la stabilite) du systeme traduisant une capacite d’influence de I’environnement sur le systeme, que nous appellerons champ.
De la systkmique
au processus
de danger
Sur la base de la systemique nous avons developpe un modele de reference appele processus de danger (ou modble MADS) (fig 9). Pour etablir ce modele nous appelons flux de danger les transactions non desirees d’un sys-
57
du danger
Fig 9. Le mod&e
de reference
: le processus
de danger.
teme avec son environnement. L’origine du flux de danger est appele systeme source ; la rupture d’equilibre (de stabilite) concernant sa structure et/au son activite et/au son evolution est nommee source de danger. La pattie influee par le flux de danger est appelee systeme cible ; sa rupture d’equilibre (de stabilite) est nommee effet du danger. II est noter que cet effet du danger peut etre lui-meme source de danger, transformant ainsi un systeme cible en un systeme source, ce qui traduit le phenomene d’enchainement d’evenements non desires que nous appellerons scenario de danger. Nous appelons champ de danger I’environnement actif susceptible d’influer sur les systemes source et cible et le flux de danger. En fonction du type de question posee (identification, evaluation, maitrise, gestion, management) le champ de danger sera de nature physique, psychologique, juridique, sociopolitique... Aux systemes source et cible nous faisons correspondre des variables d’etat tandis qu’au champ nous attachons des variables d’environnement et au flux des variables de flux. Les sources de danger sont egalement caracterisees par des variables dites variables de source. La connaissance des valeurs de ces variables, numeriques ou symboliques nommees attributs, permet I’appreciation des facteurs d’evaluation du risque. Toute etude dans le domaine de la science du danger consiste tout d’abord a modeliser le processus de danger, c’est-a-dire mettre en relation un systeme source de danger avec un systeme cible du danger au moyen d’un flux de danger dans un environnement actif appele champ de danger. ) E Morin, 1991 [6].
58 Le processus en plusieurs
M Lesbats
de danger phases
se construit
Premkre phase : repr&entation g&kale des systkmes source et cible En fonction de la question posee, les connaissances techniques et/au scientifiques nous offrent des representations variees de ces systemes. Certaines disciplines proposent des connaissances structurales sur le systeme, d’autres des representations de son fonctionnement, d’autres, enfin, proposent des modeles de son evolution interne ou de son comportement en relation avec son environnement. L’objectif de cette premiere phase est de recolter des connaissances a propos des systemes source et cible du danger ainsi que sur leurs environnements actifs ou passifs respectifs. Deuxi&me phase : rep&en ta tion des processus sources de danger et des processus susceptibles de subir I’effet du danger Dans le systeme source, il faut identifier les processus sources de danger, couples objets processeurs/objets processes. Dans le systeme cible, il faut identifier aussi, les processus (couples objets processeurs/objets processes), qui sont susceptibles de subir les effets, les impacts du danger. Ges evenements non souhaites sont nommes effets de danger. Ces processus a identifier sont des processus cognitifs, des processus relationnels, des processus technologiques et biologiques. Ces processus peuvent Qtre consideres comme des processus source de danger mais aussi comme des cibles qui subissent les effets du danger. Troisi&me phase : mod&iser le processus de danger II s’agit de relier les processus sources de danger aux processus susceptibles d’etre affect& au niveau de la cible du danger (fig 9). La liaison s’opere en modelisant un flux de danger, liaison orientee sourcekible [3]. La representation orientee construite (source, flux, cible) est immergee dans un champ de danger. Ce champ de danger est tapisse de processus qui peuvent influencer I’etat de systeme source done, des processus sources du danger, du flux mais aussi du systeme cible done des processus qui s’y deroulent et qui peuvent subir I’effet du danger. II existe trois types de flux de danger : les flux de danger de matiere, d’energie et d’information. Ces flux peuvent &e processes par le champ, notion de processeurs de champ, par des processeurs de temps (flux chronique, flux limit6 dans le temps) et des processeurs d’espace (flux ponctuel, diffus). Ces flux sont processes par les systemes sources et cibles a I’aide de processeurs de source ou de
et al
cible tels que des processeurs de forme (transformation du flux) et des processeurs de nature (transmutation du flux). Le mod&e de reference propose nest pas uniquement un modele technique et topographique. II peut etre utilise pour se rep&enter le processus de danger du niveau microscopique au niveau macroscopique (niveaux d’apprehension des evenements non souhaites) et pour rep&enter une meme realite sous des aspects qui peuvent etre tres differents (processus cognitifs, relationnels, techniques et biologiques). Le choix d’un aspect peut dependre, entre autres, du type de question posee au modelisateur.
Une m6thode gtMrale de connaissance et d’action peut &re d&finie : identifier, analyser, maitriser, gkrer, manager des 6vt5nements non souhaitbs L’identification des evenements non souhaites dans le processus de danger consiste, a priori ou a posteriori, a les localiser au niveau du processus de danger c’est-a-dire : rechercher I’origine des flux de danger au niveau du systeme source (dans sa structure, son fonctionnement, son evolution ou dans I’effet que son environnement actif y produit) done au niveau des processus qui s’y deroulent (processus cognitifs, relationnels, technologiques et biologiques) ; rechercher les effets provoques par le flux de danger sur le systeme cible (c’est-a-dire les modifications de structure, de fonctionnement et d’evolution interne et provoquee par son environnement actif) done sur les processus qui s’y deroulent (processus cognitifs, relationnels, technologiques et biologiques). L’analyse des evenements non souhaites dans le processus de danger c’est, effectuer a priori ou a posteriori une analyse de risque (probabilite d’occurrence ou frequence, gravite) & I’aide d’outils identifies puises dans les diverses techniques du danger (securite, ergonomie, genie sanitaire, hygiene et Sante publique...). Les echelles d’evaluation disponibles peuvent 6tre quantitatives (cardinales), qualitatives (ordinales) ; elles visent toutes a nous renseigner sur I’occurrence d’un risque et sa gravite. Les methodes d’analyse et les outils d’evaluation des evenements non souhaites peuvent etre classes en plusieurs groupes : a priori, a posteriori, technicojuridiques, scientifiques et techniques. Nous proposons de les choisir en fonction du type de question posee au modelisateur mais aussi du temps dont il dispose pour les mettre en ceuvre. La maitrise des evenements non souhaites dans un processus de danger consiste &I agir, a priori ou a posteriori, pour diminuer la probabilite d’occurrence (ou la frequence) de l’evenement non souhaite ainsi que sa gravite. Agir sur le systeme source de danger et au
Presentation
Tableau Sys@me source
I. Le point de vue des techniques Systtime cible
Installation
Installation
Installation
Opbrateur
Op&ateur
installation
Installation
Population
Population Installation
Installation 6cosystBme
kosyst8me
Installation
Poinfs
de la science
du danger. de vues
Suret6 de fonctionnement, skuritk des biens., Ergonomie, s&wit6 du travail, conditions de travail... Fiabilite humaine, malveillance interne HygiBne et sank5 publique, hygiene et s6curit6 de I’environnement, genie sanitaire... Malveillance externe... Hygiene et skuritk de I’environnement, fkologie appliquke, genie sanitaire... Risques naturels, Etude de site, urbanisme... ____-
niveau des processus qui s’y dkroulent (sans n6gliger I’action que peut avoir le champ de danger sur leurs &ats). Ces actions de pkvention peuvent done prendre plusieurs formes : maitriser des 6v6nements initiateurs internes au systeme source, maitriser des effets nkgatifs du champ sur le systeme source et sur les processus vari& qui s’y dkoulent, maitriser le flux de danger apt& son apparition dans le systbme source, action sur I’intetface sortie du systkme source... Agir au niveau du flux de danger et avant son effet sur le systkme cible ou sur le systeme cible lui meme afin de diminuer la gravitd des effets sur les processus qui s’y dkoulent (sans n6gliger I’action que peut avoir le champ de danger en vue d’accentuer les effets du flux sur les processus du syst&me cible). Ces actions de protection de la cible etlou d’intervention visent en g&$ral8 minimiser la gravit6 de I’effet du danger. Maitriser les 6vknements non souhaitk consiste done g mettre en place des processus de rkgulation technologiques, relationnels, cognitifs, biologiques qui se dkoulent au niveau des systbmes sources et cibles du danger. Ces regulations constituent de vkitables barribres visant a maitriser le processus de danger. G&er, manager des &&ements non souhaitrks dans le processus de danger consiste & r6fl&hir, a priori et a posteriori, sur les actions g mettre en place en vue d’augmenter & son niveau (local, g&&al) I’efficacite de I’identification, de I’analyse et de la maitrise des processus de danger. Les tkhes de gestion et de management du processus de danger sont des tkhes d’organisation et de pilotage. Nous pouvons determiner au moins trois categories d’acteurs de gestion et de management du processus de danger : les gestionnaires du systkme source de danger, les gestionnaires du systkme cible du danger, les gestionnaires du champ de danger.
du danger
59
De nombreux niveaux d’organisation et de pilotage de la prkvention, de la protection et de I’intervention peuvent &re identifk. Ils s’khelonnent de la gestion locale au management gk-w!+ral du processus de danger. La prksence d’acteurs multiples intervenant dans la gestion (A chaque niveau d’organisation ou de pilotage) entraine de multiples conflits entre des acteurs de mQme niveau ou des acteurs agissant & des niveaux diffbrents dans les sock%% democratiques oti le droit constitue le principal support de gestion de ces conflits. II determine le minimum social, objectif de la gestion et du management du processus de danger. La science de decision constitue I’outil systkmique de gestion du processus de danger.
Le mod&e t( processus de danger )Best un modble de classification des techniques du danger : la notion de G point de vue N Quatre types de systkmes peuvent Btre consid&&, tour & tour, comme source de danger ou cible du danger : I’individu (I’opkateur par exemple), la population, I’kosyst&me, I’installation. Le tableau I classe les techniques du danger les plus utiliskes et fait emerger la notion de point de vue. Le point de vue est dkfini par le type de systeme cible que I’on cherche & prot6ger des effets d’un systbme source. II peut arriver qu’une mQme technique de danger figure dans les listes de disciplines ayant des points de vue diffkrents. C’est le cas par exemple d’une technique cherchant & proteger deux systemes cibles B partir de la maitrise des &&ements non souhaitks issus d’un mQme systeme source (ex : hygiene et skcurit6 de I’environnement, genie sanitaire).
Le processus de danger modi3le fedbrateur des connaissances et des pratiques d’action des techniques du danger Afin de tester la pertinence du mod&e <‘ processus de danger a>en matikre de coordination des idles dans le domaine des techniques du danger, nous pn5sentons sommairement pour, I’ergonomie, la srkurit6 du travail, I’rkologie appliqube, I’hygi&ne et la sant6 publiques et I’hygi&ne et la skurit6 de I’environnement, une definition et les objectifs de chacune d’entre elles ainsi que les 6vknements non souhait6s qu’elles cherchent & prkvenir, la problkmatique qui les anime, quelques methodes mises en ceuvre, quelques mots-cl&. Les informations, prksent6es ci-dessous sous forme de tableaux, permettent de les diffkrencier en utilisant notre modble de kfkence. Deux exemples de disciplines ayant le mQme point de vue : I’ergonomie et la skuritk du travail. Prenons le couple orient4 : syst&me source
60
M Lesbats
et al
I II
Analyser le travail humain pour l’adaptex B lbomme, amkliorer ses conditions de travail et la qualid des prod&s
Definition et objectifs
Mauvalses coudltlons de travail, asueinte. fatigue, da opkateurs.
accidents
dus I la fatigue,
Accidentetloumaladiesdues&I’acWit&pmfesiomdle Cent&e sur I’activiti de I’opkrateur et sur les o&-technique
I
M&odes
et konomique, II
MBthode ergonomique (de l’analyse de la demande au diagnostic) . ..
non normativ
Origine des outils
I
Psychologie, physiologie, ing&i&ie, Sociologic des organisations
-II
Fig 10. Ergonomie.
nti sur I’istaUation,technico-juridique.et - approche haditionnelle ; obligation de moym
-
- approchesystimique; obligation de r&wltat -
1
M&odes
III
I I
I
11 ‘AOSAR ~‘t..rlr de s&xritC LIluuz ...
LI
Origine des outils Droit, notme, kgles de l’axt, ing&rie. mathkmatiques, et informatique, . . .
Installation, risque, danger, rt?glementation
Fig 11. S&uritB
du travail.
(I’installation)/syst&me cible (I’op&ateur). Nous dkfinissons deux techniques du danger : I’ergonomie et la skuritk du travail. Ces disciplines cherchent A proteger I’opbrateur des effets provoq&s par des installations, elles ont le m&me point
Fig 12. Le processus
de danger
: installation
- opbrateur.
de vue. Ces deux disciplines posskdent kanmoins des problk+matiques,mkthodes et outils de connaissance et d’action autonomes. Comment les differencier en utilisant le modele de processus de danger ? Les figures 10 et 11 pnkentent ces deux disciplines. Schbmatiquement et & la suite d’une comparaison des Mments ci-dessus, nous pouvons d& duire que ces deux disciplines n’apprehendent pas la situation pr&entbe ci-dessus de la m&me man&e : les problkmatiques, m&hodes et outils sont differents. Nous pouvons ksumer la diffkrence fondamentale qui les &pare de la faGon suivante : la skcurite du travail est une technique du danger qui identifie, analyse, maitrise, g&-e et manage des &&ements non souhait& plut6t issus de I’installation. Ces &&ements sont susceptibles de provoquer des effets sur les opkateurs : la connaissance et I’action de cette technique est centrke sur le systbme source et le flux de danger sortant (mauvaises conditions de travail) (fig 12). L’ergonomie est une technique du danger qui identifie, analyse, maitrise, g&e et manage des Bknements non souhait&, issus de I’effet sur la cible (I’activitCt de I’opkateur), susceptibles d’Qtre provoquks par des flux de danger entrant (mauvaises conditions de travail) : la connaissance et I’action de cette technique est centrke sur le flux entrant et sur le systeme cible (fig 12). Nous pouvons constater que I’analyse des conditions de travail (analyse des flux) est un corps de connaissances et d’action mis en ceuvre, A la fois par I’ergonomie et la skuritk du travail (conditions sonores,thermiques, d’klairage, aspects toxicologiques...). Ces connaissances sont utilisbes differemment dans la pratique par les deux types de techniques du danger. Dans notre mod&e, le flux determine les connaissances communes aux deux types de disciplines. Trois exemples de disciplines dkfinissant deux points de vue diffkrents : l’kologie appliquee, I’hygikne et la Sante publiques, I’hygi&ne et la skuritk de I’environnement.
Presentation
de la science
61
du danger
I
II
I
DCtinition et objectifs
Protiger I’environnement des Ctablissementshumains
II
I I
I II
Pollution, nuisance, impact sur I’&osystkme, incidents, accidents, catastrophes kcologiques
ENS
Origine
des outils
Origine des outils
Risque, danger, pollution, dkchet, tpuration,
I II I II I II Mats cl~s
Pollution, impact : stabiliti, r6gulation de 1’CcosysPme
Fig 13. kcologie
Bordeaux
Fig 15. Hygiene
I - IKJT A
et skcuritb
MADS
CBA - Ih’STN
de I’environnement.
appliqke.
Ddfinition et objectifs
Protiger les conditions de vie et la sand & la population
I,
I
Universit6
I
Pollutions,nuisances jmpact sur les populations humaines, incident,accident, catastrophe impliquant les populations
ENS
Anthropo - centrique, technico-jtidique, normative approche technique et mklico-sociale Mkthodes
II
Origine des outils Fig 16. Le processus
III Etude d’impact sur les populations EpidCmiologie . ..
1 Universib?
Bordcaun
Fig 14. Hygiene
I - IUT A
Microbiologic, physico-chimie, toxicologic, math&natiques/statistiques, gf?nie sanitaire, . . .
MADS
CEA - INSTN
1
et santb publiques.
Prenons les deux couples orient& suivants : systkme source (I’installation)/syst&me cible (I’&osyst&me) ; systeme source (I’installation)/ syst&me cible (la population). Ils dkfinissent deux points de vue differents : le
de danger
: installation
- BcosystBme.
premier couple, ccprotkger I’Bcosystkme ‘> ; le second (( protkger la population s’. Les trois disciplines principales que I’on peut rapprocher de ces points de vue sont : I’kologie appliqube, I’hygikne et la sank5 publiques et I’hygi&ne et la &curit~ de I’environnement. Les figures 13, 14 et 15 prksentent ces disciplines. L’hygkne et la skuritf2 de I’environnement ont pour objectif de protbger les deux types de cibles (I’environnement de I’installation comme syst&me source) la population et l%cosyst&me. Ses connaissances et ses moyens d’actions sont centrks sur I’identification, I’analyse, la maitrise, la gestion et le management &knements non souhaitks issus de I’installation polluante alors que I’hygi&ne et la Sante publiques et l’kologie appliquc$emettent en ceuvre des actions plutbt centrf2essur I’identification, I’analyse, la maitrise, la gestion et le management
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Fig 17. Le processus
M Lesbats
de danger
: installation
- population
des effets (impacts) sur les cibles respectives qu’elles cherchent a proteger (figs 16 et 17). Le genie sanitaire propose I’ensemble des moyens de regulation du flux de danger (ex : pollutions) : c’est un corpus de connaissances communes aux trois techniques suscitees. Un raisonnement analogue peut etre mene a propos de tous les points de vue des techniques du danger explicitees dans le tableau I. CONCLUSION Presentee comme nous venons de le faire, la science du danger, dont I’objet de connaissance et d’action est I’evenement non souhaite, est
et al
constituee et s’alimente de connaissances provenant des multiples techniques du danger. Chaque technique possede sa problematique, ses methodes et outils autonomes puises dans de nombreuses disciplines fondamentales. La science du danger est une science de la coordination, de la federation des idles concernant la connaissance et les pratiques d’action de ces nombreuses disciplines. La methodologie d’analyse des dysfonctionnements dans les systemes (MADS) que nous proposons ainsi que le modele de reference (le processus de danger) sont des outils generaux de reflexion a propos de cette coordination des idles. Nous pensons qu’ils peuvent Qtre aussi utilises comme des concepts de connaissance et d’action des phenomenes issus et s’appliquant aux systemes complexes. RiFfkRENCES 1 Charbonneau S. La gestion de /‘impossible. Paris : Economica, 1992 2 Duclos D. Lapeuretb savoir. Paris : La Decouverte, 1989 3 Le Gallou F, Bouchon-Meunier B. Sysfemioue - thdorie el applications, GESTA. Paris : Lavoisier, 1992 4 Le Moigne JL. La thkorie du systkme g&&al: thborie de la modelisation. Paris : PUF, 1984 5 Morin E. La m6fhode. tome 1. Paris : Seuil, 1970 6 Morin E. La m&hode, tome 4. Paris : Seuil, 1991 7 Morin E. Science avec Conscience. Paris : Fayard, 1982 8 Morin E. introduction B /a pens&e complexe. Paris : Expansion Scientifique Francatse, 1990